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6 octobre 2009 2 06 /10 /octobre /2009 13:13
           Avec l'annonce d'un prétendu siècle religieux au XXIème siècle, après le succès de deux ouvrages, l'un annonçant la fin de l'histoire (Francis FUKUYAMA, La fin de l'histoire et le dernier homme, 1992), l'autre l'inévitable choc des civilisations (Samuel HUTINGTON, Le choc des civilisations, 1993), George CORM, historien et économiste déjà auteur d'ouvrages consacrés au problème de développement et au monde arabe, veut montrer comment le phénomène religieux s'est emparé des préoccupations du monde. Et quels sont les sous-entendus de telles préoccupations.
      
     Dans son Introduction, l'auteur annonce qu'il tente "de procéder à des clarifications des langages et conceptions qui tournent autour des idées d'identité, de culture, de civilisation, dans leur relation aux conceptions et perceptions de la religion, de l'histoire, de la philosophie et de l'organisation de la Cité." Il compte aborder également "les problèmes redoutables du rapport de la modernité et de la postmodernité (termes que nous n'aimons d'ailleurs pas) avec la religion, de la crise de l'ordre international, pour tenter enfin de déchiffrer les tendances ou potentiels d'évolution future". Ce qui lui permet de s'interroger sur les relectures conservatrices de la Révolution Française, qui ont culminé avec la célébration de son bicentenaire en France. Sa réflexion sur la genèse du malaise identitaire, qui balaie au passage toute idée fumeuse de peuple juif comme de peuple chrétien ou de peuple arabe, le fait revenir sur les conditions de l'avènement de la nation, un peu à la manière d'Hannah ARENDT. Montrant comment à l'issue de guerres des religions dévastatrices, l'Europe s'est constituée autour de l'idée d'État-nation, il souligne le rôle du monothéisme. Il indique comment certaines forces se sont servies des idées chrétiennes, comme certains aujourd'hui utilisent les idées musulmanes.
   Le mérite de son analyse, tout en restant clair sur les ressorts des identités, par un important survol historique, est de garder toute la nuance qui fait la complexité des évolutions politiques : "Pourtant toutes les erreurs monumentales de l'Église, en Orient comme en Occident, chez les catholiques comme chez les protestants, n'annulent pas la vérité de la parole christique et la dignité du sentiment religieux. De même, les erreurs de la Révolution française ou les horreurs de la révolution russe sous Staline et des khmers rouges cambodgiens n'annulent pas la part de vérité forte contenue aussi bien dans la révolution libérale et bourgeoise à la française que dans les révolutions bolchéviques et chinoises - intervenues d'ailleurs dans des contextes différents et soumises à un encerclement militaire qui contribua à les radicaliser. Ce fut aussi le cas de la Révolution française et du bonapartisme qui en hérita. Il s'en est suivi une guerre civile européenne tout au long du XIXe siècle, marquée par un mélange explosif d'idéologies nationalistes et d'aspirations populaires fortes, si bien exprimées par la Commune de Paris en 1871."
L'auteur propose une explication de la crise religieuse et politique dans les sociétés monothéistes (la question de l'autorité et de la légitimité est toujours là) par une dynamique complexe des affrontements entre les trois monothéismes et au sein de chacun d'eux.
      George CORM conclue sur l'interrogation : Vers un pacte laïque international? dans une "refondation" du monde qui exigerait une réconciliation des pensées traditionaliste et progressiste. Il exprime son scepticisme sur cette possibilité idéale, mais une des manières de sortir de problématiques faussées n'est-elle pas d'en prendre conscience?
 
    L'éditeur présente cet ouvrage ainsi (en quatrième de couverture) : "Depuis la fin du XXe siècle, la géopolitique mondiale, nous répète-t-on, serait traversée par le "retour du religieux" devenu la principale clé de compréhension du monde. C'est à ce credo que s'attaque Georges Corm dans ce livre stimulant. Il y analyse les ressorts philosophiques et politiques de cette représentation du monde, issue de la pensée anti-révolutionnaire postmoderne, qui nourrit notamment l'action des néo-conserateurs américains. L'irruption du religieux dans le champ politique ne s'explique pas par une résurrection des identités religieuses que les Lumières auraient gommées. Prolongeant les analyses de Hannah ARENDT, l'auteur décrit la crise de légitimité des vieilles démocraties, minées par les effets de la globalisation économique et financière. Une crise qui affecte aussi les trois monothéismes, juif, chrétien et musulman, et contribue à produire les extrémismes religieux. Pour George Corm, enfin, l'archéologie des violences modernes n'est pas à rechercher dans la révolution française et la "Terreur", mais bien plutôt dans l'Inquisition et le long siècle des guerres de religion en Europe. C'est donc moins à un "retour du religieux" que l'on assiste qu'à un recours au religieux au service d'intérêts économiques et politiques fort profanes."
     
     David ROURE, dans la Revue catholique de formation permanente (www.esprit-et-vie.com) Esprit et vie n°186, de janvier 2008, écrit que "ce livre offre une réflexion appréciable sur les rapports aujourd'hui entre politique et religieux dans le monde, d'autant plus utile que rares sont les auteurs actuels qui ont entrepris pareille tâche." ".... l'auteur utilise des mots vigoureux pour illustrer des idées fortes, sans rechercher aucun consensus d'idées ni synthèse politiquement correcte. C'est bien là où sa pensée est stimulante, même si l'on n'est pas forcément d'accord avec toutes ses hypothèses, assenées parfois avec un peu trop d'assurance, comme, par exemple, quand il nous semble exagérer l'importance du christianisme comme facteur de guerre (...). En fait, il combat avec constance l'idée, de plus en plus prégnante selon lui, et qui est devenue depuis les années 1970 la "nouvelle mythologie" à la mode, selon laquelle la Révolution française ne serait plus considérée comme source de progrès mais de violence et qu'il faudrait alors se retourner avec reconnaissance et espoir vers un prétendu retour du religieux. Dans cette optique, on comprend que sa tête de turcs soit l'historien François Furet, objet de nombreuses attaques féroces sous sa plume. (...) Bref, avec et malgré tous ses partis pris, parfois un peu outranciers, et son style un brin entortillé, voici une belle oeuvre, servie par une connaissance appréciable du sujet traité et de ses soubassements, nombreux et complexes. Elle mérite la lecture parce qu'elle est tout à fait à même de susciter ou de nourrir sa réflexion sur un des principaux défis qu'aura immanquablement à affronter le siècle nouveau."
 
     Georges CORM (né en 1940 en Egypte), historien de renommée mondiale, consultant auprès de divers organismes internationaux et professeur d'université (notamment au Liban) où il se spécialise sur la pensée arabe contemporaine et la dynamique des conflits au Moyen-Orient, est l'auteur de nombreux autres ouvrages. Ainsi, en français (car ses ouvrages en arabe sont au moins aussi nombreux), La Mue (Noël Blandin, 1989), Le nouveau désordre économique mondial (La Découverte, 1993), Histoire du pluralisme religieux dans le bassin méditerranéen (Geuthner, 1998), L'Europe et l'Orient : de la balkanisation à la libanisation : histoire d'une modernité inaccomplie (la Découverte, 1998, rééditions par la suite) ; Orient-Occident, la fracture imaginaire (La Découverte, 2002), Histoire du Moyen-orient : de l'Antiquité à nos jours (La Découverte, 2007), Le nouveau Gouvernement du monde : idéologies, structures, contre-pouvoirs (La Découverte, 2010)...

      Georges CORM, La question religieuse au XXIème siècle, Editions La Découverte/Poche, 2007, 216 pages. Cet ouvrage avait été publié antérieurement en 2006 aux mêmes Editions, dans la collection "Cahiers libres".
 
Complété le 12 septembre 2012
Relu le 30 juin 2019
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