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9 septembre 2009 3 09 /09 /septembre /2009 13:32
              Pour paraphraser une formule maintenant bien connue sur la géographie, nous serions tenté d'écrire, au regard de son histoire depuis l'Antiquité, que le sport sert d'abord à faire la guerre. Si le sport scolaire et le sport militaire montrent bien cette fonction à l'oeuvre de manière très concrète dans les Etats depuis longtemps, le sport - les manifestations sportives de tout ordre - reste encore un moyen de guerre idéologique visant à montrer la vitalité d'une nation et à rassembler les différentes classes sociales dans une même attention aux exploits ou aux compétitions, un instrument efficace de contrôle social. De manière plus générale, et vu de manière peut-être moins polémique, le sport, en tant que phénomène social de grande ampleur, participe (et même constitue)  à de nombreux conflits. Bref, la relation entre sport et conflit mérite toute l'attention de la sociologie.

          Or, comme le remarque Raymond THOMAS, "face à cette emprise du phénomène, la faiblesse de la recherche sociologique peut étonner. En effet, dans ce domaine, les travaux ont débuté tardivement. La recherche sportive apparaît surtout en biologie et un peu en psychologie."  Les premières institutions sociologiques naissent aux alentours des années 1965.
En France, c'est avec le mouvement de mai 1968 que se révèle un courant contestataire au sein des enseignants d'éducation physique. Jean-Marie BROHM, auteur en 2006 d'un livre-réquisitoire contre le football, se livre à une critique radicale du sport. Christian POCIELLO, proche des idées de Pierre BOURDIEU, place les différentes pratiques du sport dans l'espace des classes sociales, tandis que Bernard MICHON en étudie les aspects socio-économiques et Gérard BRUANT fait oeuvre d'anthropologie sportive. Dans la myriade d'études concernant les aspects sociaux au sens large du sport, très loin de l'industrie des loisirs, apologétiste parfois sans beaucoup d'intelligence des stars sportives, nous retenons pour notre propos toute une série de voies de recherche :
                - Intégration sociale par le sport : dans le cadre des préoccupations soulevées par les phénomènes de bandes dans les quartiers de grandes agglomérations, et souvent diligentée par les pouvoirs publics, une nombreuse littérature se tourne vers l'analyse des effets de la pratique sportive sur l'intégration sociale de certaines populations (Raymond THOMAS, Pascal DURET).
               - Cultures véhiculées par le sport : Christian POCIELLO, par exemple, analyse les valeurs véhiculées par le sport et les différentes pratiques en relation avec le tissu social.
               - Jeux et sports, dans lesquels le sport s'avère être le symbole d'une civilisation :  John ROBERTS et Brian SUTTON-SMITH, dès 1962, proposent une théorie explicative du rapport des jeux et des civilisations, à travers le concept de l'enculturation conflictuelle. Les jeux - sportifs notamment - servent d'exutoire aux tensions, aux conflits engendrés par les valeurs dominantes de la société. Dans la même perspective Norbert ELIAS et Eric DUNNING, avec une approche historique de grande ampleur, lient l'apparition et l'importance alternée de différents sports à l'état des sociétés. Nous dirions aussi que les études de Paul VEYNE permettent une approche des jeux et de la politique, bien que différente, et permettent de réfléchir à l'ensemble des relations entre sport et socio-politique.
              - Violence dans le sport : Jean-Yves LASSALLE examine par exemple les phénomènes de violence collective à l'intérieur de la pratique sportive, comme chez les spectateurs, des manifestations sportives.
              - Élément médiatisé, les "dérives" mercantiles de l'organisation des sports (des jeux olympiques jusqu'au petits stades locaux) de masse provoquent la prolifération d'études économiques qui vont de la description des différentes corruptions (approche réformiste) à la critique radicale des liens entre finances et sports, dans une approche marxiste pour les plus radicales d'entre elles.
              - Élément médiatisé lui aussi, l'extension de la pratique du dopage et plus généralement l'intensive utilisation des connaissances médicales pour accroitre les performances sportives posent la question des relations entre santé et sport, non seulement dans les compétitions internationales ou nationales, mais aussi dans les clubs sportifs locaux. Cela amène plusieurs sociologues à s'interroger sur notre rapport au corps.

       Dans l'examen de l'influence du sport dans une société, de sa fonction sociale, se trouve souvent évoqué trois différentes types de pratique, faisant appel à des logiques sans doute différentes : sport de haut niveau, sport de masse et sport-loisir. Ces trois formes entretiennent des relations complexes qui s'insèrent dans le tissu social, l'influence et sont influencées par d'autres phénomènes sociaux (société de loisirs, mass-médias). Ces trois formes "entretiennent des rapports qui ont évolué depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et qui n'ont plus guère de cohérence, et s'avèrent souvent conflictuels." (Raymond THOMAS).

Raymond THOMAS, article Sociologie du sport, Sociologie contemporaine, sous la direction de Jean-Pierre DURAND et de Robert WEIL, Editions Vigot, 1997. Nicolas BANCEL et Jean-Marc GAYMAN, Du guerrier à l'athlète, PUF, collection Pratiques corporelles, 2002. Norbert ELIAS et Eric DUNNING, Sport et civilisation, Editions Fayard, 1994. Jean-Yves LASSALE, La violence dans le sport, PUF, collection Que sais-je?, 1997.

                                                                                        SOCIUS
 
Relu le 25 mai 2019

 
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commentaires

I
tres important
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