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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 12:55

        La terminologie, en fait la traduction de l'allemand Verneinung (qui désigne la négation au sens logique ou grammatical du terme et la dénégation au sens psychologique, soit le refus d'une affirmation que j'ai énoncée ou qu'on m'impute), de l'allemand Verleugnen ou leugnen (qui se rapproche de verneinen pris dans le sens de renier, dénier, désavouer, démentir) pose problème dans le passage en anglais ou en français, relèvent LAPLANCHE et PONTALIS d'entrée de jeu.

Car en français, on peut distinguer d'une part la négation au sens grammatical ou logique, d'autre part la dénégation ou le déni qui impliquent contestation ou refus. Comme souvent la traduction des textes allemands en psychanalyse (on a vu le destin déjà de la pulsion/instinct), peut induire en erreur dans les interprétations sur le fond. Et les confusions entre déni et dénégation ne manquent pas en effet, alors qu'ils recouvrent chacun des significations différentes. Pour clarifier, veirneinen et verlungnen font distinguer deux emplois différents. Verleugnen tend vers la fin de l'oeuvre de Sigmund FREUD à être réservé pour désigner le refus de la perception d'un fait s'imposant dans le monde extérieur. Verleugnung désigne lui le déni. Dans Le moi et les mécanismes de défense (1936) où Anna FREUD utilise le mot Verlugnung, il s'agit donc du déni et non comme des traductions le transcrivent souvent, dénégation ou négation...

   La Dé(Négation) est alors le procédé par lequel le sujet, tout en formulant un de ses désirs, pensées, sentiments jusqu'ici refoulé, continue à s'en défendre en niant qu'il lui appartienne. Dans La (dé)négation (1925), Sigmund FREUD donne au phénomène  constaté dans la cure (quand il rencontre cette forme de résistance particulière à l'analyse), une explication métapsychologique très précise qui développe trois affirmations solidaires :

- " La (dé)négation est un moyen de prendre connaissance du refoulé (...)" ;

- "... ce qui est supprimé, c'est seulement une des conséquences du processus du refoulement, à savoir que le contenu représentatif ne parvenait pas à la conscience. Il en résulte une sorte d'admission intellectuelle du refoulé tandis que persiste l'essentiel du refoulement..."

- "Au moyen du symbole de la (dé)négation, la pensée se libère des limitations du refoulement..."

Pour LAPLANCHE et PONTALIS, cette dernière proposition indique que pour Sigmund FREUD, la (dé)négation à laquelle on a affaire en psychanalyse et la négation au sens logique et linguistique (le symbole de la négation) ont une même origine, ce qui est la thèse majeure de son texte.

 

          Reprenant la distinction faite par les auteurs précédents, Laurent DANON-BOILEAU indique que "dans l'appareil freudien, la notion de (dé)négation est au centre d'un réseau conceptuel très dense. Certains éléments lui sont liés en raison d'une proximité de valeur. C'est le cas de concepts tels que négation et déni. Entre négation et dénégation, l'écart est faible. (...), entre dénégation et déni, en revanche, l'écart est plus marqué." Dans le déni, alors que le terme "négation" désigne un processus psychique qui permet au sujet de formuler négativement le contenu d'un désir inconscient, le sujet refuse de tirer les conséquences psychiques de ce qu'il perçoit néanmoins. Pour cet auteur, "la théorie de la (dé)négation est sans doute l'un des points où la théorisation des processus psychiques se trouve au plus près des théories linguistiques, notamment la théorie des opérations énonciatrices. D'un point de vue linguistique, on pourrait dire que la négation de rejet équivaut à une négation polémique (...), tandis que le constat d'absence, négation formulable en temes de jugement de réalité, correspond à un "simple" constat négatif proche de ce que l'on trouverait par exemple dans "je n'ai pas fait de rêves depuis longtemps". 

 

      Serban IONESCU et ses collaborateurs formulent ainsi la définition de la notion freudienne de (Dé)négation :

- refus de reconnaître comme siens, immédiatement après les avoir formulés, une pensée, un désir, un sentiment qui sont source de conflit ;

- refus par le sujet d'une interprétation exacte le concernant, formulée par un interlocuteur (habituellement un psychanalyste durant la cure) ;

Il ne faudrait pas voir, selon eux, si l'on considère le premier sens du mot, une dénégation dans chaque phrase négative. Ce serait un abus, affirme D. WIDLÖCHER (Les Mécanismes de défense, cours polycopié du DESS de Psychologie clinique, non publié, Institut de psychologie, 1971-1972), qui signale que toute formulation négative n'équivaut pas à un aveu.

Dans le langage courant, une dénégation peut être un mensonge, conscient, destiné à intimider un adversaire (cela sert beaucoup dans le monde politique), ou un encouragement qu'on se donne à soi-même, en guise d'auto-suggestion. Pour qu'il y ait (dé-négation-défense) il faut que l'énoncé et sa négation concernent des éléments porteurs d'un conflit inconscient, et refusés pour cette même raisons. Le deuxième sens du terme dénégation prête davantage à discussion, l'interlocuteur, fut-il psychanalyste, peut tout simplement se tromper dans son interprétation, et la dénégation du sujet sera alors justifiée.

Sigmund FREUD, dans Constructions dans l'analyse, en 1937 (voir Résultats, idées, problèmes, PUF, 1987), insiste sur l'équivalence (dé)négation-résistance et considère que le refus de l'interprétation données par le psychanalyste n'est qu'un signe de la résistance du patient (mais peut-être faut-il voir ici la défense d'une profession...). En revanche, s'il reconnaît que l'adhésion de ce dernier à l'interprétation est appréciable, il laisse entendre, non sans ironie, que le psychanalyste tend à garder l'avantage... En fait, les psychanalystes admettent une marge d'erreur, ainsi S. LECLAIRE (Psychanalyser. Un essai sur l'ordre de l'inconscient et la pratique de la lettre, Seuil, 1968) et R. GREENSON (Techniques et pratiques de la psychanalyse, PUF, 1967, réédition 1977). 

Sans un passage sur la signification pour la pathologie, les auteurs écrivent : "Refoulement partiel, la (dé)négation est liée à la névrose, notamment à l'hystérie. Freud l'a relevée chez ses patientes hystériques dès 1895, mais on la retrouve aussi dans la névrose obsessionnelle. Son apparition est exacerbée par la situation de la cure analytique, dans laquelle elle apparaît comme une forme de résistance. Comment expliquer ce paradoxe : refuser une pensée, un désir que, d'une certaine manière, on a reconnus comme siens? Pour D. WILDOCHER, il y a deux raisons "la première, c'est que notre confort est beaucoup plus grand lorsque nous avons un sentiment de cohésion, d'unité dans nos désirs ; la deuxième, c'est que nous établissons toujours à tort une identité entre assumer un conflit et obéir à une pulsion. Le névrotique ne fait pas la différence entre reconnaître un désir et l'assumer (...) Freud en arrive à l'idée qu'en somme il y a trois systèmes : un qui est la conscience normale où la représentation est acceptée mais il y a un jugement de refus ; un autre où la représentation est acceptée mais il y a un jugement de dénégation (non, je ne le pense pas, ce n'est pas possible) et enfin il y a un système, le refoulement, où la représentation n'est pas acceptée."

 

    Ni le DSM IV, ni J Christophe PERRY, ni encore Henri CHABROL ne s'étendent sur la dénégation en tant que mécanisme de défense.

 

    A noter, comme Daniel LAGACHE le fait, que chez SPITZ, l'acquisition du "non" apparaît comme une étape du développement du jugement et de la communication et comme une charnière dans la différenciation de l'ego et de l'alter ego, de l'objectivation de l'autre et de la conquête de l'autonomie. Un enfant qui, moitié par jeu, moitié par agressivité, répond souvent non à l'adulte, même si ce dernier reprend tout simplement ce qu'il vient de lui dire ne pense pas opérer et (n'opère pas) une dénégation et entend encore moins vouloir contrer une pulsion. 

 

Daniel LAGACHE, Agressivité et structure de la personnalité et autres travaux, PUF, 1982. Serban IONESCU, Marie-Madeleine JACQUET et Claude LHOTE, Les mécanismes de défense, Nathan Université, 2003. Laurent DANON-BOILEAU, article Négation dans Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette Littératures, 2002. Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1976.

 

PSYCHUS

 

Relu le 26 août 2020

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