12 janvier 2009
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Dans les relations entre langues et conflits, plusieurs plans d'approches peuvent être distingués, même si la linguistique est loin de faire de la question des conflits un thème majeur, sauf indirectement pour la sociolinguistique, la psychologie du langage ou l'ethnolinguistique. Les différents dictionnaires et encyclopédies de linguistique se focalisent surtout sur des aspects cognitifs ou sur la structure des langues.
Des références bibliques peut-être mal interprétées...
On ne peut résister ici à noter intégralement le (court) passage de la Bible sur La tour de Babel, tellement d'emblée, il peut aider à situer - et sans doute situe de manière rampante et inconsciente dans les civilisations judéo-chrétiennes - les relations entre coopérations, conflits et langue.
"Toute la terre avait une seule langue et les même mots. Après avoir quitté l'Est, ils trouvèrent une plaine dans le pays de Shinear et s'y installèrent. Ils se dirent l'un à l'autre : "Allons! Faisons des briques et cuisons-les au feu!". La brique leur servit de pierre, et le bitume de ciment. Ils dirent encore : "Allons! Construisons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel et faisons-nous un nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la terre." L'Eternel descendit pour voir la ville et la tour que construisaient les hommes et il dit : "Les voici qui forment un seul peuple et ont tous une même langue, et voilà ce qu'ils ont entrepris! Maintenant, rien ne les retiendra de faire tout ce qu'ils ont projeté. Allons! Descendons et là brouillons leur langage afin qu'ils ne se comprennent plus mutuellement." L'Eternel les dispersa loin de là sur toute la surface de la terre. Alors, ils arrêtèrent de construire la ville. C'est pourquoi on l'appela Babel parce que c'est là que l'Eternel brouilla le langage de toute la terre et c'est de là qu'il les dispersa sur toute la surface de la terre."
Le récit biblique mais bien en avant le rôle d'une langue commune pour la coopération entre les hommes et désigne la multiplication des langues comme facteur de leur incompréhension mutuelle.
Ce n'est pas le lieu ici de discuter de la menace pour l'Eternel que représente la concentration d'un peuple uni dans une même tâche et de l'arme stratégique que constitue ce brouillage linguistique. Mais il ne faut pas aller bien loin pour concevoir que l'existence de langues cloisonnées soit source de multiples conflits. On a beaucoup insisté sur une interprétation morale de l'affront fait à l'Eternel de vouloir "toucher le ciel", sur l'outrecuidance humaine de vouloir par là égaler son Créateur, comme sur le juste châtiment de l'expression de cette volonté de puissance. Sur la nécessaire humilité des sujets envers l'Eternel et surtout envers ses représentants sur terre. Mais beaucoup moins sur un élément explicatif, peut-être très important, des conflits perpétuels entre peuples différents.
Toutefois, la diffusion d'un tel texte, répété à satiété dans les synagogues et les églises a dû influencer la perception que l'incompréhension mutuelle provenait de cette non homogénéité du langage, perception que l'on peut retrouver dans une "sagesse" royale et impériale - que l'on retrouve souvent dans l'histoire - visant à donner une langue commune au peuple situé sous une même autorité, ou du moins aux élites et aux éléments de la population nécessaires à la consolidation du pouvoir.
La traduction (SEGOND 21) de ce passage de la Bible (Histoire de Noé, 11) est réalisée par la Société Biblique de Genève dans un ouvrage publié en 2007. Il s'agit de la version Louis SEGOND initiale de la Bible qui a été la plus répandue dans le monde francophone. Parue à la fin du XIXème siècle, elle était l'oeuvre d'un pasteur genevois.
LINGUS
Relu le 10 janvier 2019