Caius Julius Caesar ou Jules CÉSAR est un général, homme d'Etat et écrivain romain. Son destin exceptionnel marque le monde romain et l'historie universelle : ambitieux et brillant, il s'appuya sur le courant réformateur démagogue pour son ascension politique ; stratège et tacticien habile, il repousse les frontières romaines jusqu'au Rhin et à l'Océan Atlantique en conquérant la Gaule, puis utilise ses légions pour s'emparer du pouvoir. Il se fait nommer dictateur à vie et est assassiné peu après par une conspiration de sénateurs. Il est diviniser et son fils adoptif, Octave, vainqueur de Marc-Aurèle, achève la réforme de la République Romaine qui laisse la place au Principat et à l'Empire.
Une carrière de consul et de stratège militaire et politique de premier plan
Jules César est considéré comme le plus illustre des généraux et hommes d'Etat romains. Issu d'une famille patricienne, il servit en Asie avant de rentrer à Rome après la mort de Sylla (-78) - qui l'avait obligé à fuir - dans le but de faire une carrière politique. En route pour Rhodes, où il comptait suivre des cours de rhétorique, il fut capturé par des pirates (ce qui n'était pas très original à l'époque...). Il réussit à lever lui-même le prix de sa rançon, puis il se constitua une petite flotte avec laquelle il capture ses ravisseurs avant de les faire crucifier (châtiment très répandu alliant l'exercice de la peine capitale à l'encontre du condamné et du terrorisme en direction de ses "collègues"...). Il travailla ensuite, avec Pompée, à défaire la constitution de Sylla et commença son ascension politique : prêteur en -62, propreté d'Espagne en -61, il forma le triumvirat avec Pompée et Crassus, et devant consul en -59. Il se fit attribuer le proconsulat de la Gaule cisalpine (plaine du Pô) et de la Narbonnaise. Sa campagne en Gaule cisalpine lui permit de se constituer une base militaire.
Afin de renforcer son pouvoir politique, César était désireux de briller sur le champ de bataille. Il décida d'entreprendre la conquête de la Gaule (en fait des Gaules), menacée par les Germains (et pas seulement par eux). César entrait véritablement dans la carrière militaire, à près de 44 ans.
La Gaule se divisait en trois provinces, la Gaule belgique au nord, la Gaule celtique au centre et l'Aquitaine, en plus de la Gaule cisalpine et de la Narbonnaise qui étaient déjà sous contrôle romain. Les Héveltes (établis en Suisse occidentale), poussés par les Germains vers l'Ouest, menaçaient le territoire (situé entre la Loire et la Saône) occupé par les Éduens qui réclamèrent le secours de Rome, avec laquelle ils étaient alliés. Profitant de l'occasion, César investit la Gaule, obligea les Héveltes à regagner leur pays et écrasa le Germain (Suève) Arriviste qu'il repoussa de l'autre côté du Rhin (-58).
César installa alors ses troupes en Gaule, mais il dut faire face à une coalition belge. A partir de sa base de Vensontio (Besançon), il remonta vers la Belgique (dont la frontière sud se situait au nord de Paris) où il allait livrer un rude combat. Surpris par les ,reviens au bord de la Sambre, il redressa la situation après avoir payé de sa personne (-57). La coalition belge était dissoute. Alors que Publius Crassus, un lieutenant de César, soumettait l'Aquitaine, les Romains affrontèrent un nouvel adversaire, les Vénètes (région de Vannes), dont la puissante flotte fut détruite lors d'une bataille navale (-56). cette victoire permet à César d'envisager la conquête de la Bretagne (Angleterre) dont l'accès maritime était désormais libre.
Après sa campagne du Rhin, où il étouffa une nouvelle menace des Germains, et ses deux expéditions en Bretagne (-55 à -54), César doit affronter une nouvelle fois les Gaulois. Ayant anéanti non sans mal, une armée belge dirigée par le chef des Éburons, Ambiorix, il trouva une nouvel obstacle sur son chemin, en la personne de Vercingétorix, chef de la tribu des Arvernes, placé à la tête d'une coalition gauloise.
Vercingétorix opta pour une tactique de harcèlement tout en cherchant à nouer de nouvelles alliances avec les tribus gauloises, stratégie destinée à épuiser son adversaire physiquement tout en l'isolant politiquement et militairement. Alors que Vercingétorix parvenait à créer des foyers d'insurrection de part et d'autre de la Gaule, les deux hommes se retrouvèrent face à face à Avaricum (Bourges) qu'assiégeaient les Romains. Malgré l'échec cuisant subi par les Gaulois, Vercingétorix parvint à échapper à l'emprise de son adversaire et poussa ses troupes vers le sud, chez lui, en plein territoire arverne. César le poursuivit, mais le siège de Gergovie (au sud de Clermont Ferrand), où s'était réfugié Vercingétorix, se solda par un échec pour les Romains lorsque l'attaque surprise sur la forteresse gauloise échoua, obligeant César à se retirer (printemps -52).
Quelques semaines plus tard, lors du siège d'Alésia (Alise-Sainte-Reine), le général romain eut plus de succès. l'armée gauloise avait tenté de surprendre son adversaire après la retraite de Gergovie, mais la charge de sa cavalerie avait échoué et Vercingétorix se retrouvait à nouveau assiégé. César avait décidé d'affamer l'armée gauloise et les populations civiles réfugiées dans la place forte. Au départ, Vercingétorix pratique la tactique d'harcèlement contre l'assiégeant, depuis la forteresse, avec notamment les assauts de sa cavalerie. Mais ne pouvant empêcher l'ennemi d'effectuer l'encerclement complet de la place, il fit appel à des renforts extérieurs pour le délivrer de l'étau romain. C'est alors qu'il commit ce qui sera son erreur la plus grave, décidant d'envoyer tous ses cavaliers chercher de l'aide extérieure, et affaiblissant ainsi considérablement sa propre position. Lorsque les renforts, venus en grand nombre de toute la Gaule (environ 250 000 fantassins et 8 000 cavaliers), arrivèrent, les assiégés étaient à court de vivres alors que les Romains, eux-mêmes désormais assiégés, aussi commençaient aussi à épuiser leurs provisions. En nette infériorité numérique (de l'ordre de un à six) (mais ce fut presque toujours le cas durant la campagne des Gaules...), les Romains repoussaient héroïquement trois attaques des Gaulois et finissaient par l'emporter. Vercingétorix rendit les armes. La Gaule était (pratiquement, car de nombreuses révoltes eurent lieu encore ensuite) soumise. César pouvait retourner à Rome en héros.
Les campagnes de César en Gaule et ses expéditions en Grande-Bretagne, lui donnèrent l'occasion - qu'il recherchait âprement - de se forger une réputation militaire et de conquérir un pouvoir politique qui lui permettaient de rivaliser avec Pompée, son principal adversaire après la mort de Crassus et la dissolution du triumvirat (-53). César déclencha la guerre civile au cours de l'hiver (-50/-49), après avoir franchi le Rubicon (Alea jacta es, Le sort en est jeté!), et repoussa les troupes de Pompée hors d'Italie avant de les écraser en Espagne. Les combats se poursuivirent sur le théâtre oriental, la bataille décisive ayant lieu à Pharsale, en Thessalie (août -48), et la victoire revenant à l'armée de César face à des troupes deux fois plus nombreuses. César poursuivit Pompée jusqu'en Egypte avant que celui-ci ne soit assassiné par les hommes du roi Ptolémée, qui fut chassé par César et détrôné au profit de Cléopâtre. La célèbre phrase (mais beaucoup de ses phrases furent célébrées à Rome...) de César, Veni vidi, vinci (je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu) a été prononcée à propos de la campagne qu'il mena en Anatolie à son retour d'Egypte, face au roi Pharnace Ier qu'il vainquit à Zana (-47). A peine rentré à Rome, où il se fit conférer la dictature, il dut s'embarquer pour l'Afrique (Tunisie) où ses opposants s'étaient ralliés. A nouveau vainqueur (-46), il mena ensuite une dernière campagne militaire en Espagne qui se termina par son succès à Munda (-45), avant de revenir à Rome pour poursuivre les réformes qu'il avait entreprises. Il fut assassiné l'années suivante, alors qu'il se préparait à partir en guerre contre les Parthes, qui avaient humilié Crassus quelques années auparavant.
César était avant tout un stratège politique, et ses campagnes militaires durent surtout un moyen pour lui de s'approprier le pouvoir suprême. Contrairement aux autres grands capitaines de l'Histoire, il entama sa carrière militaire relativement tard et il ne dut qu'à lui-même d'apprendre les fondements de l'art de la guerre. César savait très exploiter l'instrument militaire en vue des objectifs politiques qu'ils s'étaient fixés, et en ce sens, il possédait l'intelligence de la stratégie à son niveau le plus élevé. Mais il était aussi un remarquable tacticien qui savait se montrer audacieux et tenace. Il était passé maître dans la tactique des sièges lors de ses campagnes en Gaule et savait exploiter l'effet de surprise, comme il le démontra face à Pompée. la rapidité avec laquelle il déplaçait ses troupes surprit un grand nombre de ses adversaires. Il savait bien redresser une situation défavorable et il fut presque toujours vainqueur, n'ayant guère subi que deux échecs importants, à Gergovie et à Dyrrachium. Jules César était sans conteste le plus grand général de son époque et un incomparable meneur d'hommes.
Toutefois, s'il passa maître dans la conduite de la guerre, César ne fut pas un grand organisateur militaire et moins encore un novateur. S'il exploita au mieux les qualités de ses troupes de légionnaires, il ne sut jamais distinguer les limites que lui imposaient un système reposant presque exclusivement sur le choc de l'infanterie lourde. Il ne changea pas l'organisation des armées romaines et ne tira pas les leçons de la défaite de Crassus face aux troupes de cavaliers-archers parties. face à la cavalerie humide qu'il affronta en Afrique, il avait effectivement modifié son organisation tactique, mais de façon très limitée (il avait créé des corps d'infanterie légère). (BLIN et CHALIAND)
A ce portrait manque toutefois le talent de propagandiste et la fabuleuse fortune qui lui permit de financer des troupes dont le recrutement ne reposait plus sur la conscription. Il sut utiliser ses rapports au Sénat pour magnifier ses hauts faits d'armes sans cacher ses difficultés et relater sa propre expérience de la guerre dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules et La guerre civile. A un tel point qu'aujourd'hui encore, ce sont les presque seules sources (heureusement l'archéologie permet de corriger beaucoup de choses) historiques sur cette période de l'Histoire. La romanisation a effacé les traces qui pouvaient exister au niveau littéraire et nous ne connaissons même pas un seul avis non romain sur cette histoire de conquête de la Gaule. Quant à la fabuleuse fortune, elle provient de ses fonds personnels familiaux et d'une grande habileté des équipes d'armée chargées de la répartition des butins, notamment dans les régions les plus riches sans doute du continent européen de cette époque, tant sur le plan agricole (mais l'Egypte est encore le grenier du monde connu, bien avant les désertifications) que sur le plan minier (notamment parce que les autres sources de métaux sont encore inaccessibles aux Romains). On oublie souvent ce dernier aspect, on ne retrouve nulle part dans l'Histoire, une telle appropriation de richesses, avant, et cela va faire dresser la tête de certains, l'occupation allemande de la France durant la Seconde Guerre Mondiale...
Le fondateur d'une nouvelle Rome.
Il y a bien un avant César et un après César dans l'Histoire de Rome. Il se situe entre la République et l'Empire, entre une Rome exclusivement méditerranéenne et une Rome européenne, qui élargit ses frontières et se trouve au contact direct, politiquement notamment, avec des peuples, notamment les Germains, qui avec elle vont faire l'histoire de l'Europe d'après l'Antiquité, et enfin entre un univers social dominé par les conflits entre plébéiens et patriciens, à l'issue souvent incertaine, à un autre univers social, alimenté par d'immenses richesses jamais prises auparavant, où domine la figure d'une classe impériale s'appuyant, contre les rivaux patriciens, notamment au Sénat, sur les leaders de la Phèbe, pourtant écarté de la réalité du pouvoir politique.
Sa campagne politique abouti à un césarisme, nom de sa méthode pour accéder au pouvoir et le garder. Tant et si bien popularisé que son nom César deviendra attribut impérial et que ce césarisme est repris à leur compte sciemment par de nombreuses figures politiques au long des siècles par la suite, et par contre-coup est devenu une stigmatisation d'une forme personnelle de pouvoir.
Trop occupé par la politique de l'immédiat, CÉSAR n'a pas le temps d'organiser de façon systématique ses pouvoirs, d'autant que jusqu'à la fin subsiste, dans les camps adverses, une "légitimité" qui conteste la sienne. Cependant, malgré le rythme harcelant des campagnes militaires, il déploie, dès janvier 49, une activité politique, législative et administrative prodigieuse, quoique souvent improvisée, et il songe sûrement à établir son pouvoir quasi absolu sur des bases nouvelles et à accomplir des réformes politiques et sociales fondamentales. Lorsqu'il passe le Rubicon, en janvier 49, César n'est plus que grand pontife ; son proconsulat a expiré et son pouvoir sur ses armées n'est qu'un pouvoir de fait. Il profite de ses pouvoirs religieux pour invalider les élections, y compris celles de son successeur, et retrouve ainsi son proconsulat. Mais pour parer à l'absence de la plupart des sénateurs et des magistrats, aux dérobades de ceux qui restent, il se contente d'utiliser sans ménagement ses droits de vainqueur et prend des mesures de circonstance. Ce n'est que pendant la première campagne d'Espagne qu'une loi lui confère une dictature extraordinaire semblable à celle de Sylla ; il l'utilise pour régler des problèmes économiques et administratifs, pour distribuer à ses partisans les provinces qu'il tient, mais la dépose à la fin de 49, pour se faire élire régulièrement conseil pour 48 - années où il ne met pas les pieds à Rome, le gouvernement en Italie étant assuré par son collègue P. Servilius Isauricus. Après Pharsale, sur proposition de son collègue, il est nommé dictateur une seconde fois, pour un an. En 46, c'est comme consul qu'il combat en Afrique et célèbre ses triomphes (ce qui veut dire festivités plus ou moins "énormes" pour la population...) ; il est encore consul en 45, sans collègue, jusqu'en octobre. Mais entre-temps, sans doute en avril 46, il est nommé dictateur pour la troisième fois, pour dix ans, avec renouvellement chaque année. Il renouvelle en effet cette dictature en avril 45, jusqu'en janvier 44, où il est nommé dictateur à vie.
Sans doute la puissance de CÉSAR, pendant toutes ces années, est le plus souvent une puissance de fait, et il ne s'encombre guère de légalisme. Pourtant il prend soin de se faire octroyer, outre la dictature et le consulat, d'autres pouvoirs ou d'autres titres. Ainsi apparait nettement une marche vers le pouvoir monarchique (aspect qui éclate et déplait beaucoup lors de ses liaisons avec CLÉOPÂTRE), qui devait peut-être, selon des partisans sans doute, aboutir en mars 44 à la restauration de la royauté. Quels que soient les pouvoirs qu'ils disposaient, CÉSAR a en tout cas réalisé, de 46 à 44 surtout, une mainmise totale sur le Sénat, les assemblées populaires, les magistratures. De 47 à 44, entre ses campagnes, il entreprend une série de réformes profondes, en partie inspirée par le "programme" que lui trace alors SALLUSTRE dès 49, et portant sur la composition du Sénat, très élargi, ouvert à des Italiens non romains et même à des Gaulois, portant sur les tribunaux, sur la liste des citoyens (réduction du nombre des bénéficiaires de l'annone), sur la vie économique de l'Italie (mesures en faveur des travailleurs agricoles libres, réduction du nombre des esclaves, lois somptuaires, établissement de colonies). Sont mises en route également des mesures concernant les gouvernements des provinces, sur l'accroissement, au moins provisoire, du nombre des questeurs et des prêteurs, l'apparition des consulats suffects. Sans oublier sur le plan économique, des mesures nettes concernant la dette. Il est évident que jusqu'à sa mort en 44, CÉSAR apparait comme le vainqueur d'une guerre civile et que chacun aspire à l'établissement d'une nouvelle constitution (CICÉRON...). Par-dessus les textes, CÉSAR gouverne grâce à son armée, à sa popularité parmi la plèbe urbaine, à ses clientèles dans la bourgeoisie italienne, grâce à un état-major officieux de partisans souvent remarquables, grâce au ralliement aussi, sincère ou non, de beaucoup d'adversaires, que permet sa fameuse "clémence". Tous ces traits, ce mélange d'absolutisme et de démagogie, caractérisent ce qu'on appelle le césarisme. Sa mort ne fait que retarder l'établissement d'une monarchie qui ne dit pas son nom; monarchie essentiellement militaire, mais qui est encore loin de pouvoir étre héréditaire. (Claude NICOLET)
Jules CÉSAR, La guerre civile, Paris, traduction de P. FABRE, 1936, réimprimée régulièrement, notamment en 1959 ; La guerre des Gaules, Paris, traduction de L.A. CONSTANT, 2 volumes, Les Belles Lettres, 1926, réimprimé régulièrement également, notamment en 1984. Les deux livres sont également disponible librement sur Internet (sur Wikisource par exemple), mais sans l'appareil critique nécessaire pour leur évaluation. Ce ne sont pas les seuls écrits de Jules CÉSAR. Parmi ceux qui nous sont restés on peut citer : Sur la guerre d'Alexandrie, Sur la guerre d'Afrique, Sur la guerre d'hispanic, ainsi que des morceaux (parfois brefs) de plusieurs ouvrages politiques qui s'inscrivent dans l'activité polémique romaine. La propagande de l'Empire a réalisé un trou parmi ses oeuvres et c'est sans doute à cause d'elle qu'on en trouve seulement des traces. Même les Commentaires sur la guerre des Gaules et les Commentaires sur la Guerre Civile demeurent sans doute incomplets, même si ce que nous en avons est déjà bien conséquents.
John Frederik Charles FULLER, Julius Caesar : Man, Soldier, Tyrant, New Gersey, 1965. Yvan Le Boec, César, chef de guerre, 2015. PLUTARQUE, Vies parallèles, Paris, 1950. SUÉTONE, Vie des douze Césars, Paris, 1961.
Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016. Claude NICOLET, Jules César, dans Encyclopedia Universalis, 2014.