Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 janvier 2022 5 14 /01 /janvier /2022 08:17

    D'abord expression issue du combat politique, pays réel et pays officiel, elle gagnerait à faire l'objet d'études de philosophie politique et de sociologie.

 

Expression française fétiche de droite et d'extrême droite...

     Expression fétiche d'une droite nationaliste française, elle est devenue un cliché paresseux et peu approfondis,même par ceux qui veulent l'utiliser dans un combat politique. Les expressions n'appartiennent pas à ceux qui les forgent, mais - et nous combattons cet état de fait - et singulièrement la notion de "pays réel". Le terme apparait au XIXe siècle sous la plume de ceux qui dénoncent le suffrage censitaire, puis revient sous celle d'Antoine BLANC DE SAINT-BONNET, un théoricien contre-révolutionnaire (Légitimité, 1873) au moment de l'ultime tentative de restauration de la monarchie : "Ne l'oublions pas, écrit-il, ce que l'on nomme ici (en régime parlementaire) une représentation de la France n'est qu'une représentation de tous les ambitieux de France. Le pays réel disparaît."

Elle connait la célébrité seulement plus tard sous la plume de Charles MAURRAS, théoricien du "nationalisme intégral" devenu une inspiration du régime de Vichy après la "divine surprise" que constitua la débâcle de juin 1940.

Dans son Enquête sur la monarchie (1900) MAURRAS écrit : "Le pays officiel, qui s'identifie au gouvernement parce qu'il en retire l'aliment de sa vie, ce petit pays constitutionnel commence néanmoins à voir et à entendre l'émotion qio gagne le pays vrai qui travaille et qui ne politique pas (...) Nous venons d'assister à des élections dite "républicaines" qui n'ont été que des coalitions d'intérêts organisées par de petits fonctionnaire inquiets. (...) Ce sont (...) 20 000 à 30 000 (citoyens) qui, aux jours d'élection, à la faveur d'occasions fortuites, font embrigader tout le reste. Par rapport à ce clan actif et politiquant, tout le reste des quarante millions d'habitants du pays est passif et politique, naît, vit, meurt, comme s'il était le sujet de ce souverain épars en 20 000 ou 30 000 membres". Sous sa plume, ce "pays légal qui s'identifie au gouvernement" est occupé par "quatre États confédérés" : "juifs, protestants, maçons, métèques". Trois décennies plus tard, l'expression Pays réel allait donner son titre au journal du mouvement rexiste de Léon DEGRELLE; principale figure du fascisme et de la collaboration en Belgique.

Comme l'expliquait en 2013 l'historien Olivier DARD, spécialiste de l'oeuvre de MAURRAS, "une rhétorique typiquement maurrassienne, comme l'opposition entre le "pays légal" et le "pays réel", est aujourd'hui reprise par des acteurs ou des commentateurs politiques qui n'en connaissent manifestement pas l'origine". C'est tout-à-fait vrai, et nous sommes concernés au titre du précédent article écrit l'année dernière (n'est-ce pas Mordicus?). Pour autant, ceux qui sont à l'origine de cette expression ne sont pas forcément les meilleurs connaisseurs de ce pays réel, ni ceux d'ailleurs qui l'utilise au sens maurrassien... On ne peut pas dire, comme certains voudrait le faire accroire que la monarchie telle qu'on l'a connue en France soit représentative ou constitue le "payas réel"... (sinon comment y auraient eu lieu toutes ces révolutions?).

Autre considération : la distinction entre pays légal-officiel et pays réel n'est pas l'apanage de ceux qui ont popularisé cette expression. Les auteurs marxistes en général ont toujours souligné l'écart entre la représentation officielle du pays et sa réalité, ne serait-ce que par la prise en compte, bien plus que les officines officielles, des inégalités économiques et sociales, souvent niées par des pouvoirs publics sous l'emprise de puissances économiques privées. De même que l'expression lutte des classes n'est pas la propriété des marxistes, de même l'expression pays réel n'est pas la propriété des nostalgiques de l'ordre social ancien...

 

Le pays réel non pas distinct, mais plus large que le pays officiel...

   Deux questions fondamentales se posent quand on réfléchit sur la correspondance entre le pays officie relayé par des médias aux mains d'entreprises économiques et/ou financières et le pays réel :

- Quels sont les moyens déployés par les organisations gouvernementales ou les pouvoirs publics pour connaitre les réalités du pays? Les États et les pays sont traversés par l'idéologie néo-libérale. Ils mettent en avant des intérêts économiques puissants et leurs projets industriels et financiers, quitte à nier certaines réalités, pas seulement sociales, mais aussi économiques et physiques. A nier les dynamiques de l'environnement pour imposer des projets à logiques à court terme. Et par-dessus le marché, expression à la mesure de la caricature de la situation dans ce domaine, maints outils de connaissance sont privés de financement, même s'ils ont été créés en d'autres temps par les États... Les atteintes aux instruments de la connaissance de la réalité grèvent les éléments mêmes où s'est assis longtemps le capitalisme industriels ou la politique sociale. Certaines difficultés de la lutte contre l'épidémie du Covid sont directement liées à des politiques de santé guidées uniquement par les aspects financiers (politiques des hôpitaux, politiques d'éducation sur la santé, politiques scientifiques - voir les études brisées sur les virus et lesvaccins avant la crise). De même, des industries ont tenté d'éteindre toute connaissance sur les changements climatiques (industries pétrolières par achats de brevets d'énergie alternative et par dénigrement systématique des recherches sur l'évolution du climat).

- Quelle volonté s'exprime t-elle pour connaitre cette réalité? Et par quels acteurs? Historiquement, c'est du côté de l'émergence de la sociologie (et en même temps du mouvement socialiste) qu'il faut rechercher les acteurs qui tentent, en dehors des traditionnelles évocations de la légitimité royale ou impériale à gouverner les peuples (et qui se retrouve de manière indues à mon avis dans les manuels scolaires et universitaires!), de cerner la réalité du pays - sur le plan des moeurs, sur le plan des causalités et conséquences sociales, économiques, politiques d'un phénomène (par exemple le suicide pour DURKHEIM). C'est à la fois un mouvement d'ensemble de prises de conscience de ces phénomènes et de volontés de réforme et/ou de révolution qui amène en fin de compte la société d'un pays, ou d'un ensemble plus restreint ou plus vaste, à s'interroger elle-même. Et in fine, ce mouvement s'inscrit de manière critique dans le prolongement des contestations religieuses et sociales des périodes précédentes... Et c'est à l'heure où précisément recule cette volonté de connaissance et de changement que précisément les élites (un mélange de bureaucrates et de financiers), on le constate tous les jours, se centrent sur elles-mêmes dans leur action dans une bulle de plus en plus restreinte (nonobstant l'idéologie de la mondialisation), au point que le capitalisme lui-même en est menacé, dans son expression du renouvellement des forces de production - le système financier tourne sur lui-même, à coup de rachats d'actifs et de passifs - sans "trouver" les moyens de s'investir sur un domaine ou un autre (sauf dans le militaire et le spatial...). Avec un mélange de paresse intellectuelle et de morgue sociale, cette élite (mondialisée ou presque...) se tourne vers la réalisation immédiate de profits (financiers et physiques...), sans prendre la peine d'avoir une vues ensemble de la société. Cela ne l'intéresse pas au sens propre de l'expression. Et les médias - Internet compris -, dont ils sont en majorité propriétaires, désignent, commentent leurs activités, en laissant entendre qu'elle façonne elle-même cette vue d'ensemble...

Jean-Marie POTTIER, Le "pays réel" : une expression de la droite nationaliste qui plante le climat;  slate.fr,  24 novembre 2016. P.R., Le parisien.fr., "Pays légal" et "pays réel : Benjamin Grivaux reprend Maurras en pensant citer un résistant, 15 novembre 2018. Chloé LEPRINCE, "Pays réel" : quand le porte-parole du gouvernement cite Maurras, franceculture.fr, 15 novembre 2018

 

GIL

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : LE CONFLIT
  • : Approches du conflit : philosophie, religion, psychologie, sociologie, arts, défense, anthropologie, économie, politique, sciences politiques, sciences naturelles, géopolitique, droit, biologie
  • Contact

Recherche

Liens