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13 octobre 2015 2 13 /10 /octobre /2015 13:20

     Les documentaires sur le terrorisme, surtout lorsqu'ils se veulent approcher le problème que l'on désigne sous ce terme de manière globale, appartiennent à un genre plutôt problématique.

Entrant parfois dans la mode de mettre en avant le terrorisme comme prisme de compréhension de l'actualité internationale ou même nationale, ces films ou téléfilms posent problème, comme l'explique Marc VERVEL.

"Sans préjuger de l'hétérogénéité des pratiques liées au documentaire écrit-il dans Rue Descartes, il apparait qu'un problème fondamental pour ces films, lorsqu'ils s'efforcent de cerner le "phénomène terroriste", concerne la compréhension même de l'événement choisi. De fait, face à la terreur, comment élaborer un dispositif visant une saisie critique du réel? A supposer même qu'un hasard exceptionnel permette au documentariste de tourner au moment même où se déroule l'événement à penser comme terroriste, comme ce fut le cas dans 09/11, on obtient alors des images condamnées à suivre frénétiquement un mouvement sur lesquels elles n'ont plus aucune prise, comme si la disparition du plan fixe, objet privilégié du documentariste dans sa capacité à stabiliser l'objet, incarnait l'impossibilité de quelques surplomb face à l'attentat."

L'auteur cite ensuite à l'appui un certain nombre de documentaires - L'orchestre noir (sur l'attentat de Milan du 12 décembre 1969), 12 décembre (sur le même attentat) de PASOLINI et BOFANTI - qui indiquent plutôt la confusion du public (et même des "experts") (dans l'attribution comme dans les causes ou conséquences) face à ce type d'événements.

"Face à un objet qui pose éminemment question, le documentaire est donc appelé à évoluer, à intégrer les éléments qui nourrissent l'interprétation de l'acte qu'il vise à saisir dans un après-coup lui-même en devenir." Les controverses suscitées après chaque documentaire, qu'ils attribuent ces attentats (Loose Change attribuait dans un premier temps, avant remaniements, à la CIA, celui du 11 septembre...) ou qu'ils présentent le point de vue d'anciens activistes (d'Action Directe dans Ni vieux ni traites de Pierre CARLES et Georges MINANGOY, 2004), le film tend à épouser des points de vue - celui des États ou celui des sympathisants, bien plus qu'à éclairer réellement la situation. On le voit également dans le plaidoyer de l'avocat VERGÈS dans L'avocat de la terreur.

      Un documentaire diffusé en 2012 illustre hélas cette analyse. Il s'agit de la série de trois documentaires de Michaël PRAZAN (auteur et réalisateur), de 52 minutes chacun, visible sur la chaine de télévision FRANCE 3 (et en VOD sur Internet). Co-produit par Doc en Stock et l'INA notamment (le producteur de référence étant Élodie Polo ACKERMANN), ce documentaire présente trois époques, trois actes, dans Une histoire du terrorisme. D'abord Les années de libération (1945-1970) (parfois titré De la résistance à la guérilla), puis Les années de poudre (1970-1989) (ou Terreur et médias), et enfin Les années Jihad et la guerre contre le terrorisme (1989-2011) (ou Les Démocraties contre le terrorisme). Télérama en faisait une critique plutôt nuancée (mais négative dans l'ensemble) sous la plume de Samuel GONTIER : "En préambule, des images de l'attentat du World Trade Center et un postulat asséné par le commentaire : "L'hyper-terrorisme fonde notre modernité" (Diable!). Michaël Prazan (auteur du magistral Einsatzgruppen, les commandos de la mort) entend revenir "aux origines du terrorisme, tracer son histoire". Pourquoi alors le définir en une phrase (Et au singulier!, écririons-nous) puis évacuer d'une autre toute l'histoire antérieure à la Seconde guerre mondiale? L'enquête donne ensuite la parole à une pléiade d'acteurs de premier plan, d'anciens terroristes, juges, avocats et enquêteurs. Plus ambitieuse encore (Et là, bien plus téméraire intellectuellement!), elle tente de mettre en évidence "les influences idéologiques, les liens entre organisations, les échanges de savoir-faire". Ainsi apparaissent les figures tutélaires de la violence politique (Franz Fanon, ou, moins connu, Sayyid QUTB, théoricien du Johad), la succession de creusets du terrorisme (Cuba, Algérie, Afghanistan, Soudan...), le destin de la théorie du "foco" (foyer insurrectionnel). C'est la part la plus intéressante du travail de Michaël Prazan (D'ailleurs, pour l'exploiter, je conseille de prendre des notes sur ces passages ou de les revoir séparément). Mais (Trois fois hélas, en effet!), elle est noyée dans un déluge d'images spectaculaires (voire abominables) déversées à un rythme (publicitaire, dirions-nous!) d'enfer, parfois sans rapport avec le récit. En outre, la volonté de ne rien oublier de soixante-cinq ans d'histoire lui confère un air d'inventaire. Une histoire du terrorisme n'assume pas la subjectivité de son titre : faute de véritable point de vue, elle se limite à une somme riche, copieuse... mais un peu indigeste." Nous pouvons ajouter que sans doute UNE histoire du terrorisme est impossible, car les terrorismes sont réellement distincts, de par leurs filiations et de par leurs idéologies, des uns des autres. Seul, sans doute, le point de vue de l'Etat, s'appuyant sur une émotion populaire (qu'il faut ensuite entretenir à coup d'opérations Vigipirates!), peut faire apparaitre les différents terrorismes comme un même ennemi, et encore....

Samuel GONTIER, Critique du 3/3/2012, htpp//:television.terama.fr. Marc VERVEL, Des documentaires sur le terrorisme, Rue Descartes, 2008/4 (n°62).

FILMUS

 

Relu le 30 janvier 2022

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