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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 12:38

              La notion du Moi se trouve diffuse autant en philosophie qu'en psychanalyse et sans doute la psychanalyse provient-elle aussi de philosophies qui donnent au Moi une valeur centrale dans leur système de pensée. Ainsi, Etienne Bonnot de CONDILLAC, Blaise PASCAL, Emmanuel KANT (dans une moindre mesure) et Johann FICHTE donnent une grande importance au Moi.

 

              Etienne Bonnot de CONDILLAC, dans Traité des sensations, lui donne le sens de Conscience de l'individualité empirique : "Son moi (le moi de la statue) est tout à la fois la conscience de ce qu'elle est et le souvenir de ce qu'elle a été... Son moi n'est que la collection des sensations qu'elle éprouve et de celles que la mémoire lui rappelle". Aliénor BERTRAND rappelle que dans cette oeuvre, l'auteur donne deux définitions successives :

- le moi est la collection des sensations actuelles et du souvenir des sensations passées ;

- cette collection est reliée ensuite au sentiment du corps par la médiation du tact : d'abord grâce au sentiment fondamental occasionné par la respiration, puis par la génération d'un jugement sur l'existence du corps propre.

Le moi étant indistinct du flux des sensations et des souvenirs, il n'est ni une substance, ni une capacité réflexive. Il peut encore moins être considéré comme sujet : comme tel, le sujet ne s'invente qu'avec la parole.

  John LOCKE opérait une distinction minutieuse entre les trois identités, celle de la substance, celle de l'homme et celle de la personne. CONDILLAC l'abandonne, en situant dans le temps une certaine conscience de la continuité de l'existence. Le moi ne se distingue pas de l'activité mentale d'analyse des sensations, ce qui relie directement les opérations mentales au corps, et à un certain type de corps et d'organisation. Dans son Traité des Animaux, CONDILLAC pense que le moi n'est pas pour autant un point de rencontre physique entre les mouvements venus des organes sensibles, ni même le lieu de leur mémoire ; il est la condition logique de l'expérience et de l'action. Le moi est la médiation logique organisant la structure de la sensibilité.

      Le moi est une réalité permanente et invariable, considérée comme substratum fixe des accidents simultanés et successifs qui constituent le moi empirique : "Pour quelques qualités qu'on m'aime, c'est toujours moi qu'on aime : car les qualités ne sont que moi modifié différemment". (Traité des sensations)

 

     PASCAL, dans ses Pensées, considère le moi comme la conscience individuelle, en tant qu'elle est attentive à ses intérêts et partiale en sa faveur : "Le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu'il veut asservir : car chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres."

 

    KANT considère le moi comme le sujet pensant, en tant que son unité et son identité sont les conditions nécessaires, impliquées par la synthèse du divers donné dans l'intuition et par la liaison des représentations dans une conscience. C'est le moi qui conditionne l'unité de la pensée dans le temps. Le moi est dit transcendantal.  "Le Je pense doit nécessairement pouvoir accompagner toutes mes représentations... Je nomme cette représentation (celle du Je pense) aperception pure, pour la distinguer de l'empirique, ou aperception originelle, parce qu'elle consiste dans cette conscience de soi qui, produisant la représentation Je pense (représentation qui doit nécessairement pour voir accompagner toutes les autres, et qui est une et identique en toute conscience) ne peut plus être elle-même accompagnée d'aucune autre."

 

    FICHTE considère le moi comme l'acte originaire de la pensée, dont il exprime l'autonomie radicale. Cet acte constitue le sujet lui-même, en tant qu'il est antérieur à la distinction du moi empirique et du non-moi, et par suite en tant qu'il pose à la fois le sujet et l'objet. Gaston MAUCHAUSSAT apporte une éclaircissement bienvenu dans cette conception : "Pour Fichte, la pensée conditionne la conscience de toute réalité. L'affirmation d'une existence, quelle qu'elle soit est celle d'un objet de la pensée ; et cette pensée est la mienne. Aussi Fichte se réfère-t-il au Je pense kantien, conditionnant l'unité de l'aperception, et par suite toute conscience. Le Je pense qui doit accompagner chacune de mes représentations signifie je suis ce qui pense. Kant a également aperçu que ce sujet, dont toute représentation implique l'affirmation, ne peut se réduire à la conscience de notre individualité, car celle-ci suppose une limitation qui ne contient pas la pensée dans sa capacité originaire de position et de détermination. Le sujet pur n'est donc pas connu par la conscience du sensible, il ne peut être donné qu'à lui-même, dans cette conscience immédiate de sa propre activité qui constitue l'intuition intellectuelle. Il est donc pose en même temps que connu : alors que tout objet existe pour une pensée qui le pose, le sujet originaire se pose lui-même et se définit : "Ce dont l'être (l'essence) consiste simplement en ceci qu'il se pose soi-même comme étant". Le sujet pur est absolu, parce que toute relation est fixée par lui ; infini, en ce sens que son pouvoir de détermination est inépuisable ; aussi se distingue t-il du moi empirique limité par le non-moi ; antérieur à cette distinction, il est lui-même l'identité du sujet et de l'objet : une philosophie qui cherche à déduire au cours d'un même mouvement les formes et le contenu de la représentation doit prendre pour point de départ l'unité primitive du sujet et de l'objet : car ultérieurement elle ne saurait relier ces deux termes si elle ne les avait au début posés comme unis dans une même notion. Or la conscience que le sujet pur prend de lui-même renferme seule cette identité, et c'est pourquoi la position du moi par lui-même doit constituer le premier principe de la dialectique."

    Dans ses développements sur le moi et le non-moi, FICHTE tente d'aller jusqu'au bout de cette logique, mais, sans doute parce que nous sommes limités, n'y parvient sans doute pas.

 

   A travers ces différentes réflexions philosophiques sur le moi, nous pouvons constater une certaine difficulté à penser le moi. L'essentiel n'est peut-être pas de parvenir à une définition satisfaisante, mais de prendre conscience, à la manière finalement d'Emmanuel KANT, combien notre perception et notre compréhension des choses lui sont liées. Johann FICHTE entend précisément, à travers une sorte d'idéalisme subjectif, aller jusqu'au bout de cette constatation, afin d'asseoir une véritable science. Dans ses écrits, il ambitionne de faire la science de la science.

 

André LALANDE, article Moi ; Gaston MAUCHAUSSAT, note sur Moi, dans Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, 2002. Alinéor BERTRAND, article Condillac, dans Le vocabulaire des philosophes, Ellipses, 2002

 

                                                                                                                                                     PHILIUS

 

Relu le 18 décembre 2019

 

 

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