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19 décembre 2009 6 19 /12 /décembre /2009 12:39
        Nous voyons facilement que les acteurs que constituent les organisations internationales comme l'ONU et la SDN ne sont pas des acteurs autonomes. Outre le fait, bien entendu, qu'ils n'agissent que de par la volonté des États membres, ils forment des constructeurs ou des destructeurs de souveraineté au service d'États membres qui dominent l'organisation internationale, et cela au nom de tous les États membres, ce qui constitue la force de la légitimité de l'activité de l'ONU. Et ceci par action ou omission, suivant l'intérêt du moment des acteurs dominants à l'intérieur de celle-ci.
            
        La SDN aurait pu opérer une telle fonction (de construction et de destruction) à travers le système des mandats dont elle avait le contrôle juridique. Mais le rôle de la Commission permanente des mandats fut minimisé. On peut dire que sa pratique fut désastreuse en ce qui concerne le mandat britannique de la Palestine, justement dans le respect de la souveraineté de la Grande Bretagne. L'affaire italo-éthiopienne a montré que la SDN pouvait agir comme gardien de la souveraineté de l'Empire d'Éthiopie, mais elle ne l'a pas fait et s'est prêtée pratiquement à la destruction de cette souveraineté.
           
      Les forces de l'ONU, en fait du monde occidental, furent dirigées contre des forces de la Chine communiste, comme un véritable instrument de la politique étrangère des États-Unis, intervenant directement dans le problème de la souveraineté de la Corée. L'ONU intervint aussi au Congo dans cette question centrale. Elle le fait à chaque fois qu'elle envoie des troupes de Casques bleus aux quatre coins du monde. Mais jusqu'aux années 1980, elle le fit surtout par le résultat de rapports de force qui lui sont extérieurs durant toute la période de confrontations entre les Etats-Unis et l'Union Soviétique...
Maintenant que l'URSS n'existe plus, il reste à savoir si ces maniements de souveraineté - à supposer que les États-Unis réinvestissent l'organisation internationale et rompent avec leur attitude unilatéraliste - seront le résultat uniquement de l'action de la seule super-puissance.
 
      Toujours est-il que l'ONU, contrairement à la SDN, possède la capacité à être une véritable machine à souveraineté. Elle en est en tout cas la caution aujourd'hui obligatoire, comme l'a montré la première guerre du Golfe. A contrario, les États-Unis se sont retrouvés terriblement isolés pendant la deuxième guerre du Golfe, celle qui actuellement livre un résultat proprement catastrophique.
       En conclusion, si la SDN n'avait pas, de par ses statuts mêmes, la capacité à intervenir véritablement dans les conflits, l'ONU possède ces capacités, et dans la mesure même où elle est capable de sécréter à la fois une culture universelle, un personnel diplomatique international et d'accumuler des moyens juridiques, politiques, économiques et militaires d'action. Elle ne pourra réaliser ce pour quoi elle est conçue que si elle révolutionne, d'une certaine manière, le concept de souveraineté.

              Mohammed BEDJAOUI possède cette conviction quand il écrit dans l'introduction générale de la somme consacrée au Droit international : "Au début, à l'époque de la Société des Nations, les États membres n'avaient pas donné à celle-ci les moyens de leurs ambitions déclarées à son égard, ce qui explique en partie son échec. C'est au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale que certaines Organisations purent bénéficier d'un pouvoir autonome suffisant pour être considérées comme des acteurs à part entière sur la scène internationale. Outre certaines Organisations régionales, c'est tout naturellement l'Organisation des Nations Unies et le système d'institutions spécialisées qui s'y rattache qu'il convient d'évoquer à cet égard.
Certes l'ONU a été créée en 1945 comme un instrument des grandes puissances victorieuses. Mais rien ne saurait présentement remplacer cette organisation et son système, surtout si l'on réussit à réorganiser une structure vieille de plus d'un demi-siècle et née de circonstances entièrement différentes des temps présents. C'est une évidence de souligner que le système des Nations Unies, en accédant à une véritable universalité, est investi de nombre d'espoirs de la part des nouveaux États. C'est dans ce cadre institutionnel, à condition qu'il soit réadapté et que tous ses rouages (et pas seulement l'Assemblée générale de l'ONU) connaissent un fonctionnement vraiment démocratique, que des progrès pourront être réalisés dans le mieux-être de l'humanité."

Mohammed BEDJAOUI, Rédacteur général, Droit international, Bilan et persepctive, Tome 1, Editions A Pedone/UNESCO, 1991.

                                                           JURIDICUS
 
Relu le 31 Août 2019
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