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6 octobre 2020 2 06 /10 /octobre /2020 14:19

   Composé de nombreuses contributions, dirigé par Pierre ARBUS, maître de conférences habilité à diriger les recherches à l'École supérieure d'audiovisuel de Toulouse (ENSAV) et cinéaste essayiste, cet ouvrage présente une série de représentations - romans, nouvelles, films, oeuvres théâtrales, peintures, oeuvres plastiques, bandes dessinées - de la première guerre mondiale.

   Cet ouvrage collectif, sans doute un éniène ouvrage, comme l'écrit Pierre ARBUS, ayant pour sujet la Grande Guerre "postule un fait relativement récent : la prise en compte d'un substrat composé par les imaginaires, collectifs et individuels, dans les représentations des événements mémorables de l'histoire. Mémorable étant ici indissociable d'un sentiment moral inéluctable, la notion de scandale, dès lors que le chercheur, quelle que soit la rigueur et la soit-disant objectivité de son protocole, reste avant tout un homme impliqué lui-même dans une histoire et dans un parcours de représentations qui l'ont façonné singulièrement et exclusivement". Les contributions diverses veulent approcher ces représentations, sachant que les représentations observées mêlent - s'agissant de littératures et d'expressions artistiques - un certain plaisir esthétique, une certaine fascination (pour la violence et le sang), au sentiment même de scandale face au gaspillage de vies humaines de de biens matériels. Singulièrement, selon lui, "il y a au cinéma les représentations pour l'histoire (Léon POIRIER, Raymond BERNARD) : voir par le biais des images, des fragments reconstitués - imaginaires - de l'invisible réalité. Réalité dévoilée, mais qui prétend précisément - vaine tentative - recomposer le voile, par le moyen de la reconstitution, et servira de modèle à toutes les tentatives de représentation de la Grande Guerre qui lui succéderont, de Raymond BERNARD à Victor MILESTONE, TAVERNIER, SPIELBERG, ROUFFIO, JEUNET... En outre, deux films reconstituent un épisode polémique de la Grande Guerre vont, à tout le moins, déclencher le scandale - comme le fit Otto DIX avec La Tranchée, en 1928 - ou la colère. Il s'agit d'une part du film de KUBRIK, Les Sentiers de la gloire, d'après le roman d'Humphrey COBB, sorti en 1957 aux États-Unis et en Allemagne - où il fut tourné - et projeté en France seulement en 1975, car les producteurs n'avaient pas souhaité l'y proposer par crainte de la censure. D'autre part, le film de LOSEY, Pour l'exemple, moins connu sans doute, développe la même thématique sans plus s'attarder à la représentation des combats. Ces deux films sont encore aujourd'hui susceptibles de mener à convergence un certain nombre de recherches autour d'une préméditation du conflit qui pourrait remonter par le fil d'un continuum social et idéologique, jusqu'à la révolution de 1789." En effet, il s'agit, au-delà de l'approche militaire et diplomatique et d'une approche culturelle et sociale, d'une approche génocidaire et contre-révolutionnaire, renouant d'ailleurs avec une historiographie longtemps restée sous le boisseau qui considère les événements sous l'angle, le mot n'est pas dit par les auteurs, mais tout de même, de la lutte des classes, les guerres étant en liaison directe avec la remise en cause d'un système économique et social - le capitalisme pour ne pas le nommer - par des masses paysannes ou/et ouvrières portées par l'espoir qu'une révolution - plus ou moins courte - change la donne globale.

  Loin de se livrer de front à cette sorte d'analyse, les auteurs  tournent souvent - notamment le canadien Steven PINKER avec son article sur Le Triomphe des Lumières - de l'orientation sociale et politique des progrès de la science. S'agit-il, en terme de civilisation d'un l'avancée d'une "barbarie de la chair et de l'acier" qui éclate de manière  paroxystique lors de la Grande Guerre (Sylvain LOUET) contre un certain progrès du droit et de la justice? Il s'agit en tout cas pour Raphaëlle Costa de BEAUREGARD qui met en parallèle les représentations populaires d'avant-guerre et celles d'après-guerre de l'épouvante, d'un changement de regard, à travers le motif du mort-vivant, sur l'épouvantable, la Grande Guerre ayant fait reculer les frontières de l'épouvantable imaginable... Il y a pour Marion Delage de LUGET, juste après la Guerre un moment, avec le retour des poilus à la vie civile - de disqualification de l'expérience. Oublier le trauma des tranchées pour pouvoir vivre... Cristophe BENEY réfléchit au trajet qui mène du roman de Michael MORPUGO, Cheval de guerre, publié en 1982, au film de SPIELBERG qui s'en inspire en 2011... 

D'autres auteurs (sur la bonne vingtaine en tout) examinent d'autres facettes au long de ce livre, qui demande une attention soutenue - il ne s'agit pas d'un ouvrage qui pourrait être lu comme plein d'autres sur le spectacle cinématographique ! - qui a le mérite de plonger dans les racines des débats historiographique de la Grande Guerre : jalon dans une culture de guerre et de "brutalisation" ou marqueur  décisif d'une évolution - à travers un définitif autre regard sur la guerre elle-même - vers une culture de paix. L'intention des auteurs est bien d'apporter, "dans le cortège des dizaines de millier de documents parus sur la grande Guerre, une modeste contribution à l'éclaircissement de la part et du rôle des imaginaires dans les représentations et la compréhension de l'un des événements les plus scandaleux de l'Histoire moderne."

 

Sous la direction de Pierre ARBUS, 1914-1918 Grande Guerre ou Contre-révolution? Ce que disent les imaginaires, Téraèdre, 2019.

 

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