Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 novembre 2008 1 10 /11 /novembre /2008 09:35

 

     Nous ne trouverons évidemment pas (encore que le terme évident n'a pas nos faveurs) de définition de la guerre dans les dictionnaires et atlas de la Biologie, mais ce que nous voyons dans la nature, microscopique ou végétale ou animale, a parfois l'apparence d'une guerre.
     Malgré un évident anthropomorphisme, Jean-Marie PELT (La loi de la jungle) attire notre attention sur le facteur temps qui nous dissimule des mouvements antagonistes des plantes. Par exemple, "diverses architectures végétales nous offrent d'autres modèles d'armes blanches ; ainsi des tiges, aux dents tranchantes alignées à la manière d'une scie, des palmiers rotangs ; de la pomme piquante du datura ou de celle du cactus, boule hérissée d'épines d'épines en forme de fléau d'armes ; sans oublier graminées et carex à feuilles coupantes comme des lames : le sang jaillit promptement de la blessure qu'elles vous infligent si vous les parcourez du doigt dans le sens de la longueur". "Dans toutes ces stratégies, la plante s'emploie à contrôler un territoire grâce à ses émissions chimiques. Ainsi se fait déjà jour chez les plantes la notion de "territoire" qui revêtira chez les animaux une importance considérable. Défendre son territoire suppose la mise en oeuvre de moyens offensifs et défensifs qui, tous, mettent en jeu des réactions agressives : attaquer ou défendre un territoire, c'est faire la guerre. Ici, chez les plantes télétoxiques, le territoire est contrôlé par l'émission de molécules qui ne vont pas sans évoquer les gaz de combat : le compétiteur est éliminé, mais, si l'arme chimique est sur-dosée, l'attaquant l'est aussi, comme on l'a vu dans le cas de la piloselle."
    Ecrire qu'il s'agit d'une guerre constitue un usage abusif du terme, surtout si l'on connait le tropisme qui régit la vie végétale. En physiologie, le tropisme est l'orientation prise par les Végétaux fixes en voie de croissance sous l'influence d'un stimulus. Ces tropismes peuvent être positifs, négatifs ou transversaux. Suivant le stimulus, on distingue le phototropisme (lumière), le géotropisme (pesanteur), le chimiotropisme (substance chimique), l'holotropisme (contact), l'hydrotropisme (humidité). Chez les animaux, termine le Dictionnaire de Biologie dont est tirée cette définition, tropisme et taxie sont souvent employés dans le même sens. En effet, malgré leur caractère complexe, les réactions et actions animales sur l'environnement et sur les congénères ou membres d'autres espèces, sont guidées par un ensemble d'influences, reproductibles lors d'expériences, d'ordre physique. Ces réactions gardent un caractère d'automaticité qui exclue toute forme de conscience élaborée que nous associons le plus souvent au phénomène guerre.

      Le monde de la biologie est très vaste, des organismes unicellulaires aux organismes multicellulaires, des virus aux mammifères, et quand nous entrons dans l'étude des détails, nous voyons bien une lutte constante qui se mène toujours et partout, une contradiction évidente des actions et réactions entre membres de toute espèce. Mais le tropisme ou la taxie que nous constatons ne les différencie guère de réactions simples entre acides et bases en chimie. Avec cependant chez les animaux une différence assez fondamentale, partagée des oiseaux aux primates que nous sommes, le sentiment de la souffrance, mais ceci constitue sans doute un autre débat. Aux frontières de la vie et de l'inanimé, les connaissances actuelles obligent souvent de recourir à la philosophie pour penser ce genre de choses.
  
     L'approche de la vie d'Henri LABORIT (Biologie et structure) nous aide à comprendre comment et pourquoi les êtres vivant agissent les uns sur les autres. "... la finalité d'un être vivant (est) le maintien de sa structure complexe dans un environnement moins complexifié. Or, la simple excitation, c'est-à-dire le seul fait pour lui de subir l'apport d'une énergie extérieure sous une forme autre que celle de ses substrats, constitue déjà une tendance au nivellement thermodynamique, et l'on constate une déstructuration des protéines par rupture des liaisons hydrogène : déstructuration réversible dans l'excitation, alors que dans l'irritation et la mort, elle est irréversible. C'est entre les deux que se situe l'état physiopathologique, la "maladie", mais il est bien difficile d'en définir les frontières, car à notre avis, ce sont des frontières temporelles."
Le biologiste continue la réflexion à l'échelon cellulaire comme à l'échelle des êtres pluricellulaires et cela l'amène à discerner différents types de réactions face aux excitations extérieures : la fuite ou la lutte, qui permettent en évitant ou en supprimant l'agent de ces excitations, le retour à l'état physiologique normal.
Léon BINET décrit dans son petit livre "Les défenses de l'organisme" les différentes réactions de l'organisme devant la douleur, devant le froid et la chaleur, devant l'asphyxie, devant les atteintes de l'organisme à son intégrité, devant l'hémorragie et les agressions de l'appareil respiratoire comme devant l'intoxication alimentaire, et même devant la gravitation, et pendant le processus de la mort, d'une manière qui nous fait comprendre également que du niveau cellulaire au niveau psychologique, c'est tout un ensemble de réactions aux stimulations extérieures qui se met en mouvement, de manière quasi-constante.

    A partir de là, nous pouvons concevoir comment le contact de différents membres d'une même espèce ou d'espèces différentes, luttant chacun pour son propre équilibre interne, se traduit par la destruction des uns et la revitalisation des autres, sans qu'il soit besoin de recourir à une notion aussi complexe que la guerre.
  Toutefois, l'espèce humaine mène réellement une véritable guerre contre toute une variété d'organismes biologiques, à travers notamment la médecine. Nous imaginons bien que les médecins se considèrent perpétuellement en guerre contre les agents pathogènes de toute sorte qui assaillent leurs patients. Comme nous comprenons bien qu'il s'agit pour les collectivité humaines de mener des guerres - avec des moyens biologiques - contre des facteurs d'épidémies de toutes sortes.
  L'histoire humaine elle-même est remplie d'événements de ces guerres particulières - sans doute les plus anciennes, qui mettent aux prises non seulement les organismes complexes que nous sommes à d'autres infiniment petits et agressifs (nous pensons, entre autres, aux virus et aux bactéries), mais également des civilisations différentes, porteuses de germes différents et dotés d'immunités différentes. L'approche de Jared DIAMOND nous est particulièrement utile dans cette perspective, dans la recherche des interactions entre populations humaines - entre elles et avec les différents environnements qu'elles rencontrent.

Jean-Marie PELT et Franck STEFFAN, La loi de la jungle, L'agressivité chez les plantes, les animaux, les humains, Fayard, 2003. Henri LABORIT, Biologie et structure, Gallimard, collection Idées, 1968. Léon BINET, Les défenses de l'organisme, PUF, collection Que sais-je?, 1961. Jared DIAMOND, De l'inégalité parmi les sociétés, Essai sur l'homme et l'environnement dans l'histoire, Gallimard, collection nrf essais, 2000. LENDER, DELAVAULT, LE MOIGNE, Dictionnaire de biologie, PUF, 1979.

   
 Relu le 3 novembre 2018

 

Partager cet article
Repost0
3 novembre 2008 1 03 /11 /novembre /2008 17:02

 

   Voulez-vous des mots conflictuels sur la forme de conflit qu'est la guerre?

   En voilà !

   Les guerres entretiennent la santé des peuples comme les vents et les ouragans préservent les mers des pétufactions. (HEGEL)

   L'armée : la force des nations logiquement sacrifiée à la bêtise humaine. (H.DESCHAMPS)

   A l'heure où je parle, il y a cent mille fous de notre espèce couverts de chapeaux, qui tuent cent mille autres animaux couverts de turbans pour quelques tas de boue grands comme votre talon... Il ne s'agit que de savoir s'ils appartiendront à un certain homme qu'on nomme Sultan ou à un autre qu'on nomme, je ne sais pourquoi, César... Presque aucun de ces animaux n'a jamais vu l'animal pour lequel ils s'égorgent. (VOLTAIRE, Vue panoramique sur les guerres).

  La guerre nourrit les mâles vertus que la paix étouffe. (V. DURUY, 1811-1894)

  En pleine bataille, en présence de la mort, et en semant la mort, vous pouvez avoir l'âme en paix, absolument en paix. (Pierre MENEGOS, professeur de théologie, Université protestante de Paris)

  Ah! la guerre! il y a assez d'années que nous l'attendions. Et c'était un rude cauchemar! Quand elle a éclaté sans paradoxe, quel soulagement. (René BENJAMIN, Nos émotions pendant la guerre, 1916)

   L'antimilitarisme et l'Internationale que l'on propage, hélas, impunément, abaissent les caractères. (Mgr Charles PAUL, évêque d'Agen)

    La guerre a sa fumée et sa flamme, mais elle a aussi sa lumière... Moi, je sais pourquoi je me bats : pour vivre plus fort et plus haut! (H. de MONTHERLAND, Mors et vita, 1895-1972).

   Il n'est pas vrai que la guerre dégrade l'homme et obscurcisse l'humanité ; au contraire, elle l'illumine et l'exalte et nous savons tous avoir été meilleurs alors même que nos mains étaient lourdes de sang... (Charles DELCROIX, aveugle de guerre, L'éclaireur de Nice et du Sud-Est, 23 août 1935)

   Regardez ces bras, ces jambes, ces cervelles sanglants et tous ces membres épars, c'est le fruit d'une querelle entre deux ministres ignorants. (VOLTAIRE)

   Le nombre de phrases de ce genre - qu'ils soient en faveur ou en défaveur de la guerre - sont légions dans la littérature dite générale comme dans les sermons d'Église ou les pamphlets de tout genre.
  Il n'est pas étonnant que pour la guerre, conflit "de haute intensité" par excellence, les mots employés soient souvent crus et violents. Toute une étude psychosociale serait intéressante à réaliser d'ailleurs sur ce thème. Il faut remarquer que depuis les deux guerres mondiales, les "bons mots" militaristes ont cessé d'exalter les esprits et sont plutôt employés soit dans le sens grinçant, soit encore plus pour en montrer la monstruosité.
  
   Mais si ces mots sont écrits dans cette rubrique MOTS CONFLICTUELS , c'est moins pour entraîner la réflexion (ce qu'ils n'empêchent pas pour autant) que pour étaler avec une certaine complaisance la conflictualité des phrases, qu'elles soient guerrières ou non-guerrières.

   Dans d'autres registres, sur d'autres thèmes, comme l'argent, l'honneur, la religion, la politique, on trouvera énormément de mots conflictuels dans l'excellente compilation (quoique non regroupés par thèmes) de Jean-Claude LOEWINSKI (Recueil de bonnes et mauvaises pensées, Sentences, maximes, anathèmes et anecdotes, auto-édition, 2006, disponible chez Jean-Claude LOEWINSKI, 27 rue Paul François Avet, 94000 CRETEIL). Avec une préface (courte) de Jean-pierre MOCKY et une quatrième de couverture signée de Marc SILBERSTEIN (Rire et réfléchir. Réfléchir et rire...). 
 

 

Complété le 7 novembre 2013. Relu le 3 novembre 2018. Relu le 10 septembre 2021
Partager cet article
Repost0
3 novembre 2008 1 03 /11 /novembre /2008 16:07

 

   L'heure des guerres révolutionnaires, contrairement à ce que laissent entendre les médias dominants n'est pas terminée avec la chute de l'Union Soviétique. Il n'est plus aujourd'hui besoin de qualifier de marxistes certaines luttes très violentes pour les discréditer et les mêler à des terrorismes aux intentions bien moins émancipatrices.
  Le livre de Carlos MONTEMAYOR, un des meilleur connaisseur du Mexique d'aujourd'hui, nous donne les éléments  pour comprendre réellement la rébellion du Chiapas et du sous-commandant Marcos, loin d'une musique romantique très prisée par certains médias. Partant de la réalité politique d'aujourd'hui (le livre date de 2001), et remontant aux conditions de la colonisation espagnole qui a spolié tout un peuple sous couvert d'évangélisation, l'académicien mexicain, en même temps journaliste et éditorialiste, fait saisir les multiples facettes de conflits séculaires. La culture indigène, la construction d'une véritable démocratie, la permanence des luttes des paysans mexicains, sont la toile de fond de la guérilla des montagnes.
   Dans ce livre très clair, illustré de cartes et de photographies parlantes, Carlos MONTEMAYOR montre les enjeux qualifiés de basse intensité par nombres de stratégistes occidentaux. Pour lui, l'EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale), véritable organisation de masse, constitue une chance pour un futur Mexique pacifié, à la démocratie réelle et une justice sociale véritable. Face à des dirigeants particulièrement pervers (capables de signer des accords internationaux sans les respecter) d'appareils militaires et policiers qui militarisent une grande partie du pays, les zapatistes affirment toujours la même résolution.
   Une résolution qui vient de loin si l'on se réfère à un autre ouvrage paru aux mêmes éditions sur la Révolution mexicaine (1916-1926) où les mêmes injustices sociales et  dénégation culturelle avaient produits les mêmes effets.

Carlos MONTEMAYOR, La Rébellion indigène du Mexique, Violence, autonomie et humanisme, Presses de l'Université Laval, Éditions Syllepses, collection "Coyoacan",  2001, 189 pages. Avec une préface d'Ignacio RAMONET.
   Adolfo GILLY, Révolution mexicaine, 1916-1926, Une révolution interrompue, Une guerre paysanne pour la terre et le pouvoir, Éditions Syllepse, collection "Coyoacan", 1995, 299 pages. Il s'agit de la première traduction française d'un livre paru déjà plus de vingt ans auparavant au Mexique en langue espagnole et traduit en anglais.
    On lira, entre autres, avec intérêt les deux petits livres d'une trentaine de pages chacun, "Guerre sociale au Guerrero", toujours aux Éditions Syllepse.
 
Relu le 3 novembre 2018
  

 

Partager cet article
Repost0
1 novembre 2008 6 01 /11 /novembre /2008 08:52

             Stratégies marxistes
 

        Deux moments clairs existent dans les stratégies revendiquées par des stratèges et des stratégistes marxistes : celui d'une stratégie révolutionnaire à cheval entre le XIXème et le XXème siècle et celui d'une stratégie d'Etat pendant et après la création d'Etats qui se proclament marxistes, comme l'Union Soviétique et la République Populaire de Chine.

       Les principaux et décisifs conflits étant entre classes sociales - capitalistes et ouvrières/paysannes - la stratégie révolutionnaire vise à employer tous les moyens politiques, idéologiques et militaires dont les classes dominées disposent. Stratégie de guerre totale au sens théorique, on en trouve de éléments chez Karl MARX et Friedrich ENGELS dont l'intérêt pour les conflits armés de leur époque a été constant.
  Dans "La lutte des classes en France", Karl MARX fait le constat que la classe possédante  utilise l'Etat comme "l'engin du Capital contre le Travail". Que ce soit dans les guerres dynastiques ou dans les guerres nationale, dans les guerres de défense ou de conquête, le mouvement ouvrier ne parvient pas à mettre en oeuvre comme à l'occasion de la guerre franco-prussienne, celle de 1870-1871, l'alliance des ouvriers pour mettre fin à la guerre. Déjà, en 1848, Karl MARX rêvait d'un nouveau soulèvement prolétarien (nous sommes alors en pleine révolution industrielle en Europe continentale et les grèves comme de véritables insurrections ont lieu un peu partout) en France, qui déclencherait une guerre européenne, puis mondiale, celle-là provoquant la victoire de la révolution sociale. (Georges LABICA).
     Rosa LUXEMBOURG, comme Jean JAURES gardent une vision de la guerre comme globalement néfaste envers la classe ouvrière, mais LENINE, STALINE et TROTSKI se font les chantres d'une stratégie révolutionnaire. GRAMSCI, lui, poursuit la transposition ds stratégies  du plan militaire au domaine de la lutte des classes. Il propose un couple conceptuel original avec la guerre de mouvement et la guerre de position. Le mot d'ordre de front unique n'était, selon lui, rien d'autre que la transformation de la guerre de mouvement, victorieuse en Russie, en guerre de position, seule capable de l'emporter en Occident, dans des conditions historiques différentes.
  
    Quelle est, en fait, cette stratégie révolutionnaire?  Claude DELMAS, dans son petit livre "La guerre révolutionnaire" en donne certains traits :
- harceler les arrières de l'ennemi (interruption de son ravitaillement et destruction de ses voies de communication) ;
- pousser l'ennemi à pratiquer une politique d'occupation plus dure, de manière à accroître l'hostilité de la population à son égard ;
- lutter derrière les lignes ennemies en qualité d'auxiiaires de l'armée régulière;
- procurer des renseignements ;
- immobiliser des forces ennemies par des opérations de diversion  ;
- alimenter la propagande officielle des "sacrifices héroiques" qui jouit du soutien populaire ;
- donner des preuves tangibles du châtiment réservé à toute personne qui collabore avec l'ennemi ou qui serait tenté de le faire ;
- mener une propagande pro-soviétique, pro-chinoise populaire, dans les régions occupées.
     Les éléments tactiques se mêlent étroitement aux éléments purement psychologiques et politiques.
    Selon entre autres Vo NGUYEN-GIAP, à propos de la guerre du peuple, aux affrontements entre deux formations de combat de type classique disposant de moyens industriels équivalents se substituent des guerres inégales dissymétriques opposant la puissance industrielle à une armée faible, dont la survie réside dans la durée, pour un véritable passage de la guérilla à la guerre de mouvement. (Trinh VAN THAO).

       Il n'existe pas de corpus unifié sur la stratégie marxiste révolutionnaire, ne serait-ce que parce que la lutte des classes est multiforme et changeante dans le temps. Et aussi parce que, à partir de 1917, les stratèges révolutionnaires eux-mêmes, pour ce qui concerne la partie occidentale, qui avaient mis en oeuvre les techniques insurrectionnelles et la démoralisation des troupes impériales russes comme françaises et allemandes dans le cadre d'un projet de révolution mondiale, durent réviser leur manière de faire. Dans la longue période 1917-1928, les dirigeants soviétiques sont passés par plusieurs phases - sur fond de luttes internes - pour arriver finalement à constituer une stratégie d'Etat.
   Edward Mead EARLE décrit ce changement de stratégie : "Ayant obtenu la victoire dans (la) première phase de la guerre civile en Russie, LENINE dut alors faire face à l'invasion allemande. Il ne fut jamais question de reprendre les opérations militaires, car l'armée russe était totalement démoralisée, en partie à cause de la propagande révolutionnaire qui avait été exercée dans ses rangs pendant deux ans ou plus et qu'il n'était pas facile de retourner." LENINE "était convaincu qu'on pourrait livrer une guerre diplomatique et psychologique contre les puissances centrales aussi bien que les Alliés. Ainsi, il pourrait atteindre le double objectif de défendre la Russie révolutionnaire et de transformer la guerre internationale en une guerre civile européenne." On sait que LENINE déchante assez vite et que le repli stratégique s'impose, que conclure la paix avec l'Allemagne doit se faire au plus vite, et qu'il faut réorganiser l'ensemble des forces armées. Il reste un partisan de la Realpolitik et la paix n'est pas une fin en soi, au contraire, il s'agit comme la guerre d'un moyen politique et ses successeurs le comprendront bien, usant de l'arme idéologique de façon constante à l'intérieur des pays capitalistes.
   La période d'intervention étrangère et de guerre civile fait office de grande Ecole de guerre pour l'Union Soviétique, comme l'écrit Edward Mead EARLE. C'est d'elle que sort l'Armée Rouge. TROTSKI, Mikhail FROUNZE (1885-1925), Sernion TIMOCHENKO (1895-1970), Klement VOROCHILOV (1881-1969) et STALINE, avec d'anciens membres de l'armée impériale, tels que Mikhail TOUKHATCHEVSKI (1893-1937) et Boris CHAPOCHNIKOV (1882-1945) la mettent sur pied et en font une véritable armée classique.
      Dans cette guerre sans bataille décisive, les dirigeants soviétiques durent changer complètement de position : de désorganisateurs de l'ancienne armée, il fallait devenir les organisateurs de la nouvelle, c'est-à-dire d'une armée disciplinée, à la démocratisation strictement limitée (élection des officiers supprimée), aux règlements sévères, ceci sans abandonner totalement la stratégie révolutionnaire. derrière les lignes ennemies. Les dirigeants soviétiques sortent de la guerre civile avec une conception compliquée du rôle de la guerre dans la société. Selon eux, l'attitude des "classes laborieuses" vis-à-vis de la guerre ne peut être catégorique : les batailles de la production comme la force des armées doivent garantir la victoire du prolétariat dans un monde où celui-ci est encerclé par les puissances capitalistes. Le pacifisme, la grève générale constituent des armes au même titre que la conquête de l'espace, au service de cette victoire.
      Jean Christophe ROMER tente d'établir l'évolution à partir de la reprise par les dirigeants soviétiques de l'expérience de l'Empire des tsars, auquel se mêle une conception particulière de l'espace. Ils  introduisent dans l'art militaire une catégorie intermédiaire entre tactique et stratégie qui leur sera longtemps spécifique. La tâche de l'art opératif n'est pas, à la différence de la stratégie, l'obtention de la victoire politique dans la guerre mais de la victoire militaire sur l'ensemble d'un théâtre d'opérations regroupant plusieurs fronts et non plus un seul champ de bataille tactique. Après une éclipse dans les années 1950 avec l'apparition des armes nucléaires de destruction massive, l'opération en profondeur reviendra à l'ordre du jour périodiquement, notamment dans les années 1980 (Dictionnaire de la stratégie).

     Il est toujours difficile de démêler la part de la réalité de la conception stratégique et de l'idéologie, comme le montre la lecture par exemple du livre du maréchal soviétique V. D. SOKOLOVSKY (1897-1968), "Stratégie militaire soviétique". On y trouve la description d'une stratégie d'Etat - notamment nucléaire - avec des éléments idéologiques de lutte des classes axés sur la propagande en faveur de la paix mondiale. Mais depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il n'existe plus véritablement de stratégie marxiste mais bien d'une stratégie d'Etat de grande puissance. L'évolution est semblable côté chinois et vietnamien, quoiqu'avec un décalage dans le temps dû à la spécificité de la situation asiatique (guerre de Corée, guerre du VietNam...).

Edward Mead EARLE, Les maitres de la stratégie, tome 2,  Bibliothèque Berger-Levrault, collection Stratégies, 1982 (article La guerre selon les soviétiques). Thierry de MONTBRIAL et Jean KLEIN, Dictionnaire de stratégie, PUF, 2000 (article Stratégie Théoriciens Soviétiques de Jean Christophe ROMER). Georges LABICA et Gérard BENSUSSAN, Dictionnaire Critique du Marxisme, PUF, collection Quadrige, 1999 (articles Stratégie/Tactique de Jean-François CORALLO, Guerre de Georges LABICA). Claude DELMAS, La guerre révolutionnaire, PUF, collection Que sais-je?, 1959. Vassili Danilovitch SOKOLOVSKY, Stratégie militaire soviétique, Editions L'Herne, collection Classiques de la stratégie, 1984.

                                                                                            STRATEGUS
 
Relu le 3 novembre 2018
Partager cet article
Repost0
28 octobre 2008 2 28 /10 /octobre /2008 13:42

 

            Enquêter sur la guerre constitue une des tâches assumées par les belligérants lorsque les combats ont cessé. Ou plutôt enquêter sur une guerre, comme celles des balkans de 1912-1913, la première guerre mondiale de 14-18 ou celle du VietNam de 1969-1970, pour le massacre de My Laï. Car les guerres sont souvent suivies d'enquêtes menées par des tiers ou l'un des belligérants lui-même voulant comptabiliser les pertes humaines et matérielle, punir les coupables désignés - souvent des vaincus - et réparer, pour fixer le montant des réparations pour dommage de guerre aux vaincus, encore souvent, sinon toujours.
     Cela fait penser à la continuation de la guerre par d'autres moyens, mais sans aller jusque-là, et en tout cas pas dans les études proposées dans ce numéro de la revue "Le mouvement social", il est utile de comprendre qu'avec la fin des hostilités armées, de multiples démarches pour évaluer une guerre ne sont pas seulement le fait d'historiens impartiaux et désireux de comprendre cette guerre.
     L'histoire du conflit entre deux pays ou deux contrées, ou deux peuples venant de cesser leur guerre se poursuit à travers les traités et conventions ensuite signées pour y mettre fin officiellement de manière plus ou moins définitive. C'est souvent la mémoire de cette guerre qui se construit. Que ce soit chez les vaincus ou chez les vainqueurs, les leçons qu'ils en tirent sont évidemment influencées par la manière dont les enquêtes sont menées. Dégager les responsabilités d'une guerre est souvent le fait des vainqueurs, soit pour en dégager les bénéfices pour eux-mêmes, soit pour éviter qu'elle ne recommence. Si les premières raisons de la démarche de recherches des responsabilités ont guidé les responsables politiques pendant longtemps - c'était de bonne guerre (!) - les deuxièmes raisons l'emportent aujourd'hui, et ce sont des armées de juristes qui s'efforcent d'en déterminer les causes. Aujourd'hui, par exemple, le Tribunal pénal international (TPIY) utilise les données d'enquête produites par des Organisations Non Gouvernementales à des fins juridiques afin de traduire en justice les "coupables" d'atrocités commises en ex-Yougoslavie.
      Ecrire l'histoire d'une guerre, ce n'est pas simplement faire "acte de mémoire", ou établir les réparations aux victimes, c'est aussi constituer une partie de la culture non seulement des peuples en cause, mais, à l'heure de la mondialisation tous azimuts, de l'ensemble de l'humanité.
             C'est aussi le droit international qui se construit de cette manière. Nathalie MOINE en éditorial de ces études indiquent qu'"ils établissent un lien entre la production des normes juridiques relatives au comportement des armées et des forces d'occupation en temps de guerre et la mise en forme des récits sur la guerre qui ne sont pas encore issu du travail de l'historien mais qui répondent aux préoccupations des règlements du conflit." "Comprendre l'origine de la production de ces enquêtes et leurs attendus, c'est aussi comprendre tout ce qu'elles n'englobent pas. Quelles sont les questions laissées de côté? Quels sont les témoignages ignorés ou restés inexploités après avoir été collectés? Précisément parce qu'elles ne correspondent pas à une volonté de savoir universelle, mais parce qu'elles poursuivent un objectif précis, dicté par la législation en cours, les investigations ne peuvent ni ne veulent être exhaustives".
      C'est dans cette perspective que sont réunis dans ce numéro de début 2008 des articles aussi différents que "l'enquête, le délit, la preuve : les "atrocités" balkaniques de 1912-1913 à l'épreuve du droit de la guerre" (Dzovinar KEVONIAN), "Compter les vivants et les morts : l'évaluation des pertes françaises de 1914-1918" (Antoine PROST), "La commission d'enquête soviétique sur les crimes de guerre nazis" (Nathalie MOINE) ou "La rumeur de Pinkville, Les commissions d'enquête sur le massacre de My Lai (1969-1970)" (Romain HURET) ou encore "La preuve par les victimes. Bilans de guerre en Bosnie-Herzégovine" (Isabelle DELPLA). Ce sont huit cas qui sont examinés avec précision et de nombreux chiffres.
 
    L'éditeur présente ce numéro de Le Mouvement social de la manière suivante :
"Comment se construit le bilan de la guerre? A partir de quels matériaux écrit-on l'histoire d'une guerre? L'objet de ce numéro porte sur un aspect essentiel de la fabrication du récit des guerres contemporaines : la constitution de bases documentaires, accumulées au cours de la guerre ou à sa sortie, dans la perspective de son règlement. Cette production de témoignages, oraux ou écrits, de données chiffrées, de photos, de films, contemporaine des événements, s'explique en bonne partie du fait du développement de conventions sur le droit de la guerre depuis le XIXe siècle, qui impliquent, en cas de transgressions, tout un arsenal de mesures contre le contrevenant, du paiement de réparations au jugement des crimes de guerre, crimes contre l'humanité, etc.
Cette pratique participe donc d'une histoire plus générale de la guerre moderne, qui allie des violences inouïes perpétrées contre les combattants et les populations civiles et l'anticipation, parfois dès le tout début du conflit, d'un réglement international codifié. Fondamentale pour les protagonistes, elle est rarement étudiée en tant que telle par les historiens, qui utilisent ces matériaux sans toujours en discuter les conditions de production. Les articles de ce numéro, à travers différents cas de figures issus des conflits du XXe siècle, démontent les objectifs très variables et souvent concurrents des organisations étatiques, commissions d'enquêtes non gouvernementales, administrations, qui ont pour tâche de documenter la violence faite aux corps mais aussi aux biens de ceux qui sont au centre de la plupart de ces enquêtes : les populations civiles."
 
   Nathalie MOINE, chargée de recherches au CNRS, enseignante à l'EHESS (en 2012-1013, sur la Formation à l'histoire contemporaine des mondes russes, de l'Empire des Tsars à l'URSS, L'univers des choses soviétiques, La guerre à l'Est - URSS-Europe centrale, de 1939 à nos jours : production, usage et reconfiguration des récits), participe aussi à l'étude Sortir de la guerre en Russie (voir blog passion-histoire.net).

    Enquêter sur la guerre, sous la direction de Nathalie MOINE, Le mouvement social, Janvier-Mars 2008, numéro 222, La Découverte. Site : http://mouvement-social.univ-paris1.fr.
   Il s'agit d'une revue trimestrielle fondée par Jean MAITRON en 1960, publiée par l'association "Le mouvement social".
 
Complété le 4 février 2013
Relu le 10 août 2018
 
   
Partager cet article
Repost0
28 octobre 2008 2 28 /10 /octobre /2008 10:26
    
        Au moment où sur les frontières occidentales de la Russie d'aujourd'hui se mènent des luttes où se mêlent occupations militaires brèves, déstabilisations de régimes politiques, manoeuvres d'ordre économique, le livre de l'ancien conseiller en matières stratégiques du président américain Jimmy CARTER (de 1977 à 1981), expert au Center for Strategic and International Studies à Washington, permet de se faire une idée claire des enjeux dans cette région, comment les enjeux de cette région relèvent de la géopolitique mondiale. Du point de vue d'une partie de l'élite nord-américaine, bien entendu. Ecrit en 1997, ce livre n'a pas beaucoup vieilli et se lit avec encore beaucoup d'intérêt.
Comme l'écrit dans la préface Gérard CHALIAND, Zbigniew BRZEZINSKI (né en 1928) donne ici l'analyse politique et stratégique la plus rigoureuse du nouvel ordre mondial dominé par les Etats-Unis et des voies et moyens pour que dure cette suprématie. L'objectif clair de l'auteur est de formuler une politique géostratégique cohérente pour l'Amérique sur le continent eurasien.

     Pour lui, le conflit entre la Russie et l'Amérique se concentre sur la périphérie du continent. "Le bloc sino-soviétique, qui domine la majeure partie de la vaste Eurasie, ne réussit jamais à en contrôler les franges orientales et occidentales, sur lesquelles l'Amérique parvient à s'ancrer et à se doter de bases solides. La défense de ces têtes de pont continentales donne lieu à des bras de fer successifs entre les deux adversaires. Les premiers épisodes de tensions, en particulier le blocus de Berlin sur le "front" ouest et la guerre de Corée à l'Est, sont ainsi les premiers tests stratégiques ce qu'on allait appeler la guerre froide."
Cartes à l'appui, analyses historiques d'ampleur portées constamment à l'esprit, le conseiller stratégique montre que, même si la Russie s'est vue amputée d'importants territoires depuis la fin de l'Union Soviétique, les données géopolitiques restent les mêmes. Considérant l'empire américain comme celui d'une hégémonie d'un type nouveau, fondé autant sur la culture que sur les instruments militaires, son examen de l'échiquier eurasien comme formé d'un espace central et de façades Ouest, Sud et Est, l'amène à identifier cinq grandes questions qu'il détaille tout au long de son livre :
- Quel type d'unité européenne a les faveurs de l'Amérique et comme l'encourager?
- Quel profil la Russie pourrait-elle adopter qui préserve au mieux les intérêts américains? Comment et jusqu'à quel point l'Amérique peut-elle peser dans ce processus?
- Dans quelle mesure de nouveaux "Balkans" peuvent-ils apparaitre au centre de l'Eurasie et comment l'Amérique peut-elle minimiser les risques d'explosions?
- Quel rôle la Chine doit-elle être encouragée à adopter en Extrême-orient et quelles en seraient les conséquences pour l'Amérique, mais aussi pour le Japon?
- Quelles nouvelles coalitions sont susceptibles de se former sur le continent, lesquelles pourraient menacer les intérêtes américains, et à quels moyens recourir pour les prévenir?

     Le jeu croisé des alliances (Union Européenne, Alliance Atlantique) dans une stratégie américaine est de permettre au moins la neutralisation de l'Ukraine, qui avec la Pologne, l'Allemagne et la France, devrait former après 2010 la colonne vertébrale de la sécurité européenne. Même tendance à l'Est pour permettre à la Chine de mener une politique favorable aux États-unis.
C'est à court terme que Zbigniew BRZEZINSKI veut que l'on préserve, dans le langage un peu "langue de bois", qui reflète bien des présupposés idéologiques, "le pluralisme géopolitique qui prévaut sur la carte d'Eurasie". Par le biais de manoeuvres politiques et de manipulations, on pourra prévenir l'émergence d'une coalition hostile qui pourrait contester la suprématie des Etats-Unis (...)".
         Craignant une vie courte à la monopolarité d'alors, il presse les responsables américains de s'engager plus nettement pour "favoriser la stabilité géopolitique internationale et faire renaître en Occident un sentiment d'optimisme historique." L'auteur regrette, et on peut trouver cela humoristique ou tragique, que les Etats-Unis n'ont pas "réussi à faire comprendre le lien qui existe entre le besoin généralisé de mieux être et la sauvegarde de la position centrale des Etats-Unis dans les relations internationales."  
Il termine son livre par le souhait de la naissance d'une structure de coopération mondiale fondée sur des réalités géopoltiques qui assumerait le pouvoir de "régent" mondial, responsable de la stabilité mondiale et de la paix.
       On ne peut que constater une certaine naïveté à promouvoir un encerclement de la Russie et la paix en même temps, une certaine naïveté aussi à penser que la nature différente de l'hégémonie mondiale des Etats-Unis, par rapport aux hégémonies historiques romaine, espagnole, portugaise, française, suffit à justifier la perpétuation de sa position. Il y a une certaine naïveté aussi à penser qu'il existe une sorte de propriété sur la paix et la liberté des Etats-Unis qui ferait adhérer à son projet de domination interminable.
     Après une dizaine d'années, l'ouvrage doit sans doute tout de même être actualisé sur certains points. D'une part les Etats-Unis n'ont pas du tout évolué vers un partage des responsabilités, au moins jusqu'à l'arrivée du président actuel au pouvoir : l'invasion de l'Irak, le rejet du protocole de Kyoto sont autant de décisions unilatérales lourdes d'avenir. Qui ne vont pas dans le sens d'une cogestion - même sous hégémonie encore américaine - des intérêts de la planète. De multiples pôles de puissances émergent (Brésil, Chine, inde, mais aussi sans doute certains autres qui n'attirent encore l'attention ni les médias ni les analystes, nous pensons notamment à l'Afrique du Sud... ) et il est sans doute trop tard pour appliquer la diplomatie que l'auteur propose...
Mais l'auteur lui-même en a bien conscience, puisqu'il fait publier une version actualisée de ce livre, sous le titre The Choice : global domination or global leadership, Basic Books, en 2004.  Sa théorie reste que l'amélioration du monde et sa stabilité dépendent du maintien de l'hégémonie américaine. Toute puissance concurrente est encore représentée comme une menace pour la stabilité mondiale. Ce qui n'exclue pas les prises de position contre "la guerre contre la terreur" menée sous l'administration Bush. 
 

 

     
     Zbigniew BRZEZINSKI est également l'auteur d'ouvrages importants, comme La révolution technétronique (Between the Two Ages : America's Role in the Technetronic Era) (Calmann-Lévy, 1971) ou Power and Principle : memoirs of the National Security Adviser, 1977-1981 (New york, Farrar Strauss, Giroux, 1983) ou Grand Failure : The Birth and Death of Communism in the Twentieth Century (New York, Charles Scribner's Sons, 1989). Un de ses derniers ouvrages s'intitule  Strategic Vision : America and the crisis of Global Power (Basic Books, 2012). 

    
     Zbigniew BRZEZINSKI, Le grand échiquier, L'Amérique et le reste du monde, Hachette littératures, collection Pluriel, 2000, 273 pages, Préface de Gérard CHALIAND, Traduction de l'anglais de Michel BESSIERE et de Michelle HERPE-VOSLINSKY, de "The Grand Chessboard", 1997, publié chez BasicBooks. A noter que Bayard Editions l'avait publié en 1997.
 
Actualisé le 11 Juillet 2012
Relu le 11 août 2018


   
Partager cet article
Repost0
28 octobre 2008 2 28 /10 /octobre /2008 09:20

 

          Suivant leur position géographique, deux grands Etats, la Grande Bretagne et la France ont élaboré deux géopolitiques différentes, à base maritime pour l'une, à base terrestre pour l'autre.
       De leur expérience ont été tirées des géopolitiques maritime et terrestre. Des géographes et des militaires ont fourni des justifications et des raisonnements propres à renouveler des déploiements impériaux sur de vastes territoires.

       Pour l'amiral américain Alfred MAHAN (1840-1914), l'exemple de la Grande Bretagne est à suivre, en considérant les Etats-Unis comme future puissance dominante. il définit une doctrine maritime qui recommande de:
  - s'associer avec la puissance navale britannique pour le contrôle des mers ;
  - contenir l'Allemagne dans son rôle continental et de s'opposer à ses ambitions sur mer ;
  - mettre en place une défense coordonnée des Européens et des Américains destinée à faire échec aux ambitions aisatiques.
  Alfred MAHAN prédit la domination mondiale des Etats-Unis grâce à la maitrise stratégique des océans.
       
       L'amiral Halford MACKINDER (1861-1947) considère l'Eurasie comme le centre du monde, son coeur (heartland) autour du quel s'articule toutes les dynamiques géopolitiques du monde. Ce pivot de la politique mondiale que la puissance maritime ne peut pas atteindre (ensemble trop vaste), a lui-même pour centre la Russie, de même que l'Allemagne occupe la position stratégique centrale en Europe.
Halford MACKINDER, notamment dans son livre "Le pivot géographique de l'histoire" de 1904, défend l'idée que l'ensemble des phénomènes géopolitiques peut s'expliquer par la lutte opposant un pivot central - heartland - aux croissants concentriques qui entourent celui-ci. "Qui tient l'Europe orientale tient la terre centrale, qui tient la terre centrale domine l'ïle mondiale, qui domine l'île mondiale domine le monde".
C'est la hantise non seulement de l'amiral, mais aussi de beaucoup de stratèges et de stratégistes américains depuis la fin du XIXème siècle. Que les territoires de l'Allemagne et de la Russie soient réunis dans un même ensemble impérial, et l'ensemble américain (suivant la doctrine du président américain Monroe, Amérique du Nord et Amérique du Sud réunis sous une même hégémonie) ne pourra s'opposer à la domination du monde par le pivot central eurasien.
      
     Alors que pour Halford MACKINDER, l'idéal est la profondeur continentale, pour Nicholas John SPYKMAN (1893-1943), au contraire, c'est le continent rivé à la mer, le Rimland, la partie occidentale de l'Europe qui est primordiale dans les projets de domination du monde. Les deux théoriciens s'attachent à définir la centralité qui la favorise, et tous leurs successeurs, quel que soit leur école, la recherchent.
      
     Kenneth WALTZ (né en 1924) conçoit les relations internationales comme un système de forces antagonistes et la paix comme le produit de l'équilibre diplomatico-militaire de ces forces (Aymeric CHAUPRADE). La bipolarité est préférable à la multipolarité, plus instable car propice aux renvesements d'alliances entre puissances secondaires. De manière générale d'ailleurs, il distingue deux tendances principales à l'oeuvre dans les systèmes d'alliance :
- une tendance centripète, celle du ralliement à la puissance dominante, locale ou mondiale ;
- une tendance centrifuge, qui consiste à contrebalancer la puissance dominante en s'alliant avec d'autres puissances plus faibles. Cette attirance permet aux puissances moyennes d'exister.
      Zbigniew BRZEZINSKI (né en 1928), dans la lignée de MACKINDER et de SPYKMAN, pour qui les Etats-Unis ne domineront le monde durablement qu'à condition d'isoler la Russie sur ses marches, l'Ukraine, la Géorgie en particulier, prône une maitrise des zones occidentales, méridionales et orientales de l'Eurasie, autour du heartland, avec comme outil l'Alliance Atlantique.

      Avant même que la géopolitique ne naisse, les différentes royautés françaises ont voulu construire une entité terrestre dotée de frontières "naturelles" défendables. C'est en tout cas la leçon qu'ont tirée des géographes tels de Vidal de la BLACHE (1845-1918). Dominée par les conflits entre l'Allemagne et la France, une géopolitique terrestre comme celle d'André CHERADAME (1971-1948) se construit contre le pangermanisme, défendant par exemple l'idée de détacher le plus possible l'Autriche-Hongrie de l'Allemagne.

     Ce qui frappe dans les grands ouvrages de géopolitique, c'est le primat acordé à la maritinité. Cela est dû tout simplement au fait que les deux tiers de la surface de notre planète est constitué d'eau. Et que le découpagne des deux ou trois grandes masses terrestres les font représenter comme de vastes îles bordées d'océans. Pour devenir une puissance martitime, et une puissance dominante tout court, un Etat continental doit disposer d'une ou de plusieurs façades maritimes. Il doit trouver un équilibre permanent entre sa politique continentale et sa politique maritime. Chaque fois que la France a été obligée de favoriser l'une au détriment de l'autre (faute de ressources suffisantes pour tenir les deux), elle s'est affaiblie. (Dictionnaire de géopolitique).
      Une constante domine dans l'histoire : le choc Terre-Mer.
Des guerres médiques à nos jours, les grands Etats s'efforcent de construire des empires, soit maritimes, soit terrestres, plus rarement les deux, come l'empire hasbourgeois du XVIème siècle (Autriche plus Espagne).

Aymeric CHAUPRADE, Géopolitique, Constantes et changements dans l'histoire, Ellipses, 2003.  Aymeric CHAUPRADE et François THUAL, Dictionnaire de géopolitique, Ellipses, 1999.

                                                                                                     STRATEGUS
 

 

Partager cet article
Repost0
22 octobre 2008 3 22 /10 /octobre /2008 13:29

    On ne trouve pas le mot Guerre dans les dictionnaires ou encyclopédies de l'éthologie, sans doute parce que, au sens clausewitzien du terme par exemple, la guerre est plutôt du ressort de l'espèce humaine, de l'animal politique qu'est l'humain.
Toutefois, outre le fait que l'éthologie s'intéresse aussi à l'homme, le prédateur (en zoologie, animal qui se nourri de proies) possède des caractéristiques guerrières. On rencontre des comportements guerriers chez les insectes par exemple, qui agissent collectivement. Pour éviter toute confusion, on se concentrera sur la prédation.

      Dans le Dictionnaire du darwinisme et de l'évolution, Patrick TORT écrit que la prédation est l'"ensemble des mouvements qui s'ordonnent en vue de l'appropriation par capture et, généralement, de la consommation alimentaire d'organismes vivants (proies). Ce processus comportemental caractérise l'activité de chasse des animaux prédateurs - l'expression s'étant étendue d'une manière discutable à certains végétaux. Elle implique une agression conduisant à la capture de la proie, et se trouve sous-tendue en chacune de ses manifestations par des stimulus activants, déclenchant un comportement d'appétence suivi d'actes consommatoires. On sait par ailleurs que les proies ont souvent développé des comportements multiples de réaction adaptative au comportement du prédateur (...). Ces comportements sont variables selon que l'animal-proie bénéficie ou non de capacités de camouflage (...). L'animal-proie reconnaît fréquemment son prédateur (...)."
En corrélation de Prédation sont cités les mots Agression, Agresivité, Compétition intra et inter-spécifique, Instincts.

     Collectivement ou individuellement, les animaux luttent pour l'existence. Cette lutte pour l'existence, écrit le même auteur "est le ressort central de la théorie de la sélection naturelle. Elle repose en partie sur le fait que tous les animaux détruisent la vie (animale ou végétale) pour se nourrir, se conserver et se reproduire, et que l'univers vivant est le théâtre d'une incessante destruction d'organismes".
Patrick TORT, qui consacre quatre longues pages à cette notion, veut faire bien comprendre que cette expression de lutte pour la vie doit tenir compte d'éclaircissements apportés par Charles DARWIN.
Trois éléments sont à avoir toujours présents à l'esprit :
 - la notion de dépendance : la conscience permanente "d'un réseau de relations qui sont à la fois de concurrence et de co-adaptation entre les organismes partageant et constituant en même temps un certain milieu de vie traversé par une réciprocité constante d'actions et de réactions".
 - l'usage métaphorique de cette expression : sous peine de confusions conceptuelles, car "si en effet on peut employer dans son sens propre l'expression de lutte pour l'existence pour caractériser l'affrontement physique direct de deux carnassiers autour d'une proie conditionnant leur survie, la même expression vaudra encore dans les limites de ce sens lorsqu'elle servira à désigner un rapport n'impliquant pas cet affrontement direct, mais préservant la proximité des concurrents (...), tandis qu'elle deviendra métaphorique lorsqu'elle désignera un rapport de concurrence médiatisé par d'autres organismes (...) ou simplement approximative lorsqu'elle sera chargée de signifier un rapport tensionnel entre l'organisme et son milieu.".
- l'aspect global de la lutte l'emporte sur sa réalité immédiate : la lutte entre animaux s'opère par l'intermédiaire et dépend de la lutte entre d'autres animaux, dans un espace global donné.
    Enfin, continue Patrick TORT, "la lutte pour l'existence est chez DARWIN la conséquence du conflit de trois données majeure :
- le taux élevé d'accroissement spontané de toute population d'organismes ;
- la limitation de l'espace capable de la contenir ;
- les limites quantitatives des ressources qu'elle peut tirer de son environnement."

      On ne peut qu'être frappé par le peu d'études sur les comportements prédateurs - autre que les aspects documentaires parfois anthropomorphiques - en éthologie. Le centrage de l'étude des comportements (instinctifs ou élaborés par l'environnement) sur les relations entre congénères d'une même espèce, d'un même groupe, notamment dans les études sur l'agressivité. Cela empêche d'avoir une vision claire sur les comportements coordonnés en vue de se nourrir et de se protéger. Il semble toutefois bien que les comportements entre congénères d'une même espèce soient complètement différents des comportements de prédation (du comportement entre membres d'espèces différentes).
     Si l'on suit Jean-Luc RENK et Véronique SERVAIS (L'éthologie), l'un des problèmes de cette discipline est qu'il existe "un hiatus entre d'une part les éthologistes qui se sont attachés à des conduites de plus en plus complexes, très souvent chez des organismes qui ne le sont pas moins (oiseaux, mammifères...) et d'autre part les physiologistes qui étudient chez des "organismes simples" des processus délimités (intégration de signaux, commandes    de mouvements, modes de relations entre les deux...)". Ce hiatus a une influence sur notre compréhension du phénomène guerre vu d'un point de vue éthologique, qui intègre l'espèce humaine comme sujet d'études.

     Cela laisse le champ libre à une conception précise des comportements sous couvert de sociobiologie.
     Edward WILSON définit ainsi le champ de la sociobiologie, qui sera dénaturée par beaucoup par la suite : l'étude systématique des fondements biologiques de toutes formes de comportement chez toutes sortes d'organismes comme discipline de recherches, et non comme hypothèse spécifique.
Le chercheur est loin d'avoir la rage spéculative de nombreux adeptes de la sociobiologie : la plupart des types de comportements agressifs, écrit-il dans le chapitre Agression de "L'humaine nature", "entre représentants de la même espèce répondent à des surpopulations locales. Les animaux utilisent l'agression comme une technique permettant de contrôler un certain nombre de nécessités, comme la nourriture et l'abri, qui sont rares ou ont une chance de le devenir rapidement au cours du cycle vital.
Menaces et attaques s'intensifient et deviennent plus fréquentes au fur et à mesure que la population alentour devient plus dense. Ce comportement lui-même a pour résultat de pousser les membres de la population à conquérir de nouveaux espaces, d'accroître le taux de mortalité et de diminuer le taux de natalité." Edward WILSON indique ensuite que l'espèce humaine est loin d'être la plus violente dans les relations inter-spécifiques, et cite les hyènes, les lions et les singes langurs.

     Des études qui relient les apports de l'éthologie à ceux de l'anthropologie comme celle de Serge MOSCOVICI (La société contre nature) questionnent les relations entre prédation, chasse et guerre. Sans aller au fond de cette réflexion, on peut citer, dans son chapitre sur "les deux naissances de l'homme", certains éléments intéressants :
"Reprenant les ressources secondaires des primates, les hommes se sont faits prédateurs. L'équilibre atteint est cependant précaire. Les causes qui ont fait surgir une activité importante à côté de la cueillette continuent à agir et à en presser le développement."  Pour l'auteur, toute une évolution mène l'espèce humaine à la chasse, activité élaborée qui suppose une autre relations vis-à-vis des autres espèces, plus agressive et plus défensive. La recherche des ressources liée à une expansion démographique serait l'un des facteurs faisant de l'homme un chasseur, et dans un monde où coexistent plusieurs espèces humaines (ou d'hominidés) apparentées, la chasse aurait pu se muer en guerre. Loin de vouloir résumer l'étude de Serge MOSCOVICI, sur laquelle nous reviendrons en lecture croisée avec d'autres, dont celui portant sur "la chasse structurale" de Gérard MENDEL, il serait fructueux de rechercher les filiations qui existent entre ces trois termes.

   Sous la direction de Patrick TORT, Dictionnaire du darwinisme et de l'évolution, 3 volumes, PUF, 1996. Jean-Luc RENCK et Véronique SERVAIS, L'éthologie, histoire naturelle du comportement, Editions du Seuil, 2002. Edward WILSON, L'humaine nature, Essai de sociobiologie, Stock/Monde ouvert, 1979. Serge MOSCOVICI, La société contre nature, UGE, 10/18, 1972.

                                                                                    ETHUS
Partager cet article
Repost0
20 octobre 2008 1 20 /10 /octobre /2008 14:17

       Une revue qui a maintenant plus d'une quinzaine d'années d'existence (née en 1990) traite des questions sociologiques au sens large au niveau planétaire. Alors que généralement les revues qui traitent des relations internationales se centrent sur les relations entre Etats ou encore économies, celle-ci a le mérite d'aborder de manière transnationale et même transculturelle des questions telles que la xénophobie de gouvernement (numéro de printemps 2008) ou l'immigration, ou encore les libertés fondamentales.
      Trimestrielle, de 200 pages environ, animée par Didier BIGO et Laurent BONELLI en tant que rédacteurs en chef, constituée d'une équipe très large d'une vingtaine de rédacteurs, faisant appel de manière constante à des collaborations extérieures, Cultures et Conflits entend aborder les "différentes expressions de la conflictualité dans toutes ses formes". Elle partage avec ce blog ce souci de balayer toutes les disciplines afin de mieux cerner les origines, les modalités et parfois les solutions aux multiples conflits qui traversent notre époque. La revue propose des articles souvent assez longs et élaborés, outils de réflexion universitaire, souvent de haut niveau, et sans frilosités quant aux opinions exprimées (nettement orientées à gauche), prenant part de cette manière au débat politique, A noter par exemple le numéro paru en juin 2008 sur les "altermondialismes oubliés".
        A chaque fois, après un thème central, des pages hors-thèmes sont proposées, de manière très variée. Cultures et Conflits est l'organe d'un "Centre d'Etudes sur les Conflits" qui propose par ailleurs une collection depuis janvier 2006 d'ouvrages publiés en français, en anglais, en espagnol, en italien... Il collabore de cette manière de façon régulière avec les revues Alternatives (anglaise de Lynne REINER) et Conflitti globali (italienne). Sous oublier que, comme beaucoup d'autres revues, elle organise de manière régulière des Conférence-débats autour d'un thème.
     Le numéro de printemps/été 2011 (n°81-82), de 240 pages, sur Le passage par la violence en politique "invite à explorer les configurations sociales, historiques et politiques afin de mieux comprendre la violence politique, en refusant tout "exceptionnalisme méthodologique"." Le dossier s'ouvre sur le cas de l'Allemagne avec une traduction inédite d'un texte de Norbert ELIAS sur le conflit générationnel comme mode d'explication de la violence politique. Les autres contributions traitent tour à tour des violences syndicales (Antoine ROGER), du lien entre des militants, leur organisation et la violence, à travers des trajectoires collectives ou individuelles) (Benjamin GOURISSE, Stéphanie DECHEZELLES, Karine LAMARCHE, Marc MILLET...). "Le passage par la violence en politique n'est pas le résultat d'un "dysfonctionnement" ni d'une "subjectivité pathologique" réservée à des fanatiques, à des individus manipulés ou frustrés. Il s'inscrit dans des configurations sociales qu'il faut étudier dans toute leur singularité, en faisant varier les niveaux d'analyse." Dans ce numéro, les responsables de la revue inaugure une nouvelle formule qui reprend celle que les lecteurs d'International Political Sociology connaissent bien. "Il s'agit de demander à des collègues contemporains afin de pointer ce qui fait débat sur le plan intellectuel, et qui n'a pas nécessairement été éclairé dans les grands média" Ainsi, dans ce numéro, la question des Roms (comme prétexte : luttes autour des droits et de l'autorité).

      Cultures et Conflits, Sociologie Politique de l'International, Editions L'Harmattan, 34, rue de Montholon, BP 20064, 75421 PARIS CEDEX 09. Abonnement Librairie de L'Harmattan, 16, rue des écoles, 75005 PARIS. Le Centre d'études sur les conflits/Cultures et Conflits se trouve à l'université Paris X Nanterre, batiment F, bureau 515, 200 avenue de la République, 92001 NANTERRE.
       Site : www.conflits.org. Présence au portail Cairn.
 
(Actualisé le 17 mars 2012)
Partager cet article
Repost0
18 octobre 2008 6 18 /10 /octobre /2008 12:25

 

    Pour qui veut se familiariser avec une certaine manière de raconter les batailles ou de lire la stratégie sans plonger dans trop de lectures théoriques, le livre de Frédéric ENCEL est tout à fait indiqué. Il constitue une bonne mise en appétit dans la connaissance de l'art de la guerre. Faite de petits textes se rapportant soit à une bataille, soit à un théoricien, un stratège ou un stratégiste, cette introduction parcours l'histoire de 1286 avant Jésus-Christ (la bataille de Kadesh) à 1973 pour prendre la dernière bataille traitée (la guerre du Yom Kippour).
    On peut regretter des oublis et des restrictions, mais cela fait partie de la règle du jeu que s'est établie l'auteur. La sélection des entrées relatives aux batailles "s'est faite sur 3 critères précis et relativement différents : leur caractère décisif au regard d'un conflit ou d'une époque, leur dimension novatrice (emploi de tactiques ou de techniques nouvelles, bilan sans précédent...), enfin leur valeur symbolique ou mythique forte qui permit une instrumentalisation à des fins politiques."
Frédéric ENCEL, docteur en géopolotique, consultant en risques-pays et enseignant à l'Institut d'Etudes Politiques de Rennes, et on le comprend, avoue bien que le choix des hommes est plus délicat. Prendre Louis XI et Hassan Ibn Saba après avoir pris Clausewitz ou Sun Tse révèle bien une certaine pédagogie et on ne saurait l'en critiquer. L'objectif est d'ouvrir l'esprit avant tout, pour de futures découvertes plus approfondies ; en tout cas, c'est comme cela que je l'ai pris.
Après chaque article, de nombreuses références bibliographies permettent de commencer des approches plus étendues.
   A noter une postface de 2002 où l'auteur fait référence à "la gigantesque offensive terroriste du 11 septembre 2001" pour en faire "la soixante-cinquième case de l'échiquier",  après les 64 entrées qu'il nous propose ici.
 
    Nous pouvons lire de la part de l'éditeur :
"Soixante-quatre stratèges et batailles comme les soixante-quatre cases d'un échiquier... De Ramsès II à la guerre du Golfe, des ruses de César et de Xénophon aux théories nucléaires de Kissinger et de Mao, de la légende de Ronceveaux à celle de Valmy, la stratégie a toujours été perçue et menée à la manière d'un art. Comment Alexandre le Grand vainquit-il à quatre reprises les gigantesques armées de Darius? Quelle stratégie permit au vieil érudit chiite Hassan Ibn Saba, retranché dans un nid d'aigle avec une poignée d'hommes et de jolies esclaves, de provoquer à lui seul l'effondrement du plus puissant des empires de son époque? Pourquoi, au cours de la guerre de Cent Ans, l'infanterie anglaise écrasa-t-elle la redoutable chevalerie française? Qu'est-ce qui fit chuter Napoléon Bonaparte, le vainqueur d'Austerlitz? Pour quelles raisons le capitaine de Gaulle, visionnaire de la guerre mécanisée et annonciateur du cataclysme, fut-il négligé par l'état-major français des années 1930, mais lu, compris et "appliqué" avec succès par les généraux allemands au service de la démence hitlérienne? Par quel prodige Tsahal, armée populaire du minuscule État d'Israël, triompha-t-elle en quelques jours d'adversaires coalisés et bien supérieurs en nombre et en matériel? Comment comprendre enfin que les deux plus grands théoriciens militaires de l'Histoire, Sun Tse et Clausewitz, aient été farouchement opposés à la guerre? Cartes et index complètent cet ouvrage qui offre une contribution originale, à la fois simple et précise, à la connaissance de la stratégie."
 
    Sans prétendre donner toutes les réponses à ces questions, Frédéric ENCEL indique des faits qui permettent de comprendre leurs importances décisives. La force de cet ouvrage réside dans la capacité de mettre en lumière de manière synthétique les grands courants de pensée militaire et leurs applications ou non sur les champs de bataille. Un bon livre pour "débutants" qui ne se prend pas pour une sorte de "Stratégie pour les nuls"...
 

 

    Frédéric ENCEL, né en 1969, est également l'auteur de plusieurs autres ouvrages, dont certains provoquent la polémique, car concernant le Moyen-Orient. Il seraient trop orientés en faveur de l'Etat ou des gouvernements d'Israël (notamment de la part de Pascal BONIFACE dans Les intellectuels faussaires (Jean-Claude GAWSEWICH Editeurs, 2011), mais cela fait partie bien entendu des conflits entre écoles rivales). Il a ainsi écrit Géopolitique de Jérusalem (Flammarion, 1998, 2008) ; Le Moyen-orient entre guerre et paix. Une Géopolitique du Golan (Flammarion, 1999) ; Géopolitique de l'Apocalypse. La démocratie à l'épreuve de l'islamisme (Flammarion, 2002) ; La Grande alliance. De la Tchétchénie à l'Irak, un nouvel ordre mondial (avec Olivier GUEZ, Flammarion, 2003), Géopolitique d'Israël. Dictionnaire pour sortir des fantasmes (avec François THUAL, Seuil, 2004, 2011) ; Géopolitique du sionisme (Armand Colin, 2006, 2009) ; Comprendre la géopolitique (Seuil, 2011). 
 
 

   Frédéric ENCEL, L'art de la guerre par l'exemple, Stratèges et batailles, Flammarion collection Champs, 2002, 355 pages. Première édition en 2000.
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : LE CONFLIT
  • : Approches du conflit : philosophie, religion, psychologie, sociologie, arts, défense, anthropologie, économie, politique, sciences politiques, sciences naturelles, géopolitique, droit, biologie
  • Contact

Recherche

Liens