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5 mars 2016 6 05 /03 /mars /2016 07:55

 v  Hormis certains historiens et certains cercles voulant garder vivantes les idées saint-simonistes (et qui leur font une place dans les oeuvres éditées régulièrement), on n'a sans doute pas suffisamment observés le mouvement d'idées - surtout en France, mais aussi dans toute l'Europe - qui, avec l'éclosion de la société industrielle, déplace littéralement le centre des discussions philosophiques, morales, politiques et économiques.

 

Un effet de la révolution industrielle...

  La prise de conscience de l'importance prise par l'industrie, mais sans doute aussi la volonté de tourner la page d'une histoire européenne marquée par plus de trente d'années de guerre destructrices tant en hommes qu'en biens, provoque une floraison littéraire (du scientifique au roman, en passant par la philosophie) qui relègue véritablement nombre de discussions parfois pratiquement dans l'oubli, ou comme éléments d'une réaction contre l'évolution historique. Même si le saint-simonisme en tant que tel, affirmé et diffusé, sans doute à cause de cette floraison qui va véritablement dans tous les sens, est en quelque sorte refoulé, marginalisé après environ les révoltes et révolutions de 1848, le regard vers celui-ci permet de saisir quelques éléments fondamentaux sur lesquels on ne pourra en Occident véritablement revenir : la recherche du bonheur individuel et collectif, la production exponentielle de richesses, l'aspiration à une justice, une fraternité et une liberté qui n'attend plus l'au-delà pour se réaliser... Même le libéralisme le plus affairiste, le socialisme le plus autoritaire, sont redevables de ce mouvement d'idées, qui dans la foulée, donne aux masses populaires une place, un rôle, un statut qu'ils n'avaient jamais eu auparavant. Qui dans la foulée donne au conflit social un sens aigu, indépassable, jusqu'à mettre au premier plan dans un second temps des idées qui rompent avec une conception de l'harmonie sociale d'Ancien Régime. Qui veulent donner ensuite le premier rôle aux producteurs, pris dans des sens très différents selon les familles politiques émergentes. Producteurs-chefs d'entreprise-capitaines d'entreprise du côté du libéralisme, producteurs-masse productrice-classe ouvrière-classe paysanne du côté du socialisme, lequel se divise en plusieurs courants donnant ou non à ces derniers le primat à ce dernier, les différents marxismes bousculant tout l'ordre social.

 

Le conflit, moteur de la modernité...

   Non seulement le conflit porte sur la prédominance des acteurs du Nouveau Régime, de la modernité et d'autres encore solidement accrochés à l'Ancien, mais il porte aussi sur les pouvoirs au sein des producteurs eux-mêmes, que ce soit entre producteurs d'États différents, que ce soit entre producteurs de classes sociales différentes. L'analyse économique - à la fois perception et calcul - de la production et de la répartition des richesses (certaines novatrices, d'autres voulant poursuivre dans la lignée de courants antérieurs) se trouve être au coeur de ce conflit, tandis qu'une véritable nouvelle branche des savoirs, la sociologie, se met lentement en place, jusqu'à devenir hégémonique plus tard. 

 

Saint-simonismes...

   Comme ceux qui étudient le saint-simonisme le disent eux-mêmes, la définition de cette "famille" n'est pas chose facile. Entre ceux qui se réclament de tout ou d'une partie de l'oeuvre de SAINT-SIMON, ceux qui délibérément n'en retiennent qu'une partie, soit les constatations socio-historiques, soit la venue d'un monde de fraternité sociale, soit encore les préceptes religieux, ceux qui s'accrochent à l'étiquette "Saint-Simon" et ceux qui la renie après en avoir été des militants et ceux qui s'en détachent pour fonder d'autres systèmes de pensée sans y jeter l'anathème, il n'est pas facile effectivement de dire qui est "simonienne" ou pas. Les membres de la société des Études saint-simonienne ont choisi une approche évolutive (Lionel LATTY) qui s'appuie sur les repères précis et incontestables que fournissent l'historique et les listes des groupes successifs. Sont en l'occurrence pris en compte : le Collège, soit le groupe de militants constituant l'étage supérieur de la hiérarchie immédiatement sous les deux "Pères suprêmes", BAZARD et ENFANTIN ; la Retraite de Ménilmontant, soit la quarantaine d'hommes sélectionnés par ENFANTIN en 1832 pour une ascèse physique et spirituelle destinée à en faire ses "apôtres" ;  et une structure tardive de solidarité, discrète, sans finalités militantes, élargie à de simples sympathisants (dont de très connus), mais trop souvent négligés : les "Amis de la Famille", soit, dans le langage d'aujourd'hui, une petite mutuelle, créée sur le tard, dans le cadre de la législation sociale du Second Empire. En fait, ici, nous nous attachons plus aux "rameaux" du saint-simonisme, rameaux opposés d'ailleurs ou très différents : libéralisme, socialisme et sociologie... sans oublier que d'autres familles interpénètres le saint-simonisme,, féminisme, anarchisme... Des idées "républicaines" et "coloniales" y sont également issues...

Tous ces courants en gestation possèdent tous en commun le refus du retour à l'Ancien Régime et la construction de manière originales - mêmes si elles peuvent être contradictoires - de place le travail au centre du jeu politique et de la vie quotidienne. C'est sur l'identification du travailleur que beaucoup s'opposent, de ceux qui veulent mettre en avant la classe ouvrière à ceux qui estiment que le peuple n'étant pas encore capable de se gouverner lui-même, doit être guidé par une administration, une sorte de technocratie. D'où la mise en place par de nombreux saint-simoniens à la tête de l'État de la IIe République et du Second Empire, comme de la IIIe République de structures gestionnaires (Polytechnique entre autres) et structures enseignantes. D'où la constitution d'organisations plus ou moins guidées par l'idée de révolution politique. D'où la constitution également de nouvelles idéologies religieuses et d'une nouvelle Église. Tous combattent les Royalistes et les partisans d'une Restauration plus ou moins avouable. Tous contribuent à faire du XIXe siècle français le siècle des saints-simoniens. Leurs ramifications en Europe et dans le monde colonisé par l'Occident constituent des atouts précieux pour leurs activités économique et/ou politiques. Plusieurs branches se dessinent progressivement, surtout après la mort en 1825 de SAINT-SIMON, avec une dominance parfois dans la vie intellectuelle de l'une ou l'autre, avec une philosophie politique correspondante. Il faut dire enfin que le saint-simonisme étant marqué par une volonté d'accorder aux femmes une place plus grande (certains sont à la pointe du féminisme), ce qui lui attire (en plus d'éléments ouvertement anarchiste ou très libéraux sur le plan des moeurs) le rejet d'une grande partie de l'opinion, surtout après la moitié de ce siècle. Il faut dire aussi que les diverses compromissions, même des plus progressistes, avec la grande industrie et la grande banque - jusqu'à faire de "l'aile libérale" un moteur puissant d'industrialisation - attire le rejet de la frange dominante (malgré les répressions) du socialisme, le marxisme, surtout après la Commune de 1871, de tout le saint-simonisme, rejet politique que le marxisme partage avec de nombreux courants progressistes, chrétiens ou non, socialistes ou non. La révolte des Canuts de 1831 entraine déjà une première rupture, suivie de nombreuses autres au sein de ce grand ensemble. C'est d'ailleurs à l'intérieur même de ses moyens d'expression (presse, expositions) que se livrent les batailles politiques et idéologiques qui aboutissent un peu avant le début du XXe siècle à la dissolution du saint-simonisme en tant que tel, prélude à l'oubli jusqu'à récemment de ses grandes influences sur de nombreux plans, y compris sur l'internationalisme et les institutions internationales de paix.

 Les différents rameaux immédiats du saint-simonisme viennent principalement (car il y a à l'origine jusqu'à 600 militants et jusqu'à 3 000 sympathisants, dans la plupart se situent très haut dans la hiérarchie sociale et économique), juste après le fondateur Henri SAINT-SIMON (1760-1825), de l'activité et de la pensée de :

- Augustin THIERRY (1795-1856), historien, auteur de Histoire de la conquêt de l'Angleterre par les Normands ;

- Auguste COMTE (1798-1857), polytechnicien, mathématicien et philosophe, lequel par ses écrits et notamment par son Cours de philosophie positive, ouvert en 1826, donne naissance au positivisme, avec son Eglise de la "religion de l'humanité" (continuée jusqu'à nos jours), lequel est alimenté entre autres par Émile LITTRÉ (1801-1881), matérialiste et agnostique, autour du Dictionnaire de la langue française ;

- Émile DURKHEIM (1858-1917), philosophe, universitaire, fondateur de la sociologie ;

- Olinde RODRIGUES (1795-1851), mathématicien et financier, qui avec Auguste COMTE, fonde l'École du Producteur (1825-1826), dont sont membres également Armand CARREL, futur leader du journal républicain Le National, Adolphe BLANQUI, successeur de Jean-Baptiste SAY à la tête de l'économie politique, et BAZARD, ENFANTIN, Philippe BUCHEZ, fondateur du mouvement coopératif français, du journal L'Atelier (1840-1850), l'un des grands ancêtres de la presse socialiste, Laurent de l'ARDÈCHE, etc.

De cette École du Producteur se dégage Philippe BUCHEZ (1796-1876), médecin, historien et homme politique république (tendance catholique social), d'où partent également ceux qui s'intitulent les "saint-simonistes", soient Jules BASTIDE (1800-1879), Auguste BOULLAND, Claude CORBON (1808-1891) et la rédaction du journal ouvrier L'Atelier, Pierre-Célestin ROUX-LAVERGNE (1802-1874), abbé.

  Sont officiellement désignés comme successeurs directs de Henri SAINT-SIMON, Saint Amand-BAZARD (1791-1832), employé de l'octroi et ancien chef de la Charbonnerie et Prosper ENFANTIN (1796-1864), polytechnicien, économiste et homme politique. qui amorcent chacun de leur côté un grand rameau du saint-simonisme :

La pensée et l'action de Saint-Amand BAZARD sont poursuivies par les Républicains radicaux, avec parmi eux, Hippolyte CARNOT (1801-1888), homme politique, Edouard CHARTON (1807-1890), directeur du Magasin pittoresque, Ange GUÉPIN (1805-1873), médecin, Jean RAYNAUD (1806-1863) polytechnicien, Émile SOUVESTRE (1806-1854), romancier, créateur du personnage entre autres de Fantômas, et Pierre LEROUX (1797-1871), philosophe.

Ce dernier fonde l'École socialiste de Pierre LEROUX, à Boussac, dont font partie George SAND, Achille LEROUX, Pauline ROLAND (1805-1852), institutrice et Jules LEROUX (1805-1883), typographe. Avec Alexandre BERTRAND, Pierre LEROUX fonde le journal Le Globe en 1824, pendant plusieurs années l'organe des saint-simoniens jusqu'à la rupture de 1831. 

De son côté, Prosper ENFANTIN regroupe avec lui ceux qu'on appelle les "enfantinistes". Soient les "apôtres de Ménilmontant", "Famille de Paris", "Compagnons de la Femme", "Artistes", ect... ; Les ouvriers de la Ruche populaire, avec Louis-Edme Vinçard dit Vinçard aîné (1796-18??) et François DUQUENNE, imprimeur ; Les femmes libres, avec Suzanne VOILQUIN (1801-1876 ou 77), Jeanne DEROIN (1805-1894), lingère, puis institutrice, et Eugénie NIBOYET (1796-1883), femme de lettres ; Antonome, avec Claire DÉMAR (vers 1800-1833), féministe.

Se distinguent de ces "enfantinistes", les Dissidents fouriéristes, à savoir Jules LECHEVALIER (1806-1862), publiciste et Abel TRANSON (1835-1865), polytechnicien, mathématicien. 

   Des "apôtres de Ménilmontant" et consorts viennent plusieurs branches :

- Cercle d'Enfantin, avec François ARIÈS DUFOUR (1797-1872), homme d'affaires, Félicien DAVID (1810-1876), compositeur, Charles DUVEYRIER (1803-1866), journaliste, Adolphe GUÉROULT (1810-1881), journaliste, Louis JOURDAN (1810-1864), journaliste également, Charles LAMBERT, dit LAMBERT-BEY (1804-1864), polytechnicien et Ismaÿl URBAIN, orientaliste arabisant.

- Fratries, avec Michel CHEVALIER (1809-1879), polytechnicien, qui se situe dans la continuité des idéologies libérale, Auguste CHEVALIER (1809-1868), normalien (sciences), Émile BARRAULT (1799-1869), journaliste, Alexis BARRAULT (1812-1886), ingénieur, Gustave d'EICHTHAL (1804-1886), ethnologue et philologue, Adolphe d'EICHTHAL (1805-1895), banquier, Paulin TALABOT (1796-1863), polytechnicien, Jules TALABOT(1792-1868), industriel, Edmond TALABOT (1804-1832), magistrat.

- Cercle des Pereire, avec Émile PEREIRE (1800-1875), financier, Isaac PEREIRE (1805-1880), financier, Henri FOURNEL, polytechnicien, Eugène FLACHAT (1802-1873), ingénieur, Stéphane MONY, dit FLACHAT (1800-1884), ingénieur.

- Cercle de Lemonnier, avec Charles LEMONNIER (1806-1891), philosophe et avocat, Elisa LEMONNIER (1805-1865), directeur d'école, Léon BROTHIER, maitre des forges et philosophe, Dominique TAJAN-ROGE (1803-1878), musicien et Clorinde ROGÉ (1807-1857), féministe ;

- Autonome, Maurice LA CHÂTRE (1814-1900), auteur du nouveau dictionnaire universel. 

Philippe RÉGNIER et Nathalie COILLY, à qui nous devons beaucoup de ces informations, dressent une chronologie des différents groupes dominants, suivant les années. Ils citent ainsi :

- Les années BAZARD (1825-1831), celles où s'activent Le Producteur (qui se démarque vite du parti libéral), L'École du Producteur, qui passe pour l'organe de l'industrialisme, L'Organisateur (1828-1829) qui attire beaucoup par sa radicalité et la promesse "à chacun selon sa capacité, à chaque capacité ses oeuvres", toute une fraction avancée de l'élite des ingénieurs, surtout des polytechniciens, ainsi que des médecins, des juristes... D'emblée les saints-simoniens sont entrainés sur le terrain politique, orientés vers une lutte sociale quotidienne, pacifique certes, mais sans merci contre les "oisifs", avec une tonalité socialiste parfois proche du collectivisme,  suivant l'impératif formulé par SAINT-SIMON lui-même dans le Nouveau Christianisme. 

- La folie Enfantin (1832-1833), celle qui fait mettre en scène, à la manière d'un chemin de croix le destin de certains de ses animateurs. C'est une période où, sombrant dans un certain guignolisme mâtinée de religiosité abâtardie, les membres de cette "confrérie" se laisse emmener par un chef charismatique et égocentrique. "Mais s'il rejoue la folie érasmienne du Christ, en pratique, cet art suprême qui tutoie délibérément le ridicule est, on l'aura compris, l'art de faire passer pour une apothéose une dégringolade du genre dont une organisation ne se relève pas. En faisant flamber en un temps court tout le capital d'autorité accumulé depuis 1825, le Père réussit à assurer une survie du groupe après Bazard, à sauver la face devant un pouvoir déterminé à l'anéantir, à manifester pacifiquement alors même que Paris retentit des coups de canon tirés contre les républicains. L'exploit n'est pas mince si l'on pense qu'à peine la crise interne dénouée, les salles de réunion sont fermées par la police, les correspondances, les papiers et les comptes saisis par la justice, les principaux dirigeants inculpés de provocation à la révolte, d'escroquerie et d'immoralisme. Pendant qu'Enfantin envahit de la sorte tout le champ du saint-simonisme, déconsidère au présent l'étiquette saint-simonienne mais l'illustre et se l'approprie définitivement - devant la postérité -, les autres prétendants à la succession de Saint-Simon, défaits et amers, en sont de leur côté réduits à déposer leurs titres de légitimité et à s'essayer eux-mêmes école et Eglise, chacun pour soi, en ordre dispersé, sous peine d'être eux aussi emporté dans la catastrophe. Le XIXe siècle est peuplé de saints-simoniens, illustres ou obscurs, qui, à cause d'Enfantin, ne se sont jamais réclamés de leur baptême. C'est bien ce à quoi ne songe pas, trop souvent, le lecteur qui se plonge dans les oeuvres monumentales d'Auguste Comte et de Pierre Leroux, feuillette les revues de ce dernier et celle des buchéziens, ou bien encore parcourt les volumes des cinquante années, au bas mot, du Magasin pittoresque d'Edouard Charton. (...)". Antoine PICON décrit l'évolution du saint-simonisme dans des contradictions exacerbées par la double direction de Bazard et d'Enfantin. "De son passage par la Charbonnerie, Bazard conserve une orientation révolutionnaire que ne possède pas Enfantin. Celui-ci se montre davantage sensible aux sirènes du monde des affaires au sein duquel il s'est formé. On retrouve par ce biais le double visage d'un saint-simonisme préparant à la fois l'avènement du socialisme et la mise en place du capitalisme du type autoritaire du Second Empire."

- A la rencontre" de l'Orient musulman. "Relégué à l'arrière-plan dans la philosophie du progrès de Saint-Simon et dans la doctrine telle qu'exposée par Bazard, l'Orient, après l'avènement d'Enfantin, tend à devenir l'enjeu par excellence : le lieu de toutes les révolutions à venir, le levier qui permettra de faire sortir de ses ornières la vieille Europe, la valeur qui présidera à sa renaissance religieuse". Dans un climat intellectuel orientaliste, "le thème de la réconciliation des civilisations est (...) orchestré, au plan culturel, par Barrault, sous la formes de deux prédications littéraires appelant à l'union de la croix et du croissant, et, au plan économique, par Michel Chevalier, dans une série d'articles résumés sous le concept-titre de système de la Méditerranée.(...) La rencontre des saint-simoniens avec l'Égypte et avec l'Algérie réelles s'inscrit pour eux dans ces perspectives de paix et de développement, mais dans un cadre général qui est celui des débuts de l'impérialisme."

- L'âge d'or d'un industrialisme à la française. "A partir des années 1830, le saint-simonisme n'a plus d'existence militante publique. Quant aux saint-simoniens, divisés, déconsidérés, réduits au silence ou saisis par le doute, ils font de leur mieux, individuellement, pour rentrer dans le monde. Mais il apparait rétrospectivement que cette sortie de scène, cette dispersion, et, finalement, cette dilution sont précisément ce qui permet aux idées et aux hommes, banalisés, sécularisés, de trouver un second souffle. En une dizaine d'années, en effet, leur réseau devient une réalité déterminante et durable, une force matérielle hégémonique." Il ne subsiste pas grand chose sans doute de l'utopie sociale et morale, entre ENFANTIN qui se replie sur une activité au sein de la société civile (et affairiste) dans le Second Empire, FOURNEL qui s'accomplit comme ingénieur auprès des PÉREIRE... Ce sont surtout Auguste COMTE et Pierre LEROUX qui fondent leurs propres doctrines et écoles et qui produisent des oeuvres majeures et originales, même si les références communes aux saint-simoniens de manière générale les relient à une même perspective intellectuelle et religieuse. "Comme le Globe l'avait prédit, le crédit bancaire et le développement ferroviaire (deux domaines où sont particulièrement actifs les saint-simoniens) s'avèrent les principaux moteurs relativement indépendants des aléas politiques, d'une vraie révolution économique et sociale."

- L'activité de nombreux saint-simoniens dans les différents appels à une fédération européenne et/ou à une société des nations s'effectue au diapason de nombreux autres courants. "Aussi bien la grande réussite internationale des saint-simoniens est-elle la signature, en 1860, du traité de libre-échange entre la France et l'Angleterre. Leur rôle décisif dans cette préfiguration de l'Europe communautaire est évident sur une image que les manuels d'histoire n'ont pas enregistrés : l'on y voit, en compagnie de Richard Cobden, une délégation française conduite par un Michel Chevalier dominateur, accompagné d'Arlès-Dufour, d'Emile Pereire et de Jean Dollfus. La présence des mêmes hommes, et de quelques autres, dont Frédéric Le Play, dans l'organisation des expositions universelles de Paris et de Londres en 1855, 1862 et 1867, confirme leur rôle prépondérant et solidaire sur cette scène centrale et périodique des relations internationales de l'époque. La formation par Chevalier, en 1875, d'une association par actions en vue d'un tunnel ferroviaire sous la Manche constitue son ultime appel à une entente privilégiée entre la France et l'Angleterre. Mais en ce domaine, c'est sans doute le juriste Charles Lemonier qui assure le mieux, le plus loin et le plus longtemps la transmission des valeurs saint-simoniennes aux générations d'après 1870. Ce saint-simonien de la première heure, proche collaborateur des Pereire, apparait dès 1867 au premier rang des animateurs, à Genève, de la Ligue internationale de la paix et de la liberté. Il en exerce la présidence vingt ans durant, de 1871 à 1891, lorsque entre en discussion l'établissement, entre l'Europe et les États-Unis, d'un Bureau international permanent de la paix."

 

Sous la direction de Nathalie COILLY et de Philippe RÉGNIER, Le siècle des saint-simoniens, du Nouveau Christianisme au canal de Suez, Bibliothèque nationale de France, 2006. Pierre MUSSO, Saint-Simon et le saint-simonisme, PUF, Que sais-je?, 1999. 

 

PHILIUS

 

Relu le 1 avril 2022

 

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