Le rapport de la Commission sur les armes de destruction massive, adopté en 2006 à l'unanimité de ses quatorze membres et édité en France en 2010 vient après une déjà longue série de rapports consacré par des organisations nationales ou internationales aux armements. Cette Commission, présidée par Hans BLIX, s'est appuyée sur les idées contenues dans le rapport de la commission de Canberra publié en 1996 (Commission de Camberra, Éliminer les armes nucléaires, Odile Jacob, 1997) et dans le plan d'action du Forum de Tokyo publié en 1999 (Facing Nuclear Dangers : An Action Plan for the 21st century), ce dernier également centré sur les armes nucléaires.
Ce Rapport de 2006 traite de l'ensemble des armes biologiques, chimiques et nucléaires souvent regroupées sous le terme générique d'armes de destruction massive. Les membres de la Commission ont pensé que les temps semblaient favorables à une disparition de ces armes, dans une période d'accélération des échanges mondiaux qui conduisent à une interdépendance de plus en plus vaste des différentes parties du monde. Mais, comme son président le constate lors de l'édition française de 2010, alors que ce rapport n'a rien perdu de sa pertinence, "les questions importantes sont restées gelées depuis 2010".
Cette édition française comporte, outre l'introduction à cette édition par Hans BLIX, un texte de Venance JOURNÉ sur "La dissuasion française dans le contexte international, avant les textes de l'édition originale : un Avant-propos du président, un Aperçu général, 8 chapitres et 3 annexes. Après avoir expliqué dans un premier chapitre pourquoi il faut se préoccuper des armes de destruction massive et l'état actuel du désarmement, le rapport expose les menaces et les réponses aux armes de terreur, avant d'aborder dans quatre chapitres distincts la question des armes nucléaires, celle des armes biologiques ou à toxines, celle des armes chimiques et celle des vecteurs, des défenses antimissiles et des armes dans l'espace. Ensuite, le rapport expose la problématique du Contrôle des exportations, de l'assistance internationale et de l'action des acteurs non gouvernementaux ainsi que le Respect, la vérification et le rôle des Nations Unies. La première annexe reprend les recommandations de la Commission, présentés dans les différents chapitres ; la deuxième, le travail proprement dit de la Commission, effectué entre 2003 et 2006 ; la troisième, la Déclaration d'ensemble adoptée par la Commission sur les armes de destruction massive.
Le texte de Venance JOURNÉ, qui coordonne l'édition française, sur La dissuasion française dans le contexte international est le seul qui comporte des aspects proprement stratégiques de la question. Après avoir rappelé la "menace cataclysmique" que font peser les armes nucléaires et établi un bref historique de la construction de la force de frappe française, il rappelle les mesures mises en place à la fin de la guerre froide par la France pour limiter les armements nucléaires.
Ainsi la liste de ces mesures comprend la ratification du Traité de Non-Prolifération (TNP) en 1982, le démantèlement des armes "pré-stratégiques" Pluton et Hadès, l'arrêt de la production de plutonium et d'uranium hautement enrichi et le démantèlement des installations de production de Pierrelatte et Marcoule, la réduction du niveau d'alerte pour les forces stratégiques, le démantèlement de la composante terrestre du plateau d'Albion, la réduction des forces stratégiques, la diminution du nombre de sous-marins en permanence à la mer, l'appui au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et sa ratification en 1998, le démantèlement irréversible du site d'essais nucléaires à Mururoa (précédé d'une campagne de tirs en 1995-1996 destinée à assurer la robustesse de la modélisation informatique d'armes et de leurs effets à fins d'analyse des essais) et la ratification des traités établissant des zones exemptes d'armes nucléaires en Afrique et dans le Pacifique Sud en 1996.
Mais malgré les déclarations d'une moindre adéquation de la stratégie de dissuasion nucléaire au début des années 1990, dès la fin de cette décennie et au début des années 2000 un nouveau discours utilise la prolifération comme argument de modernisation de la cette stratégie. Ainsi, si le nombre de têtes nucléaires diminue, cette baisse est toute relative, et le missile M51 embarqué sur les sous-marins, avec ses 9 000 kilomètres de portée remplace le M45 qui n'en avait que 6 000. De la même manière, la portée des missiles embarqués sur les avions Mirage et Rafale augmente. Si l'on compare la situation actuelle à ce qu'elle était en 1995, les mesures de limitation des armements ont été accompagnées d'une modernisation de l'arsenal pour le rendre plus efficace, flexible, précis et de longue durée.
En fait, le seul cadre pour conjurer la menace nucléaire, soutient Venance JOURNÉ, est un traité d'interdiction multilatéral et non discriminatoire. Il fait référence à la Conférence d'examen du TNP de mai 2010.
Dans le silence médiatique sur la question de la stratégie nucléaire, silence brisé en octobre 2009 par deux anciens premiers ministres français (Alain JUPPÉ et Michel ROCARD) et d'autres personnalités dans un appel à engager la France radicalement dans un processus de désarmement, il est temps de relancer le débat en France et que l'opinion publique fasse entendre sa voix.
L'avant-propos du Président au Rapport de la Commission dresse un tableau globalement sombre, à court terme, des perspectives de maîtrise des armements et de désarmement.
Après les attentats aux États-Unis de septembre 2001, et des volontés affirmées de la Corée du Nord, de l'Irak, de la Libye ou de l'Iran de se procurer des armes nucléaires, la plupart des États ont renforcé et développé les traités et institutions existants, sauf les États-Unis qui ont davantage compté sur leur propre puissance militaire. C'est à l'unilatéralisme américain que la plupart des efforts déployés se heurtent, et le Président en appelle à un volonté générale de revenir à un système multilatéral. Pour autant, cet avant-propos attire tout de même l'attention, ce qui ne le rend pas moins pessimiste, sur des éléments positifs : le nombre de conflits armés entre États a diminué, les opérations de maintien de la paix ont empêché et empêchent encore le déclenchement d'hostilités en maints endroits, les efforts visant à réformer l'ONU commencent à porter leurs fruits et la nouvelle commission de consolidation de la paix des Nations Unies doit venir en aide aux pays qui sortent d'un conflit, diminuant ainsi le risque qu'ils ne retombent dans la violence. Dans tous les cas, l'influence des États-unis est décisive. S'ils montrent l'exemple, il est probable que le monde suivra. S'ils ne le font pas, on risque d'assister à une recrudescence des essais nucléaires et de la course aux armements.
Dans l'Aperçu général sur les armes de terreur, l'explication de la nécessité d'agir reprend les thèmes habituels et toujours d'actualité (inhumanité de ces armes, risque grand d'usage volontaire ou involontaire, impossibilité de revenir sur l'invention de ces armes) auxquels s'ajoutent le phénomène de la décennie écoulée de dispersion et d'essoufflement des efforts de désarmement et l'échec de la Conférence du TNP et l'incapacité du Sommet mondial des Nations Unies de s'entendre sur une déclaration finale en 2005.
Il faut s'entendre sur des principes d'action généraux, réduire le danger que représentent les arsenaux actuels (pas d'utilisation prévue par les États, pas d'accès pour les terroristes), empêcher la prolifération (pas de nouveaux systèmes d'armement, pas de nouveaux détenteurs) et oeuvrer à la mise hors-la-loi de toutes les armes de destruction massive une fois pour toute.
Le premier Chapitre, Relancer le désarmement, donne une vue d'ensemble plus précise, dans un contexte de désarroi pour le désarmement. En ce qui concerne la nécessité de se préoccuper des armes de destruction massive, les auteurs indiquent que "il existe de grandes différences entre les armes nucléaires, biologiques et chimiques quant à leur utilisation, leurs effets, leur statut juridique et leur importance stratégique.
Les armes nucléaires demeurent la menace la plus terrible. Pour certains experts, ces différences sont d'ailleurs si importantes qu'ils ne regroupent pas les trois catégories sous la même dénomination d'arme de destruction massive. Néanmoins, dans la mesure où, en tant qu'armes de terreur, elles suscitent toutes trois le même opprobre, il est parfaitement justifié de les traiter comme un seul et même groupe." Le Rapport veut aller dans le sens d'une action coopérative en faveur de l'interdiction totale de ces armes et estime qu'il y a trois défis essentiels : les arsenaux actuels, les nouveaux États détenteurs potentiels et les détenteurs non étatiques potentiels. Les actions doivent être menées à tous les stades du cycle de vie de ces armes, de leur création à leur déploiement.
Le deuxième chapitre, Armes de terreur : menaces et réponses, détaille les unes et les autres. Le texte, qui s'appuie sur des encadrés plus informatifs (Les effets meurtriers des armes de destruction massive, Les trois principaux traités internationaux relatifs aux armes de destruction massive, à savoir le TNP, la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines, et leur destruction et la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, Inde-Pakistan, La péninsule coréenne, Menaces posées par les armes de destruction massive au Moyen-Orient, Résumé des treize mesures concrètes pour le désarmement nucléaire convenues en 2000, Retrait des traités : exigences de notification) fait le point global sur les armements présents et sur les différentes initiatives de désarmement.
Pour les armes nucléaires, "Malgré les réductions qui ont suivi la fin de la guerre froide, quelque 12 000 armes nucléaires sont toujours en service ("déployées"). Plus de 90% se trouvent dans les arsenaux des États-Unis et de la Russie. On estime à environ 27 000 le nombre total d'armes déployées et non déployées. L'imprécision de ce chiffre (et de l'inventaire des stocks de matières fissiles) trahit le caractère fragmentaire des informations publiées sur les arsenaux nucléaires. Ce manque de transparence est lourd de conséquences, notamment en ce qui concerne les difficultés rencontrées lorsqu'il s'agit de mesurer les progrès accomplis sur la voie du désarmement et de faire respecter l'obligation de rendre des comptes.
Pour les armes biologiques, "Aucun État ne reconnaît être en possession d'armes biologiques ou disposer de programme de mise au point d'armes de ce type. Rejoindre un "club de détenteurs d'armes biologiques" n'augmenterait nullement le prestige d'un État, quel que soit." Mais ces armes sont plus facile à dissimuler et "l'éventualité que de nouvelles armes soient mises au point dans le futur suscite encore plus d'inquiétudes que les armes actuelles."
Pour les armes chimiques, "Les États-Unis et l'Union Soviétique ont produit beaucoup plus d'armes chimiques que les autres pays (plus de 30 000 et 40 000 tonnes respectivement, selon des chiffres datant de 1990). Quatre autres États ont déclaré détenir des stocks d'armes chimiques. De nombreux experts et hauts fonctionnaires ont affirmé que plusieurs États (dont certains sont parties à la Convention sur les armes chimiques) disposaient de programmes clandestins d'armes chimiques. Le processus de destruction contrôlée des armes chimiques se poursuit lentement (...). Cependant, le rapport de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques indique qu'au 28 février 2006, seules 13 049 tonnes d'agents chimiques avaient été détruites sur les 71 373 tonnes de stocks déclarés."
Le rapport fait état des Réponses traditionnelles aux menaces posées par les armes de destruction massive, que ce soient des initiatives unilatérales, bilatérales, plurilatérales, régionales ou mondiales.
Il pointe les faiblesses de ces réponses : manque d'universalité, faiblesse de certains traités qui comportent des clauses de retrait, insuffisance de la vérification (même dans le cadre de l'activité de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique), non-respect des traités et conventions, absence de moyens d'application. Il se réjouit de nouvelles réponses aux menaces que constituent l'initiative de sécurité contre la prolifération de 2003, lancée par les États-Unis pour interdire et saisir les cargaisons internationales de marchandises soupçonnées d'être destinées à des programmes illicites d'armes de destruction massive et la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l'ONU d'avril 2004, qui institue pour tous les États l'obligation de s'abstenir d'aider des acteurs non-étatiques qui tenteraient de s'en procurer.
La commission fait trois conclusions de tout cela :
- Il faut relancer et renforcer les stratégies multilatérales concertées en raison de leur légitimité et de leur efficacité potentielle ;
- Il faut redonner aux gouvernements le sens de la responsabilité collective dans la réalisation des objectifs fixés ;
- Le Conseil de sécurité - en liaison étroite avec les États Membres de l'ONU - devraient être le coordinateur de l'ensemble des efforts mondiaux visant à réduire la menace des armes de destruction massive.
Les armes nucléaires sont le thème du chapitre suivant, qui présente l'état actuel précisément sur ces armes.
Comme dans les autres chapitres, des encadrés (progrès accomplis en matière de réduction des menaces nucléaires, exemple d'activités concernant l'élimination des matières fissiles à l'échelle mondiale, initiatives internationales récentes pour renforcer la protection physique, terminologie de l'état de préparation opérationnelles - les fameux seuils d'alerte atomique, Armes nucléaires non stratégiques, quelques problèmes liés aux armes nucléaires non stratégiques, le problème des matières fissiles, essais d'armes nucléaires par les cinq États parties au TNP dotés d'armes nucléaires, l'Inde et le Pakistan) appuient le récit des dernières évolutions en matière d'armement. Le rapport informe bien sur l'état actuel du TNP et apporte des informations sur le terrorisme nucléaire qu'il s'agit d'empêcher.
Ce sont 30 propositions que la commission fait à propos de ces types d'armes et leur importance mérite qu'on les cite ici in-extenso, ainsi que les autres propositions concernant, dans les autres chapitres, les autres armes de destruction massive :
- Toutes les parties au TNP doivent revenir aux engagements fondamentaux et équilibrés en matière de non-prolifération et de désarmement qu'elles ont pris en vertu du traité et confirmé en 1995 lorsque celui-ci a été prorogé pour une durée indéterminée.
- Toutes les parties au TNP devraient appliquer la décision sur les principes et les objectifs de non-prolifération et de désarmement, la décision visant au renforcement du processus d'examen du TNP et la résolution concernant la création d'une zone exempte d'armes nucléaires et de toutes autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, tous ces textes ayant été adoptés en 1995. Elles devraient également promouvoir la mise en oeuvre des "treize mesures concrètes" de désarmement nucléaire adoptés en 2000.
- Pour améliorer l'efficacité du régime de non-prolifération, tous les États parties au TNP non dotés d'armes nucléaires devraient accepter les garanties généralisées renforcées par les protocoles additionnels de l'AIEA.
- Les États parties au TNP devraient mettre en place un secrétariat permanent chargé de s'occuper des questions administratives pour les parties au Traité. Ce secrétariat organiserait les conférences d'examen du Traité et les sessions des commissions préparatoires. Il lui appartient également d'organiser d'autres réunions liées au TNP à la demande d'une majorité des États parties.
- Les négociations avec la Corée du Nord devraient viser la conclusion d'un accord vérifiable avec, comme éléments principaux, que ce pays déclare son adhésion au TNP et accepte le Protocole additionnel de 1997, et qu'il renouvelle et confirme par un instrument juridique les engagements pris dans la Déclaration conjointe sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne de 1992 : plus précisément ni la Corée du Nord ni la Corée du Sud ne possèderont d'armes nucléaires ou d'installations de retraitement et d'enrichissement de l'uranium. Les services relatifs au cycle du combustible nucléaire devraient être assurés dans le cadre d'arrangements internationaux. L'accord devrait aussi couvrir les armes biologiques et chimiques, ainsi que le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, ce qui ferait de la péninsule coréenne une zone exempte d'armes de destruction massive.
- il convient de poursuivre les négociations pour persuader l'Iran de suspendre toute activité sensible touchant au cycle du combustible nucléaire, de ratifier le Protocole additionnel de 1997 et de renouer une coopération pleine et entière avec l'AIEA afin d'éviter une montée des tensions et d'améliorer les perspectives de réaliser l'objectif commun : la création d'une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-orient. La communauté internationale et l'Iran devraient instaurer la confiance mutuelle par des mesures telles que des assurances fiables concernant la fourniture de services relatifs au cycle du combustible, la suspension pendant une période prolongée, par tous les États du Moyen-Orient, des activités sensibles liées au cycle du combustible, ou le renoncement à ces activités, des assurances contre les attaques ou la subversion visant à provoquer un changement de régime ainsi que des initiatives destinées à faciliter les échanges et les investissements internationaux.
- Les États parties au TNP dotés d'armes nucléaires devraient donner des garanties négatives de sécurité juridiquement contraignantes aux États parties non dotés de ces armes. Les États non parties au TNP qui possèdent des armes nucléaires devraient, de leur côté, donner les mêmes assurances.
- Les États devraient utiliser autant que faire se peut l'AIEA comme tribune pour étudier les moyens de réduire les risques de prolifération liés au cycle du combustible nucléaire, tels que les propositions relatives à la création d'une banque internationale du combustible, ou encore de centres régionaux sous contrôle international offrant les services relatifs au cycle du combustible, en particulier des centres d'entreposage du combustible irradié. Une autre proposition porte sur la création d'un système de cycle du combustible selon lequel quelques États fournisseurs des services relatifs au cycle du combustible loueraient du combustible nucléaire aux États ayant renoncé aux activités d'enrichissement et de retraitement.
- Les États devraient mettre au point des moyens d'utiliser de l'uranium faiblement enrichi pour la production des navires et dans les réacteurs de recherche qui requièrent actuellement de l'uranium fortement enrichi. Les États qui séparent le plutonium en retraitant le combustible irradié devraient explorer les possibilités de réduire cette activité.
- Tous les États devraient apporter leur soutien aux initiatives internationales prises pour faire progresser l'élimination des matières fissiles à l'échelle mondiale. Ce soutien devrait inclure la conversion des réacteurs de recherche afin qu'ils utilisent de l'uranium faiblement enrichi et non plus de l'uranium fortement enrichi, l'entreposage des matières fissiles dans des centres de stockage centralisés et sécurisés et le renvoi des matières nucléaires exportées aux fournisseurs afin que ceux-ci les mettent au rebut ou les éliminent dans des conditions de sécurité satisfaisantes.
- Tous les États parties au TNP dotés d'armes nucléaires qui ne l'ont pas encore fait devraient ratifier les protocoles aux traités créant des zones exemptes d'armes nucléaires dans différentes régions. Tous les États se trouvant dans ces zones devraient conclure des accords de garanties généralisées avec l'AIEA et convenir de ratifier et d'appliquer les Protocoles additionnels.
- Tous les États devraient apporter leur soutien à la poursuite des efforts visant à établir une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient dans le cadre du processus de paix global. Des mesures peuvent être prises dès maintenant. A titre de mesure de confiance, tous les États de la région, y compris l'Iran et Israël, devraient s'engager pour une longue durée en faveur d'un accord vérifié aux termes duquel ils ne se livreraient à aucune activité d'enrichissement ou de retraitement ni à d'autres activités sensibles liées au cycle du combustible sur leur territoire. Un tel engagement devrait s'accompagner d'assurances fiables concernant les services liés au cycle du combustible nécessaires aux activités nucléaires pacifiques. L'Égypte, l'Iran et Israël devraient se joindre aux autres États du Moyen-Orient et ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.
- L'Inde et le Pakistan devraient ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et se joindre aux autres États dotés d'armes nucléaires ayant décrété un moratoire sur la production de matières fissiles destinées aux armements, en attendant la conclusion d'un traité. Ils devraient continuer à oeuvrer pour la détente bilatérale et instaurer la confiance grâce à des mesures politiques, économiques et militaires, en réduisant le risque de conflit armé et en accroissant la transparence dans leurs activités nucléaires et relatives aux missiles. Les deux États devraient à terme devenir membres du Groupe des fournisseurs nucléaires et du Régime de contrôle de la technologie des missiles ; ils devraient également devenir parties aux accords de garanties de l'AIEA aux termes des Protocoles additionnels de 1997.
- Les États doivent empêcher les terroristes d'accéder aux armes nucléaires ou aux matières fissiles. A cette fin, ils doivent mettre en place une comptabilité rigoureuse et un contrôle exhaustif de tous leurs stocks de matières fissiles et radioactives et des autres sources radiologiques présentes sur leur territoire. Ils devraient instituer une responsabilité juridique individuelle pour tout acte de terrorisme nucléaire ou les activités qui y concourent. Ils devraient développer leur coopération notamment à travers le partage d'informations, y compris le renseignement sur le commerce nucléaire illicite. Ils devraient également promouvoir l'adhésion universelle à la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire et à la convention sur la protection physique des matières nucléaires ainsi que l'application de la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l'ONU.
- Tous les États dotés d'armes nucléaires devraient déclarer catégoriquement une politique de non-emploi en premier de ces armes. Ils devraient préciser que cela porte à la fois sur la préemption et sur la prévention, ainsi que sur les représailles aux attaques avec utilisation d'armes chimiques, biologiques ou conventionnelles.
- Tous les États dotés d'armes nucléaires devraient réexaminer leurs plans militaires et définir ce qui est nécessaire au maintien de politiques crédibles de sécurité non fondées sur les armes nucléaires. Les États qui déploient leurs forces nucléaires selon une triade associant missiles lancés à partir de sous-marins, missiles balistiques intercontinentaux basés à terre et bombardiers de longue portée devraient abandonner cette pratique afin de réduire les redondances et d'éviter d'encourager la course aux armements nucléaires.
- Les États-Unis et la Russie devraient convenir de mesures réciproques pour que les armes ne soient plus en état d'alerte maximale et ils devraient établir une commission mixte pour faciliter la réalisation de cet objectif. Ils devraient éliminer de leurs plans de guerre nucléaire l'option de lancement sur alerte, tout en opérant parallèlement une réduction contrôlée de l'état de préparation opérationnelle d'une grande partie de leurs forces stratégiques en prenant les mesures suivantes :
. réduire le nombre de sous-marins stratégiques en mer et ramener à un niveau inférieur leur état de préparation technique au lancement lorsqu'ils sont au port ;
. entreposer les bombes nucléaires et les missiles de croisière lancés depuis des bombardiers ailleurs que sur les aérodromes correspondants ;
. entreposer séparément les ogives et les têtes nucléaires de la plupart des missiles balistiques intercontinentaux et prendre d'autres mesures techniques pour réduire leur état de préparation.
- Les États-Unis et la Russie devraient engager des négociations sur un nouveau traité sur la réduction des armes stratégiques visant à réduire au moins de moitié le déploiement des forces stratégiques actuellement autorisé par le Traité de réduction des arsenaux nucléaires stratégiques (SORT). Ce nouveau traité devrait comprendre l'engagement juridiquement contraignant de démanteler de façon irréversible les armes retirées en vertu du Traité SORT. Il devrait également instituer des règles comptables, des calendriers et des procédures transparents pour démanteler les armes, ainsi que des mesures de vérification réciproque.
- Les États-Unis et la Russie, suivis des autres États dotés d'armes nucléaires, devraient publier les chiffres totaux de leurs arsenaux nucléaires en service actif ou en réserve ; ces chiffres serviraient de référence pour les futurs efforts de désarmement. Ils devraient également convenir d'inclure dans les futurs accords sur le désarmement des dispositions spécifiques relatives à la transparence, à l'irréversibilité, à la vérification et à la destruction physique des têtes nucléaires.
- Tous les États dotés d'armes nucléaires doivent examiner la question de leur possession de ces armes. Tous les États parties au TNP dotés d'armes nucléaires doivent prendre des mesures aux fins du désarmement nucléaire comme l'exigent le TNP et les engagements pris dans le cadre de sa prorogation pour une durée indéterminée. Les États-Unis et la Russie devraient montrer l'exemple. Les autres États dotés d'armes nucléaires devraient s'associer au processus, selon une action individuelle ou coordonnée. L'Inde, Israël et le Pakistan ne sont pas parties au TNP, mais il est également de leur devoir d'apporter leur contribution au processus de désarmement nucléaire.
- Les États-Unis et la Russie devraient commencer à s'acquitter des engagements qu'ils ont pris en 1991 d'éliminer les types spécifiques d'armes nucléaires non stratégiques, telles que les charges nucléaires statiques, les obus d'artillerie et les têtes nucléaires des missiles balistiques de courte portée. Ils devraient convenir de retirer toutes les armes nucléaires non stratégiques et les rassembler dans un entrepôt central sur leur territoire, en attendant de les éliminer définitivement. Les deux pays devraient renforcer leurs engagements unilatéraux de réduction de 1991 en élaborant des dispositions qui garantiraient la vérification, la transparence et l'irréversibilité.
- Tout État qui possède des armes nucléaires devraient s'engager à ne déployer aucune de ces armes, quel qu'en soit le type, en territoire étranger.
- Tout État qui envisage de remplacer ou de moderniser ses systèmes d'armes nucléaires doit examiner une telle mesure en tenant compte de toutes les obligations qui lui incombent en vertu des traités pertinents et de son devoir de contribuer au processus de désarmement nucléaire. Il doit tout au moins s'abstenir de mettre au point des armes nucléaires dotées de nouvelles capacités militaires ou auxquelles sont conférées de nouvelles missions. Il ne doit pas adopter de systèmes ou doctrines qui estompent la distinction entre armes nucléaires et armes conventionnelles ou abaissent le seuil de recours aux armes nucléaires.
- Tous les États dotés d'armes nucléaires, particulièrement les États-Unis et la Russie, devraient soumettre les matières fissiles excédentaires de leurs programmes militaires au régime des garanties de l'AIEI. Afin de faciliter la réduction des stocks d'uranium fortement enrichi, les États détenteurs devraient vendre à d'autres États parties au TNP l'uranium dilué à un niveau d'enrichissement convenant à une utilisation comme combustible dans les réacteurs ou bien l'utiliser à des fins pacifiques pour leurs propres besoins énergétiques.
- Tous les États dotés d'armes nucléaires devraient adopter des normes strictes pour la manutention des matières fissiles de qualité militaire considérées comme excédant les besoins militaires ou récupérées d'activités de désarmement, à l'exemple de normes américaines applicables aux armes entreposées et au combustible irradié.
- La Conférence du désarmement devrait immédiatement engager sans conditions préalables les négociations, précédemment reportées, relatives à un traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. Auparavant ou tout au moins pendant ces négociations, la conférence du désarmement devrait constituer un groupe d'experts scientifiques chargé d'examiner les aspects techniques du traité.
- Afin de faciliter les négociations sur l'arrêt de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires dans le cadre de la Conférence du désarmement, les cinq États parties au TNP dotés d'armes nucléaires, auxquels se joindraient les autres États dotés d'armes nucléaires, devraient s'entendre pour cesser la production de matières fissiles à des fins d'armement. Ils devraient ouvrir leurs installations de production de ces matières aux inspecteurs de l'AIEA, en s'inspirant des inspections effectuées en France et au Royaume-Uni en vertu du Traité Euratom. Ces huit États devraient également examiner la question des limitations vérifiables des stocks existants de matières nucléaires utilisables à des fins d'armement.
- Tous les États qui ne l'ont pas encore fait devraient signer et ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires sans condition et sans retard. Les États-Unis, qui n'ont pas encore ratifié le Traité, devraient reconsidérer leur position et procéder à cette ratification, reconnaissant que cela conduirait d'autres États dont la ratification est exigée à faire de même, ce qui constituerait un pas vers l'entrée en vigueur du Traité. En attendant cette entrée en vigueur, tous les États dotés d'armes nucléaires devraient continuer à s'abstenir de tout essai nucléaire. Par ailleurs, la Conférence des signataires du traité qui s'est tenue en 2007 devrait examiner la possibilité d'une entrée en vigueur provisoire.
- Tous les États signataires devraient apporter un appui financier, politique et technique au développement et au fonctionnement permanents du régime de vérification, notamment le Système de surveillance international, le Centre international de données et son secrétariat, afin que l'Organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires soit prête à surveiller et vérifier le respect du Traité dès que celui-ci entrera en vigueur. Ils devraient s'engager à entretenir les stations dont ils sont responsables et à poursuivre la transmission des données nationales en toutes circonstances.
- Tous les États dotés d'armes nucléaires devraient commencer à établir des plans de sécurité sans armes nucléaires. Ils devraient se préparer à ce que les armes nucléaires soient déclarées illégales en prenant des mesures communes, concrètes et progressives, incluant l'adoption de définitions, de points de référence et d'exigences de transparence aux fins du désarmement nucléaire.
La lecture de ces trente propositions montre en creux à quel point les conditions d'un véritable désarmement nucléaire sont très loin d'être remplies. Déjà, nous pouvons constater à la lecture des différentes statistiques sur les armes nucléaires et les matériaux fissiles, publiées par exemple par l'IISS ou le GRIP, les importantes lacunes et incertitudes en matière de simple information. L'inquiétude ne peut être que de mise devant certaines propositions qui semblent indiquer des défauts très importants dans le contrôle des arsenaux effectués par les autorités mêmes en charge dans les États détenteurs d'armes nucléaires...
Au chapitre 4,, sont abordés les armes biologiques ou à toxines, avec des informations précises sur l'état du classement des armes biologiques, le Protocole de Genève de 1928, l'énumération des États qui ont signé la Convention sur les armes biologiques ou à toxines mais qui ne l'ont pas encore ratifiées ainsi que celle des États non signataires.
Six propositions sont faites par la Commission :
- Tous les États qui ne sont pas encore parties à la Convention sur les armes biologiques ou à toxines devraient y adhérer. Les États parties à la Convention devraient lancer une campagne visant à l'adhésion universelle d'ici à la septième Conférence d'examen qui doit se tenir en 2011.
- En vue de parvenir à l'adoption universelle de dispositions législatives et réglementaires nationales pour la mise en oeuvre intégrale et effective de la Convention sur les armes biologiques ou à toxines, les États devraient offrir une assistance technique et promouvoir des modèles de bonnes pratiques de législations de ce type. Dans le cadre du processus de renforcement de la confiance et afin de promouvoir la transparence et l'harmonisation, tous les États parties devraient établir et rendre publiques tous les ans des déclarations nationales liées aux armes biologiques.
- Les États parties à la Convention sur les armes biologiques ou à toxines devraient renforcer les pouvoirs d'investigation du Secrétaire général de l'ONU en veillant à ce que le Secrétariat puisse disposer d'une liste d'experts régulièrement mise à jour et qu'il puisse bénéficier des conseils de l'Organisation mondiale de la santé ainsi que des services d'une unité spécialisée établie sur le modèle de la Commission de contrôle pour l'aider à enquêter sur les épidémies inhabituelles et les allégations d'emploi d'armes biologiques.
- Les États parties à la Convention sur les armes biologiques ou à toxines devraient créer un secrétariat permanent chargé des travaux d'organisation et des tâches administratives liées à la Convention, par exemple les conférences d'examen et les réunions d'experts.
- Les gouvernements devraient mettre en place une vieille sanitaire publique pour permettre de surveiller efficacement des épidémies inhabituelles ; ils devraient également élaborer des méthodes concrètes pour coordonner les réponses internationales à tout événement important qui pourrait avoir été provoqué par des armes biologiques. Ils devraient renforcer la coopération entre les autorités sanitaires civiles et les autorités chargées de la sécurité, tant nationales que régionales et mondiales, notamment dans le cadre du nouveau Règlement sanitaire international de l'Organisation mondiale de la santé. Les gouvernements devraient également revoir les mesures nationales de bio-sûreté et de biosécurité afin de protéger la santé et l'environnement face aux émissions de matières biologiques et de toxines. Ils devraient harmoniser les norme nationales de biosécurité.
- Lors de la sixième Conférence d'examen, en 2006, les États parties à la Convention sur les armes biologiques ou à toxines devraient réaffirmer les accords obtenus lors des précédentes conférences d'examen et prendre des mesures dans tous les domaines abordés lors des réunions de la Convention depuis 2003. Ils devraient établir un programme de travail sur de nouveaux sujets pour leurs prochaines réunions. Ils devraient prévoir une réévaluation plus fréquente des implications des progrès scientifiques et technologiques et réaffirmer que tous les engagements pris en vertu de l'Article premier de la Convention s'appliquent également à ces progrès. La Conférence d'examen devrait réaffirmer que tous les progrès en sciences de la vie entrent dans le champ d'application de la Convention et que celle-ci interdit leur utilisation à des fins hostiles.
Le chapitre suivant porte sur les armes chimiques et comporte de nombreux encadrés informatifs : Principaux types d'armes chimiques, Définition des armes chimiques selon l'article II de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, Quels sont les produits chimiques réglementés, L'organe de mise en oeuvre de d'inspection de la Convention sur les armes chimiques, États non parties à la Convention sur les armes chimiques en Avril 2006.
La Commission formule là aussi 6 recommandations :
- Les États parties à la Convention sur les armes chimiques devraient mobiliser des ressources suffisantes pour éviter tout retard excessif dans la destruction convenue des stocks d'armes chimiques.
- L'organisation pour l'interdiction des armes chimiques et les États parties à la convention sur les armes chimiques devraient poursuivre leurs efforts pour assurer l'adhésion universelle à la Convention. Les États parties devraient appliquer intégralement les règles relatives au commerce et au transfert des produits chimiques qui sont des précurseurs des agents employés dans les armes chimiques. Ils devraient aller plus loin dans l'élaboration des règlements concernant le commerce et le transfert des produits chimiques susceptibles d'être utilisés pour produire des armes chimiques. Avec l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, ils devraient poursuivre la recherche de moyens constructifs, notamment l'assistance technique, pour inciter les États à adhérer et à mettre en oeuvre la Convention. Lorsqu'ils fournissent cette assistance ou procèdent au transfert des technologies correspondantes, ils devraient envisager des mesures permettant de garantir leur utilisation sûre et responsable par les bénéficiaires.
- Les États parties à la Convention sur les armes chimiques devraient confirmer que l'utilisation d'agents chimiques toxiques aux fins de maintien de l'ordre est, à l'instar des agents de contrôle des émeutes, interdite en tant que méthode de mener la guerre. En conséquence, chaque Etat partie doit déclarer tous ces agents en vertu de l'Article III de la Convention.
- Les États parties devraient veiller à ce que l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques dispose des ressources, de l'expérience et de l'autorité juridique nécessaires pour effectuer des inspections par mise en demeure de façon efficace et en temps opportun, y compris pour le prélèvement et la levée d'échantillons à des fins d'analyse.
- Tous les États devraient, par le biais de leur législation et de leurs politiques nationales, interdire la production, la possession et l'utilisation de produits chimiques toxiques et des technologies associées à des fins qui sont interdites par la Convention sur les armes chimiques. Les États devraient assurer la sécurité interne et externe des installations chimiques par la législation et par des accords avec les industriels. Les États devraient également mettre au point des moyens nationaux pour vérifier le respect des normes de sécurité.
- Les États parties à la Convention sur les armes chimiques devraient confier à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques des fonctions de coordination dans le cadre de l'élaboration de normes mondiales pour une culture de la sécurité au sein de l'industrie chimique. L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques devraient proposer des services d'assistance en matière d'évaluation et de sécurité aux sites déclarés. Les Etats parties devraient aussi renforcer la capacité de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, par exemple en fournissant du matériel de détection, des systèmes d'alarme et des antidotes médicaux.
Les deux dernières propositions visent certaines conditions d'insécurité de l'industrie chimique, notamment dans les nouveaux pays industrialisés et de manière générale, va tout-à fait à contre courant du mouvement de libéralisation dans cette industrie, notamment dans ses deux domaines du contrôle par l'État et de la fiabilité des services de sûreté, souvent sacrifiés au nom de la rentabilité économique. La Commission souhaiterait des poursuites judiciaires contre toute personne qui commet des actes de malveillance contre un site de l'industrie chimique et que les États travaillent pour réduire le risque "que des terroristes ne cherchent des cibles dans les pays où la sécurité est défaillante".
Le sixième chapitre aborde, ce que les Rapports sur les armements et le désarmement ne font pas souvent, la question des vecteurs, des défenses antimissiles et des armes dans l'espace. Après une description des divers types de vecteurs aériens, pouvant transporter des armes de destruction massive, des différents types de défense antimissile, évoquant bien entendu le Traité ABM, duquel les États-Unis se sont retirés en juin 2002, et de différents aspects de la militarisation de l'espace, la Commission fait quatre recommandations :
- Les États membres du Régime de contrôle de la technologie des missiles devraient renouveler leurs efforts en vue de mieux mettre en place et l'élargir les contrôles à l'exportation des matériels et des technologies concernés. Les États qui souscrivent au Code de conduite de La Haye devraient en étendre la portée de façon à inclure les missiles de croisière et les drones. Ils devraient établir un centre multilatéral d'échange de données inspiré des initiatives américano-russes pour échanger des données sur les lancements de missiles grâce à des systèmes d'alerte précoce. Les mesures régionales et internationales de non-prolifération devraient inclure des échanges d'informations, la notification des lancements et des restrictions ou des interdictions frappant certains équipements ou capacités spécifiques.
- Les États ne devraient pas envisager de déployer ou de continuer à déployer des systèmes de défense antimissiles, de quelque nature qu'ils soient, sans tenter au préalable de négocier l'élimination des menaces que présentent les missiles. En cas d'échec des négociations, le déploiement de ces systèmes devrait s'accompagner de programmes de développement en coopération et de mesures de confiance afin de réduire le risque d'alertes néfastes sur la paix et la sécurité internationales, notamment celui de susciter ou d'aggraver les courses aux armements.
- Tous les États devraient renoncer à déployer des armes dans l'espace extra-atmosphérique. Ils devraient promouvoir l'adhésion universelle au Traité sur l'espace extra-atmosphérique et en étendre la portée grâce à un protocole interdisant toutes les armes dans l'espace. En attendant la conclusion d'un tel protocole, les États devraient s'abstenir d'activités incompatibles avec ses objectifs, notamment de tous les essais contre des objets spatiaux ou des cibles terrestres à partir d'une plate-forme spatiale. Les États devraient adapter les régimes et institutions internationaux traitant des questions spatiales de façon à ce que les aspects militaires et civils puissent être examinés dans le même contexte. Ils devraient également constituer un groupe d'experts chargé d'élaborer des options pour la surveillance et la vérification de différentes composantes d'un régime de sécurité de l'espace et d'un code de conduite, destinés notamment à interdire les essais ou le déploiement d'armes spatiales.
- Il conviendrait de tenir une Conférence d'examen du Traité sur l'espace extra-atmosphérique en 2007 pour marquer le quarantième anniversaire de l'entrée en vigueur de cet instrument. A cette Conférence, il faudrait aborder la nécessité de renforcer le Traité et d'en étendre la portée. Il conviendrait de désigner un coordinateur spécial de façon à faciliter les ratifications et assurer la liaison avec les États non-parties à propos du renforcement du régime de sécurité dans l'espace instauré par le Traité.
Un effort particulier (au Chapitre 7) est porté par la Commission sur le Contrôle des exportations, l'assistance internationale et l'activité des acteurs non gouvernementaux. Face aux difficultés rencontrées pour prévenir les activités de prolifération sous le couvert de transactions commerciales légales, les États-Unis avaient lancés en 2003 l'Initiative de sécurité contre la prolifération, essentiellement pour interdire et interception des cargaisons en transit. Et plusieurs États (onze au début la même année, puis plusieurs autres) avaient adopté une Déclaration sur les principes d'interdiction. Prenant appui sur cette volonté, la Commission recommande que :
- Tous les états devraient procéder à des audits de leurs organismes chargés du contrôle des exportations (douanes, police, garde-côtes, police des frontière et armée) de façon à s'assurer qu'ils sont en mesure d'accomplir efficacement leurs tâches. Les États devraient s'attacher à instituer un système universel de contrôle des exportations prévoyant des normes harmonisées, une transparence accrue et un appui concret à la mise en oeuvre. Les membres des cinq régimes de contrôle des exportations devraient promouvoir l'adhésion de nouveaux membres, au vu des problèmes qui se posent actuellement en matière de sécurité, sans entraver le commerce légitime et le développement économique.
L'assistance technique et les moyens financiers adaptés constituent des impératifs pour que les actions de non-prolifération soient réellement efficaces, notamment dans des régions qui peuvent en manquer. Aussi, la Commission recommande :
- Le partenariat mondial du Groupe des Huit (pays, constitué en 2002) devrait étendre la portée géographique et fonctionnelle de son programme d'assistance à la non-prolifération. Le Groupe des Huit devrait garantir le financement intégral du Programme d'élimination de plutonium de qualité militaire. Les donateurs potentiels devraient examiner la façon dont l'assistance technique, les formations, les équipements et les moyens financiers pourraient être fournis aux États de toutes les régions pour les aider à mettre en oeuvre la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l'ONU.
Cinq propositions insistent sur la responsabilité des entreprises, des organismes de recherche, des organisations non gouvernementales et du public de manière générale :
- Les sociétés menant des activités liées aux armes de destruction massive ont la capacité et la responsabilité d'aider à prévenir la prolifération de ces armes : il est dans leur intérêt de montrer qu'elles assument cette responsabilité, notamment en se conformant scrupuleusement à leurs obligations nationales et internationales et en faisant preuve de transparence vis-à-vis du public. Les associations commerciales devraient promouvoir ces objectifs.
- Les États, les organisations internationales et les associations professionnelles devraient encourager les associations universitaires et industrielles concernées à adopter et appliquer efficacement des codes de bonnes pratiques et des codes de conduite en matière de science et de recherche dans les domaines liés aux armes de destruction massive.
- Les gouvernements possédant des armes de destruction massive devraient communiquer des informations exhaustives et actualisées à leur parlement au sujet des stocks d'armes et des activités qu'ils mènent pour les réduire et les éliminer. Les parlements devraient rechercher activement la communication de ces informations et reconnaitre leur responsabilité en matière de formulation des politiques touchant les questions relatives aux armes de destruction massive. Une plus grande coopération interparlementaire sur ces sujets s'impose.
- Les États devraient aider les organisation non gouvernementale à participer activement aux réunions et conférences internationales, à diffuser des informations et à mener des campagnes dans le domaine des armes de destruction massive. Les fondations privées devraient accroitre substantiellement leur appui à celles qui oeuvrent à l'élimination des menaces que ces armes représentent à l'échelle mondiale.
- Les organisations dont les programmes de travail ont rapport avec la sécurité devraient revoir l'étude de l'ONU sur l'éducation en matière de désarmement et de non-prolifération de 2002 et réfléchir à la façon dont elles pourraient encourager et soutenir une telle éducation ainsi qu'un débat public éclairé. Les gouvernements devraient financer des bourses d'études dans les institutions multilatérales spécialisées dans les questions ayant trait aux armes de destruction massive.
Le dernier chapitre traite du Respect, de la vérification et de l'application des actions menées contre la prolifération des armes de destruction massives et du rôle des Nations Unies.
La Commission rappelle que les traités sont des outils impératifs pour limiter ou interdire ces types d'armes et que les gouvernements, qui savent qu'ils sont nécessaires dans la vie internationale, doivent absolument les respecter. Or, non seulement beaucoup d'entre eux ne prévoient pas d'outils de vérification de leur application, mais souvent ces outils eux-mêmes paraissent faibles ou défaillants. Elle insiste sur la généralisation des inspections et leur coordination par l'ONU. Il faut revitaliser le mécanisme de désarmement des Nations Unies, qui fait l'objet d'un important encadré. Il faut dire que les enseignements des deux guerres du Golfe ont mis en évidence la nécessité d'effectuer des inspections crédibles et non utilisables (non détournables) à des fins de politique étrangère.
C'est tout le sens de ses sept dernières recommandations :
- Le système de garanties renforcé adopté par l'AIEA par le biais du Protocole additionnel devant devenir le norme pour les parties du TNP, les États fournisseurs devraient faire de l'acceptation de cette norme par les destinataires une condition préalable de tout contrat portant sur les équipement ou matières nucléaires.
- Les gouvernements devraient enjoindre à leurs services de renseignement d'aider les organismes internationaux d'inspection en leur communiquant les informations pertinentes sans compromettre l'indépendance des systèmes d'inspection.
- Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait créer un petit service auxiliaire de spécialistes qui fourniraient des informations et des conseils techniques professionnels sur les questions touchant les armes de destruction massive. A la demande du Conseil ou du Secrétariat général, il organiserait des inspections ponctuelles et des activités de surveillance sur le terrain en utilisant une liste actualisée d'inspecteurs dûment qualifiés.
- Il faut faire respecter les obligations juridiques internationales relatives aux armes de destruction massive. Toute action internationale de coercition devrait être engagée seulement après qu'une enquête crédible ait établi avec certitude que les obligations juridiques n'ont pas été respectées.
- Pour que la Conférence de désarmement puisse fonctionner, il faudrait qu'elle puisse adopter son programme de travail à la majorité qualifiée des deux tiers des membres présents et votants. Ses autres décisions administratives et de procédure devraient être assorties des mêmes conditions.
- L'Assemblée générale de l'ONU devrait convoquer, après des préparatifs minutieux, un Sommet mondial sur le désarmement, la non-prolifération et l'utilisation des armes de destruction massive par des terroristes. A ce sommet, l'on devrait également discuter des réformes visant à améliorer l'efficacité du mécanisme de désarmement des Nations Unies et prendre des décisions sur la question.
- Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait faire plus grand usage des possibilités dont il dispose pour réduire et éliminer les menaces que présentent les armes de destruction massive qu'elles soient liées aux arsenaux existants, à la prolifération ou au terrorisme. IL devrait examiner le cas de tout État se soustrayant à l'obligation de ne pas acquérir d'armes de destruction massive ou auteur de toute infraction à cette obligation. faisant usage de l'autorité qui lui est conférée en vertu de la Charte pour prendre des décisions contraignantes pour tous les membres, le Conseil pourrait notamment :
. exiger de certains États qu'ils acceptent des mesures de contrôle, d'inspection et de vérification effectives et exhaustives ;
. exiger des États membres qu'ils adoptent une législation garantissant la mise en oeuvre à l'échelle mondiale de règles ou mesures spécifiques ;
. et décider, en dernier recours, de l'application de mesures économiques ou militaires pour obliger des États à respecter leurs obligations.
Avant qu'une réforme de l'ONU ne rende le Conseil de sécurité plus représentatif des membres de l'Organisation, il importe tout particulièrement que les décisions contraignantes soient précédées de consultations effectives pour s'assurer qu'elles bénéficient de l'appui de tous les membres et qu'elles seront acceptées et respectées.
A la fin du chapitre, la Commission signale que la perspective d'un monde exempt d'armes de destruction massive doit de toute façon s'accompagner de la vision d'un monde dont les arsenaux d'armes conventionnelles sont considérablement réduits. La question du désarmement est en effet globale. Malgré le pessimisme actuel sur les initiatives de désarmement, la Commission termine son rapport sur une note plutôt optimiste, vu la vitesse de l'intégration économique mondiale. Le monde dans lequel nous vivons est dorénavant un monde pluriel : "Dans le monde actuel, il semble improbable qu'un seul État ou un groupe d'États ait la volonté ou le pouvoir d'établir et de faire appliquer un contrôle sur tous les pays et leurs forces armées. Pour la grande majorité des États, ce serait inacceptable."
C'est le partage même, généralisé, si nous pouvons dire, dans toute la planète des grands problèmes par en partie une intégration économique rapide, qui rend la Commission optimiste : "Il est plus probable qu'à la faveur de l'intégration économique qui s'accélère à un rythme sans précédent, notre interdépendance ira en s'accentuant. Les tensions entre sociétés riches et pauvres, la propagation de maladies telles que le sida et la grippe aviaire, les menaces environnementales, la concurrence dans le domaine de l'énergie, le fonctionnement du commerce international et des marchés financiers, le crime et le terrorisme transnationaux, etc., seront des défis pour tous les Etats. Ils exigeront l'édification d'une société internationale organisée selon les principes de la coopération et du droit, et non d'une société contrôlée par une force militaire écrasante dotée d'armes de destruction massive."
Commission sur les armes de destruction massive, Armes de terreur, Débarrasser le monde des armes nucléaires, biologiques et chimiques, Introduction de Hans BLIX, Ouvrage coordonné par Venance JOURNÉ, L'Harmattan, 2010. A noter que la version anglaise de ce rapport est disponible sur le site Internet www.wmdcommission.org. Le pôle bernheim Paix et Citoyenneté (www.iee-ulb.eu/polebernheim/) a participé à l'élaboration de la version française.
Relu le 15 avril 2020