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27 avril 2010 2 27 /04 /avril /2010 06:27

        L'Isolation est un mécanisme de défense, décrit explicitement par Sigmund FREUD dans Inhibition, symptôme et angoisse (1926), surtout typique de la névrose obsessionnelle, et qui consiste à isoler une pensée ou un comportement de telle sorte que leurs connexions avec d'autres pensées ou avec le reste de l'existence du sujet se trouvent rompues.

Parmi les procédés d'isolation se trouvent les pauses dans le cours de la pensée, des formules, des rituels, et d'une façon générale, toutes les mesures permettant d'établir un hiatus dans la succession temporelle des pensées ou des actes. (LAPLANCHE et PONTALIS). Les auteurs du Vocabulaire de la psychanalyse mentionne que Sigmund FREUD "ramène en dernière analyse la tendance à l'isolation à un mode archaïque de défense contre la pulsion : l'interdiction du toucher (...)". Dans Inhibition, symptôme et angoisse, l'isolation pour la névrose obsessionnelle est mise en parallèle avec le refoulement chez l'hystérique. Dans Les psychonévroses de défense, la défense, aussi bien dans l'hystérie que dans le groupe des phobies et obsessions, est conçue comme une isolation. Les deux auteurs signalent que finalement le terme d'isolation est parfois employé dans le langage psychanalytique d'une façon un peu flottante qui appelle, selon eux, certaines réserves. Comme toujours, ils restent dans une définition freudienne orthodoxe qui a au moins le mérite parfois de la clarté. Il y a intérêt, toujours selon eux, "à réserver le terme d'isolation pour connoter un processus spécifique de défense qui va de la compulsion à une attitude systématique et concertée et qui consiste en une rupture avec ce qui la précède et la suit dans le temps."

 

       Elsa SCHMID-KITSIKIS, qui adopte le même point de vue, rapporte que Sigmund FREUD dans Les psychonévroses de défense, "conçoit la défense, aussi bien dans l'hystérie que dans les phobies et les obsessions comme une isolation : "la défense se produit par séparation de la représentation insupportable et de son affect ; la représentation, même affaiblie et isolée, reste dans la conscience."

Elle met en quelque sorte en garde sur la fait que l'isolation a été souvent confondue avec le déni de réalité, mécanisme spécifique de la psychose.

 

     Les auteurs de Les mécanismes de défense définissent l'isolation sous deux sens :

- une élimination de l'affect lié à une représentation (souvenir, idée, pensée) conflictuelle, alors que la représentation en question reste consciente ;

- une séparation artificielle entre deux pensées ou deux comportements qui en réalité sont liés, leur relation ne pouvant être reconnue sans angoisse par la personne.

   Le deuxième sens est exposé par Sigmund FREUD dans Totem et Tabou, "où il montre que les malades se comportent comme s'il existait une dangereuse contagion entre certains éléments. L'isolation est le "cordon sanitaire" destiné à neutraliser cette contagion".

   Ils signalent que de nombreux auteurs ont étudié cette défense spécifique, en privilégiant l'un ou l'autre des deux sens. Anna FREUD (1936/1993), Otto FENICHEL (1945/1953), Louis CORMAN (1961), Daniel WIDLOCHER (1971-1972), Claude LE GUEN (1985) retiennent le premier sens, LAPLANCHE et PONTALIS, le second sens.

    Ce procédé de la névrose exerce son rôle dans le processus normal de la concentration, comme le montre Sigmund FREUD, pour concentrer et diriger l'effort intellectuel ou la pensée courante.

Daniel LAGACHE insiste sur le fait que "la santé mentale ne signifie pas l'autonomie complète de la pensée et de l'action par rapport aux structures inconscientes, mais bien plutôt une autonomie relative impliquant la communication entre les structures inconscientes et les activités adaptatives et créatrices du sujet". Le problème survient lorsque précisément cette communication est rompue sur un aspect précis. Otto FENICHEL indique que l'isolation présente un risque car l'affect, momentanément supprimé, se manifestera de façon irrationnelle et imprévisible.

Les auteurs de Les mécanismes de défense (qui sont toujours au confluent de la psychanalyse, de la psychologie et de la psychiatrie, ce qui fait l'intérêt de leur démarche) comme pour chacun des mécanismes de défense, établissent  des passerelles à bon droit entre des processus "normaux" et des processus pathologiques, même si on a parfois l'impression qu'ils adoptent la position inverse de la psychanalyse classique, à savoir partir des affections mentales. Ils montrent à quel point la normalité reste une notion relative. Bien entendu, ils soulignent toujours les effets nocifs pour la personnalité de l'utilisation de ces mécanismes de défense.

 

Serban IONESCU, Marie-Madeleine JACQUET, Claude LHOTE, Les mécanismes de défense, Théorie et clinique, Nathan Université, 2003. Elsa SCHMID-KITSIKIS, article Isolation dans Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette Littératures, 2002. Jean LAPLACHE et Jean-Bertrand PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1976

 

PSYCHUS

 

Relu le 23 novembre 2019

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25 avril 2010 7 25 /04 /avril /2010 23:00

     L'oeuvre de Wilhelm REICH, inscrite dans le prolongement direct de la théorie sexuelle de Sigmund FREUD, inspire encore aujourd'hui de multiples réflexions sur les liens entre la sexualité et la politique.

    Roger DADOUN, auteur d'un dictionnaire de son oeuvre, le décrit comme "psychiatre et psychanalyste, écrivain, militant et penseur politique et, plus que tout, peut-être, savant capable de pousser ses recherches avec pertinence dans de multiples directions, biologie, physique, mathématiques, Reich est un des hommes les plus passionnément controversés de notre temps."

Malgré ces controverses, ses travaux offrent "pourtant une ligne de développement d'une rare cohérence" : il considère l'énergie sexuelle ou libido, comme une réalité à étudier scientifiquement sous toutes ses formes. Son concept d'orgone, très critiqué notamment par tous ceux que révulsent toute théorie de la sexualité, mais pas seulement, est fondé sur la "coalescence des notions maintenues habituellement séparées de matière, de fonction et de bioénergie" Critique sévère du mécanisme technico-scientifique comme de toute métaphysique, sa pensée se veut à la fois à portée thérapeutique et sociologique, et bien entendu, politique. Il prône très tôt une politique sexuelle, garante selon lui de l'équilibre et de l'épanouissement de l'individu et de la société, très influencé par les approches marxistes, sans se dire marxiste lui-même.

 

     Ses écrits, en appui à ses multiples engagements en Allemagne et aux États-Unis (à partir de 1939), pour l'institutionnalisation de cette politique sexuelle, nombreux, s'échelonnent de L'irruption de la morale sexuelle (1932) à Les hommes dans l'État (1953), sans compter les multiples parutions posthumes. A noter les diverses contributions rassemblées dans Premiers écrits (parue en 1976) et l'oeuvre moins connue mais importante pour l'ancrage freudien de sa pensée, publiée en 1927, La Génitalité dans la théorie de la thérapie des névroses.

 

    L'irruption de la morale sexuelle (1932, 1935), étude des origines du caractère compulsif de la morale sexuelle, écrite en 1931, constitue une première étape des efforts de Wilhelm REICH pour proposer des solutions à ce qu'il appelle le problème des névroses des masses humaines. Il part de l'examen de la question des origines de la répression sexuelle, en se fondant sur les recherches ethnologiques,  surtout de Bronislav MALINOWSKI sur les sociétés de Mélanésie. Tout en s'appuyant sur les travaux du traitement thérapeutique des névroses de Sigmund FREUD, il réfute l'opinion que le refoulement sexuel soit la condition essentielle de l'évolution culturelle.

Effectuant la comparaison entre la vie sexuelle de populations "primitives" et celle de ses contemporains occidentaux, il se pose la question de l'avantage que tire la société industrielle du refoulement sexuel. Et plus précisément la société capitaliste réactionnaire dans laquelle il vit, la société allemande des années 1930.

Nous pouvons lire dans sa préface datée de 1931 : "Le résultat le plus important de mon activité politique pour les recherches futures en matière de sociologie sexuelle était probablement la découverte que la répression sexuelle de la population est un des moyens capitaux dont se sert la classe dominante pour assujettir les populations laborieuses, que le problème de la détresse sexuelle de la population ne peut être résolu que par le mouvement de libération de toutes les formes d'oppression. Bien moins agréable fut la conclusion que la suppression définitive des effets d'une répression sexuelle plus que millénaire et la mise en place d'une vie amoureuse satisfaisante et mettant un terme à l'épidémie de névroses ne sera possible que lorsque la démocratie du travail sera instaurée dans le monde et la sécurité économique des populations garantie."

  Dans ce livre, le psychanalyste tente de confirmer la théorie de MORGAN-ENGELS sur l'évolution sociale - patriarcat, matriarcat, origine de la propriété privée, partage des rôles entre hommes et femmes, éducation des enfants. Il tente de lier le régime de la propriété des choses au développement de la répression sexuelle, bref de comprendre comment fonctionne l'économie sexuelle. L'auteur entend déjà mettre les points sur les i en ce qui concerne le vécu sexuel des populations, et parle de génitalité, pour bien faire le lien, déjà, entre les aspects psychologiques et biologiques de la sexualité.

 

    La lutte sexuelle des jeunes (1932) aborde de front les questions de tension sexuelle et de satisfaction, des ressorts de l'homosexualité, les difficultés des relations de camaraderie chez les jeunes, la signification de la répression de la vie sexuelle des jeunes dans la société capitaliste, les conditions de la révolution sexuelle, avec comme préalable la révolution socialiste... Dans ce livre extrêmement dense, l'auteur traite de l'éducation sexuelle en s'efforçant de répondre aux questions suivantes :

- Quel est le fonctionnement normal de l'appareil sexuel?

- Quelles sont les institutions de la société de classes? Inhibent-elles ou favorisent-elles la satisfaction sexuelle des hommes?

- Si elles les inhibent, pour quelles raisons et dans quel but?

- Y-a-t-il une possibilité dans la société capitaliste de supprimer la misère sexuelle des jeunes?

- Sinon, dans quelles conditions la libération sexuelle des jeunes est-elle possible et que doit faire aujourd'hui la jeunesse pour provoquer cette libération?

  Wilhelm REICH se livre à une critique féroce des institutions (famille, Église, État) qui troublent les capacités humaines de jouissance, en entrant véritablement dans le détail. Il faut remarquer que cette approche se situe à l'époque dans toute une vaste littérature, il est vrai souvent réservée au corps médical, qui traite, bien avant Sigmund FREUD d'ailleurs, des troubles sexuels dans tous leurs aspects anatomiques et physiologiques. Ce qui est nouveau dans son approche, c'est la mise en évidence des rôles sociaux de tels troubles sexuels, notamment dans la jeunesse ouvrière allemande.

 

     L'analyse caractérielle (1933) développe l'analyse du comportement et de l'attitude du malade. Il montre, en partant de la technique psychanalytique utilisée dans le traitement des névroses, comment se développent les résistances au travail analytique. C'est une véritable technique de l'analyse caractérielle qu'il entend mettre sur pied. C'est aussi une théorie de la formation du caractère qu'il élabore. C'est la mise en évidence de quelques formes caractérielles bien définies et du fait qu'ils sont très répandus. Il écrit donc sur une peste émotionnelle généralisée à l'ensemble de la société.

    Sa conclusion de la partie sur la technique de l'analyse caractérielle, en dépit des difficultés pour décrire un processus analytique, veut résumer son expérience : "Notre exemple met en scène le prototype du caractère passif-féminin qui (...) nous confronte toujours avec le même type de résistance caractérielle. Il illustre aussi le mécanisme typique du transfert négatif latent. (...). (...) la priorité donnée à l'étude systématique et logique de la résistance caractérielle (...) fait apparaître spontanément et sans ambiguïté le matériel infantile correspondant. Cela confère son caractère introspectif à l'interprétation ultérieure des contenus et des symptômes, d'où une grande efficacité thérapeutique. (...). Dès que fut établie la liaison avec le matériel infantile, l'élimination de la résistance caractérielle s'amorça. Ainsi l'interprétation ultérieure des symptômes se fit avec la collaboration active du malade. L'analyse des résistances se déroula en deux phases typiques : d'abord, l'accent fut mis sur sa forme et sa signification actuelle, puis l'élimination fut obtenue à l'aide du matériel infantile mis au jour. La différence entre une résistance caractérielle et une résistance ordinaire se manifesta dans l'exemple cité par la politesse et la docilité qui marquait l'une, par les doutes et la méfiance qui marquait l'autre. La politesse et la docilité faisaient partie intégrante du caractère et servaient d'expression à la méfiance du malade à l'égard de l'analyse. L'interprétation systématique du transfert négatif latent aboutit à la libération de l'agressivité réprimée et déguisée à l'égard de l'analyste, des chefs et du père du malade. Ainsi s'évanouit l'attitude passive-féminine qui n'était, évidemment, qu'une forme de réaction contre l'agressivité refoulée. La répression de l'agressivité à l'égard du père avait entraîné la répression du désir génital des femmes. Par conséquent, l'analyse rétablit les désirs génitaux masculins en rétablissant l'agressivité ; ainsi fut guérie l'impuissance du malade. Le caractère craintif disparut avec l'angoisse de castration par la prise de conscience, par le malade, de son agressivité ; ses crises d'angoisse s'évanouirent avec l'abandon de la continence sexuelle. la détente orgastique de l'énergie accumulée sous forme de stase d'angoisse aboutit à l'élimination du "fond somatique de la névrose"". Ensuite, l'auteur s'étend beaucoup sur les indications et les dangers de l'analyse caractérielle et le maniement délicat du transfert au cours de la cure.

    Sa théorie de la formation du caractère suit le conflit sexuel infantile depuis ses débuts, le développement de mécanismes de défense du Moi qui élabore une cuirasse caractérielle (qui s'édifie surtout par peur du châtiment). Il décrit l'économie sexuelle  de cette cuirasse caractérielle pour aboutir à la description de quelques formes caractérielles bien définies : caractères hystérique, compulsif et phallique-narcissique. Il s'appesantit sur le caractère masochiste et sa thérapie.

    Partant du conflit entre pulsion et monde extérieur, il décrit l'interaction des forces défensives qui provoque l'installation d'une économie sexuelle où se mêlent plaisir, angoisse, colère et cuirasse musculaire. Tout ceci a une traduction dans l'expression affective du réflexe orgastique. Tout un chapitre est consacré à ce qu'il appelle la désagrégation schizoïde.

    Le dernier chapitre de son livre sur La peste émotionnelle décrit l'étendue de ces affections à l'ensemble de la population, sans vouloir donner d'ailleurs à ce terme une "nuance péjorative", la représentant surtout comme une adaptation boiteuse et artificielle, à des conditions sociales défavorables.

"La peste émotionnelle est une biopathie chronique de l'organisme. La peste émotionnelle est une conséquence directe de la répression, sur une vaste échelle, de l'amour génital ; depuis, il a pris un caractère épidémique et, au cours des millénaires, aucune peuple de la terre n'en a été épargné. Rien ne permet de supposer que la maladie se transmet, par hérédité, de la mère à l'enfant ; en réalité, elle est inculquée à l'enfant depuis le premier jour de sa vie. C'est un mal épidémique comme la schizophrénie ou le cancer : la peste émotionnelle se manifeste sur le plan social. la schizophrénie et le cancer sont des biopathies causées par la peste émotionnelle dans la vie sociale. Leurs effets sont visibles aussi bien au niveau de l'organisme que dans la vie sociale. De temps en temps, la peste émotionnelle prend, comme d'autres maladies épidémiques, comme la peste et le choléra, un caractère pandémique : elles se manifestent alors par une gigantesque flambée de sadisme et de criminalité, dont l'Inquisition catholique au Moyen Age et le fascisme international du XXe siècle nous fournissent d'éloquents exemples."  Dans ce chapitre, Wilhelm REICH décrit les différences entre le caractère génital, le caractère névrotique et les réactions de la peste émotionnelle.

  Cet ouvrage est l'un des plus techniques de l'auteur. Fort volume, c'est un exposé détaillé du lien entre biologie et psychologie des profondeurs. Il contient aussi la justification de l'hypothèse de l'énergie d'orgone.

 

     La psychologie de masse du fascisme (1933) part d'une question qui taraude nombre d'auteurs : Comment dix-sept millions de personnes sur trente un millions d'électeurs d'une population de soixante dix millions d'un peuple cultivé porte-t-il avec jubilation Hitler au pouvoir en 1933? 

Wilhelm REICH ne se contente pas de proposer une interprétation psychanalytique des événements dont il est le témoin direct. Il fait converger sa pratique, son expérience clinique, sa réflexion politique et anthropologique pour situer le problème de manière plus générale. Pour lui, c'est le caractère mécaniste-mystique des hommes de notre temps qui suscite les partis fascistes et non l'inverse. L'idéologie fasciste, qu'il retrouve sous toutes les latitudes, est l'expression caractérielle biopathique de l'homme frappé d'impuissance orgastique. C'est toute une conception de la théorie raciale, dont il décortique le contenu, la fonction objective et subjective, qu'il propose. Après une démonstration sur le fonctionnement et l'origine du mysticisme, de l'irrationnel, le psychanalyste montre les fonctions biosociales du travail, ou plus précisément de la "discipline volontaire du travail" de masse. Là, il s'attaque autant aux conceptions du travail mises en oeuvre dans les industries capitalistes que dans le stakhanovisme soviétique. La régulation autoritaire et nationaliste du travail en Union Soviétique va à l'inverse de l'objectif  marxiste d'épanouissement de l'homme et de la société.

A la fin de sa préface à la troisième édition de 1942, Wilhelm REICH écrit : "La psychologie structurelle fondée sur l'économie sexuelle ajoute à la définition économique de la société une nouvelle interprétation du caractère et de la biologie de l'homme. La suppression des capitalistes individuels en Russie et le remplacement du capitalisme privé par le capitalisme d'État n'ont pas apporté le moindre changement à la structure caractérielle faiblarde, si typique des masses humaines. Notons encore que l'idéologie politique des partis marxistes en Europe avait pour objet (...) une situation économique couvrant un espace de 200 ans environ, qui correspondait à peu près à l'épanouissement du machinisme du XVIIe au XIXe siècle. Le fascisme du XXe siècle par contre a soulevé le problème fondamental des attributs caractériels de l'homme, de la mystique et du besoin d'autorité, qui correspondent à un espace de 4 000 à 6 000 ans environ. Là aussi, le marxisme vulgaire essaie de loger un éléphant dans une renardière. La sociologie fondée sur l'économie sexuelle se penche sur une structure humaine qui ne s'est pas formée au cours des deux siècles passés, mais qui résume une civilisation patriarcale et autoritaire vieille de plusieurs millénaires. (...) La découverte de la démocratie de travail, entité biologique et naturelle, dans les rapports humains internationaux peut être considérée comme l'antidote contre le fascisme."

 

     La fonction de l'orgasme de 1942, dit l'auteur dans son introduction résume "l'oeuvre médicale et scientifique que j'ai accomplie sur l'organisme vivant pendant ces vingt dernières années".

En fait, c'est par une approche d'abord physiologique qu'il publie dès 1927 sous ce titre le fondement d'une économie sexuelle axée sur la puissance orgastique et la génitalité. Cette approche s'élargit au fur et à mesure de ses recherches sur les plans psychanalytiques et sociologiques. Ce texte livre la base de la réflexion de Wilhelm REICH  qui pense que l'orgasme, ou acmé de l'excitation génitale gouverne l'ensemble du comportement biologique de l'homme. Il s'agirait d'un courant végétatif bio-électrique correspondant chez l'homme au rythme biologique le plus profond, et qui se déroulerait suivant un processus à quatre temps : tension mécanique, charge électrique, décharge électrique, relaxation mécanique. Tout mauvais fonctionnement de l'orgasme, qu'il rencontre de manière forte dans les multiples névroses qu'il traite, détruit l'équilibre biologique et conduit à de nombreux symptômes somatiques. Il rapporte à l'impuissance orgastique une certain nombre de troubles psychiques et somatiques. Et place donc l'orgasme au coeur de la médecine psycho-somatique. Il oppose l'orgasme, qui est lié au bon fonctionnement du para-sympathique, à l'angoisse qui est liée à une sympathicotonie. Entre l'un et l'autre existe un jeu de compensation.

 "La théorie de l'économie sexuelle peut s'exprimer en quelques phrases : La santé psychique dépend de la puissance orgastique, c'est-à-dire de la capacité de se donner lors de l'acmé de l'excitation sexuelle, pendant l'acte sexuel naturel. Sa base est l'attitude caractérielle non névrotique de la capacité d'aimer. La maladie mentale est le résultat d'un désordre dans la capacité d'aimer. C'est le cas de l'impuissance orgastique, dont souffre la majorité des humains, l'énergie biologique est inhibée et devient ainsi la source de toutes sortes de comportements irrationnels. La guérison des troubles psychiques exige en premier lieu le rétablissement de la capacité d'aimer. Elle dépend autant des conditions sociales que des conditions psychiques.

Les troubles psychiques sont les effets des perturbations sexuelles qui découlent de la structure de notre société. Pendant des milliers d'années, ce chaos a favorisé l'entreprise qui tendait à soumettre les individus aux conditions existantes par l'intériorisation de contraintes extérieures imposées à la vie. Son but est d'obtenir l'ancrage psychique d'une civilisation mécanisée et autoritaire en ôtant aux individus leur confiance en eux-mêmes.

Les énergies vitales, dans des conditions naturelles, ont une régulation spontanée, excluant les formes obsessionnelles du devoir et de la moralité. Ces formes obsessionnelles révèlent à coup sûr l'existence de tendances anti-sociales. Le comportement anti-social naît de pulsions secondaires qui doivent leur existence à la répression de la sexualité naturelle.

L'individu élevé dans une atmosphère de négation de la vie et du sexe acquiert un plaisir-angoisse (la peur de l'excitation du plaisir) qui est représenté physiologiquement par des spasmes musculaires chroniques. Ce plaisir-angoisse est le terrain sur lequel l'individu recrée les idéologies qui nient la vie et qui forment les bases des dictatures. C'est le fondement de la peur de vivre d'une manière libre et indépendante. Il devient la source où toutes les activités politiques réactionnaires, où tous les systèmes de domination d'un individu ou d'un groupe sur une majorité de travailleurs puisent leur force. C'est une angoisse bio-physiologique. Elle constitue le problème central de la recherche psycho-somatique. Jusqu'à présent ce fut là le plus grand obstacle à l'investigation portée dans le domaine des fonctions vitales involontaires que le névrosé éprouve comme quelque chose d'étrange et d'effrayant.

La structure caractérielle de l'homme d'aujourd'hui (...) est marquée par une cuirasse contre la nature en lui-même et contre la misère sociale extérieure à lui-même. Cette cuirasse du caractère est à la base de la solitude, de l'insécurité, du désir ardent d'autorité, de la peur de la responsabilité, de la quête d'une mystique, de la misère sexuelle, de la révolte impuissante, de la résignation à un type de comportement pathologique et contraire à la nature. Les êtres humains ont adopté une attitude hostile contre ce qui, en eux-mêmes, représente la vie, et se sont éloignés d'elle. Cette aliénation n'est pas d'origine biologique, mais d'origine sociale et économique. On ne la trouve pas dans l'histoire humaine avant le développement de l'ordre social patriarcal."

 

      La révolution sexuelle, de 1945, développe sur le plan social, la réorientation de l'économie sexuelle vers l'épanouissement humain. Wilhelm REICH y insiste sur le fait "qu'il ne sera certainement pas possible de maîtriser le processus culturel actuel sans comprendre que le noyau de la structure psychologique est la structure sexuelle, et que le processus culturel est essentiellement déterminé par les besoins sexuels."  Il s'attaque au moralisme sexuel et les idées qu'il développe font partie aujourd'hui de l'histoire de ce que l'on appelle la "libération des moeurs". Dans le conflit entre une structure sociale et ce besoin sexuel, l'Église et l'État sont en première ligne. Dans les derniers chapitres, l'auteur examine de manière critique certaines expériences menées en Occident et en Union Soviétique (dans ses premiers temps) avant dans "Quelques problèmes de sexualité infantile" de proposer une nouvelle manière d''approcher l'éducation des enfants. Il vise à la fois la création de structures collectives et de structures non-autoritaires chez l'enfant.

 

     Ecoute petit homme!, de 1948, n'est pas un écrit de caractère scientifique mais une longue apostrophe philosophique  (sans le langage proprement philosophique bien entendu) dans le contexte d'une lutte contre une campagne (longue) contre ses expériences et des recherches sur l'orgone. C'est une apostrophe philosophique en ce sens qu'au-delà de son propre cas, Wilhelm REICH met en garde le citoyen ordinaire contre les méthodes (autoritaires)  et les objectifs des représentants qui officiellement doivent défendre ses intérêts et permettre son épanouissement.

 

      La biopathie du Cancer (1948) retrace ses expériences sur l'énergie d'orgone. Loin de proposer une thérapeutique curative du cancer, insistant souvent sur le caractère expérimental de ses théories mêmes, il expose simplement 8 ans de recherches (1939-1947).

Dans un langage compréhensible par tous, très loin des manuels médicaux, il désigne ce qui selon lui est à l'origine de cette affection. Il pense qu'une partie des difficultés de la recherche sur le cancer provient de la conception même que l'on a du fonctionnement biologique. Il propose une conception de la biogenèse  qui refuse la thèse établie de l'infection par des germes aériens et soutient l'idée d'une génération spontanée du vivant, sous l'aspect de vésicules chargées d'énergie, ou bions, à partir de la désintégration de la matière organique ou minérale. Il attribue un rôle fondamental à l'émotion, dans sa fonction biologique primordiale (Cent fleurs pour Wilhelm REICH)

Selon Roger DADOUN, "l'interprétation orgonomique de l'étiologie du cancer conduit Reich à poser un remarquable parallélisme et d'éclairantes articulations entre le fonctionnement cellulaire, au niveau microscopique, et la fonction du système nerveux autonome au niveau de l'organisme global. Il existe un relation d'équilibre dynamique entre le noyau et le plasma dans la cellule saine : flux d'énergie, orgonotiquement plus puissance ; en situation de carence, le noyau, menacé en quelque sorte de "sufocation", précipite ses processus spécifiques de luminescence et de division : rapide décharge orgonotique et mitose cellulaire "sauvage", caractéristique précisément du cancer."

Ses expériences ne sont pas reprises par le corps médical, et ses installations de laboratoire sont détruites après une campagne de dénigrement de son travail scientifique.

     C'est dans La superposition cosmique de 1951 que Wilhelm REICH décrit le plus précisément ce qu'il entend par l'orgone. Relatant les expériences de l'auteur, Roger DADOUN écrit "qu'il faut d'abord montrer que l'orgone existe. L'observation joue ici un rôle prépondérant. C'est avec ses organes des sens, ses "sensations d'organe", sa curiosité, son intérêt, sa rationalité, son désir, que le chercheur est appelé à percevoir une forme inhabituelle de réalité ; sa structure toute entière est impliquée dans la recherche, structure et recherche sont liées, non pas dans un sens banalement relativiste, mais dans toute la force du terme : c'est le propre en effet de l'énergie de l'orgone - omniprésente - d'être aussi l'énergie actuelle du corps, de donner à la sensation, au désir, à la raison leurs rythmes et leur pouvoir ; une forme unique, infiniment obscure d'échange, d'osmose, de contact, de complicité, peut-être ou de connivence, règle en ce lieu les rapports de l'observateur et de l'objet ; Reich en vient ainsi à engager une réflexion épistémologique originale, où il s'efforce de réduire l'antithèse fadement automatique de l'objectif et du subjectif, de dépasser ce dualisme mécaniste et paralysant en extrayant la subjectivité de son nébuleux et mystique contexte psychologique pour la distribuer dans des structures caractérielles et culturelles susceptibles de donner prise au rationnel et à l'objectif - ce à quoi précisément l'orgone par définition se prête. Et il importe à Reich, au plus haut point, de réduire ce "subjectif", dans la mesure où les "arguments" lancés contre la théorie de l'orgone consistent principalement en accusation de "subjectivité", formulée entre autres par Einstein."

Ce qui précède reflète assez bien le genre de littérature auquel le lecteur doit s'attendre dans les dernières oeuvres de Wilhelm REICH. Dans les tentatives, qui nous semblent un peu désespérées, de saisir le quanta de la vie, surtout avec le matériel alors disponible, le psychanalyste du début s'éloigne de plus en plus de l'approche psychanalytique pour tenter d'atteindre ce qui lie le cosmique à la vie. Et partant de se discréditer de plus en plus auprès de l'ensemble de la communauté scientifique, dans ses tentatives d'exprimer ce qui est difficilement observable : le flux même de la vie, l'orientation de l'énergie vitale dans la cellule comme dans l'organisme, surtout qu'il effectue le saut (trop vite certainement) avec l'énergie cosmique.

 

     L'éther, Dieu et le diable, de 1949, se situe dans le prolongement de cette approche. Des premiers chapitres qui traitent du fonctionnalisme orgonomique, des deux "piliers de la pensée humaine", de l'animisme, du mysticisme et du mécanisme, le lecteur passe aux derniers sur le "Royaume du diable" et enfin sur "l'énergie d'orgone cosmique et l'éther". Il est question de l'existence d'une énergie qui pénètre tout et dont la présence peut être prouvée.

Lisons les dernières lignes : "Les observateurs de la nature ont décrit correctement l'énergie cosmique originelle pour autant qu'il était question de ses fonctions. Encore ont-ils été incapables d'établir un contact avec ces fonctions si ce n'était par des déductions ; ils n'avaient aucun accès à l'observation et à l'expérimentation directe. Il est évident que ce fait n'est pas imputable à l'éther mais à l'observateur. Il s'agit donc d'un problème de biopsychiatrie qui se rattache surtout à la biophysique de la perception, à l'interprétation d'impressions sensorielles et de sensations d'organe. Comme l'a si bien montré toute l'évolution de l'orgonomie, il n'existe qu'une seule voie pour parvenir à l'étude physique de l'éther : cette voie, c'est le courant orgonotique dans l'homme, ou pour employer une autre formule : le "flux de l'éther" dans la structure membraneuse de l'homme. Pendant longtemps, l'humanité a appelé cette force originelle "Dieu". Nous commençons à comprendre pourquoi la plupart des grands physiciens qui se sont penchés sur les problèmes cosmiques et plus spécialement sur celui de l'éther ont, comme Newton, réfléchi intensément sur le problème de Dieu."

 

     Le meurtre du Christ, de 1956, est une audacieuse (très audacieuse...) interprétation de l'homme Jésus comme incarnation de l'amour génital dans la plénitude.

La vision reichienne de la réalité christique implique une double récusation : elle ne se satisfait pas de la conception laïque et rationaliste traditionnelle qui ne veut connaître au mieux que le seul Jésus historique qui fut un excellent meneur d'hommes, démagogue peut-être, et qui sut exprimer avec vigueur les revendications et les aspirations des masses de Judée pressurées par les castes de juifs riches et par les conquérants romains. L'auréole divine de Jésus est tenue pour de l'idéologie. Contre cette position historiciste, Reich considère qu'une approche rationnelle doit conserver au Christ cette auréole. Il existe nécessairement, vu l'impact qu'il a dans l'histoire, dans la personne du Christ quelque chose qui le distingue des messies de tout genre de son époque. Et ce quelque chose est la forme-Jésus, une incarnation de l'amour, qui est l'amour physique (et non mystifié). Ce quelque chose est à relier directement avec le fonctionnement de l'économie sexuelle. (Roger DADOUN)

 

     Les hommes dans l'État (People in trouble), de 1953, relate l'expérience personnelle de Wilhelm REICH des principaux événements sociaux et politiques de l'époque de la fin de la République de Weimar et de l'avènement du nazisme. Il montre comment cette expérience l'a progressivement amené à prendre conscience de la structure du caractère humain, de son influence sur le processus social et, réciproquement, de l'influence des phénomènes sociaux sur le caractère de l'individu. Livre autobiographique de l'Observateur Silencieux comme il se nomme dans cet ouvrage.  C'est peut-être par celui-là que le lecteur qui ne connaît pas l'oeuvre de Wilhelm REICH doit commencer.

 

     Roger DADOUN, dans une présentation de Wilhelm REICH, écrit qu'"à défaut de développer les nombreuses objections que ne manque pas de soulever une entreprise aussi vaste (que celle qu'il s'est assignée) et qui a fait l'objet de plus d'accusations que de critiques, on peut regrouper ces dernières sous une même arête directrice : Reich a tendance à faire fi des relais nécessaires, à négliger tout un patient travail de mise en relations et d'articulations intermédiaires : il ne voit pas que la pulsion de mort peut être un puissant outil d'élaboration théorique, comme en témoigne toute la deuxième topique freudienne ou l'oeuvre de Mélanie KLEIN ; sa vision politique ne tient guère compte de la complexité et de l'évolution des rapports de force entre classes sociales et organisations politiques ; surtout sa construction orgonomique, centrée sur le concept d'orgone, mal dégagé d'intuitions vitalistes, semble reposer sur des fondations précaires, et seul l'avenir, en permettant une investigation approfondie et objective des travaux de Reich, pourra restituer à son entreprise ses justes dimensions".

 

     Ce que la postérité retire surtout de l'oeuvre de Wilhelm REICH est surtout centré sur les thèmes d'oppression et de révolution sexuelles, qui ont marqué les générations des années 1960-1970 en Occident, notamment dans la jeunesse.

Yves BUIN fait de l'oeuvre européenne de ce chercheur, laissant ce qu'il appelle les errances de la période américaine de côté, le véritable centre d'intérêt de sa pensée. A savoir toute cette réflexion entre les aspects psychanalytiques de la sexualité et les aspects du fonctionnement politique des sociétés. La notion de cuirasse caractérielle n'est pas ignorée de bien des psychanalystes d'aujourd'hui. Helmut DAHMER, Paul FRAPPIER et Jean-Marie BROHM, de leur côté soulignent les convergences entre Reich et Marx à travers l'oeuvre de Reich, et ce qui fait partie du freudo-marxisme. Roger DADOUM souligne d'ailleurs que même dans sa période américaine, Wilhelm REICH  n'a pas perdu de vue (et tous ses adversaires hystériques aux États-Unis non plus!) la lutte contre le fascisme, envisagé dans une large perspective anthropologique et non uniquement politique ou idéologique. C'est cette lutte qui est l'aiguillon qui le mène à la recherche sur le mouvement vital.

 

Wilhelm REICH, L'irruption de la morale sexuelle, Étude des origines du caractère compulsif de la morale sexuelle, Petite Bibliothèque Payot, 1974 ; La lutte sexuelle des jeunes, François Maspéro, Petite collection maspéro, 1972 ; L'analyse caractérielle, Payot, Collection science de l'homme, 1973 ; La psychologie de masse du fascisme, Petite Bibliothèque Payot, 1974 ; La fonction de l'orgasme ; L'arche, collection Le sens de la marche, 1970 ; La révolution sexuelle, Union Générale d'Éditions, 10/18, 1971 ; Écoute petit homme!, Petite Bibliothèque Payot, 1974 ; L'éther, Dieu et le diable, Petite Bibliothèque Payot, 1999 ; La superposition cosmique, Petite Bibliothèque Payot, 1999 ; Les hommes dans l'État, Payot, 1978.

Roger DADOUN, article Encyclopedia Universalis, 2004 ; Cent fleurs pour Wilhelm REICH, Petite Bibliothèque Payot, 1975 ; article Wilhelm REICH, dans Dictionnaire international de psychanalyse, Hachette littératures, 2002 ; article La psychologie de masse du fascisme dans Dictionnaire des oeuvres politiques, PUF, 1986.

Yves BUIN, l'oeuvre européenne de Reich, Éditions universitaires, collection encyclopédie universitaire, 1972. Contributions de Helmut DAHMER, Paul FRAPPIER et Jean-Marie BROHM dans "débats", Editions Taupe Rouge de Novembre 1975.

 

 

Relu le 24 novembre 2019

 

 

 

 

 

 

 

 

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24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 12:23

         Revue à parution plutôt irrégulière, bien qu'annoncée comme semestrielle, Recherches en psychanalyse, créée en 2004, se veut une revue pluridisciplinaire et ouverte à tous les courants de la psychanalyse non seulement française mais aussi internationale (ce qui est sans doute difficile quand on connaît les nombreux conflits qui traversent la psychanalyse française...). Et surtout universitaire. Car c'est l'ancrage dans l'Université que ses fondateurs projettent, la revue étant l'expression de l'Ecole doctorale de recherches en psychanalyse de l'Université Paris 7-Denis Diderot.

   Elle se présente dans la continuité d'une autre revue, La revue psychanalyse à l'université, existante entre 1975 et 1994, fondée par Jean LAPLANCHE, son directeur pendant les 20 ans de sa parution aux Presses Universitaires de France.

 

        Sous la direction de Sophie de MIJOLLA-MELLOR et de Christian HOFFMANN, la revue n'édite plus que sous forme électronique (sous la responsabilité de Rémy POTIER) (www.revues.org) depuis 2009, en accès libre intégral. (auparavant aux Editions L'esprit du temps, 200 pages par numéro). Animée par d'anciens doctorants et des professeurs (un comité de rédaction de douze personnes), elle assure la publication régulière de travaux de recherches originaux dans le camp de la psychanalyse, "en interaction avec les sciences exactes, les sciences humaines et la médecine".

Dotée d'un comité scientifique international où l'on retrouve entre autres les noms d'Alain ABEHAUSER, de Serge LESOURD, de Roger PERRON ou de Claude de TYCHEY, de France et de Belgique principalement, la revue a déjà abordé de manière fournie des thèmes comme Le crime (2004), L'informe et l'archaïque (2005), Langues et traduction (2005) ou Nouvelles technologies médicales et subjectivité (2006). Un numéro, de mars 2010, porte sur Les expériences exceptionnelles : entre neurosciences et psychanalyse.

 L'un des numéros porte sur psychanalyse, corps et Société, avec des articles sur Incidences du libéralisme sur l'évolution des métiers de la clinique ; La fixation sectaire ; Imagerie médicale et art contemporain, rencontres autour d'un corps virtuel et Exclusion sociale et non-lieux : des espaces urbains à la pulsion. En fin de ce numéro de Recherches... figurent deux articles sur la psychose. Le dernier numéro connu, bilingue (Research in Psychanalysis) date de 2018 (2ème numéro), le 26ème depuis la création de la revue, et porte l'Évaluation des psychothérapie. Notons également le numéro 20 (Recherches en psychanalyse 2015/2) qui porte sur la clinique contemporaine.

        Dans un éditorial paru dans le premier numéro, Sophie de MIJOLLA-MELLOR et Paul-Laurent ASSOUN affirment qu'une telle revue témoigne de "l'effectivité de la psychanalyse à l'Université", se voulant véritablement être l'écho du work in progress dans cette discipline. Ils exposent les thèmes qu'ils entendent privilégier :

- Place donnée au matériel clinique dans l'élaboration théorique ;

- Étude spécifique du texte freudien ou des textes post-freudiens majeurs ;

- Ouverture vers des auteurs étrangers ;

- Travaux d'histoire de la psychanalyse ;

- Interrogations de type épistémologique : critères de "scientificité" notamment ;

- Réflexions sur la cure et ses mécanismes propres ;

- Réflexions sur l'institution (psychanalytique, universitaire, etc.) ;

- Travaux relevant des "interactions de la psychanalyse" avec des champs connexes.

 

    Chaque numéro de revue se fait l'écho - outre le thème central - de la recherche doctorale et expose les thèses de doctorat soutenues dans l'année. C'est dire que le public de la revue se veut surtout universitaire, en direction des étudiants et des doctorants ouverts aux problématiques de la psychanalyse.

Dans le paysage assez fourni des revues en psychanalyse, la revue n'affiche aucune obédience particulière, et se situe dans l'esprit scientifique et critique que l'on peut retrouver dans Vocabulaire de la psychanalyse (PUF) ou le Dictionnaire international de psychanalyse (Hachette Littératures).

 

Recherches en psychanalyse, UFR Sciences Humaines Cliniques, Université Paris VII-Denis Diderot, 26, rue de Paradis, 75010 PARIS.

 www.revues.org. (plus de nouvelles sur over-blog depuis début 2018). Voir le site repsy.org.

 

Actualisé le 21 Avril 2012. Actualisé le 25 novembre 2019.

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 13:10

      La tradition freudienne désigne par Formation réactionnelle l'attitude ou l'habitus psychologique de sens opposé à un désir refoulé, et constitué en réaction contre celui-ci (par exemple la pudeur s'opposant à des tendances exhibitionnistes). En termes économiques, la formation réactionnelle est un contre-investissement d'un élément conscient, de force égale et de direction opposée à l'investissement inconscient. Les formations réactionnelles peuvent être très localisées et se manifester par un comportement particulier, ou généralisées jusqu'à constituer des traits de caractère plus ou moins intégrés à l'ensemble de la personnalité. Du point de vue clinique, les formations réactionnelles prennent valeur symptomatiques dans ce qu'elles offrent de rigide, de forcé, de compulsionnel, par leurs échecs accidentels, par le fait qu'elles aboutissent parfois directement à un résultat opposé à celui qui est consciemment visé. (LAPLANCHE et PONTALIS).

   C'est dans les Trois essais sur la théorie sexuelle de 1905 que Sigmund FREUD donne à la formation réactionnelle une signification générale. Il la considère comme une voie vers la sublimation, avec la différence (avec cette sublimation) que la formation réactionnelle ne change pas seulement de but (satisfaction "culturelle" contre satisfaction directe des pulsions), mais choisit le but directement opposé au but originel. Cette formation réactionnelle, de plus, ne réussit pas complètement ce détournement de but.

Michèle BERTRAND insiste beaucoup sur le versant généralisé de la formation réactionnelle : "la formation réactionnelle peut aussi devenir un trait de caractère permanent et sa signification est alors plus générale : elle n'est pas seulement le symptôme d'une pathologie particulière (qui peut être anodin et courant), mais l'un des processus sociaux en acquérant, comme trait de caractère permanent, des "vertus" qui vont à l'encontre de nos buts sexuels.".  Ce que nous nommons, caractère, écrit Sigmund FREUD, "est en grande partie construit avec un matériel d'excitations sexuelles et se compose de pulsions fixées depuis l'enfance, de constructions acquises et d'autres constructions destinées à réprimer les mouvements pervers qui ont été reconnus non utilisables. Il est ainsi permis de dire que la disposition sexuelle de l'enfant crée, par formation réactionnelle, un grand nombre de nos vertus".  C'est cette voie de recherche que suit ensuite Wilhelm REICH dans sa notion de "cuirasse caractérielle".

   Dans Les Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort, publié en 1915, Sigmund FREUD montre que l'altruisme peut avoir pour origine l'égoïsme, et la compassion la cruauté. Des motifs "nobles" peuvent avoir le même effet que des motifs "non nobles". Il explique comment nombre de circonstances, dont la guerre, peuvent révéler cette transformation : la formation réactionnelle est fragile, et la pulsion refoulée peut faire un retour éclatant dans des actes de barbarie. (Michèle BERTRAND).

 

       Pour les rédacteurs de Vocabulaire de la psychanalyse, le terme de formation réactionnelle invite "à un rapprochement avec d'autres modes de formation de symptôme : formation substitutive et formation de compromis. Alors que dans la formation de compromis, nous pouvons toujours retrouver la satisfaction du désir refoulé conjuguée à l'action de la défense (dans l'obsession par exemple), dans la formation substitutive n'apparaît que l'opposition à la pulsion.

 

     Pour les rédacteurs de Les mécanismes de défense, la formation réactionnelle est la transformation du caractère permettant une économie du refoulement, puisqu'à des tendances inacceptables sont substituées des tendances opposées, qui deviennent permanentes. Ils insistent donc, encore plus que Michèle BERTRAND, sur l'aspect structurel de la formation réactionnelle sur la personnalité. Les formations réactionnelles citées par Sigmund Freud, indiquent-ils, ont un point commun : être valorisées par la société, ce que relève Jean BERGERET (1972/1986).

    Les auteurs s'attardent sur ce qui distingue un trait de caractère dû à ce mécanisme de défense d'un trait de caractère spontané. Ils dégagent trois particularités qui, selon eux, "permettent de distinguer les traits de caractère spontanés des traits réactionnels" :

- L'exagération et la rigidité du trait de caractère (manière d'être stéréotypée, selon  Roger MUCCHIELLI (1981) ;

- La propension des instincts inhibés à réapparaître (Pierre JANET, 1903/1976) ;

- L'expression des pulsions instinctives refoulées peuvent s'exprimer indirectement : "un homme rigide et puritain, qui refoule ses désirs sexuels manifestera un intérêt prétendument désintéressé pour la lutte contre la prostitution et la pornographie" (citation savoureuse, sauf erreur, de Sylvie FAURE-PRAGIER, 1973).

   Il est entendu que la distinction entre sublimation et formation réactionnelle n'est pas facile à faire, et nous avons tendance à penser que cela dépend beaucoup de l'environnement social (de sa perception par l'individu et de la perception de l'individu par cet environnement)... Une société qui favorise l'autorité aura sans doute tendance, selon nous, à ne pas considérer certains formations réactionnelles conduisant à une propreté rigoureuse, à une discipline constante, à un respect de la hiérarchie, comme pathologique, même si dans d'autres contextes, les observateurs peuvent juger exagérés ces types de comportement.

    C'est lorsqu'elle est rigide, selon les auteurs de Les mécanismes de défense, que la formation réactionnelle peut être très invalidante. Dans la névrose obsessionnelles par exemple. C'est le cas, dans la "cuirasse du Moi" , particulièrement étudiée par Wilhelm REICH.

 

     Steve ABADIE-ROSIER regroupe les formations réactionnelles, en tant que mécanismes de défense où le sujet réagit avec son matériel inconscient présent dans la cure, comme des attitudes psychologiques symboliquement opposées à un désir refoulé, qui naissent en réaction propre à ce simple désir. "La formation réactionnelle peut ainsi se définir par un contre-investissement d'un élément conscient de force égale et opposable à l'investissement inconscient. Sa topographie, focalisée en un point unique ou généralisée à la globalité de l'être, pourra faire évoluer les traits de caractère, quel que soit leur degré d'intégration à l'ensemble de la personnalité de l'individu." Le psychanalyste clinicien prend comme exemple la propreté. "La propreté peut s'opposer à des tendances scatologiques. Le psychanalyste autrichien Otto Fenichel décrit le cas d'un homme qui, enfant, trouvait sa mère à ce point dégoutante qu'il répugnait à la toucher, bien qu'elle fût une fort agréable personne. Cette peur incestueuse refoulée s'exprimait entre autres, à l'âge adulte, par un sens pathologique de la propreté."

 

Serban INONESCU, Marie-Madeleine JACQUET, Claude LHOTE, Les mécanismes de défense, Nathan Université, 2003. Michèle BERTRAND, article La formation réactionnelle, dans Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette Littératures, 2002. Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1976. Steve ABADIE-ROSIER, Les processus psychiques, Les Neurones Moteurs, 2009.

 

PSYCHUS

Complété le 7 avril 2015.

Relu le 26 novembre 2019

 

 

 

 

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20 avril 2010 2 20 /04 /avril /2010 13:06

            Notion métaphorique pour certains psychanalystes, la régression est introduite par Sigmund FREUD dès L'interprétation des rêves (1900). "La régression est sans doute, partout où elle se manifeste, un effet de la résistance qui empêche la pensée d'accéder à la conscience par la voie normale (...)." Qu'est-elle pour lui? Dans un processus psychique comportant un sens de parcours ou de développement, on désigne par régression un retour en sens inverse à partir d'un point déjà atteint jusqu'à un point situé avant lui (ce qui ne fait que traduire un sens littéral). Prise au sens topique, la régression s'opère, selon Sigmund FREUD, le long d'une succession de systèmes psychiques que l'excitation parcourt normalement selon une direction donnée. Dans son sens temporel, la régression suppose une succession génétique et désigne le retour du sujet à des étapes dépassées de son développement (stades libidinaux, relations d'objet, identifications, etc.). Au sens formel, la régression désigne le passage à des modes d'expression et de comportement d'un niveau inférieur du point de vue de la complexité, de la structuration et de la différenciation (LAPLANCHE et PONTALIS).

         Dans les Trois essais sur la théorie sexuelle (1905), le fondateur de la psychanalyse évoque la notion de fixation, inséparable de la régression. La fixation est le fait que la libido s'attache fortement à des personnes ou à des imagos, reproduit tel mode de satisfaction, reste organisé selon la structure caractéristique d'un de ses stades évolutifs. La fixation peut être manifeste et actuelle ou constituer une virtualité prévalente qui ouvre au sujet la voie d'une régression. La notion de fixation est généralement compris dans le cadre d'une conception génétique impliquant une progression ordonnée de la libido (fixation à un stade). Elle est inséparable donc d'une conception du développement humain, qui est pensé par l'ensemble des spécialistes et des professionnels de la psychologie ou de la psychanalyse comme une succession de stades de plus en plus complexes. On peut la considérer, en dehors de toute référence génétique, néanmoins, dans le cadre de la théorie freudienne de l'inconscient, comme désignant le mode d'inscription de certains contenus représentatifs (expériences, imagos, fantasmes) qui persistent dans l'inconscient de façon inaltérée et auxquels la pulsion reste liée. (LAPLANCHE et PONTALIS).

Selon la conception freudienne, plus précisément, de la sexualité infantile, la fonction sexuelle se développe suivant un rythme gradué, chacune des pulsions partielles pouvant, soit suivre une évolution achevée en s'intégrant au courant général sous le primat de l'organisation génitale oedipienne, soit s'arrêter en chemin, s'attarder en se fixant à une phase antérieure du développement sexuel ou à un objet primitif de satisfaction. Dans la clinique, les perversions comme les symptômes névrotiques sont les témoins des traces de ces inscriptions libidinales du passé. (Claude SMADJA)

 

       En définitive, la Régression et la Fixation, sont plutôt des concepts descriptifs, et bien entendu les invoquer ne suffit pas pour comprendre sous quelle forme le sujet fait retour au passé.

       Dans la cure, la régression est indispensable au travail, elle fait partie du processus analytique, implique la notion de changement et appartient au processus de guérison, pense  Donald Woods WINNICOTT (1896-1971). La régression est une forme de défense et reste au service du Moi. Du côté de l'analyste, la régression formelle lui permet une autre écoute (Martine MYQUEL). Cette conception de la régression est tout-à fait celle développée par Anna FREUD (Le Moi et les mécanismes de défense).

      Michael BALINT (1896-1970) (Les voies de la régression, 1959) distingue les régressions maligne et  bénigne. La régression bénigne entraîne des effets thérapeutiques, bénéfiques, et fait même partie de la technique psychanalytique. La régression maligne est pathogène, susceptible d'entraîner le patient dans des difficultés insurmontables. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la régression, en tant que mécanisme, est redoutée par des générations d'analystes.

Michelle Moreau RICAUD résume les travaux de Michael BALINT qui ont eu beaucoup d'influences chez les analystes. Il élabore un diagnostic différentiel, parvenant à évaluer les relations d'objet pendant la cure, entre deux syndromes nommés "Faisceau A et faisceau B" avec leurs caractéristiques constantes : confiance mutuelle ou pas, demandes modérées ou insatiables avec états d'assuétude, etc. pour éviter "l'apparition d'une forme maligne de régression", il prône le développement de techniques analytiques adaptées : l'analyste "discret" (non omnipotent, non inutilement intrusif) doit créer une atmosphère sûre et permissive dont le patient a besoin, le temps nécessaire à la régression et ce qu'il nomme "new beginning" (nouveau commencement).

       De son côté, Pierre MARTY (1918-1993), l'un des fondateurs du courant de la pensée psychosomatique française, développe une conception originale de la fixation. Pour cet auteur, le système fixation-régression est à la base de toute organisation fonctionnelle et étend son champ d'activité des fonctions psychiques jusqu'aux fonctions somatiques. Au cours des désorganisations psychosomatiques, la présence de fixations, qu'elles soient psychiques ou somatiques, constitue des paliers d'arrêt au courant contre-évolutif, à partir desquels une réorganisation psychosomatique peut s'opérer. Ainsi, selon ce point de vue, le système fixation-régression représente, dans l'évolution individuelle de chaque sujet, l'ensemble de ses aptitudes défensives. (Claude SMADJA)

 

      Les auteurs de l'ouvrage de référence sur Les mécanismes de défense définissent la régression comme un retour - plus ou moins organisé et transitoire - à des modes d'expression antérieurs de la pensée, des conduites ou des relations objectales, face à un danger interne ou externe susceptible de provoquer un excès d'angoisse ou de frustration. Ils indiquent que de nombreux auteurs se sont attachés à l'étude de la régression :  Mélanie KLEIN (1932), Paula HEIMANN (1952),  Michael BALINT (1968),  Harold SEARLES (1965), Donald Woods WINNICOTT (1947/1975), Maurice BOUVET (1956/1972), Pierre MARTY (1967), Françoise DOLTO (1973/1988). Ils donnent finalement à la régression une importance plus grande qu'accordée par Sigmund FREUD dans le développement humain. Les exemples de régression fourmillent surtout (mais pas exclusivement) dans la littérature concernant la clinique infantile, et nous ne reprendrons ici qu'une observation de Françoise DOLTO rapportée par les auteurs, faite sur un enfant ayant vécu des expériences précoces de déprivatisation maternelle :

"Il ne regarde plus autrui, son expression mimique se fige dans la détresse ou dans l'indifférence à tout ce qui lui arrive (...) Parfois, heureusement, il garde un intérêt électif pour un animal ou un objet, une collection d'objets semblables. (...) La perte (d'un objet d'une collection, de cuillers, dans ce cas) le plonge dans une intense panique. Cet enfant fait une régression et s'accroche à une seule perception, associée à la fois, pour lui, au souvenir d'un plaisir partiel de son corps et quelque chose représentant pour lui de façon fétichiste, sa relation avec sa mère".

 

Serban IONESCU, Marie-Madeleine JACQUET et Claude LHOTE, Les mécanismes de défense, Natan Université, 2003. Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1976. Claude SMADJA, article Fixation, Michelle Moreau RICUAD, article Régression bénigne/maligne et Martine MYQUEL, article Régression, dans Dictionnaire International de psychanalyse, 2002.

 

                                                                         PSYCHUS

 

Relu le 27 novembre 2019

 

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16 avril 2010 5 16 /04 /avril /2010 15:10

        Publié à Vienne en 1936, Le Moi et les mécanismes de défense, constitue une tentative d'Anna FREUD (1895-1982), psychanalyste et pionnière de l'analyse des enfants, d'intégrer la psychanalyse à la psychologie. Cette oeuvre, très proche de l'analyse concrète des patients qu'elle fréquente, élabore une théorie devenue classique des mécanismes de défense en psychanalyse.

Texte assez facile à lire, même s'il réclame de l'attention, relativement court et découpé en petites parties, il comporte quatre grandes parties, Théorie des mécanismes de défense, Exemples d'évitements de déplaisir et de danger réels, Exemples de deux types de défense et Mécanismes de défense déclenchés par la peur des pulsions trop puissantes, L'ouvrage reste très près de la théorie psychanalytique classique élaborée par son père, Sigmund FREUD. Il constitue encore aujourd'hui une bonne introduction aux questions de défense psychique.

 

 

       La première partie, Théorie des mécanismes de défense, divisée en 5 chapitres, contrairement à ce que pourrait laisser entendre un tel titre, est très éloignée d'une présentation schématique.

    Le premier chapitre, Le Moi, objet de l'observation, commence par présenter une définition de la psychanalyse, qui veut s'éloigner d'une approche trop courante en littérature la présentant exclusivement comme une analyse de l'inconscient. Ce qui est vrai historiquement ne doit pas s'opposer à voir autant les couches superficielles que les couches profondes de la personnalité, dans ses relations avec l'extérieur. Ce qui importe, dans l'analyse psychanalytique, c'est de se centrer toujours sur le Moi, en tant qu'observateur (observé du coup). Cela permet de se rendre compte que la perception des émois instinctuels passe toujours par le Moi : ce que l'on observe dans la cure psychanalytique, c'est bien le Ça déformé par le Moi, et jamais le Ça lui-même. "Tous les actes défensifs du Moi contre le Ça s'effectuent sans tapage, invisiblement. Nous devons nous contenter d'en faire ultérieurement la reconstitution,  jamais nous ne les observons au moment même où ils se produisent. C'est ce qui arrive, par exemple, dans le cas d'un refoulement réussi." C'est la même chose qui survient lors d'une formation réactionnelle réussie.

 "Nous remarquerons que toutes nos connaissances nous ont été fournies par l'étude des poussées venues d'une direction opposée, c'est-à-dire des poussées du Ça vers le Moi. Si le refoulement réussi nous semble à tel point obscur, le mouvement en sens contraire, c'est-à-dire le retour du refoulé tel que nous l'observons dans les névroses, nous semble lui, parfaitement clair. Ici, nous suivons pas à pas la lutte engagée entre l'émoi instinctuel et la défense du Moi. De même, c'est la désagrégation des formations réactionnelles qui permet le mieux d'étudier la manière dont ces dernières se sont produites. Du fait de la poussée du Ça, l'investissement libidinal, jusque là masqué par la formation réactionnelle, se trouve renforcé. C'est ce qui permet à l'émoi instinctuel de se frayer un chemin jusqu'au conscient. Pendant un certain temps pulsion et formation réactionnelle sont, toutes deux à la fois, perceptibles dans le Moi. Une autre fonction du Moi - sa tendance à la synthèse - fait que cet état, extrêmement favorable à l'observation analytique, ne persiste que quelques instants. Un nouveau conflit s'engage entre les rejetons du Ça et l'activité du Moi, conflit qui doit aboutir soit à la victoire de l'une des parties intéressées, soit à la formation d'un compromis entre les deux. Si, grâce au renforcement de son investissement, l'attaque du Ça cesse et un état de quiétude psychique défavorable à toute observation s'instaure à nouveau."

Dans ce premier chapitre, Anna FREUD dresse vraiment le tableau du conflit entre le Moi et le Ça, en référence directe à la deuxième topique de son père.

     Dans le second chapitre, elle expose l'Application de la technique psychanalytique à l'étude des instances psychiques. La technique hypnotique dans la période pré-analytique élimine le Moi durant la recherche et cela nuit à la réussite finale, même si le succès parait d'abord spectaculaire. L'association libre doit être utilisée surtout pour déterminer le genre de mécanisme défensif utilisé par le Moi, sans fixer trop de règle fondamentale analytique (absence de résistances qu'il faut au contraire comprendre). Ensuite, l'interprétation des rêves, l'interprétation des symboles, l'analyse des actes manqués et surtout l'interprétation du transfert, doivent permettre de poursuivre l'observation.

Elle appelle transfert "tous les émois du patient dus à ses relations avec l'analyste." Ces émois proviennent de relations objectales anciennes qu'il s'agit d'observer, à travers les modalités de cette relation avec l'analyste. Elle distingue le transfert d'émois libidinaux (permettant d'observer le Ça du patient - à travers la nature des sentiments exprimés, involontaires et non maîtrisés), le transfert de défense, très différent (avec les déformations du Ça effectuées par le Moi, qui s'exprime par la manière dont le patient "joue" avec l'analyste), et l'agir dans le transfert qui modifie les "rapports de force" entre le Ça et le Moi. Si elle insiste sur ces distinctions, c'est pour montrer "que les difficultés techniques de l'analyse sont relativement moindres là où il s'agit de rendre conscients les dérivés du Ça."  Le maniement par l'analyste du transfert affectif requiert l'utilisation souple de ces diverses techniques. Il faut à la fois comprendre la nature des résistances, la nature des affects en jeu et les habitudes de défense du Moi, car il faut analyser les opérations défensives inconscientes du Moi pour reconstituer les transformations subies par les instincts.

 

         Tout cela, explique t-elle dans le troisième chapitre (Étude analytique et procédés de défense du Moi) car "l'analyste a pour mission de rendre conscient l'inconscient à quelque instance qu'appartienne ce dernier, il doit aussi porter aux éléments inconscients des trois instances la même attention objective."  Le lecteur doit apporter pour comprendre la suite, une attention à l'exposé théorique fait auparavant, même si, admet-elle, il est long et difficile...

Cette difficulté, pensons-nous, que rencontre le lecteur, surtout s'il ne possède pas une "culture psychanalytique minimum", est que souvent il n'a aucune idée de la pratique concrète et aussi parce que les processus inconscients ne sont vraisemblablement pas percés à jour à l'heure actuelle. La première étape pour "soigner" nombre d'affections mentales (bénignes ou graves) est précisément de faire comme les fondateurs de la psychanalyse : prendre conscience de l'existence de l'inconscient, comprendre pourquoi et comment les affects ne s'expriment tout bonnement pas librement, et observer...  Quand le patient ne peut venir à bout de ses problèmes psychiques, précisément, l'analyste doit posséder une connaissance, même si elle est lacunaire, et elle l'est véritablement, pour l'aider à voir ce qui l'empêche de bien se sentir, et cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit d'enfants.

  "... l'attitude du Moi en face des efforts analytiques comporte trois modalités. Le Moi, quand il exerce la faculté d'auto-observation (...), fait cause commune avec l'analyste, met à la disposition de celui-ci ses capacités et lui procure, grâce aux rejetons des autres instances qui ont pénétré dans son domaine, une image de ces dernières. Le Moi se pose en adversaire de l'analyste quand il se monde, au cours de son auto-observation, partial, plein de mauvaise foi et lorsque, enregistrant et transmettant consciencieusement certains renseignements, il en falsifie et rejette d'autres et les empêche de venir au jour : il va ainsi à l'encontre du travail analytique, lequel exige de voir, sans en rien excepter, tout ce qui peut émerger. Enfin, le Moi est lui-même objet de l'analyse dans la mesure où l'activité défensive qu'il exerce sans cesse se poursuit inconsciemment et ne devient qu'à grand peine consciente, à peu près comme l'activité inconsciente de quelque émoi instinctuel interdit."

       Pendant l'analyse, écrit Anna FREUD dans ses considérations sur la Défense contre l'instinct et la Résistance, "le Moi devient agissant partout où il cherche, par une action antagoniste, à empêcher la poussée du Ça. Or, le but de la psychanalyse étant d'assurer aux idées qui représentent la pulsion refoulée l'accès au conscient, c'est-à-dire justement de susciter de pareilles poussées, il s'ensuit que les mesures de défense adoptées par le Moi contre l'apparition de ces idées prennent automatiquement le caractère d'une résistance active contre l'analyse."... et contre l'analyste, ce qui peut s'exprimer par une certaine agressivité... "A côté des résistances dites du Moi, poursuit-elle, nous savons qu'il existe des résistances de transfert, différemment constituées et aussi certaines forces antagonistes difficilement surmontables qui dérivent de l'automatisme de répétition. Ainsi toute résistance ne résulte pas nécessairement d'un acte défensif du Moi, mais tout acte de défense du Moi contre le Ça, au cours de l'analyse, ne peut se traduire que par une résistance aux efforts de l'analyste".

      Sur la Défense contre les affects, nous pouvons lire que "le Moi n'est pas seulement en conflit avec les rejetons du Ça qui essayent de l'envahir pour avoir accès au conscient et à la satisfaction. Il se défend avec la même énergie contre les affects liés à ces pulsions instinctuelles."

       Sur les Manifestations permanentes de défense, Anna FREUD fait directement référence aux travaux de Wilhelm REICH (Analyse logique des résistances, 1935) : Toutes les manifestations - certaines attitudes du corps - révélatrice de l'activité défensive du Moi se transforment en traits de caractère définitifs, devenus des "cuirasses de caractère".

       La Formation des symptômes, dans les domaines de l'hystérie ou des névroses est liée directement à la forme de résistance déployée. Il s'agit, de trouver et d'utiliser une Technique analytique qui permette de déceler les modes de défense contre les pulsions et les affects. Tout l'effort d'analyse des enfants d'Anna Freud, surtout que pour eux la méthode des associations libres ne donne pas beaucoup de résultats, est d'obtenir d'eux des renseignements directs sur leurs rêves et leurs émotions, dans les jeux, les dessins, etc. Il s'agit de faire évoluer l'enfant dans son propre univers mental exprimé, pour reprendre un autre vocabulaire que celui de la psychanalyste. Et c'est l'expérience, précisément qui permet de construire des techniques d'analyse, qui "nous donne les moyens de liquider les résistances du Moi".

    Le Chapitre 4, qui porte sur les Mécanismes de défense, part des études de Sigmund FREUD, notamment dans Les psychonévroses de défense (1894), l'étiologie de l'hystérie, et surtout dans Inhibition, symptôme et angoisse (1926). Elle envisage à sa suite le rôle de refoulement comme mode particulier de défense, à mettre en relation avec les "autres procédés spéciaux de défense". Elle cite, "parmi les procédés de défense utilisés dans la névrose obsessionnelle, la régression et les modifications réactionnelles (formations réactionnelles) du Moi, l'isolation et l'annulation rétroactive."  Elle tire de l'ouvrage, toujours de Sigmund FREUD, A propos de quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l'homosexualité, les mécanismes de défense nommé introjection ou identification et la projection. Du travail sur la théorie des instincts, le retournement contre soi-même et la transformation en contraire (destin des pulsions). A ceux-ci, elle ajoute ceux appartenant plutôt "au domaine de la normalité qu'à celui de la névrose, la sublimation ou déplacement du but instinctuel. Ainsi sont réunis ces dix méthodes différentes, et dans chaque cas particulier, le praticien doit observer les conséquences de leur mise en oeuvre sur la personnalité du patient.

  Dans la suite de son exposé, qui est loin de faire systématiquement le tour de ces méthodes, l'une après l'autre, elle effectue une Comparaison entre les divers effets de ces mécanismes dans des cas particuliers. Ainsi, elle puise dans son expérience des cas de garçons et de filles  mettant en oeuvre ces mécanismes de défense. Ce qu'il faut retenir surtout, au-delà d'une organisation stricte des méthodes de défense, dont elle renonce d'en établir la chronologie, c'est la valeur descriptive de ce qui se passe chez ces enfants.

Anna FREUD insiste beaucoup sur le fait que le refoulement "peut bien être englobé dans le concept général théorique de la défense et comparé aux autres procédés défensifs spéciaux". Il se place néanmoins selon elle sur un plan tout à fait différent. Les mécanismes de défense tels que le refoulement et la sublimation apparaissent très tôt, et de plus, ce sont eux qui réclament de la part du Moi la plus grande énergie et la plus grande constance.

 

     Le chapitre 5, Orientation des processus de défense suivant l'angoisse et le danger, examine successivement, de manière plus précise les Motifs de la défense contre les pulsions (peur du SurMoi dans la névrose des adultes et Crainte réelle dans la névrose infantile). L'auteure montre bien le face à face du Moi face à la fois au SurMoi et au Ça, et met bien en évidence cette balance de la peur du Moi face à l'angoisse devant les menaces de l'extérieur (punitions en cas d'infraction aux interdictions formelles des parents) et face aux puissantes pulsions du Ça qui se manifestent de façon imprévisible dans le cours du développement de l'enfant. Constamment, le Moi qui veut se construire (besoin de synthèse du Moi), doit jouer entre diverses menaces de l'équilibre qu'il met en place au cours du temps, événement après événement. Elle pense que dans le travail de l'analyse, il est plus difficile de traiter certains états pathologiques où le patient lutte par peur de la puissance de ses instincts que ceux qui relèvent de la contrainte extérieure (mise en place d'un SurMoi puissant), où la modification des méthodes éducatives peuvent avoir beaucoup d'effets bénéfiques.

 

 

     La deuxième partie, Exemples d'évitement de déplaisir et de danger réels, traitent des stades préliminaires de la défense. Les chapitres 6, 7 et 8 du livre abordent La négation par le fantasme, La négation par actes et paroles et la rétraction du Moi.

   Le chapitre 6 sur La négation par le fantasme commence par un rappel : la doctrine psychanalytique est issue de l'étude des névroses. C'est-à-dire d'aspects pathologiques qui laissent dans l'ombre les mécanismes "normaux". C'est en psychologie que ces aspects nullement pathogènes sont laissés, et c'est pourquoi la négation par le fantasme est jugé comme accessoire. Alors qu'il est probablement le premier mécanisme de défense du Moi. Le petit enfant, à cette époque de l'existence, "est encore trop faible pour se dresser activement, pour se protéger à l'aide de ses forces physiques contre le monde extérieur et pour modifier se dernier à sa guise." Anna FREUD se base sur le fameux cas du petit Hans étudié par son père et sur le cas d'autres enfants pour mettre en relief la manière dont le fantasme d'un animal par exemple remplace dans son esprit une réalité trop dure. "Les thèmes sur lesquels ont brodé ces deux enfants ne sont nullement originaux et nous les retrouvons, de façon tout à fait générale, dans les contes et dans la littérature enfantine" (éléments qu'étudie plus tard Françoise DOLTO). C'est un renversement total de la réalité qu'opère ses histoires intérieures et ces contes pour le bénéfice d'un Moi qui substitue à une réalité inmodifiable des fantasmes  qui s'expriment  tant dans le rêve que dans l'état de veille. La persistance de ce mode de défense chez l'adulte entraîne des conséquences importantes, et généralement ce mode disparaît assez rapidement lors de la fin de la petite enfance.

    La négation par actes et paroles étudiée dans le chapitre 7 part de cette forme de défense qui évolue avec l'âge : "Pendant plusieurs années le moi infantile, tout en conservant un sens intact de la réalité, garde le privilège de nier tout ce qui, dans cette réalité, lui déplaît. Il use amplement de cette faculté et, ce faisant, ne se cantonne pas dans le seul domaine des représentations et des fantasmes, il ne se borne pas à penser, il agit. Pour parvenir à transformer la réalité, il se sert des objets extérieurs les plus divers. On retrouve fréquemment aussi, dans les jeux enfantins, en général, et dans ceux où l'enfant adopte un rôle, en particulier, cette même négation de la réalité."

Dans une présentation dynamique, Anna FREUD met en relation l'évolution de l'enfant dans ce sens avec l'existence des différentes écoles pédagogiques : "Le conflit toujours existant entre les différentes écoles pédagogiques (Froebel contre Montessori) peut se résumer ainsi : dans quelle mesure l'éducateur doit-il inciter l'enfant - et cela dès le plus jeune âge - à assimiler la réalité? Jusqu'à quel degré peut-on laisser le jeune être se détourner de cette réalité en favorisant chez lui la construction d'un monde imaginaire?"  Dans l'équilibre délicat entre l'entrée dans le monde de la réalité et la protection d'un Moi fragile, entre les excitations extérieures et les excitations pulsionnelles, c'est surtout la fonction de synthèse du Moi qui permet à l'enfant d'entrer progressivement dans une dynamique positive (d'échanges réels) avec le monde extérieur. Tout dépend de l'attitude des éducateurs, pris au sens large, dans leur compréhension des mesures protectrices du Moi, entre consentement trop large, qui risque de conforter l'enfant dans sa négation et répression trop forte qui augmente l'angoisse et réoriente de manière trop importante la défense contre la vie instinctuelle, ce qui aboutit au développement de névroses véritables.

    Le chapitre suivant sur La rétraction du Moi examine un phénomène parallèle à l'élaboration des fantasmes, divers procédés employés par le Moi "pour éviter toute souffrance venue soit du dedans soit du dehors". Cette rétraction du moi appartient autant aux procédés "normaux" qu'aux procédés pathologiques. Toujours à partir d'exemples concrets, elle décrit ce mécanisme de défense, qu'elle distingue de l'inhibition : "toute la différence entre l'inhibition et la rétraction du moi consiste en ce que, dans le premier cas, le moi se défend contre ses propres processus internes tandis que, dans le second, il se dresse contre les excitations extérieures". Ce processus de rétraction s'inscrit pour Anna FREUD dans le processus normal de l'enfance. Elle conclue sur le fait qu'étant donné le peu d'indépendance dont jouit l'enfant, "les adultes peuvent, à leur gré, favoriser ou étouffer chez lui l'éclosion d'une névrose". Ainsi, elle cite l'exemple d'une mère que l'état de son enfant inquiète et dont l'orgueil est blessé chercher à le protéger en lui évitant d'affronter des situations pénibles dans le monde extérieur. Tout est dans l'attention qu'elle témoigne et on peut mesurer combien est délicat le dosage de liberté à accorder, sans tomber dans l'état phobique à l'égard d'accès d'angoisse.

 

    La troisième partie aborde des exemples de deux types de défense, l'identification avec l'agresseur et une forme d'altruisme (Chapitres 9 et 10). La quatrième et dernière partie se focalise sur l'étude des phénomènes de la puberté : Mécanismes de défense déclenchés par la peur des pulsions trop puissantes (Chapitres 11 et 12).

 

    Dans sa conclusion, Anna FREUD commence, avant de faire une sorte de bilan des connaissances actuelles, par une sorte de mise en garde : "Quand nous connaîtrons mieux l'activité inconsciente du Moi, nous serons sans doute en mesure d'établir une classification bien plus rigoureuse". Les exemples qu'elle donne, tirés de son expérience clinique, lui permettent toutefois "de supposer que le Moi met en branle le mécanisme de la négation quand il s'agit d'idées de castration et de pertes d'objet aimés. La cession altruiste des pulsions instinctuelles, d'autre part, semble être utilisée de préférence, dans certaines conditions déterminées, lorsqu'il s'agit de triompher d'humiliations narcissiques." Elle pense que les connaissances sont mieux "établies" sur les rapprochements entre les diverses activités de défense du Moi contre les dangers qui menacent soit du dedans soit du dehors. "Le refoulement sert à évincer les dérivés du Ça comme la négation à supprimer les excitations extérieures. La formation réactionnelle préserve le Moi d'une réapparition de ce qui a été refoulé, les fantasmes grâce auxquels la situation réelle est renversée empêchent la négation d'être ébranlée par l'ambiance. L'inhibition de l'émoi pulsionnel correspond à une rétraction du Moi, destinée à éviter tout déplaisir causé par le monde extérieur. L'intellectualisation des processus instinctuels agit en tant que protection contre un danger intérieur et équivaut à une vigilance perpétuelle du Moi contre les dangers extérieurs. Tous les autres mécanismes de défense qui, à la manière du retournement en contraire ou du retournement contre soi, se manifestent par une altération des phénomènes pulsionnels eux-mêmes, trouvent leur contrepartie dans les tentatives faites par le Moi pour parer au danger extérieur en intervenant activement afin de modifier l'ambiance. toutefois, je ne puis m'étendre davantage ici sur ces sortes d'activités du Moi". A lire la suite, le lecteur se rend compte de la mobilité extrême des mécanismes de défense et de la multiplication de véritables tactiques au fur et à mesure que les événements interviennent et que de nouvelles pulsions naissent dans le corps de l'individu.

"Bien que le Moi, écrit-elle à la fin de sa conclusion, ne dispose pas, dans le choix des mécanismes de défense, d'une totale liberté, il n'en est pas moins vrai que l'importance de son rôle nous frappe quand nous étudions ces mécanismes. L'existence même des symptômes névrotiques prouve que le Moi a été submergé. Tout retour des pulsions refoulées, toute formation ensuite de compromis trahissent un échec de la défense projetés, partant une défaite du Moi. Le Moi est vainqueur quand ses mesures de défense sont efficaces, c'est-à-dire quand il arrive, par elles, à limiter la production d'angoisse et de déplaisir, à assurer au sujet, même dans des circonstances difficiles, grâce à une modification des pulsions, une certaine dose de jouissance pulsionnelle. Ainsi s'établissent, dans la mesure du possible, d'harmonieuses relations entre le Ça, le Surmoi et les puissances du monde extérieur."

 

     Elsa SCHMID-KILSIKIS indique que "l'oeuvre d'Anna FREUD, et plus particulièrement (cet) ouvrage, a directement alimenté un courant de pensée que l'on pourrait qualifier de "psychanalyse de la conscience" et qui a surtout pris son essor aux États-Unis grâce aux adeptes de l'Ego-psychology (Hartmann, Kris et Loewenstein), mais elle a surtout indirectement permis une utilisation psychologique des données de la psychanalyse freudienne, utilisation entre autres sur le terrain de ce qu'il est convenu d'appeler de nos jours la "pédagogie psychanalytique" ainsi que dans le cadre des tests dits de personnalité." Nous pouvons ajouter que cet ouvrage se situe dans la longue lutte-polémique entre Anna FREUD et Mélanie KLEIN en ce qui concerne la psychanalyse des enfants.

 

Anna FREUD, Le Moi et les mécanismes de défense, Presses Universitaires de France, Bibliothèque de psychanalyse, 2001, 170 pages environ. Traduction de Das ich und die abwehrmechanismen, Imago Publishing, London, 1946. Réédition de l'ouvrage de 1949 (15ème édition). L'ouvrage originel de 1936 porte le titre complet de Das Ich und die Abwehrmechanismen, Wege und Irrwege in der Kinderentwicklung, Wien, Internationaler Psychoanalytischer Verlag.

Elsa SCHMID-KILSIKIS, article Le moi et les mécanismes de défense, dans Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette Littératures, 2002.

 

 

Relu le 28 novembre 2019

 

 

 

 

 

 

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13 avril 2010 2 13 /04 /avril /2010 16:18

           Selon Anna FREUD, le mot défense "est le plus ancien représentant d'un point de vue dynamique en théorie psychanalytique". Elle cite plusieurs textes phares de Sigmund FREUD (Les psychonévroses de défense, 1894 - Étiologie de l'hystérie, Autres observations sur les psychonévroses de défense, Inhibition, symptôme et angoisse - 1926) qui montrent à quel point la notion de défense est liée aux découvertes de la psychanalyse. Plusieurs auteurs (LAPLANCHE, MIJOLLA, entre autres) estiment d'ailleurs que le refoulement, en tant que mode défense psychique, ou plutôt sa mise en évidence, est étroitement liée à la compréhension de l'inconscient.

 

            Le refoulement est cité, toujours par Anna FREUD comme le premier des mécanismes de défense du Moi contre les pulsions négatives. Alors que le fondateur de la psychanalyse tend à définir le refoulement de manière plus restrictive qu'elle, l'auteure de Le Moi et les mécanismes de défense pense que "théoriquement parlant, le refoulement peut bien être englobé dans le concept général théorique de la défense et comparé aux autres procédés défensifs spéciaux. Toutefois, en ce qui a trait à ses conséquences, il se place sur un plan tout-à-fait différent de celui des autres procédés. Au point de vue quantitatif, le refoulement agit plus radicalement, c'est-à-dire qu'il peut maîtriser certaines pulsions en face desquelles les autres procédés restent inopérants. Son action se produit une fois pour toutes, mais le contre-investissement qui s'effectue afin de l'assurer est, lui, une institution permanente qui exige une continuelle dépense d'énergie. Au contraire, à chaque nouvelle poussée instinctuelle, les autres mécanismes de défense doivent se mettre en branle. Si le refoulement est le plus efficace des mécanismes, il en est aussi le plus dangereux. Le morcellement du Moi, provoqué dans des domaines entiers de la vie affective et instinctuelle par le retrait de la conscience, peut à tout jamais détruire l'intégrité de la personnalité. Le refoulement devient la base d'une formation de compromis et de névroses. Les conséquences des autres techniques de défense ne sont pas d'une moindre gravité, mais même quand elles prennent une forme aiguë, se maintiennent mieux dans les limites du normal. Elles se manifestent par d'innombrables modifications, altérations et déformations du Moi qui peuvent en partie accompagner la névrose et, en partie, s'y substituer."

Ses tentatives de chronologie (dans la vie d'un individu) de l'apparition des mécanismes de défense du Moi sont contrariées dans ses propres expériences et sans doute, selon elle-même, "il est préférable de renoncer à un semblable travail" et de se concentrer sur les situations capables de mettre en branle les mécanismes de défense. C'est donc une démarche contraire à celle de Mélanie KLEIN, qui cherche à découvrir quels sont les premiers mécanismes de défense qui apparaissent dans la vie d'un enfant, les découvrant très tôt, dès le plus jeune âge, dans des phantasmes qu'elle décrit de manière assez effrayante, et qui suscite bien des interrogations.

 

     Mais qu'est-ce le refoulement? Jean-Bertrand PONTALIS et Jean LAPLANCHE en donnent les définitions suivantes :

- Au sens propre : opération par laquelle le sujet cherche à repousser ou à maintenir dans l'inconscient des représentations (pensées, images souvenirs) liées à une pulsion. Le refoulement se produit dans les cas où la satisfaction d'une pulsion - susceptible de procurer par elle-même du plaisir - risquerait de provoquer du déplaisir à l'égard d'autres exigences.

Le refoulement est particulièrement manifeste dans l'hystérie mais joue un rôle majeur dans les autres affections mentales ainsi qu'en psychologie normale. Il peut être considéré comme un processus psychique universel en tant qu'il serait à l'origine de la constitution de l'inconscient comme domaine séparé du reste du psychisme.

- En un sens plus vague : le terme de refoulement est parfois pris par FREUD dans une acception qui le rapproche de celui de "défense", d'une part en tant que l'opération du refoulement prise au sens (premier) se retrouve au moins comme un temps dans de nombreux processus défensifs complexes (la partie est alors prise pour le tout), d'autre part en tant que le modèle théorique du refoulement est utilisé par FREUD comme prototype d'autres opérations défensives. (Vocabulaire de la psychanalyse).

      Dans l'oeuvre de Sigmund FREUD, la notion de refoulement apparaît comme corrélative de celle d'inconscient. C'est une opération dynamique qui implique le maintien d'un contre-investissement et toujours susceptible d'être mise en échec par la force du désir inconscient qui cherche à faire retour dans la conscience et la motilité. Le risque toujours présent de provoquer du déplaisir "à l'égard d'autres exigences" mentionné dans la définition, fait directement référence aux exigences de l'environnement de la personne qui exige la non libre expression de ce désir inconscient.

Ce n'est que dans les années 1911-1915 que le fondateur de la psychanalyse s'attache à donner une théorie articulée du refoulement, en y distinguant différents temps. Dans l'article Le refoulement, de 1915, Sigmund FREUD distingue un refoulement au sens large (comprenant 3 temps) et un refoulement au sens étroit qui n'est que le second temps du précédent.

Les rédacteurs du Vocabulaire de la psychanalyse présentent ces temps ainsi :

- premier temps : refoulement originaire, qui porte sur les signes, les représentants de la pulsion : il se crée ainsi un premier noyau inconscient fonctionnant comme pôle d'attraction à l'égard des éléments à refouler ;

- deuxième temps : le refoulement après coup, processus double, alliant à cette attraction une répulsion de la part d'unes instance supérieure, qui s'attaque directement à la pulsion ;

- troisième temps, le retour du refoulé, sous forme de symptômes, rêves, actes manqués, etc.

   En conclusion, ils écrivent que l'opération du refoulement "peut être envisagée dans le triple registre de la métapsychologie :

- du point de vue topique : si le refoulement est décrit dans la première théorie de l'appareil psychique comme maintien hors de la conscience, FREUD n'assimile pas pour autant l'instance refoulante à la conscience. C'est la censure qui en fournit le modèle. dans la seconde topique, le refoulement est tenu pour une opération défensive du Moi (partiellement inconscient) ;

- du point de vue économique, le refoulement suppose un jeu complexe de désinvestissements, réinvestissements et contre-investissements, portant sur les représentants de la pulsion ;

- du point de vue dynamique, la question majeure est celle des motifs de refoulement : comment une pulsion dont la satisfaction engendre par définition du plaisir en vient-elle à susciter un déplaisir tel qu'il déclenche l'opération du refoulement ?"

 

      C'est à peu près la même façon de présenter les choses que nous pouvons trouver sous la plume de Jean-François RABAIN dans le Dictionnaire International de la psychanalyse.

Insistons comme lui sur la conception dynamique du refoulé et de l'inconscient : "l'inconscient tend à faire resurgir dans la vie consciente et dans les comportements des productions qui sont en connexion plus ou moins lointaines avec lui et que Freud nomme les "rejetons de l'inconscient". Ces "rejetons" englobent par exemple les symptômes, les fantasmes, les lapsus ou les associations signifiantes en cours de séance d'analyse. Ils sont donc les "dérivés du refoulé" et se voient à leur tour l'objet de nouvelles mesures de défense." Dans l'article de 1915 sur Le refoulement, Freud écrit : "Le refoulement ne tient pas, en effet, tous les rejetons du refoulé originaire à l'égard du Conscient. Quand ses rejetons se sont suffisamment éloignés du représentant refoulé, soit par adoption de déformations, soit par le grand nombre de maillons intermédiaires intercalés, alors l'accès au Conscient est libre pour eux. C'est comme si la résistance du conscient à leur endroit était une fonction de leur éloignement par rapport au refoulé originaire."

 

      Dans le premier temps de la théorie du refoulement figure le refoulement originaire. Encore aujourd'hui, cette notion reste obscure ; c'est dans ses effets qui FREUD indique son existence : dans les fixations névrotiques. Ces fixations névrotiques, qui se manifestent selon des symptômes variés mais stéréotypés, résultent d'un "contre-investissement" constant et dépensier en énergie. Jusqu'à la fin de sa vie, le fondateur de la psychanalyse a recherché la nature de ce contre-investissement, soit dans des éléments biologiques (piste que Wilhelm REICH pour sa part suivra le plus loin possible...), soit dans l'étude de la phylogenèse (Totem et Tabou, où il est constamment influencé par la croyance en la transmission des caractères acquis), soit encore dans la mise en évidence des contenus inconscients, qui s'ils sont refoulés, ne sont jamais pour lui détruits. Les symptômes, d'ailleurs, qui nuisent à la santé psychique de ses patients, s'expliquent débord par un retour du refoulé au niveau conscient. Sigmund FREUD indique les conditions générales du retour du refoulé : affaiblissement du contre-investissement, renforcement de la poussée pulsionnelle (sous l'influence biologique de la puberté par exemple), survenue d'événements qui évoquent le matériel refoulé.

   Mais de manière plus pratique, la psychanalyse n'a de sens que surtout dans la pratique, c'est la "levée du refoulement", processus par lequel est opérée la suppression des lacunes mnésiques, qui constitue une sorte de "preuve" de l'existence du refoulement. La travail de la cure permet de mettre en place des termes intermédiaires préconscients sans que la prise de conscience du refoulé ait à "remonter" jusqu'à l'Inconscient. (Jean-François RABAIN). Dans l'histoire de la psychanalyse, c'est d'abord l'hypnose qui fait disparaître les symptômes, puis ensuite la technique des associations d'idées ou d'autres techniques qui permettent le retour au conscient des éléments refoulés. Pour Claude LE GUEN, "la levée du refoulement, avec la libération d'énergie libidinale qu'elle suscite et l'unification du Moi qu'elle provoque, demeure la pierre de touche du changement dans la cure comme de sa vocation thérapeutique".

 

     Serban IONESCU et ses collaborateurs, dans leur ouvrage sur Les mécanismes de défense, indiquent les caractéristiques du refoulement. Ils discutent de la définition qu'ils en donnent : "Rejet dans l'inconscient de représentations conflictuelles qui demeurent actives, tout en étant inaccessibles à la prise de conscience. Le retour du refoulé, dont les conséquences peuvent être anodines ou pathologiques, intervient en cas d'échec ou d'insuffisance du refoulement".

Cette définition amène deux questions :

"Comment distinguer refoulement et oubli?"

"Existe-t-il un refoulement normal?"

   L'oubli est sélectif puisqu'il porte sur des souvenir biographiques et non sur des connaissances acquises. Il s'agit pour Daniel WIDLOCHER (né en 1929) (1992) d'un trouble mnésique affectant la mémoire épisodique. L'oubli peut être une technique qui permet de "trier" les informations utiles de celles qui ne le sont pas, et il est donc nécessaire au fonctionnement efficient du système nerveux. Il existe donc un refoulement sain. Ce qui pose problème, c'est quand le refoulement amène d'évidents troubles de fonctionnement de la personnalité, soit de façon intermittentes (lors de crises), soit de manière permanente. Et toute la difficulté soulevée par les auteurs réside dans le fait qu'il n'existe probablement pas de refoulement sain dans une société non exempte de dysfonctionnements (pour rester modéré). Et que l'opération de refoulement en elle-même affecte de manière probablement non discriminante des éléments d'informations normalement nécessaires et des éléments provenant directement ou indirectement des pulsions. Il faut remarquer que dans les termes employés, c'est souvent plus le retour du refoulé qui semble poser problème aux auteurs (et sans doute à FREUD) que le refoulement proprement dit.

       Le domaine où finalement l'apport de leur paragraphe est le plus instructif et le plus éclairant est finalement la pathologie :

après avoir rappelé que pour FREUD "ce n'est pas le refoulement lui-même qui a des effets morbides, mais seulement le retour du refoulé, dû à l'insuffisance ou à l'échec du refoulement, et sans doute aussi à une vulnérabilité de la personne", (ce qui n'est sans doute pas une perception partagée par tous les psychanalystes...), les auteurs décrivent les effets morbides observés. Ce sont avant tout les symptômes hystériques (hystérie de conversion..).

Mais un autre symptômes fréquent est une fatigue perpétuelle, car le Moi, signalait déjà Freud, s'épuise en actions de défense. Otto FENICHEL (1897-1946) développe ce point de vue et constate "'l'appauvrissement général de la personnalité névrotique qui consume son énergie dans la réalisation de son refoulement."  D'où les tentatives de lever ce refoulement. Et, dirions-nous l'impossibilité de dissocier le patient de son environnement familial et social, car loin d'être la seule cause des troubles, "le retour du refoulé" peut être aussi, comme nous le voyons avec les études de Gérard MENDEL, l'occasion de réfléchir  et d'agir sur l'ensemble des caractéristiques des maladies mentales qui affectent toute une population.

Bien entendu, là comme ailleurs, la psychanalyse s'avère ne pas être une "technique neutre", et les auteurs de cet ouvrage semble se positionner selon les vues de la société établie en général. Ils semblent s'inscrire plus, du coup, dans une perspective psychiatrique, que dans une perspective psychanalytique.

 

         Gérard POMMIER estime par ailleurs qu'il existe "une adéquation entre le fonctionnement de l'appareil psychique que décrit la psychanalyse et ce qu'expose un neurophysiologiste comme EDELMAN." Le refoulement correspondrait à une disparité synchronique spécifique. L'étude des conditions physiologiques de la conscience, en plongeant dans l'architecture neurologique et neuroendocrinienne des différentes régions du cerveau permettrait du même coup de comprendre, par les changements de fonctionnement observés, comment s'opère le refoulement, comment se forme finalement l'inconscient. Il s'agit d'une recherche, qui a déjà largement dépassé d'ailleurs une conception de localisations des fonctions par zones anatomiques, qui pourrait, selon lui, démontrer la véracité de l'approche de la psychanalyse. Sans méjuger de cette approche, beaucoup de praticiens la jugent un peu superflues.

 

Gérard POMMIER, Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse, Flammarion, 2004. Serban INOSESCU, Marie-Madeleine JACQUET, Claude LHOTE, Les mécanismes de défense, Théorie et clinique, Nathan Université, 2003. Jean-François RABAIN, dans Dictionnaire international de la psychanalyse, sous la direction d'Alain de MIJOLLA, Hachette littératures, 2002. Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1976. Anna FREUD, Le Moi et les mécanismes de défense, PUF, 2001.

 

                                                                  PSYCHUS

 

Relu le 30 novembre 2019

 

 

 

 

 

 

 

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1 juillet 2009 3 01 /07 /juillet /2009 13:08
      Défense, en psychanalyse désigne un ensemble d'opérations dont la finalité est de réduire ou de supprimer toute modification susceptible de mettre en danger l'intégrité et la constance de l'individu, pris comme unité bio-psychologique. dans la mesure où le moi se constitue comme instance qui incarne cette constance et qui cherche à la maintenir, il peut être décrit comme l'enjeu et l'agent de ces opérations (LAPLANCHE et PONTALIS).
       Dès Études sur l'hystérie (1895), Sigmund FREUD cherche à décrire les différentes modalités du processus défensif et à donner un modèle métapsychologique à celles-ci. D'emblée, cette théorie se réfère, comme ce sera constamment le cas par la suite, à une opposition entre les excitations externes qu'on peut fuir ou contre lesquelles existe un dispositif de barrage mécanique qui permet de les filtrer et les excitations internes qu'on ne peut pas fuir. Contre cette agression du dedans qu'est la pulsion, se constituent les différents procédés défensifs.
 
       Dans Le Projet de psychologie scientifique (1895), le fondateur de la psychanalyse aborde le problème de la défense de deux façons, comme l'indiquent Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS :  
- Il recherche l'origine d'une défense primaire dans une expérience de douleur, tout comme il a trouvé le modèle du désir et de son inhibition par le moi dans une expérience de satisfaction ;
- il cherche à différencier une défense normale et une défense pathologique.
      "La première opère dans le cas de la reviviscence d'une expérience pénible ; il faut que le moi ait déjà pu, lors de l'expérience initiale, commencer à inhiber le déplaisir par des investissement latéraux. Lorsque l'investissement (écrit Sigmund FREUD) de la trace mnésique se répète, le déplaisir se répète aussi, mais les frayages du moi sont eux aussi déjà en place ; l'expérience montre qu'à la seconde fois, la libération (de déplaisir) est moins importante et finalement, après plusieurs répétitions, elle se réduit à l'intensité convenant au moi, d'un signal. Une telle défense évite au moi le risque d'être submergé et infiltré par le processus primaire, comme c'est le cas avec la défense pathologique."
       "Sigmund FREUD trouve la condition (de cette défense pathologique) dans une scène sexuelle qui en son temps n'avait pas suscité de défense, mais dont le souvenir réactivé déclenche, de l'intérieur, une montée d'excitation. L'attention est tournée (écrit Sigmund FREUD) vers les perceptions qui d'habitude donnent l'occasion à la libération de déplaisir. (Or) ici ce n'est pas une perception, mais une trace mnésique qui, de façon inattendue, libère du déplaisir et le moi en est informé trop tard".
"La condition, terminent les deux auteurs du Vocabulaire de la psychanalyse, de la défense pathologique est ainsi le déclenchement d'une excitation d'origine interne, provoquant du déplaisir, et contre laquelle aucun apprentissage défensif n'a été établi. Ce n'est donc pas l'intensité de l'affect en soi qui motive l'entrée en jeu de la défense pathologique, mais des conditions bien spécifiques qui ne se retrouvent ni dans le cas d'une perception pénible ni même lors de la remémoration d'une perception pénible. Ces conditions ne sont réalisées pour Freud que dans le domaine de la sexualité".
          D'emblée également, Sigmund FREUD, dans Les mécanismes psychiques des phénomènes hystériques, rédigé avec BREUER en 1893, traite du mécanisme de défense. Il cherche à spécifier d'autres affections psychonévrotiques que l'hystérie, par la façon particulière dont la défense s'exerce. Selon le type d'affection considéré, le mécanisme de défense diffère. Dans Les nouvelles remarques sur les phénomènes de défense de 1896, il distingue ainsi les mécanismes de la conversion hystérique, de la substitution obsessionnelle, de la projection paranoïaqe. Par la suite, dans les articles qui suivent, nous aurons l'occasion de présenter les diverses théories sur ces affections (hystéries, psychoses, névroses...) et les différentes explications sur les mécanismes de défense correspondants.

        C'est surtout Anna FREUD, dans Le Moi et les mécanismes de défense (1936), qui développe cet aspect de la recherche psychanalytique. Elle donne une liste au début de son ouvrage, de dix mécanismes de défense :
                       - le refoulement ;
                       - la régression ;
                       - la formation réactionnelle ;
                       - l'isolation ;
                       - l'annulation rétroactive ;
                       - la projection ;
                       - l'introjection ;
                       - le retournement contre soi ;
                       - la transformation en contraire ;
                       - la sublimation.
   Mais, tout au long de son ouvrage, comme le remarquent plusieurs auteurs, nous pouvons en relever au moins vingt. Mais avant de les examiner, il importe, comme l'écrivent Serban IONESCU et ses collaborateurs, de poser un certain nombre de questions :
- Existe t-il des différences entre le terme de mécanisme de défense et d'autres termes employés lorsqu'on parle de défense ?
- Qui se défend ? Quelle instance psychique (selon les topiques freudiennes) ? (une question que ces auteurs ne posent pas dans leur livre)
- Si c'est le Moi qui se défend, contre quoi se défend-il?
- Pour quels motifs le Moi se défend-il ?
- Que signifie une défense réussie ? (en terme d'efficacité?)
- Qu'est-ce qu'une défense adaptative?
- Existe-t-il des défenses normales et des défenses pathologiques?
- Comment définir les mécanisme de défense?

      A ces questions, les auteurs de psychanalyse y répondent, directement ou indirectement, de manières très différentes. Entre les conceptions d'Anne FREUD, de Mélanie KLEIN ou de Wilhelm REICH, existent des contradictions très importantes.

     Par ailleurs, d'autres auteurs, qui ne relèvent pas de la discipline psychanalytique, abordent cette question de la défense psychique à partir d'une approche neurobiologique (Henri LABORIT... ) ou l'intègrent globalement dans les défenses de l'organisme devant la douleur, la peur ou les atteintes à son intégrité (Léon BINET... )... Sans compter les multiples approches psychologiques et psychiatriques...
 
Anna FREUD, Le moi et les mécanismes de défense, PUF, collection de bibliothèque de psychanalyse, 2001. Serban IONESCU, Marie-Madeleine JACQUET, Claude LHOTE, Les mécanismes de défense, théorie et clinique, Nathan université, 2003. Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1976.

                                                                                  PSYCHUS
 
Relu le 21 avril 2019

   



      
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30 juin 2009 2 30 /06 /juin /2009 12:43
              L'inconscient collectif est essentiellement, mais pas uniquement, un concept de la psychologie analytique de Carl Gustav JUNG, développé notamment dans Métamorphoses de l'âme et ses symboles (1950), réécriture de Métamorphose et symbole de la libido (1912) et dans Les racines de la conscience (1953). En 1934, le fondateur de cette forme "dissidente" de la psychanalyse définit l'inconscient collectif comme la partie inconsciente de la psyché collective, les autres parties de cette psyché étant la conscience du monde perceptible et la conscience elle-même. L'inconscient collectif se distingue de l'inconscient personnel et il en est le complément dans la mesure où il constitue une strate de la réalité qui ne découle pas du vécu personnel, n'est pas une acquisition personnelle, mais est inné, universel, plus ou moins le même partout et chez tous les individus.
 
      Selon David TRESAN, "l'idée jungienne de l'inconscient collectif recouvre à la fois celle d'un réceptacle passif où viennent s'inscrire l'histoire de toutes les réactions humaines vis-à-vis du monde et celle d'un substrat actif, fondement d'où émerge toute réalité. Jung a d'abord décrit les éléments constitutifs de l'inconscient collectif comme étant des images archaïques ou primordiales ou ancestrales, puis il a parlé d'archétypes qui se manifestent dans la conscience à travers des images, des affects puissants et des schèmes de comportement. Quand les énergies de l'inconscient collectif font irruption dans la conscience, celle-ci en est altérée et les réactions peuvent aller de la folie à un réagencement complet des attitudes de la base de la personnalité."

         Ce concept se situe en fait au croisement de l'expérience clinique (association libre des idées pendant la cure) et de la philosophie, versant tradition hermétique. Michel CAZENAVE se demande si la dénomination d'inconscient collectif est la mieux choisie. "Cet inconscient n'est effectivement pas une espèce d'inconscient plus ou moins hypostasié qui serait partagé par l'ensemble d'un groupe, mais un ensemble structurel dont les archétypes sont les catégories sans qu'on les pense eux-mêmes comme des réalités purement psychiques. Dans ses textes, toujours selon Michel CAZENAVE, c'est une totalité dynamique de la conscience qui est proposée par Carl JUNG, "dans une perspective paradoxale de conjonction des opposés : étant donné le surgissement de la conscience à partir de l'inconscient, il existe une unité disjonctive de ces deux termes qui impose l'idée que, à rigoureusement parler, il y a une certaine identité de la psyché avec la conscience en même temps que différenciation dans l'horizon de l'"âme entière"".

      Il faut souligner que l'inconscient jungien n'est pas l'inconscient freudien. ce dernier s'insère dans une topique qu'ignore Carl JUNG qui situe l'inconscient comme une catégorie qui fait partie de la recherche sur l'âme depuis plusieurs siècles. Dans Conscience et Inconscient (Chapitre V de Réflexions théoriques sur la nature du psychisme dans Les racines de la conscience) il écrit :
     "L'inconscient n'est pas l'inconnu pur et simple, c'est le psychisme inconnu, c'est-à-dire tout ce dont nous présupposons que, s'il venait à la conscience, il ne se distinguerait en rien des contenus psychiques connus de nous. D'un autre côté, il nous faut aussi y compter le système psychoïde sur composition duquel nous ne pouvons rien dire directement. Cet inconscient ainsi défini décrit un état de fait extraordinairement flou : tout ce que je sais, mais à quoi je ne pense pas momentanément ; tout ce dont je fus conscient autrefois, mais qui est maintenant oublié ; tout ce qui est perçu par mes sens, mais à quoi mon conscient ne fait pas attention ; tout ce que je sens, pense, me rappelle, veux et fais sans dessein et sans attention, c'est-à-dire inconsciemment ; tout ce qui est futur, qui se prépare en moi et ne viendra que plus tard. Ces contenus sont pour ainsi dire tous plus ou moins susceptibles de conscience ou furent du moins conscient autrefois et peuvent le redevenir d'un moment à l'autre."

       Il y a conflit pour Carl JUNG lorsqu'une force antagoniste inconsciente s'oppose au moi, et que celui-ci ne la refoule pas aussitôt. On assiste alors à une "dissociation relative" de la personnalité, caractéristique de la névrose. C'est par le refoulement du conflit lui-même qu'on se forge une illusion, "l'illusion qu'il n'existe pas", et l'on transforme "une souffrance connue" en une souffrance inconnue encore plus torturante. En tenant le conflit conscient - notamment lors de la cure par l'association libre d'idées - et en en faisant l'objet d'un débat interne, le moi peut reconnaître les deux pôles opposés (conscient/inconscient, masculin/féminin, bien/mal...) comme "nécessaires l'un à l'autre et solidaires". Pour le fondateur de la psychologie analytique, le conflit moral est "fondé en dernière analyse, sur l'impossibilité apparente d'acquiescer à la totalité de la nature humaine", et c'est là que joue l'inconscient collectif. Le conflit moral est donc toujours présent dans la confrontation du moi avec l'ombre et le soi, qui engage le sujet dans les aléas et les souffrances du processus d'individuation (ou d'individualisation). Le conflit entre plusieurs devoirs, qui définit celui-ci, ne peut jamais être résolu sur le mode rationaliste ou métaphysique ; il doit être enduré jusqu'à ce qu'un symbole (un troisième terme de nature irrationnelle) rassemble les points de vue contraires en une seule image composite. C'est par un conflit conscient, et la tension qu'il instaure que le moi, s'ouvrant à la réalité complexe du soi, découvre son entièreté paradoxale, consciente et inconsciente. Le soi est un concept limite qui rend compte de l'existence d'un centre archétypique de la personnalité totale, consciente et inconsciente.(Aimé AGNEL)
   La conception du conflit de Carl JUNG est donc très différente de celle de son ami d'une décennie. Il refuse absolument de "restreindre" le conflit psychique autour de la pulsion sexuelle, et l'inconscient ne se centre absolument pas sur la sexualité, même entendue au sens le plus large.

Carl Gustav JUNG, Métamorphoses de l'âme et des symboles, Georg Editeur, 1993 ; Les racines de la conscience, Buchet/Chastel, 2005.
Aimé AGNEL, Michel CAZENAVE, Le vocabulaire de Jung, Ellipses, 2005 ; David TRESAN, article Inconscient collectif dans Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette littératures, 2002.

                                                             PSYCHUS
 
Relu le 26 mars 2019

       
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26 juin 2009 5 26 /06 /juin /2009 12:24
              Les continuateurs d'une vision freudienne des pulsions s'efforcent de restituer ce que Sigmund FREUD veut vraiment dire sur les pulsions dans son oeuvre, se gardant ainsi de s'orienter vers la psychanalyse de Mélanie KLEIN et n'entrant pas dans les considérations d'Anna FREUD. Parmi eux, Jean LAPLANCHE (notamment à travers le Vocabulaire de la psychanalyse que nous utilisons beaucoup parce qu'il est particulièrement clair) et Daniel LAGACHE, qui, lui-même à travers son oeuvre, tente de concilier les meilleurs apports de la Psychanalyse et de la Psychologie.

            Jean LAPLANCHE relève la nouveauté de la théorie freudienne sur la pulsion de mort par rapport à la construction psychanalytique originelle et souligne qu'elle provient d'une réflexion à la fois clinique et dialectique sur la genèse du sado-masochisme. Il suggère que la théorie de l'étayage soit utilisée comme schéma directeur pour comprendre ce problème du sado-masochisme.
 "D'une part, en effet, l'étayage implique que la sexualité, la pulsion, apparaît à partir des activités non sexuelles, instinctuelles - le plaisir d'organe à partir du plaisir de fonction. Toute activité, toute modification de l'organisme, tout ébranlement est susceptible d'être la source d'un effet marginal qui est précisément l'excitation sexuelle au point où se produit cet ébranlement. L'étayage est donc cet appui de la sexualité naissante sur des activités non sexuelles, mais le surgissement effectif de la sexualité n'est pas encore là. Celle-ci n'apparaît, comme pulsion isolable et repérable, qu'au moment où l'activité non sexuelle, la fonction vitale, se détache de son objet naturel ou le perd. Pour la sexualité, c'est le moment réfléchi qui est constitutif, moment de retournement sur soi, "auto-érotisme" où l'objet a été remplacé par un fantasme, par un objet réfléchi dans le sujet." "Les historiens de la pensée freudienne, et Freud lui-même, admettent que, après 1920, ce qui est considéré comme le temps premier est le temps réfléchi, masochiste : se faire souffrir ou se détruire soi-même. C'est de ce masochisme primaire que dériverait aussi bien, par retournement, le sadisme que le masochisme pervers : trouver un autre susceptible de me faire souffrir." Au contraire, avant 1920, et notamment dans Pulsions et destins des pulsions, ce serait l'activité tournée vers un objet extérieur qui serait première (détruire l'autre, le faire souffrir, l'agresser...), donc le sadisme, tandis que le masochisme ne serait que le retournement de cette première attitude, un retournement d'ailleurs aisément compréhensible en fonction des obstacles rencontrés à l'extérieur et surtout de la culpabilité qu'entraîne l'agression."
    C'est toute cette problématique de retournement, forme active-forme réfléchie-forme active qui implique cette fameuse pulsion de mort. Agression et contre-agression alternent dans la psychologie du sujet et Jean LAPLANCHE ne peut que constater - à l'intérieur toujours de cette théorie, en examinant la fameuse étude On bat un enfant (1919) sur la genèse d'un fantasme sado-masochiste - cette malléabilité de l'énergie pulsionnelle. "...la sexualité néo-formée semble pouvoir prendre comme point de départ n'importe quoi : bien sûr les fonctions vitales, mais aussi, à la limite, la relation "oedipienne" elle-même dans son ensemble, prise comme relation naturelle ayant une fonction de préservation et de survie".
  
         Daniel LAGACHE, dans Situation de l'agressivité (1960), court texte qui constitue une référence dans les études de psychanalyse sur l'agressivité, estime que "les difficultés d'une théorie psychanalytique de l'agressivité tiennent pour une large part aux hypothèses - pour ne pas dire hypothèques de la métapsychologie classique. Posant la sexualité et l'agressivité comme des entités distinctes, initialement investies sur le corps isolé, c'est en les faisant jouer l'une avec l'autre que Freud rend compte de leur investissement objectal. L'évidence de leur indifférenciation dans la sexualité est attribuée à leur "intrication". L'hypothèse de l'intrication, devant le sadisme et le masochisme, entraîne celle de la désintrication. Enfin, l'interprétation ne parvenant pas à montrer de toute activité qu'elle est sexuelle ou agressive, Freud suppose une troisième forme d'énergie, l'énergie neutralisée, procédant pour lui de la libido désexualisée et sublimée, pour certains de ses successeurs de la sexualité et de l'agressivité, et pouvant faire retour à l'une ou à l'autre. Bien que ces vues se laissent en partie tout au moins, transposer en relations, le langage dans lequel elles sont exprimées fait penser aux "entités métaphysiques" dans le sens qu'Auguste Comte donne à ce terme."
   Pour réellement entrer dans la compréhension du sadisme, du masochisme, du sado-masochisme et partant de l'agressivité, Daniel LAGACHE tient à faire une distinction claire entre plusieurs niveaux de compréhension, qui entremêlés, et ils le sont hélas parfois un peu trop dans l'oeuvre de Sigmund FREUD, entraînent plutôt la confusion.
  Tour à tour, il faut distinguer et tenter de ne pas trop relier directement, car l'expérience clinique psychanalytique et les connaissances biologiques ne le permettent pas, trois éléments :
- la tendance au passage de l'organique à l'anorganique (l'inorganique pour prendre un terme plus utilisé de nos jours) est ce qu'il y a le plus de spéculatif dans l'argumentation. C'est à un niveau purement descriptif qu'il faut situer cet élément, pour désigner une sorte de réification du sujet (viscosité ou inertie psychique) dans laquelle la routine et la sclérose se sont substituées durablement ou définitivement au renouvellement et à la création ;
- la tendance à la "réduction des tensions", notion acceptable si on ne la pousse pas à l'absurde, la réduction de toute tension ;
 - le masochisme primaire assimilée à la passivité et à la dépendance.
 
     La nature humaine est suffisamment complexe pour que l'on ne relie pas immédiatement à tout bout de champ les dynamismes biologiques les plus simples à l'oeuvre dans le cerveau ou dans le corps entier aux divers types de relations avec les autres. Il y a bien sûr toute une chaîne dynamique, largement en feedback, multiples pour prendre un terme de thermodynamique, entre les différents types d'attitude, notamment liée à l'agression et à l'auto-agression, entre les comportements et l'état de l'organisme. Mais pour l'instant encore, la compréhension de ce dynamisme reste du ressort d'une métapsychologie.
   Pulsions de vie et pulsions de mort constituent des hypothèses largement utilisées par diverses écoles psychanalytiques, des notions globalement refusées en psychologie, en tout cas dans les acceptions freudiennes. C'est parce que, de manière sous-jacentes ou affirmées, ces hypothèses ou ces notions sont partie intégrantes de maintes théories de l'agressivité, et partant des phénomènes de violence dans les conflits inter-personnels notamment, mais pas seulement, que l'on ne peut faire l'économie d'une étude des pulsions en elles-mêmes.
    Cela étant dit et posé pour la suite, on ne peut pas non plus dissocier ces théories de l'attitude générale de leurs auteurs sur les questions sociales et politiques, à commencer par celle du fondateur de la psychanalyse.

Jean LAPLANCHE, Vie et mort en psychanalyse, Editions Flammarion, collection Champs, 1970. Daniel LAGACHE, Situation de l'agressivité, dans Oeuvres IV 1956-1962, Agressivité, structure de la personnalité et autres travaux, PUF, collection Bibliothèque de psychanalyse, 1982.

                                                                  PSYCHUS
 
Relu le 29 mars 2019
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