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5 octobre 2010 2 05 /10 /octobre /2010 13:19

        Les différentes approches biologiques de l'agressivité ne sont plus aujourd'hui considérées comme des approches réellement explicatives de ce qui se passe dans la réalité, notamment parce qu'elles, du moins au début, donnaient une part excessives aux phénomènes internes à l'être humain par rapport à ses relations avec d'autres êtres vivants, mais sans doute surtout parce que la base expérimentale de ces approches était trop étroite (expériences sur des animaux, oiseaux et poissons en particulier, même si des primates sont aussi utilisés, expériences en laboratoire qui restreint la richesse de l'environnement...). L'ensemble des scientifiques, des psychologues notamment, qui étudient le comportement humain préfère de loin une approche combinatoire des phénomènes internes et des phénomènes relationnels, une approche complexe où les facteurs biologiques ne constituent que les supports de ces comportements, et non les déterminants. Et ce malgré la vogue encore actuelle des études en neurobiologie et une certaine popularité de la sociobiologie

 

       Les approches théoriques biologiques du comportement agressif mettent, surtout au début, l'accent sur l'agression en tant que modalité génétiquement déterminée du comportement des organismes, ayant pour fonction de préserver l'espèce contre les changements survenant dans son milieu. (Farzaneh PAHLAVAN). En fait, la définition du comportement agressif est trop complexe et ne permet guère de donner une réponse sans équivoque à la question du déterminisme biologique. Les conduites agressives, même dans une seul espèce d'animaux, sont loin de former une unité comportementale ou biologique permettant de renvoyer à un déterminisme génétique simple.

 

            Konrad LORENZ (1903-1989) propose de considérer l'agression comme étant d'origine interne spontanée, résultant d'une pulsion interne, souvent tenue pour innée, et qui se manifeste par la réaction agressive. La spontanéité du comportement agressif serait due à une accumulation d'énergie dans le système nerveux, reprenant en cela une certaine interprétation des analogies de Sigmund FREUD. D'où la nécessité de mécanismes de décharge que l'organisme trouverait dans certaines réactions spécifiques (actes instinctifs). Une fois que cette énergie est consommée dans l'accomplissement de l'acte instinctif, le comportement cesse. Mais même en l'absence de cible, le besoin de décharger est tel que l'organisme effectuerait cet acte. L'expression de l'agression serait alors suivie d'une diminution catharsique de l'énergie et un nouveau cycle recommencerait. "Ici, le comportement agressif est une notion unitaire et unidimensionnelle, dont l'unité se fonde sur un instinct spécifique", l'instinct agressif. (Farzaneth PAHLAVAN). Pour Irenäus EIBL-EIBESFLEDT (né en 1928), élève de Konrad LORENZ, l'organisation de certaines conduites, dont les agressions, est déterminée par un processus de maturation guidé par des caractères innés.

     Walter Dill SCOTT (1869-1955) soutient plutôt l'hypothèse selon laquelle l'agression est essentiellement la réponse à la réception d'un stimulus externe. 

       Farzaneth PAHLAVAN résume les observations qui auraient permis de démontrer ce type de processus chez les animaux, leur application aux agressions chez l'être humain semblant être sans portée scientifique : "Récemment, certains spécialistes du comportement animal ont proposé de faire ce type d'analogie avec des animaux génétiquement proches de l'homme, en particulier les grands singes. Les études portant sur ces derniers révèlent que leurs compétences sociales dépendent étroitement du développement de leur capacité à utiliser des stratégies agressives adaptées. Par ailleurs, ces études soulignent que l'acquisition de compétences sociales exige aussi l'apprentissage d'inhibitions. Un jeune mâle doit, par exemple, savoir inhiber l'expression de son agression lorsqu'il se trouve devant un mâle puissant, mais l'exprimer lorsqu'il est autrement menacé. Les signes élevés seuls et isolés ou uniquement en contact avec des pairs, mais sans les adultes, n'acquièrent pas la capacité d'exprimer des agressions. Par conséquent, ils sont socialement rejetés et incapables de créer le réseau social nécessaire à l'obtention d'un rang social satisfaisant dans le système hiérarchique du groupe. Le même rejet social par des pairs a été observé pour des enfants agressifs ou victimes d'agressions. L'interaction entre les facteurs génétiques et les variables de l'environnement permet par ailleurs de présager l'acquisition de certaines compétences sociales." J. W. RENFREW (Agression and its causes : A biopsychological approach, Oxford University Press, 1997)  avance avec d'autres ce genre d'arguments fondés sur l'interactionnisme bio-psychologique.

 

          D'autres auteurs, comme Kenneth MOYER, conçoivent les agressions comme des réactions essentiellement effectrices, liées à l'économie adaptative de l'espèce, et issues d'un processus d'adaptation de sélection naturelle. Concevoir les conduites agressives comme des modalités comportementales spécifiques résultant d'un processus d'adaptation amène à distinguer différents types de conduite, en fonction de la nature de la situation dans laquelle elle se produit : agression prédatrice, agression défensive, agression maternelle... Pour les tenants de cette position, les conduites agressives ne renvoient pas nécessairement à une conception unitaire.

 

             Edward O. WILSON (né en 1929)  propose une conception théorique globale, d'inspiration darwinienne, mais seulement d'inspiration..., qui a pris une grande importance dans l'explication des conduites agressives. Le fondateur de la sociobiologie se réclame des courants théoriques qui soutiennent que les génotypes déterminent de façon assez directe et étroite les comportements. Il existe un mécanisme inné dans tout organisme qui essaie d'assurer le maintien et la survie de son génotype. Ce besoin fondamental entraînerait une sélection de comportements permettant la survie de ce génotype, y compris les comportements de favoritisme au bénéfice des individus porteurs d'un génotype proche ou identique. On reconnaît parfois la trame de la réflexion de Konrad LORENZ dans l'explication des comportements agressifs et amicaux... 

 

             R. B. et B. D. CAIRNS (Par exemple dans Social networks and agressive behavior : Peer support or peer rejection, avec H J NECKERMAN, S D GEST et J L GARIEPY, Developmental Pyschology, n°24, 1988) insistent sur l'importance du rôle des facteurs biologiques dans le développement des individus, y compris dans le développement des comportements agressifs :

- la capacité d'agression est propre à l'homme ;

- la différence due à l'âge et au sexe, dans le comportement agressif se produit pendant la période de la puberté ;

- durant cette période, l'agression physique joue un rôle moins important pour les femmes que pour les hommes ;

- de l'adolescence et au début de l'âge adulte, les manoeuvres indirectes pour contrôler les relations interpersonnelles sont utilisées plus par les filles que par les garçons. 

Ils concluent qu'une théorie viable concernant le développement du comportement social doit tenir compte de l'impact de tous les processus jouant un rôle dans le développement de l'individu, et doit dire de quelle façon ils interviennent dans les différentes périodes de son évolution pour former des structures comportementales stables. Sans doute ces auteurs s'aventurent-ils quand ils veulent préciser cette théorie. Ainsi selon eux, la jalousie sexuelle est le mobile le plus important dans les meurtres violents commis par les hommes jeunes. Partant de cette constatation, vérifiée par de nombreuses études criminologiques, ils pensent qu'au cours de l'évolution de l'espèce humaine, la jalousie serait née du renforcement par la sélection naturelle de la tendance psychologique du mâle à rechercher puis à assurer sa paternité auprès de la progéniture des femelles avec lesquelles il a eu des rapports sexuels. La survie de son génotype est à ce prix...

 

         Comme l'explique Farzaneth PHALAVAN, ces arguments fondés sur la biologie évolutionniste sont ignorés par les psychosociologues, qui refusent de qualifier le comportement agressif de "naturel". Ce qui les renforcent dans cette attitude, ce sont les études comparatives du système nerveux central d'animaux de différentes espèces, en particulier de l'homme, qui mettent en évidence le développement progressif de structures nerveuses dont la fonction est d'augmenter la maîtrise exercée par les centre de commande cognitive sur les activités liées aux émotions (ANDY et STEPHAN, 1974 ;  J. PANKCEPP, notamment dans Emotions as natural kinds within the mammalian brain, dans Handbooks of emotions, The Guilford Press, coordonnés par LEWIS & J.M. HAVILAND-JONES, 2000). 

     C'est sur précisément la présence de ces structures cérébrales que se fonde l'approche d'Henri LABORIT, pour proposer un modèle biologique, physiologique et psycho-sociologique des comportements agressifs.

       Le surdéveloppement de l'importance de l'apprentissage dans l'espèce humaine amène à concevoir l'ensemble des processus biologiques dans une autre perspective tout autre qui serait tirée de l'étude des autres espèces, même de primates. Même les théories mécanicistes du comportement agressif, sur lesquels nous reviendrons plus tard, regroupées sous le terme de théorie de la frustration n'intègrent pas suffisamment cet aspect. 

 

Farzaneh PAHLAVAN, Les conduites agressives, Armand Colin, collection Cursus, 2002.

 

                                                                                                                                                                 ETHUS

 

Relu le 13 mars 2020

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