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21 avril 2016 4 21 /04 /avril /2016 07:37

      Depuis tout temps (et toute guerre), même lorsque la coutume voulait que ce soit la mêlée du corps à corps qui décide du "sort des armes", les armées ont tenté de trouver tout projectile qui pouvait abréger le moment de la confrontation directe. Ainsi l'emploi de divers projectiles incendiaires, utilisés souvent dans le siège des villes, prend une nouvelle tournure lorsque les propriétés de la poudre sont découvertes. Avant d'aller plus en avant, signalons que le mot grenadier ne désigne pas (ou plus) (seulement) des soldats spécialisés dans l'emploi des grenades, mais surtout des membres des unités d'élite. 

Le mot "grenade" est d'origine française et provient du fruit du même nom, en référence à la taille des premières grenades, et parce que les éclats de shrapnel rappelaient aux soldats les nombreuses graines du fruit. Toutes les grenades ne sont pas lancées à la main. Il existe depuis longtemps des grenades à fusil, et des lance-grenades.

       Les grenades, en Occident, car dans d'autres contrées on connait la poudre bien avant, sont utilisées dès la fin du Moyen Age, surtout en Europe centrale sous des formes directes de projectiles creux et bourrés de poudre, apparentés aux bombes (appelées parfois bombines), lancés à la main, par des frondes ou des mousquets, après allumage de la mèche. Les soldats sont chargés de leur dangereux emploi sont des volontaires (plus ou moins contraints) combattant en "enfants perdus" en tête des colonnes d'attaque. Car il faut s'approcher relativement près de l'ennemi pour pouvoir faire de réels dégâts. 

     La première grenade connue vient de Chine sous la dynastie Song (960-1279), connue sous le nom de Zhen Tian Li. Les soldats confinaient de la poudre noire dans des récipients en céramique ou en métal. En 1044, un livre militaire, Wujing Zongyao (principes généraux du Classique de la guerre) décrit divers types d'armes à feu, dont le prototype des grenades à main moderne. A la même époque, les peuples orientaux des Croisade développent des modèles de grenades incendiaires et explosives en céramique. Leur utilisation peut faire appel à des soldats spécifiques aussi bien sur les champs de bataille que dans les sièges. Ces grenades peuvent aussi être lancées par des machines de guerre, dont une adaptation d'arbalète à main, ancêtre du lance-grenade. En 1221 apparaissent en Chine les premières grenades et obus en fonte, qui n'existent en Europe qu'en 1467. En l'espace de deux siècles, les Chinois découvrent le potentiel explosif que peuvent représenter les boulets de canon métalliques creux remplis de poudre. 

Durant la Glorieuse Révolution d'Angleterre en 1688, des balles en fer de la forme de balles de cricket remplis de poudre noire et pourvues d'une mèche lente, sont pour la première fois utilisées contre les Jacobites. 

Ces grenades ne sont pas très efficaces, surtout parce que leur rayon d'action n'est pas asse grand et que le système de mise à feu n'est pas au point (nombreux "accidents"). Leur utilisation est assez faible jusqu'au XIXe siècle, mais la grenade fait partie (de manière variable) de l'arsenal des unités d'élites connues sous le nom de grenadiers. 

  L'institution des grenadiers vient de France. Il semble que les grenades y sont utilisées pour la première fois en 1536 au siège d'Arles, mais c'est seulement en 1667 que chaque compagnie d'infanterie est dotée de quatre hommes (appelés grenadiers) spécialement entrainés au lancement des grenades à main. A partir de 1671, des régiments d'infanterie sont progressivement dotés d'une compagnie par bataillon. On confie aux grenadiers des tâches particulièrement difficiles et périlleuses. Aussi reçoivent-ils un équipement très diversifié, fusil, baïonnette, hache, sabre, grenadière (sac contenant une dizaine de grenades).

     Cela exige des hommes forts, agiles et audacieux. Entre la quasi certitude d'y rester la plupart du temps (mais moins avec l'expérience...) et le prestige (et la richesse qui va avec) du "métier", les motivations sont diverses et variées... Vus leur courage et leur dextérité (surtout ceux qui reviennent...), les grenadiers sont très tôt considérés comme des soldats d'élite choisis pour leur robustesse et notamment leur haute taille, leur courage et leurs états de service. Les compagnies de grenadiers se recrutent dans les compagnies de fusiliers du bataillon et la charge de capitaine de grenadiers, non vénale, devient un moyen pour les militaires peu riches d'avancer en contournant l'obstacle de l'argent.

     Les modifications survenues dès le règne de Louis XIV dans l'art militaire font abandonner l'emploi de la grenade par l'infanterie. La grenade est laissée aux troupes d'artillerie et de génie. Dès ce moment, les compagnies de grenadiers ont le même équipement que les compagnies de fusiliers dont elles se distinguent cependant par leur recrutement, leur solde plus élevée, quelques détails d'uniforme, des traditions (port de la moustache). Il faut un certain temps à propos de l'uniforme pour que les commandements s'aperçoivent de la gène de certains accoutrements réservés aux grenadiers (notamment le chapeau...), de la même façon qu'il lui faudra un certain temps pour s'apercevoir de la vulnérabilité des soldats de 1870-1871 due à la couleur de leur uniforme...

  Le nom de grenadier réservé à diverses unités d'élite, dès 1679, Louis XIV crée pour la garde du roi une compagnie de grenadiers à cheval de 50 hommes tirés de l'élite des régiments de cavalerie. Les bataillons de milice ont également leur compagnie de grenadiers. En 1745, celles-ci sont regroupées en bataillons de grenadiers royaux dont l'élite est conservée à la paix d'Aix-le-Chapelle pour former le régiment de grenadiers de France. Les grenadiers royaux sont remplacés dans leur bataillon d'origine par des compagnies de grenadiers postiches qui leur servent de réserve.

    A la Révolution, ces unités particulières sont supprimées, mais une compagnie de grenadiers est maintenue dans chaque bataillon d'infanterie et est introduite dans les bataillons de gardes nationales. La garde du Directoire se compose de deux compagnies de grenadiers, une à pied, l'autre à cheval. Dans l'armée d'Italie, le général Bonaparte organise quatre bataillons de grenadiers. Il en dote la garde consulaire. La garde impériale a un régime puis une division de grenadiers à pied et un régiment de grenadiers à cheval. A la Restauration, on ne conserve que les grenadiers à cheval, mais la garde du Second Empire comporte 3 régiments de grenadiers à pied. Il ne fait pas voir dans ces changements seulement des considérations militaires (efficacité), mais aussi des considérations politiques, dans la mesure où l'armée de la Révolution, comme celle de l'Empire est composée d'éléments idéologiquement "impurs" pour des yeux royalistes. Précisément, l'élite de l'élite de l'armée française, au fil des ans, est marquée par un esprit de loyauté particulière aux idéaux issus de la Révolution... 

   En France les grenadiers de la garde disparaissent en 1870, mais les compagnies de grenadiers de régiments de ligne ont été supprimées par la loi Niel en 1868, en même temps que les compagnies de voltigeurs créées sous le Premier Empire. Ces soldats d'élite sont remplacés par les soldats de première classe répartis dans toutes les compagnies. En effet, des critiques s'étaient élevées contre la constitution de ces unités d'élite qui écrémaient les troupes de leurs meilleurs éléments. Maurice de Saxe avait déjà exprimé l'avis qu'on les exposait trop facilement et inutilement. Plus tard, à l'inverse, on reproche à leurs chefs de les ménager en leur épargnant les fatigues courantes de la vie militaire et de les tenir trop en réserve.

     L'institution des grenadiers est imitée dans toute l'Europe. L''évolution est la même qu'en France. Par tradition, l'appellation de grenadier est conservée jusqu'à nos jours à un certain nombre de régiments des armées allemande, anglaise, russe...

    En 1915, les bouleversements survenus dans l'art de la guerre ramènent l'emploi des grenades lancées à la main ou avec le fusil. dans chaque section d'infanterie, des soldats sont à nouveau affectés à l'emploi de cette arme, mais sans qu'il y ait spécialisation et constitution de corps d'élite. De manière générale, durant la Première guerre mondiale, les armées de la Triple-Entente et de la Triple-Alliance n'ont que de faibles stocks de grenades. Les troupes improvisent des grenades (parfois une simple boite de conserve emplie de poudre et dotée d'une mèche). Ce n'est qu'après la grande guerre que se développent de manière industrielle la fabrication et le déploiement de divers types de grenades : Mills Bomb britannique (première grenade à fragmentation moderne), Stielhandgranate allemande (charge explosive contenue dans une boite métallique montée sur un manche en bois creux), cocktail Molotov russe (arme artisanale composée surtout d'une bouteille en verre remplei en partie de liquide inflammable). 

    On distingue des grenades défensives (plus destructive que l'autre car entouré d'un matériau qui se fragmente à la détonation) et offensives (de plus courte portée, surpression générée par la quantité importante d'explosif), Grenades à fragmentation, à surpression, à percussion, Grenades fumigènes, lacrymogènes, incendiaires, incapacitantes, de désencerclement (non-létale), et plus tard encore, grenades anti-char...

        L'emploi de la grenade (à la main ou à l'aide d'un fusil lance-grenade) est répartit ensuite chez tous les combattants et devient même un mode habituel sous la Seconde guerre mondiale pour se débarrasser des "nids" d'ennemis rassemblés ou de "nids" de mitrailleuses, notamment pendant la seconde guerre mondiale.

 

André CORVISIER, Grenadiers, dans Dictionnaire d'art et d'histoire militaires, PUF, 1988.

 

ARMUS

 

Relu le 11 mars 2022

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20 avril 2016 3 20 /04 /avril /2016 10:02

     On peut définir la tolérance suivant trois sens :

A- Manière d'agir d'une personne qui supporte sans protestation une atteinte habituelle portée à ses droits stricts, alors qu'elle pourrait la réprimer ; manière d'agir d'une autorité qui accepte ouvertement, en vertu d'une sorte de coutume, telle ou telle dérogation aux lois ou règlements qu'elle est chargée de faire appliquer. Référence au Code civil, article 2232, qui dispose que les actes de simple tolérance ne peuvent fonder ni prescription, ni possession... 

B- Écart maximum permis d'avance par la loi, ou établi par l'usage, par rapport à des mesures numériques assignées (par exemple, et spécialement, sur le titre et le poids des monnaies)...

C- Disposition d'esprit, ou règle de conduite, consistant à laisser à chacun la liberté d'exprimer ses opinions, alors même qu'on ne les partage pas (voir JACOB, Devoirs, chapitre XI, "La liberté de pensée et le devoir de tolérance". Ed GOBLOT définit très nettement l'idée moderne de la tolérance en disant qu'elle consiste "non à renoncer à ses convictions ou à s'abstenir de les manifester, de les défendre ou de les répandre, mais à s'interdire tous moyens violents, injurieux ou dolosifs ; en un mot à les imposer.

D- Quelquefois : respect sympathique des croyances d'autrui, en tant qu'on les considère comme une contribution à la vérité totale.

Comme toutes définitions d'une notion importante en philosophie, elle fait l'objet d'une critique, au sein même du Dictionnaire sous la direction d'André LALANDE qui les propose. 

"On a souvent protesté contre l'impropriété du mot tolérance au sens C, ou à plus forte raison au sens D, et contre le mélange de réprobation et de condescendance qu'il semble impliquer pour l'opinion ou la croyance tolérée.

Les auteurs citent CONDORCET (Tableau historique, VIIIe époque) : "Dans les pays où il avait été impossible à une religion d'opprimer toutes les autres, il s'établit ce que l'insolence du culte dominateur osa appeler tolérance, c'est-à-dire une permission données par des hommes à d'autres hommes de croire ce que leur raison adopte, de faire ce que leur conscience leur ordonne, etc. 

Ils citent aussi RENOUVIER (Science de la morale) : Le respect de la liberté religieuse "est très mal appelé tolérance, car il est stricte justice et obligation entière".

Mais cet import péjoratif est aujourd'hui si effacé que l'objection n'a plus guère aucun fondement. "Le mot tolérance, écrit M DUGAS (Cours de morale), a été critiqué. Höffding l'appelle une vilaine désignation d'une belle chose ; il a paru faible pour désigner le respect de droits reconnus et admis. Mais c'est assez peut-être qu'il soit consacré pour que le philosophe en use, en prenant soin seulement d'avertir du sens précis qu'il lui donne. Ce mot a d'ailleurs l'avantage d'exprimer le respect des croyances sous sa forme caractéristique et extrême, d'indiquer que ce respect doit d'étendre jusqu'aux opinions qu'on réprouve, qu'on juge fausses et dangereuses."

  Le mot et le concept de tolérance, qui apparaissent tardivement dans la civilisation occidentale, ne vient pas d'une quelconque amabilité soudaine dans les relations entre les gens... Il désigne une conception des relations sociales forgée dans les conflits les plus sanglants. Dans les conflits religieux entre catholiques et protestants, plus précisément, du XVIe siècle européen. La question de la tolérance se pose aussi à l'intérieur des deux autres religions monothéistes, le Judaïsme et l'Islam, mais en de termes différents. Elle se pose également sur les relations entre les religions monothéistes et les autres spiritualités. Et enfin à l'intérieur des religions diverses et variées, y compris celles qui se marquent comme polythéistes, dans des termes là encore différents suivant les époques. L'intolérance constitue un mode de relations finalement très partagés, nonobstant les adhésions formelles aux différentes chartes internationales. 

    Pour en revenir au contexte européen, depuis des lustres, c'était (et c'est encore dans de nombreux endroits et de nombreux temps) l'intolérance qui était valorisée. Le mot ne figure même pas dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie!. Pourtant, dans toutes les religions - surtout monothéistes ) l'intolérance est un devoir pour sauver les âmes de tous, non seulement des croyants, mais des incroyants dont il faut réduire le nombre, éradiquer la terre entière, et pourchasser jusqu'à la fin des siècles, faute de quoi l'humanité ou le peuple élu pourrait ne pas être sauvés... Cela n'est pas seulement réalisé, toutes les guerres de religion le montrent, qu'elles s'appellent guerres ou multiples inquisitions, mais aussi théorisé fermement (voir BOSSUET par exemple). Si aujourd'hui, les différents Dictionnaires ou Vocabulaires de la Théologie ne mettent plus en avant les intangibilités de dogme et leur défense absolue ou encore le combat contre les divers apostats, hérétiques, mécréants..., il n'en est pas moins vrai, qu'au cours de nombre de doctrines, se trouve une intolérance inquiète, d'autant plus inquiète dans un monde régi (au moins officiellement) par la raison scientifique que beaucoup ne reposent que sur la foi partagée. Et si elle ne l'est plus, cela pose un très grand problème dans les esprits des fidèles, d'autant que peu aujourd'hui ne peuvent pas ne pas entrer en contact, proche ou lointain, avec des cultures différentes. On reviendra plus tard sur les effets socio-psychologiques d'un tel voisinage, mais l'intolérance possède des ressorts tout à fait différents, selon qu'on a affaire à une société fermée à forte hégémonie religieuse d'une spiritualité quelconque ou à une société ouverte à faible hégémonie ou à hégémonie fortement partagée entre plusieurs spiritualités...

     C'est au moment des Lumières en Europe que s'affirme la nécessité, le devoir, la possibilité d'une tolérance religieuse, alors que le XVIIe siècle, notamment français, est dominé par une classe ecclésiastique monarchomaniaque intolérante.

C'est ce que décrit Barbara DE NEGRONI : "Si la tolérance est définie par Furetière (1619-1688) comme la "patience avec laquelle on souffre quelque chose", elle devient dans le Dictionnaire philosophique de Voltaire "l'apanage de l'humanité", "le seul remède aux désordres du genre humain". Pour Furetière, le tolérable est ce qui se peut supporter, et les exemples qu'il donne - la douleur, le péché et les licences poétiques - sont tous négatifs, et ne sont bien entendu supportables que dans certaines limites ; pour Voltaire le tolérable est ce que nous devons apprendre à supporter, à savoir les caractéristiques de notre nature humaine, la faiblesse, l'inconséquence,la mutabilité et l'erreur. De condescendance, voire de lâcheté, la tolérance accède au rang des vertus fondamentales. C'est précisément cette transformation qu'il faut interroger : à quelles conditions, au siècle des Lumières, la tolérance devient-elle une valeur? Quelles sont les limites de l'exercice de la tolérance? Quelles frontières a-t-on pu assigner à l'intolérable? 

Dans l'Europe des Lumières, poursuit la professeur au lycée La Bruyère de Versailles, la problématique de la tolérance se définit dans un contexte théologico-politique marqué essentiellement par les affrontements entre les catholiques et les Églises réformées. Les guerres et les persécutions qui ont embrasé l'Europe pendant plus de deux siècles constituent la toile de fond sur laquelle se détache la question de l'intolérable : l'actualité la plus récente renforce le caractère crucial de ce problème : l'horreur des mesures qui accompagnait la révocation de l'édit de Nantes conduisent de toutes parts à s'interroger sur le bien-fondé de la politique de Louis XIV. Exils et dragonnades sont-ils un signe de l'apothéose du Roi-soleil ou d'une conception obsolète du pouvoir absolu? 

Les polémiques qui opposent constamment philosophes et théologiens mettent en jeu une distinction entre deux formes de tolérance, conduisant à deux conceptions de l'intolérable. L'intolérance théologique repose sur l'idée que la croyance en certaines vérités religieuses est uns condition indispensable du salut et que tout homme qui professe un autre credo est nécessairement damné. Laisser ses semblables croupir dans l'erreur signifie alors être lâche ou indifférent : la persécution se nomme zèle ; la contrainte est une des voies de la charité. Mais l'exercice même de ce zèle charitable suppose des instruments politiques : à l'intolérance théologique peut s'ajouter l'intolérance civile qui interdit dans un État la pratique de certains cultes, voire la croyance en certains dogmes. Il reste que si théoriquement ces deux intolérances doivent marcher de concert, le théologien définissant ce que le politique va appliquer et livrant au bras séculier les hommes qu'il faut châtier, elles ont fréquemment été dissociées et analysées dans des perspectives différentes. Se dessine alors un échiquier complexe sur lequel s'oppose toute une série de thèses."

Se croisent alors un certain nombre de positions de l'Église catholique, telles qu'elles sont présentées par exemple par BOSSUET, des interprétations de théologiens catholiques comme l'abbé BERGIER, des travaux comme ceux de Pierre BAYLE ou d'Henri et Jacques BASNAGE de BEAUVAL du sein de la Réforme, des réflexions philosophiques comme celles de VOLTAIRE, de SPINOZA et de ROUSSEAU, en l'espace de plus de deux siècles. Là les pamphlets, les édits et les prédications ont parfois plus de poids que les constructions théologiques ou philosophiques. La littérature qui vulgarise et qui diffuse les conceptions autour de la tolérance ou de l'intolérance est souvent plus virulente et plus tranchée que les écrits des autorités religieuses et intellectuelles... 

   Bien entendu, dans notre époque d'un soit disant regain de l'esprit religieux et de polémiques fortes, comme d'instrumentalisation des textes fondateurs, que ce soit dans la Chrétienté ou dans l'Islam par exemple, les diverses conceptions de la tolérance et de l'intolérance sont encore bien vivaces. Des auteurs comme Brian LEITER s'efforcent d'éclaircie, conjointement aux réflexions d'auteurs contemporains, en quoi consiste la tolérance. S'appuyer notamment, mais pas seulement sur John Sturt MILL, John RAWL, il propose une investigation philosophique et juridique sur la tolérance envers la religion, et in fine, sur l'organisation plus ou moins laïque des sociétés occidentales.

 

Brian LEITER, Pourquoi tolérer la religion?, éditions markus haller, 2014. Barbara DE NEGRONI, Tolérance, dans Dictionnaire européen des Lumières, PUF, 2010. Sous la direction d'André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, 2012. 

 

PHILIUS

 

Relu le 12 avril 2022

 

   

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20 avril 2016 3 20 /04 /avril /2016 08:30

   Avec l'apparition et surtout la généralisation des armes à feu portatives, sans doute entre t-on plus qu'avec l'artillerie à feu, dans un autre univers mental du soldat.

     François AMBROSI explique une de problématiques essentielles des armes à feu légères. "Étant au service du combattant à pied, les armes légères doivent le gêner le moins possible dans ses évolutions : marche, course, saut, rampé, accès dans les véhicules ; elles répondent donc à des impératifs de poids et d'encombrement très sévères. Les limites les plus couramment admises (mais ceci après bien des expériences et des déboires, précisons-le nous-mêmes), sont pour les armes d'appoint 1 kg et 30 cm, pour une arme individuelle de base 4 kg et 80 cm, et pour une arme collective de 10 à 12 kg et 1,2 m en deux éléments au plus. Comme le fantassin, elles sont aptes au service, en tout temps et en tout lieu (cela est encore une utopie, en fait...). Leur fonctionnement doit, de ce fait être assuré de - 50 à + 55eC, sous la pluie, la neige, après passage ou chute dans l'eau, dans la boue, dans la poussière ou sur le sable, qu'elles soient lubrifiées ou encrassées (ces fonctionnements idéaux sont encore très théoriques en fait...). 

Quels que soient les appuis dont il puisse bénéficier (...) dans les phases les plus critique de son combat, l'assaut, la défense rapprochée ou le corps à corps, le fantassin ne peut compter que sur ses propres armes. Elles ont donc le privilège de remplir à faible portée un rôle normalement dévolu à des armes lourdes et encombrantes. Leur puissance spécifique est donc souvent considérable.

Il faut enfin, que le combattant à pied puisse atteindre (mais pas forcément physiquement) son adversaire quel que soit le mode de locomotion ou de protection qu'il utilise (...). malgré un souci de standardisation et de simplification poussé à l'extrême (souci qui n'ait acquis que très tardivement d'ailleurs...), la technique moderne n'a pu répondre à ces impératifs que par un accroissement de la variété des armes légères." 

   

    Alors que dans les siècles précédents, le corps à corps, même retardé, apparait comme le moment de la décision sur le champ de bataille, il est possible peut-être de l'éviter et en tout cas d'éviter qu'il ne soit décisif, par le primat d' "un assaut à distance", où des rangs adverses, on lance des coups de feu plus ou moins précis afin de défaire et/ou de tuer l'ennemi. Il n'est plus immoral de l'emporter d'un coup de mousquet, de couleuvrine ou de pistolet. Il devient même important de pouvoir tirer sans être tiré, de le faire protéger, même si à terme, la cuirasse devient inutile. Il reste toujours le relief du terrain, et des murailles qui, malgré tous les efforts de l'artillerie, restent efficaces (pour un certain temps...). Avec en sa possession la puissance (de plus en plus grande) d'un feu qui peut apparaitre comme "divin", le soldat se sent encore plus puissant que dans une cuirasse qui lui recouvre tout le corps, mais à terme plus vulnérable aussi (au moment où l'adversaire se dote des mêmes armes) dans la bataille. Avant que les feux combinés de l'artillerie et des armes à feu portative ne soient plus l'apanage de quelques très riches princes, le nouveau soldat de l'infanterie (qui peut dégommer cheval et cavalier à distance) devient l'élément principal de la guerre.

Après l'arc et l'arbalète qui avait déjà diminué l'impact des charges de cavalerie lourde ou légère, l'arme à feu portative dessine une nouvelle géométrie de la bataille, géométrie dont nous informent aujourd'hui les gravures et les dessins de travail des artistes et des ingénieurs de (ou pour) l'armée. Si les divers commandements recherchent à ce point - nonobstant une certaine échelle de valeur quant à la bravoure et au courage - cette évolution vers les armes à feu, ce n'est pas seulement parce que cela fait du bruit efficace (notamment sur les chevaux) et que cela fait plus de ravages que les flèches et les carreaux, c'est parce que de tout temps, et cela s'aggrave lorsque le nombre de combattants en jeu devient considérable, le corps à corps est redouté comme source d'incertitude sur le sort de la bataille et comme source de chaos. En effet, lorsque les corps à corps à deux ou trois se multiplient sur un champ de bataille, il n'est plus possible de manoeuvrer, sauf à - et certains l'ont fait - sciemment provoquer des morts fratricides. Il y aurait là tout une sociologie à développer, non seulement à travers les comportements individuels des soldats qui passent des armes blanches à des armes à feu portatives, mais à travers également les comportements des commandements. La psycho-sociologie du corps à corps est tendu entre l'expression de l'hubris guerrier face à face et l'envie de l'éviter. Et ce n'est pas pour rien si, dans les temps reculés, lorsque la bataille semble vraiment indécise entre deux armées semblables et importantes qui se font face à plusieurs dizaines de mètres de distance, parfois la coutume permet à des "champions" d'être désignés pour décider du sort des combattants et de la population derrière eux, pour déterminer à eux deux seuls de l'issue de la bataille.

   Les premières armes portatives apparaissent d'abord en Chine et au Japon, elles ne commencent à être connues en Occident qu'au milieu du XIVe siècle. Les diverses améliorations au cours des siècles touchent à la fois à la composition du baston à feu (le cylindre central), le mode de chargement de celui-ci, la qualité et la quantité de poudre et munition utilisées, le système de mise à feu...

De forme cylindrique, elles sont fixées au bout d'une lance ou d'un piquet et projetait des cailloux ou des morceaux de fer. Le bâton à feu ou trait à poudre qui lui succède, est constitué par un tube fermé à l'une de ses extrémités. La mise à feu s'effectue à l'aide d'une lumière. Il est prolongé par une tige qui passe sous le bras du servant. En 1364, la ville de Pérouse commande 500 de ces armes rudimentaires, dites scopettes, qui l'on retrouve partout à la fin du XIVe siècle. 

Au XVe siècle, le trait à poudre se perfectionne et donne naissance à la couleuvrine puis à l'arquebuse. Le tube s'allonge, l'arme mesure environ 1,50 mètre et est dotée d'une poignée et d'une crosse, son poids était d'environ 15 kilogrammes. Pour être utilisée, elle doit être appuyée sur une fourquine. La mise à feu s'effectue à l'aide d'une mèche. la poudre d'amorçage est placée dans une cavité appelée bassinet. Plusieurs perfectionnement interviennent rapidement : serpentin formé d'une tige en fer en forme de S pivotant autour d'un axe mettant la mèche au contact de la poudre, adjonction d'un ressort et d'une détente, couvre-bassinet empêchant la poudre de tomber quand l'arme est amorcée, mécanisme rassemblé sur une platine fixée sur le côté droit de l'arme... Au début du XVIe siècle, l'arquebuse s'allège considérablement : elle pèse de 5 à 7 kg et son calibre est d'environ 15 mm, sa puissance de perforation et sa portée restent toutefois faibles.

Pour remédier à ces insuffisances, les Espagnols les premiers adoptent en 1521 le mousquet, d'un calibre de 17 mm, qui tire une balle de 30 g et dont la portée est de 300 mètres. En France, le mousquet est utilisé tardivement notamment à cause de son poids, de 7 à 8 kg. L'adoption de l'arme à feu ne se fait pas sans résistance, beaucoup comme le chevalier BAYARD, la considérant encore comme une arme déloyale et selon MONLUC, c'est une invention du diable. A la fin du XVe siècle, un condottiere italien fait crever les yeux et couper les mains aux soldats pris en possession d'une arquebuse... 

Malgré cette résistance d'une chevalerie de toute façon en perte de vitesse, de nouvelles découvertes accroissent la maniabilité de l'arme et améliorent son efficacité. Dans la platine à rouet la mise à feu est produite par le jaillissement d'étincelles résultant du choc d'une pysrite de feu contre une roue d'acier. Auparavant et cela dure encore un certain temps, la mèche doit être allumée à la main. Ce perfectionnement, qui raccourcit la durée de recharge de l'arme, est suivi d'autres, par exemple et surtout : dans la platine à batterie, une pierre à feu est placée dans les mâchoires d'un chien libéré par une gâchette quand on appuie sur la détente.

     Très tôt apparait une arquebuse plus courte, dite périnal parce qu'on appuie la crosse sur la poitrine, dans la cavalerie. L'invention de la platine à rouet permet de généraliser l'emploi de l'arme à feu dans les troupes montées. Au milieu du XVIe siècle, les troupes à cheval adoptent une arme courte et facile à charger, dont la bouche est évasée, l'escopette, et la pistole qui est ensuite remplacée par le pistolet. Celui-ci mesure environ 40 cm et se tire à bout de bras. C'est l'arme favorite des reîtres allemands qui pratiquent le combat à caracole.

    L'infanterie française reste fidèle à l'arme à mèche jusqu'à la fin du XVIIe siècle. La platine à rouet est d'un emploi plus pratique, elle craint moins la pluie que la mèche qui, en outre, fait repérer les soldats la nuit, mais son mécanisme est délicat et fragile. Un des moteurs de l'innovation de l'arme à feu portative est précisément la faculté de pouvoir l'utiliser par tous les temps. Très nombreuses sont les surprises de certains commandements, qui ont doté - à grand coûts - leurs troupes des premières armes à feu portatives, quand la pluie et le vent les rendent inopérantes, obligeant les soldats à recourir à de multiples astuces pour pouvoir les utiliser. L'obligation de monter ces armes sur des fourquines gêne également la manoeuvre qui s'allonge considérablement dans le temps... d'autant que pour y échapper, les soldats ennemis... courent plus vite pour parvenir à eux. Ce qui explique ces élans en masse qui sont trop mis sur le compte d'une "fureur guerrière", de troupes vers des arquebusiers ou des couleuvriniers en face d'eux. Il faut pouvoir les tuer avant qu'ils ne mettent en place ces "armes du diable". L'habitude de s'élancer comme ça vers l'ennemi, même lorsqu'ils pointent les armes droit devant eux, se généralise, même lorsque, surprise!, celui-ci se dote d'armes plus rapides à mettre en oeuvre, et ne se perd vraiment pas rapidement... La conjonction de la mise en oeuvre d'une discipline militaire plus stricte (des soldats surveillent à l'arrière le mouvement de possibles déserteurs...) et de la lenteur à parer aux conséquences de cette nouvelle rapidité, coûte cher en hommes. Il faut un certain temps pour que de nouvelles manoeuvres se mettent en place...

  L'allègement de l'arme à mèche, notamment du mousquet, ce qui permet son utilisation sans fourquine (mais oblige le soldat à maitriser plus son équilibre au moment du tir...), donne un avantage certain aux premières armées qui l'adoptent (les Suédois notamment). Le terme fusil, qui vient de l'italien focile qui désigne la pierre à feu, devient par déformation le nom de l'arme qui porte une platine à silex. Les premiers fusils apparaissent vers 1635. Plus légers mais d'un calibre moindre que le mousquet, ils sont interdits longtemps dans l'armée française. Les mousquets disparaissent, et progressivement sont remplacés par les fusils dans les armées européennes les unes après les autres (Autriche, puis Suède et Angleterre, puis France...). 

  La fameuse rainure hélicoïdale peu profonde pratiquée à l'intérieur du canon d'une arme à feu pour imprimer au projectile un effet de rotation qui en améliore la portée et la précision apparait au XVe siècle (souvent longitudinales, elles deviennent vite hélicoïdales). Mais ce n'est qu'au XVIIe siècle que l'on voit apparaitre les premières armes à feu à canon rayé (pour la chasse) et ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'armée s'en voit dotée, et même seulement au XIXe que les canons rayés sont introduits dans l'artillerie. Les premiers fusils rayés se chargent par le canon et l'adaptation du projectile aux rayures est d'abord une opération longue et difficile. Il faut attendre les chargements par la culasse pour que ces fusils se généralisent dans les armées.

  L'armée suédoise la première se dote de fusils à cartouches, sachets en papier qui permettent de transporter ensemble tous les composants : poudre d'amorçage, poudre propulsive et balle. Avec beaucoup de retard, la France le fait en 1702. Cela permet aux soldats d'augmenter sensiblement leur cadence de tir. Elle est d'un coup toutes les 10 minutes au début du XVIe siècle, un coup par minute vers 1700, deux à trois coups au milieu du XVIIIe siècle, 6 dans l'armée prussienne où l'on recherche plus la rapidité du tir que sa justesse de feu. Ce qui explique que sur les champs de batailles, les manoeuvres comme les engagements deviennent de plus en plus rapides. La vitesse de manoeuvre constitue, et pas seulement pour les armes à feu de l'infanterie, un facteur essentiel de décision du sort des armées. On retrouve ce souci de rapidité dans toutes les armes, dans la cavalerie et dans l'artillerie comme dans l'infanterie. 

  En 1717 est créé en France un fusil de calibre 17,5 mm destiné à remplacer les armes de modèles divers dont les troupes sont jusqu'alors dotées. Il est amélioré à plusieurs reprises et aboutit au modèle de 1777 qui est la première arme à avoir été fabriquée de façon scientifique et standardisée. Il tire une balle de 28 g, pèse 4,6 kg et mesure 1,52 mètre. Il est répandu dans les armées de la Révolution et de l'Empire; et n'est que très légèrement modifié en 1801 puis en 1822. L'infanterie légère, comme les fragons, reçoivent une arme plus courte de 10 cm.

   A la suite de la découverte du fulminate de mercure par HOWARD en 1800, les armes à feu sont dotées de systèmes à percussion dans les années 1840. Les armes anciennes sont alors modifiées pour recevoir ce nouveau système dans les années 1850. La grande innovation de cette époque est celle du fusil se chargeant par la culasse qui permet une cadence de tir beaucoup plus rapide que le chargement par la bouche. Cette innovation permet en outre de tirer dans la position couchée, accroissant encore plus la protection du tireur. Chaque soldat peut désormais blesser ou tuer avec des risques réduits, si le commandement prévoit bien les manoeuvres tenant compte strictement du relief (lieu surélevé ou sous-élevé, bois ou forêt...). La Prusse la première adopte ce nouveau fusil, même si c'est coûteux et même si des réticences dans les états-majors veulent freiner ce mouvement, au contraire de la France qui se dote d'un fusil rayé mais se chargeant toujours par la bouche.

     De multiples expériences se réalisent dans les entreprises d'armement ou dans les armées, beaucoup se concluent négativement : de l'accolage aux armes à feu de plusieurs canons aux formes courbées des fusils pour tirer dans les coins. De multiples armes individuelles réduites sont expérimentées également et aboutissent par exemple au révolver, avec l'invention du barillet qui permet de mettre au point des armes à répétition fiables. Bien que connu depuis le XVIe siècle, ce système ne se développe qu'avec l'apparition de la percussion à amorce (1835, Colt). C'est pendant la guerre de Sécession nord-américaine que ce révolver, à six coups, se diffuse dans les armées. Des carabines à répétition se diffusent également (Winchester, 1866), avec utilisation de cartouches qui deviennent peu à peu l'exclusif projectile des armes à feu. Dans les années 1870, pratiquement toutes les armées s'équipent en armes de ce type. Pour accroitre encore la cadence de tir, de l'approvisionnement des magasins à l'intérieur de la crosse ou du fût, on s'oriente vers la formule du magasin fixé dans la boîte de culasse (inventée en 1879). Encore plus, en remplaçant l'opération manuelle du rechargement par l'utilisation de gaz pour réarmer l'arme automatiquement, la vitesse de tir peut augmenter encore, et l'on peut commencer à obtenir sur le champ de bataille avec les armes à feu le même déluge de flèches et de lances de l'Antiquité, pour peu que l'on organise dans les rangs les cadences de tir. C'est le fameux déluge de feu que l'on rencontre sur les champs de bataille du début du XXe siècle. Les mitrailleuses et les pistolets utilisent ce nouveau système de rechargement. Expérimentées dans les années 1860, mais alors munies d'une manivelle pour entrainer ce fameux arrosage, les mitrailleuses, améliorées ainsi, équipent les armées britanniques dès les années 1880, suivies assez rapidement par les autres pays. Les Japonais, en plein dans l'occidentalisation de leurs armées, adoptent les mitrailleuses avant leurs ennemis russes dans la guerre des 1904-1905, guerre qui révèle le plus les capacités meurtrières de ces armes. Pendant la Grande Guerre, les mitrailleuses se multiplient dans les armées et contribuent avec les canons (et les gaz et les grenades...) aux hécatombes dans tous les camps. 

  Il y a alors longtemps que le soldat n'a plus de cible unique et n'a même pas besoin d'une  longue formation de tireur autre que celle de l'utilisation de l'arme elle-même : il suffit de tirer au bon moment... et dans la bonne direction. car avec la mitrailleuse, le nombre de pertes dues à des tirs fratricides augmente considérablement. D'autant qu'on facilite le tir en rafales, qui une fois amorcé, est difficilement stoppé. Entre les deux guerres mondiales se développent aussi des mitraillettes ou pistolet-mitrailleurs, seul progrès notable d'ailleurs dans le domaine des armes à feu durant cette période.

   Avec le développement des blindés surtout durant la seconde guerre mondiale, ces armes à feu transforment radicalement les champs de bataille. La tactique sur le terrain doit surtout tenir compte des multiples problèmes de logistiques et des... intempéries pour amener les munitions sur le terrain. Il s'agit de ne pas alourdir les soldats d'armes et de munitions qui peuvent être encombrantes à porter, notamment sur de grandes distinces. Le génie prend alors la même importance que sous l'Empire Romain. Si le nombre des servants du combattants chute avec l'adoption des armes à feu, il faut absolument veiller à ce que ces armes soient approvisionnées tout le temps (pendant les marches, pendant les manoeuvres, au repos - pour éviter les surprises), ce qui nécessite un système de transport (motorisé) fiable et des voies de communication en conséquence. Le soldat n'est plus l'élément majeur de la bataille ; la masse des soldats l'est bien plus, car il faut compenser les pertes accrues (et organiser un système de santé conséquent), et les manoeuvres tactiques doivent s'intégrer dans des stratégies plus vastes, d'autant que les armées européennes ne sont plus du tout dans des positions asymétriques. Les progrès de l'armement sont intégrés scientifiquement et de plus en plus rapidement dans la composition des armées. L'expérience de la seconde guerre mondiale est décisive à cet égard. Comme les armées pendant la première comme pendant la seconde, hormis celles des puissances périphériques, se dotent de puissance de feu et de manoeuvrabilité similaires, les batailles ne sont d'autant plus meurtrières et acharnées, la rapidité et l'effet de surprise étant alors les éléments majeurs qui permettent de l'emporter. Le manque d'imagination  et souvent l'imprévoyance (notamment par rapport aux conditions météorologiques, surtout dans la marine) des états-majeurs peut s'avérer catastrophiques : témoins les tranchées de la première guerre mondiale et les multiples enlisements de la seconde (dans la neige ou les marais...). 

      

François AMBROSI, Armes légères, dans Encyclopedia Universalis, 2014. Gilbert BODINIER, Armes à feu, dans Dictionnaire d'art et d'histoire militaires, PUF, 1988.

 

ARMUS

 

Relu le 13 avril 2022

   

 

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18 avril 2016 1 18 /04 /avril /2016 10:27

   Le groupe Images et Sons du groupe ATTAC, animé entre autres par Jean-Christophe VICTOR, s'efforce de (dé)montrer les arguments de l'Association qui lutte au départ pour la Taxe Tobin d'Aide aux Citoyens avant d'élargir les axes de son combat contre la mondialisation du capital financier.

  Ce groupe qui se déploie, s'internationalise à partir de l'appel d'Ignacio RAMONET dans Le Monde diplomatique, fait avancer un "chantier civique" : débats, conférences, publications, production de films... Ces activités tiennent une grande place dans l'activité de militants dont le postulat est que "la perspective d'une réappropriation du monde par les citoyens ne saurait se réaliser sans la compréhension des enjeux, des mécanismes et des effets d'une économie mondiale prise dans la logique néolibérale. "

    Parti d'un projet ambitieux d'une chaine de télévision (mais des difficultés - débats sur la professionnalisation, problèmes de moyens à la mesure d'un tel projet, le font abandonner), le groupe se centre sur la réalisation de films. L'ISA, avec la possibilité de faire appel à des gens de différents domaines, subdivisent ses activités en 4 ateliers : création, filmothèque, réflexion et espace photos. L'atelier création, d'une dizaine de membres, met au point des projets de films, comme celui de Nice sur la manifestation relative à l'Europe ou le film d'Olivier ZUCHUAT, Dollar, Nasdaq, Tobin et les autres, de 40 minutes, qui propose une vision assez globale du système financier. D'autres films se sont montés de manière complètement autonome, comme celui d'ATTAC-Rhône sur l'OMC ou celui des Yvelines, Château en épargne. Au coup par coup, des courts métrages ou des films plus ambitieux se montent.

Si le groupe n'intervient pas beaucoup sur le travail, c'est parce qu'il considère que les problèmes aujourd'hui sont à la fois macro (global) et micro (local), tous glocal). Comme le dit Jean-Christophe VICTOR, "L'interdépendance est trop forte pour ne prendre en compte que l'un ou l'autre. On est obligé d'avoir une vision qui soit un mirour déformant à vision variable ; et de même le champ d'action doit être sur les deux niveaux. D'où la difficulté de lutter aujourd'hui et le fait que la plupart des gens se disent qu'on ne peut plus rien faire parce que c'est tellement énorme... Arriver à faire le lien entre ce qui t'arrive  dans ta vie, les petits ennuis de chaque jour et les politiques commerciales européennes ou mondiales, ce n'est pas évident. Mais le lien existe. Prends l'exemple de la santé, d'un sapeur pompier qui intervient pour te sauver parce que tu tombes en moto, mais qui n'est pas formé ; tu t'aperçois que des directives sont prises au niveau européen et que des budgets sont supprimés parce qu'on privilégie l'achat de matériel plutôt que la formation, et qu'on cherche à supprimer à long terme le service public... Tu fais le lien, très rapidement. C'est ce qu'essaie de faire ATTAC. C'est une démarche assez difficile.

Quant à la question du travail ou de l'entreprise, il y a des réalisateurs qui sont venus vers ATTAC pour proposer des films qu'ils ont faits de manière professionnelle ; on les a mis dans la filmothèque. (...). On a vraiment besoin de renfort pour suivre (le genre d'événement comme les problèmes des travailleurs chez Mc Do), créer des liens. Nous sommes tous des travailleurs, nous nous sentons tous concernés par une réflexion sur ce monde du travail. Mais il constitue encore un vrai tabou. Réaliser un film de l'intérieur est une des choses les plus difficiles. Les entreprises sont très fermées et se méfient de tout." Organiser la diffusion en tenant compte des problèmes de droits (par des comités locaux), donner des informations sur leur distribution, positionner ATTAC sur le domaine de la culture et de l'audiovisuel... constituent également des tâches que se donnent le groupe. 

Sur précisément la définition du film militant, le groupe trouve cela "délicat". Il préfère pour l'instant se limiter à un rôle pédagogique. "Ce qui est intéressant dans le cinéma militant, dit encore Jean-Christophe VICTOR, c'est qu'il peut être un moteur de la réflexion. Beaucoup de gens se posent des questions sur notre société, mais malheureusement ils ne prennent pas suffisamment position comme ils pourraient le faire s'ils disposaient des sources de réflexion." ATTAC est avant tout un outil pour se sentir citoyen, non un organisme politique en faveur de telle ou telle orientation, et pour l'animateur du groupe, il s'agit "d'être suffisamment fort pour toucher les spectateurs d'un film : par exemple avec Vers un autre monde il s'agit moins d'apporter des réponses que d'ouvrir sur des questions, d'inciter à la réflexion."

 

ATTAC : une approche pédago-militante du film, entretien avec Jean-Christophe VICTOR, par Thomas HELLER, dans CinémAction, dossier Le cinéma reprend le travail, 1er trimestre 2004.

www.attac.org/france/culture.

 

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Relu le 14 avril 2022

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18 avril 2016 1 18 /04 /avril /2016 07:02

  Jean-Luc GODARD (né en 1930) occupe dans le paysage cinématographique une place bien à part, son caractère légèrement égocentrique y étant sans doute pour quelque chose (mais dans ce paysage, les individualités à ego surdimensionné abondent, comme si la fonction d'apparaitre à l'écran ou dans les festivals favorisaient cela...). D'abord critique de cinéma, cinéaste à messages (parfois à tiroirs), expérimentateur de formes esthétiques et narratives, bateleur de foire médiatique, à la fois personnage intriguant et rassurant, maître en communication, en la critiquant et en en profitant. Son film Histoire(s) de cinéma (1988-1998), mélange à la fois itinéraire personnel, course du cinéma dans le siècle (le XXe) et bouleversement de l'Europe. Pour le réalisateur, ce film est à la fois un retour sur son passé, sur le passé du cinéma et celui de l'Histoire. Apparemment un film d'historien, ce qu'il n'est pas, mais surtout un film de critique des manquements du cinéma avec l'Histoire. 

     Histoire(s) de cinéma est constitué de 4 chapitre, chacun divisé en deux parties, composant ainsi 8 épisodes. Les deux premiers, Toutes les histoire (1988) et Une histoire seule (1989) durent respectivement 51 et 42 minutes ; les 6 épisodes suivants, réalisés en 1997-1998, durent chacun moins de 40 minutes.

Histoire(s) du cinéma est en grande partie composé de citations visuelles de films, plus ou moins reconnaissables et explicitement nommés (ce qui pose lors de sa diffusion de nombreux problèmes de droits...). Le réalisateur y énonce des jugements sur le cinéma, jugements souvent répétés dans le même film, et force à chaque énoncé de faire réfléchir le spectateur, en reprenant souvent le même thème sous un angle différent, cela de manière saccadée, volontairement heurtée, sous forme de cartons ou avec sa voix et celles de quelques autres, comme s'il entendait reprendre le spectateur sur ce qu'il croit avoir compris, à moins que, suivant certains critiques féroces, il n'aie finalement pas grand chose à dire...

  Antoine de BAECQUE, loin d'être le critique le plus "méchant" envers ce film de 266 minutes, écrit que "le cinéaste explique (le rapport qu'il a) avec l'histoire par sa situation singulière au sein d'une double histoire superposée, une place générationnelle. Comme si les Histoire(s) du cinéma ne pouvait provenir que d'un artiste issu de la Nouvelle Vague, "peut-être la seule génération qui s'est trouvée au milieu à la fois du soècle et du cinéma", Godard semble avoir été tôt compris, et assumé, la puissance de cette incarnation, comme si le croisement de l'histoire personnelle et de l'histoire du siècle, en ce point précis nommé Nouvelle Vague, était le tremplin duquel s'élancer pour rendre visible l'histoire. Ce destin, il le formule dans un épisode des Histoire(s) de cinéma : "Le cinéma, c'est la seule façon de faire, de raconter, de se rendre compte, moi, que j'ai une histoire en tant que moi dans une histoire en tant que tous. S'il n'y avait pas de cinéma, je ne saurais pas que j'ai une histoire ni qu'il y a de l'histoire." La seule façon de raconter l'histoire, ou de faire de l'histoire, c'est le cinéma. Comme si Godard était le dépositaire d'un héritage qui le dépasse tout en le faisant riche d'une promesse à accomplir : faire basculer l'histoire du siècle vers l'histoire du cinéma. Et inversement.

Mais la thèse godardienne est d'abord un constat d'impuissance : l'histoire du cinéma, comme rendez-vous manqué avec l'histoire, contretemps auquel Godard tente de remédier par ses Histoire(s). Cette démission hante les deux premiers épisodes, qui sont largement centrés sur la faute collective du cinéma au moment de la montée des périls, du nazisme, de la guerre, de l'Occupation, de la collaboration et de la solution finale. L'épisode 1A, surtout, est marqué par cette culpabilité des clercs du cinéma, ces "grands réalisateurs incapables de contrôler la vengeance et la violence qu'ils avaient vingt fois mise en scène", et se voyant rendus responsables, par le montage godardien, impitoyablement accusateur comme il peut être par ailleurs incroyablement salvateur, de la catastrophe stalinienne et hitlérienne. La succession illustrée des chronologies hollywoodienne, réaliste-socialiste, fasciste, national-socialiste, est très cruelle : le cinéma aurait été comme enchaîné par l'industrie, instrumentalisé par la propagande, et finalement transformé en un vecteur de mort. Godard remonte les films que les cinéastes - ceux qui oubliaient l'histoire ou s'en détournaient -n'ont pas faits. Les Histoire(s) deviennent dès lors une entreprise salvatrice : de ces images coupables (d'avoir délaissé l'histoire, d'avoir aveuglé les hommes, d'avoir conduit à la catastrophe), Godard fait des innocents puisque, tout à coup, le lyrisme des fragments, des associations et des parallèles, elles sont susceptibles de sauver le monde, devenues icônes de l'histoire. "Même rayé à mort, un simple rectangle de trente-cinq millimètres sauve l'honneur de tout le réel..." résume-t-il en une phrase saisissante. (...)".

  Dans cette histoire du cinéma, ce sont les documentaires, contrairement aux fictions, qui sauvent précisément cet honneur. Il existe chez GODARD une tentation de réaliser une Somme, mais cette épopée, si elle veut se hisser au niveau de l'Histoire, veut rester celle de l'histoire d'un homme, lui-même. Ce long album, qu'on ne peut pas regarder bien sûr d'une traite, surtout avec ce montage heurté, sonne comme un testament, également, celui d'une vision de l'Histoire à travers le vécu individuel. Mais GODARD tente d'aider à voir, à comprendre à la fois le cinéma et l'Histoire, et c'est peut-être cela qui nous intéresse le plus ici. 

  Jean-Luc GODARD est fortement influencé dans la conception de ce film par Le Musée Imaginaire d'André MALRAUX. Essai édité en 1947, puis remanié deux fois, en 1951 et en 1965, il porte sur l'oeuvre d'art, la relation nouvelle de l'homme moderne par rapport à l'art. Dans ce musée, se cotoie les oeuvres (de peintures surtout) les plus diverses. La confrontation de ces oeuvres, cette confrontation de contradictions (de signifiants entre autres, comme on dirait par ailleurs) est une prise de conscience de la quête de tout le possible de l'art, d'une recréation de l'univers qui donne la plus haute idée de l'homme. L'aspect kaléodoscopique, que GODARD rend à son film, le montage heurté, reproduit cette recherche du sens de l'art. Aujourd'hui, il est possible, grâce à la photographie et au cinéma, d'avoir à disposition les oeuvres de toutes les civilisations, dans le désordre. Il devient possible de confronter toutes les oeuvres et il devient en même temps nécessaire de les relier en quelque chose d'intelligible dans la marche de l'Histoire.    

      Son film se conçoit également comme un grand poème épique et funèbre, où se juxtaposent et se confrontent, la vie et la mort, les anciens et les modernes dans l'histoire souffrante et éternelle de la beauté chercha,t à s'imposer et parfois hélas à collaborer avec la mort et l'horreur (Jean-Luc LACUVE, qui s'inspire ici de Marie Anne LANAVÈRE, dans le site de l'Encyclopédie Nouveaux Médias, réalisation du Centre Georges Pompidou, 2005).

 

Jean-Luc GODARD, Histoire(s) du cinéma, scénario de Jean-Luc GODARD, avec comme Acteurs Juliette BINOCHE, Julie DELPY, Anne-Marie MIÉVILLE, André MALRAUX, Ezra POUND, Paul CELAN, France-Suisse, Producteurs Canal+, CNC, France 3, Gaumont, La Sept, Télévision suisse romande, Vega Films, 266 minutes au total, 1988. Disponible en coffret de 4 DVD.

Jean-Luc GODARD, Histoire(s) du cinéma, 4 volumes, Gallimard, 1998.

Jean-Luc LACUVE, www.cineclubdecaen.com. Antoine de BAECQUE, Histoire(s) de cinéma, dans Dictionnaire de la pensée du cinéma, PUF, 2012.

 

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Relu le 15 avril 2022

 

 

 

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17 avril 2016 7 17 /04 /avril /2016 06:02

    L'artillerie, comme arme de jet à feu, commence à se développer au milieu du XIVe siècle en Europe, étant donné que d'autre contrées possèdent à ce moment-là, pour l'utilisation de la poudre à canon, une importante avance (qu'ils perdent plus tard), que l'on pense aux armées chinoises et japonaises. Les rois français se mettent à commander des canons et créent des corps d'artilleurs. Mais cette nouvelle artillerie ne joue un rôle notable qu'au XVe siècle, suivant des modalités assez diverses d'ailleurs. Lors du siège d'Orléans en 1429 par exemple, les Français utilisent des canons en tir direct et les Anglais en tir indirect. C'est seulement pendant la guerre hussite en 1419 que l'on emploie pour la première une artillerie de campagne, avec des canons montés sur roues ou sur chevalets et transportés dans les chariots.

La recherche de la combinaison de la mobilité des pièces d'artillerie, avec la puissance de feu, qui début alors, ne cesse pas jusqu'à aujourd'hui, même si dans les premiers temps cette recherche n'est qu'intermittente et tatonnante. Une fois installée, toutefois, ces pièces mettent toujours un temps certain pour être chargées (par la bouche toujours). 

Au milieu du XVe siècle, l'artillerie fait d'important progrès techniques, même si la tactique met un  certain retard à suivre... On construit des pièces qui se rechargent par la culasse, se miniaturisent pour certaines. Les charges tirées sont également modifiées : boulets pleins ou boulets creux chargés de poudre à mise à feu au moyen d'une mèche, et elles le sont par des armes de calibres divers, jusqu'aux mortiers géants ou au tir plongeant de Mahomet II lors du siège du siège de Constantinople. Le bronze se substitue au fer pour plusieurs siècles car il résiste mieux à la poudre grenée dont les qualités propulsives sont supérieures à celle de la poudre fine. Les tubes s'allongent et les tirs deviennent plus précis, aidés en cela d'instruments de réglage. A la fin du XVe isècle, parmi bien d'autres expériences, on imagine de fabriquer un affût mobile constitué par l'adjonction de roues aux flasques relié à un avant-train également muni de deux roues avec un essieu. Les deux ensembles se séparent au moment du tir. On ajoute aussi deux tourillons sur les côtés du tube s'enfonçant dans des logements pratiqués dans les flasques, ce qui permet de faire pivoter le tube dans le sens vertical. Les calibres des canons varient suivant le poids du boulet, les modèles de canons se multipliant, parfois pour seulement une campagne... Une fois l'expérience concluante, sont employés ribaudequin, fauconneau, coulevrine, double coulevrine, courtaud, serpentine, crapandin...

Le problème le plus difficile à résoudre est celui du pointage, qui progresse toutefois parallèlement aux connaissances balistiques. Au début du XVe siècle, seul le tir tendu est employé. Il n'y a pas de mécanismes de pointage en hauteur. On ne peut que placer des coins de bois entre la tranche arrière du tube et la semelle d'appui de l'affût. La visée s'effectue avec la génératrice supérieure externe "rez les métaux", ce qui donne la distance du "but en blanc". C'est en 1540 seulement que l'Italien Tartaglia ose dessiner une trajectoire qu'il imagine en trois parties. Ses travaux, joints notamment à ceux de Galilée, permettent d'établir à Blondel en 1699 les premières tables de tir. La relative lenteur des progrès réalisés dans ce domaine ne proviennent pas seulement des connaissances mathématiques ou mécaniques lacunaires de cette époque. Outre que le secret jaloux des techniques a du mal à être transcendés par les nécessaires solidarités entre compagnons artisans, il existe une véritable inertie sociale tant le statut (et les moyens de vivre) sont rattachés, dans certains métiers, à des techniques précises, même si elles sont défaillantes... La crainte en cas de représailles de la part des princes commanditaires furieux de leur défaite et recherchant un facile bouc émissaire ne suffit pas toujours pour faire évoluer les mentalités... 

     A la fin du XVe siècle, l'artillerie devient de plus en plus importante tant par le nombre de ses pièces que par son rôle. Entre la possibilité de retirer en arrière les canons pour qu'ils ne tombent pas aux mains de l'ennemi et celle de tirer - exigeant du lourd - des boulets de plus en plus destructeurs, beaucoup d'armées hésitent : il ny a pas encore, dans ces armées des royautés qui se consolident, d'homologation de pièces... 

Dans la première moitié du XVIe siècle, on estime qu'il faut au moins une pièce pour 1 000 hommes. Une armée de 25 000 hommes, comme il s'en monte alors de plus en plus, doit être accompagnée par 30 bouches à feu qui nécessitent 474 chevaux, 5 200 boulets, 60 charrettes de poudre, 94 canonniers et 1 500 pionniers. C'est dire que toute une industrie commence à prendre de l'ampleur, déplaçant beaucoup d'enjeux économiques et sociaux, des mines aux ateliers de construction, des forges aux moyens de transport.

Quelques nouveaux perfectionnement sont apportés au milieu du XVIe siècle : boulet lancé par un mortier explosant en touchant le sol, amélioration des projectiles à mitraille... établissement de toute une littérature technique qui commence à établir des normes de fabrication, d'installation et de tir, littérature qui correspond exactement à l'éclosion de travaux mathématiques (géométrie) et d'optiques... Puis une pause semble s'effectuer, plus aucune innovation jusqu'à la guerre de Trente ans, le temps qu'il faut pour que l'industrie, l'administration, les infrastructures se mettent en place pour la mise en action de toutes les améliorations de l'artillerie, sans compter la sorte de friction sociale (les statuts ne se laissent pas bousculer sans résistances) qui freine l'exploitation des nouvelles techniques. 

A l'intérieur des armées, s'opèrent de plus en plus la distinction entre les différents calibres, entre artillerie lourde (pour les sièges) et artillerie de campagne (pour les tirs sur les champs de bataille), distinction la plus poussée dans l'armée suédoise, puis française. La standardisation ne se fait réellement toutefois qu'au XVIIIe siècle, notamment en France avec l'adoption du système de Gribeauval (1765) qui allège le poids ds canons pour les rendre plus mobiles (par diminution de l'épaisseur et de la longueur des tubes), pour également accroitre considérablement l'efficacité des affûts, des accessoires et des appareils de pointage. Cette technique bénéficie surtout par la suite surtout aux armées de la Révolution et de l'Empire, montant sa supériorité sur nombre de champs de bataille, où, tactiquement, la préparation et l'exploitation par l'artillerie comptent beaucoup dans leurs victoires. 

Gilbert BODINIER nous informe que "pendant longtemps l'artillerie fut servie par des entreprises et des spécialistes civils que l'on rassemblait au début de la campagne. Elle fut militarisée pendant le règne de Louis XIV. L'artillerie comprenait alors un corps d'officiers sans troupe, le régiment Royal-Artillerie et le régiment Royal-Bombardiers. ces deux corps fusionnèrent en 1720 et donnèrent naissance à 5 bataillons. Deux ans plus tard les officiers du corps royal furent assimilés aux autres officiers. une école fut créée auprès de chaque bataillon. Les bataillons transformés par la suite en brigades donnèrent naissance à 7 régiments en 1765. A la veille de la Révolution ces régiments comptaient 20 compagnies de 71 hommes, 6 compagnies de mineurs de 82 hommes et 9 compagnies d'ouvriers de 71 hommes. Plus tard, l'artillerie comptait 976 officiers et 11 000 hommes, auxquels il faut ajouter les 127 officiers et les 2 000 hommes du corps royal d'artillerie des colonies.

Une partie de l'artillerie était dispersée sur toute la ligne de bataille en batteries de 4 à 10 canons. le combat commençait par une canonnade qui pouvait durer plusieurs heures. Au contact de l'ennemi on tirait à mitraille. Le reste de l'artillerie était installé sur une position favorable et devait couvrir l'armée, elle changeait rarement de place au cours de l'engagement.

En 1771, Du Puget demanda l'adoption par l'artillerie d'une tactique qui lui fût propre. Il répartissait les pièces en 4 divisions dont l'une était en réserve. En 1778, Du Teil préconisa un emploi massif de l'artillerie dont l'action pouvait être décisive dans la bataille, elle devait être utilisée contre l'infanterie et la cavalerie et non contre l'artillerie adverse. Guibert recommandait aussi de concentrer les feux sur un objectif afin d'obtenir des effets décisifs. L'artillerie française passait pour être la première d'Europe et d'Aboville le montra à Yorktown et à Valmy. Il ne lui manquait que d'adopter l'artillerie à cheval, ce qu'elle fit en 1792. Frédéric II avait innové en employant celle-ci dès 1759, imité par les Autrichiens en 1778.

L'artillerie à cheval était destinée à accompagner la cavalerie. D'une façon générale, en dehors de Frédéric II, qui lui faisait jouer un rôle important en la concentrant au centre de son dispositif, les généraux du XVIIIe siècle et de la Révolution ne savaient pas utiliser l'artillerie. L'artillerie à cheval, dite aussi volante, connut un grand succès dans les armées républicaines, elle fut portée à 7 régiments en 1794. certains généraux estimaient qu'une compagnie d'artillerie à cheval équivalait à deux régiments de cavalerie comme le prouva le lieutenant Sorbier à Arlon en 1793.

       Napoléon militarisa les charrois. Jusque là, les conducteurs étaient civils et enclins à prendre la fuite avec les attelages quand une affaire devenait un peu vive. En 1800, furent créés 8 bataillons du train d'artillerie, portés par la suite à 27. L'artillerie comprit 8 puis 9 régiments d'artillerie à pied, 6 régiments d'artillerie à cheval, auxquels il faut ajouter l'artillerie de la Garde. Le nombre de pièces augmenta de façon constante : de 2 pour 1 000 hommes à Austerlitz,la proportion passa à 3 en 1812, et malgré la perte totale des canons pendant la campagne de Russie, à 3,5 en 1813-1814, mais à moins de 3 à Waterloo.

Napoléon réalisa une concentration des feux de plus en plus systématique en augmentant constamment sa réserve d'artillerie alors que les dotations des divisions (10 canons et deux obusiers par division d'infanterie, trois canons et un obusier par division de cavalerie) ne changèrent pas. (...) Ses adversaires augmentèrent aussi le nombre de leurs pièces et surclassèrent l'artillerie française à plusieurs reprises. (...). C'est à la Moskova qu'eut lieu la plus forte canonnade de l'époque : 400 bouches à feu tirèrent plus de 100 000 coups."

On en tira plus plus tard dans les mêmes guerres napoléoniennes. Si nous reproduisons ces lignes, c'est parce plus qu'à une autre époque sans doute, il se produit en Europe, mais aussi aux États-Unis une explosion de réflexions, sous forme de rapports, traités et essais sur le rôle de l'artillerie dans les armées. Les activités de Gribeauval, Napoléon et quelques autres constituent ensuite une référence et une source de nouvelles expériences, qui donnent à la puissance de feu comme à la mobilité de l'artillerie un rôle sans précédent. 

        Entre 1850 et 1897, se généralise l'emploi des rayures de canons. Aux difficultés de fabrication s'ajoutent celles de la projection d'une munition de forme cylindro-ogivale qui remplace la forme sphérique. L'usage de l'acier se généralise lui aussi. Ces perfectionnements sont rendus possibles par le développement industriel que connaissent de grands établissements. De 1848 à 1865, l'usine Krupp d'Essen passe de 72 à 8 200 ouvriers ; le premier canon en acier y est construit en 1858. En Angleterre, la frette d'acier est mis au point en 1868 chez Armastrong et Witworth. A leur succursale italienne de Pouzzoles s'ajoutent les fonderies de Turin, Naples, Gênes. Aus Etats-Unis, les manufactures de Watervliet et de Washington transforment les ébauchés des aciéries de Bethlehem. En France, Schneider rachète en 1836 les usines du Creusot, dont les premiers hauts fourneaux datent de 1782. Les établissements Pétin et Gaudet ouvrent à Saint-Chamond en 1859. La première bouche à feu en acier construite en France y est forgée et frettée. Krupp est le premier construction à réaliser un canon d'acier à chargement par l'arrière. Et toutes les améliorations techniques de l'artillerie se réalisent au rythme de la formation et du développement d'un complexe militaro-industriel, un des moteurs du capitalisme occidental. Tout un système d'enseignement d'armement se met parrallèlement en place. S'effectue plus ou moins, suivant les pays, une liaison entre l'ingénierie d'armement et celui-ci. Maintes branches industrielles et maints progrès scientifiques doivent beaucoup au développement de l'artillerie, non seulement terrestre mais également maritime. Un véritable bouleversement a lieu dans les chantiers navals qui substituent définitivement l'acier au bois des navires et qui y incorporent les nouvelles pièces d'armement. 

      Guerre après guerre, bataille après bataille, quelqu'en soient les lieux et les moments jusqu'à la moitié du XXe siècle, l'artillerie ne cesse de se perfectionner, et de rendre ces échanges de canonnades de plus en plus meurtriers. Les états-majors s'efforcent de compenser les pertes et accroissant sans cesse les effectifs, notamment ceux de l'infanterie. C'est la puissance qui possède les meilleurs canons, les industries inféodées les plus qualifiées pour les construire, les meilleurs ingénieurs et techniciens pour les manoeuvrer, qui a tendance a prendre le dessus. Chaque attaque pendant la première guerre mondiale est précédée d'une préparation d'artillerie qui peut prendre, bien plus longtemps que l'engagement face à face, plusieurs heures ou plusieurs jours. Ce n'est que contre l'aviation - encore faible avant la seconde guerre mondiale - que l'artillerie est impuissante. Si entre 1919 et 1939, l'artillerie évolue peu, notamment en France, car l'abondance de pièces héritées de la Grande Guerre constitue un frein majeur à la fabrication de matériels nouveaux. A l'orée de la deuxième guerre mondiale, à l'inverse d'une armée allemande qui multiplie ses éléments mobiles en artillerie, l'armée française répartit une artillerie fixe le long de lignes de défense statiques (Ligne Maginot). La seule innovation en France est constituée par la construction d'un canon antichar tirant une excellente munition mais produite en nombre insuffisant. La plupart des régiments sont alors encore hippomobiles, les véhicules automoteurs n'existant qu'à l'état de propotype. Les Allemands, à l'artillerie motorisée, sont les premiers à se doter de véhicules auto-mouvants. 

 Avec la seconde guerre mondiale, avant l'ère nucléaire qui commence à sa toute fin, on entre déjà dans une nouvelle époque, celle de la présence massive de chars d'assaut. 

 

M SCHMAUTZ, Artillerie, dans Encyclopedia Universalis, 2014. Gilbert BODINIER, Artillerie, dans Dictionnaire d'art et d'histoire militaires.

 

ARMUS

 

Relu le 18 avril 2022

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16 avril 2016 6 16 /04 /avril /2016 13:06

      Il existe des réalisateurs militants qui font des films militants, des militants qui font des films militants, mais aussi des militants qui font du cinéma pour grand public, ne négligeant pas la mise en scène spectaculaire pour faire passer leurs idées. Ne négligeant pas les ficelles du show biz, des festivals prestigieux, les filières commerciales de production et de diffusion, comme d'ailleurs un certain nombre d'autres cinéastes, Ken LOACH utilise dès ses premiers films en 1967, toutes les ressources techniques de la télévision d'abord et du cinéma ensuite.

Il ne se situe pas forcément du côté du cinéma militant, même si d'évidence tous ses thèmes ont une tonalité contestatrice forte et affichée, mais totalement du côté du cinéma politique. Aujourd'hui même, il est totalement engagé dans la vie politique de la Grande Bretagne (avec son manifeste politique contre la logique du marché et contre l'austérité) comme il l'est depuis des décennies, à l'extrême gauche de l'échiquier politique.

       Le réalisateur britannique ouvre la voie au renouveau des années 1980 et 1990 du cinéma de son pays, qui révèle notamment Mike LEIGH et Stephen FREARS.

         Il utilise dans ses premiers films les techniques de la télévision. Dominants dans son oeuvre, les marginaux (Kes, 1969), la jeune fille névrosée dans une famille rigide (Family Life, 1972). Un souci de réalisme l'anime qui n'exclut pas les préoccupations esthétiques (Black Jack, 1978). Il réunit toutes ces clefs dans son film Regards et sourires, en 1981, qui malgré l'accueil chaleureux de la critique, est desservi par l'austérité de la mise en scène. Hidden Agenda (1990) évoque la lutte de l'IRA et une rocambolesque machination de Mme Thatcher. Ce n'est pas la copie ou reconstitution du réel qui l'intéresse, mais la mise au service de plusieurs causes d'une dramaturgie qui vise avant tout à faire réfléchir le public.

Exemple de cette démarche, il fait des héros de son film Route Irish (2010), deux "contractors" anglais plutôt que des soldats car il veut bien mettre en évidence que la "la guerre, aujourd'hui, s'est privatisée". Dans une interview à Artistik Rezo (Ariane ALLARD), il poursuit que "c'est d'ailleurs ce qui fait la différence avec les guerres précédentes. Le métier de la guerre est en train d'être privatisé, délibérément sous nos yeux. Si le gouvernement britannique a pris la décision de retirer ses soldats d'Irak et d'y envoyer des mercenaires, c'est pour deux raisons. D'abord parce qu'en privatisant cette guerre, il la cache. Alors que quand un militaire meurt en terre étrangère a droit aux honneurs lorsque son corps est rapatrié, le mercenaire, lui, il revient dans une boîte anonyme. L'État a moins d'obligations. Et ensuite, parce que cette guerre, hé bien... elle tourne en rond! Ainsi, aujourd'hui, force est de reconnaitre qu'elle a été menée pour le bénéfice des grandes compagnies pétrolières. Et que, désormais, ce sont les sociétés privées de sécurité qui, grâce à elle, engrangent des bénéfices colossaux."

   Si dans les années 1970 et 1980, il enchaine des films à la télévision, qui abordent, avec une approche expérimentale, les thèmes saillants de cette époque, en n'hésitant pas à faire des documentaires sur le mouvement syndical (A question of Leadership, 1981), les années 1990 marquent une sorte de triomphe avec la réalisation d'une série de films populaires à thème social ou historique. C'est Riff-Raff (1990) sur la réinsertion et la sortie de prison, Carla's Song (1996) sur une histoire d'amour atypique avec pour toile de fond la réalité politique du Nicaragua, Ladybird (1994) qui évoque le sort d'une mère à qui l'on retire la garde de ses enfants, Land and Freedom (1995) qui explore les traumatismes de la guerre d'Espagne, My Name is Joe (1998) qui prend pour canevas le rapprochement d'un ancien alcoolique et d'une assistante sociale. Durant cette période il est trois fois couronné au Festival de Cannes. 

Il obtient en 2006 la Palme d'Or du 59e Festival de Cannes pour son film Le Vent se lève (The Wind That Shakes the Barley), vision controversée de la guerre irlandaise d'indépendance et de la guerre civile irlandaise qui suit dans les années 1920. Le film est fortement critiqué par une partie des médias britanniques pour sa représentation des forces britanniques d'occupation en Irlande. Si, surtout dans son pays, il est souvent fortement critiqué, même par des commentateurs qui n'ont pas vu ses films, c'est qu'il irrite profondément une partie de l'intelligentsia par sa faculté d'utilisation des éléments artistiques des films à grand spectacle, mis sur pied généralement  à de tout autres fins que la critique sociale...

Il ne cesse de réaliser des films par la suite, Looking for Eric (2009), par exemple, sur un postier dépressif qui se reprend en main grâce à son idole, le footballeur Cantona, en tournant en dérision les punchlines et déclarations fortes de ce dernier. En 2014, il réalise un film historique : Jimmy's Hall, inspiré de James Gralton qui s'oppose au clergé puissant et conservateur dans l'Irlande des années 1930.

       Soucieux des conditions dans lesquelles le public accède à ses films, même les plus anciens, Kenneth LOACH a non seulement facilité grandement leur mise en circulation en DVD, mais, à l'encontre de toute une classe (caste?) cinématographique, rend ceux-ci librement accessible sur Internet (YouTube). Pour des questions de droits, il ne sont pas malheureusement visibles, sans bidouillages, en France.

 

Jean TULARD Dictionnaire du cinéma, Robert Laffont, Bouquins, 1992. Erika THOMAS, L'univers de Ken Loach, engagement politique et rencontre amoureuse, L'Harmattan, 2004. www.artistik rezo.com, 9 mai 2015.

 

Relu le 17 avril 2022

    

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15 avril 2016 5 15 /04 /avril /2016 11:15

     Parmi les revues d'études sur le cinéma, et plus largement sur l'audiovisuel, signalons la revue dirigée actuellement par Pierre ARBUS, proposé par l'École Supérieure d'Audiovisuel (ESAV) et l'équipe Esthétique du Laboratoire de Recherche en Audiovisuel (LARA) de l'Université Toulouse II le Mirail. Éditée sur internet sur le site revues.org, grâce au concours du Centre pour l'Édition électronique ouverte (CLEO/Open édition/CNRS. 

Revue annuelle, Entrelacs propose aux enseignants-chercheurs du laboratoire mais aussi de laboratoires extérieurs, docteurs, doctorants, créateurs non enseignants impliqués dans une démarche de création-recherche, un "lieu de communication et de valorisation de leurs travaux. Elle reprend l'orientation thématique du laboratoire, à savoir Histoire, Esthétique, et Publics de l"audiovisuel."

Évitant les synthèses, questions de cours et vulgarisations, elle veut profiter aux "croisements disciplinaires, approches inattendues,  postures nouvelles dans la communication d'une recherche orientée vers tous les champs du cinéma et de l'audiovisuel." Ses fondateurs veulent pouvoir recourir "aux intuitions et hypothèses de l'imaginaire, de manière à doubler les états de la pensée rationnelle des modes du sensible et de l'intime, et de toute l'expérience intérieure qui fait de chacun de nous non plus de simples commentateurs de formes, mais, à part entière, de véritables inventeurs de sens."

Éxistante depuis 2000, la revue offre en ligne ses numéros depuis 2004. Ainsi, ces numéros, tous reliés chacun à un thème, portent successivement sur La Machine (2005), L'Arbre (2007), L'atelier (2009), Imaginaire (2011), Voir le genre (2012), Le Toucher (2013), La Voix (2014), Nouvelles formes audiovisuelles documentaires (2016). Des Hors déries portent respectivement sur Séries in/out (Les séries télévisées à la télévision et ailleurs) en 2008 et Le post-humain et les enjeux du sujet en 2012. ce dernier numéro s'inscrit dans le prolongement d'une journée d'études organisée en mai 2009 qui a regroupé plasticiens, philosophes et psychanalystes pour réfléchir sur un concept récurrent qui traverse aussi bien le champ de l'art, que celui de la philosophie, voire celui de la psychanalyse, sans parler des enjeux politiques.

Dans le dernier numéro de 2016, figurent, pour évoquer le web-documentaire, les signatures de Claire CHATELET, Bruno BERNARD, Marianne CHARBONNIER, Samuel FANTIER, de Marine BÉNÉZECH et de Michel LAVIGNE. Pour réfléchir sur le renouvellement des genres et les procédés narratifs, celles de Fanny MAHY, Philippe BRAND, Julie SAVELLI,  et d'Hélène LAURICHESSE. Des oeuvres interactives singulières sont évoquées par Rémy BESSON, Caroline SAN MARTIN, Lise GANTHERET, Amanda ROBIES, Andrey GINESTET et Fabrice LAPEYRERE.

Notons également dans le numéro 5 (La Machine, 2005) une contribution de David FAROULT sur le Cinéma : connaissances, croyances et idéologies (Transformations du cinéma, transformations des spectateurs : ce que peut le cinéma), qui resitue notamment des expériences cinématographiques auxquelles font souvent référence les cinéastes militants.

 

Relu le 19 avril 2022

 

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15 avril 2016 5 15 /04 /avril /2016 08:20

  L'artillerie semble s'être surtout développée à partir de l'Antiquité grecque tardive, mais surtout durant l'Empire romain. Par artillerie, il faut entendre la construction et la mise en oeuvre de moyens de tirer de gros objets à grande distance. On distingue généralement l'artillerie de torsion  ou névrobalistique de l'artillerie à poudre. Avec l'artillerie à poudre, on entre dans une toute autre phase de l'histoire militaire et des tactiques qu'avec la névrobalistique.

 

De l'Antiquité....

Si le vocable apparait en 1248, de nombreux textes antérieurs mentionnent, souvent sans les décrire, des armes à jet de grande distance (même dans la Bible, mais pas seulement, dans nombre de textes de l'Inde aussi...). Les armées perses semblent en avoir possédées quelques unes, mais la littérature ne devient importante en ce domaine qu'à partir de l'Antiquité grecque tardive.

Ces grosses armes de jet, même s'il en existe des versions portatives, nécessitent de grands moyens techniques, du temps pour les fabriquer et les monter sur le champ de bataille, toute une technique et des techniciens capables de marrier ressort et matériaux comme du bois ou du métal. Elles requièrent également toute une organisation socio-économique capable de mobiliser ces techniciens spécialisés en grand nombre. Surtout utilisées pendant les sièges, plus rarement sur les champs de bataille, catapultes, balistes, scorpions peuvent également s'installer sur des navires afin de couler la flotte adverse ou de tirer de mer sur des remparts. Si elles peuvent provoquer des destructions importantes, elles sont suffisamment vulnérables (car peu mobiles, en tout cas lentes) pour exiger une défense autour d'elles. On ne compte pas les armées qui, au cours de l'engagement, perdent leurs machines si laborieusement construites et mises en place... 

    Il semble y avoir existé deux sortes de machines, mais des variantes diverses et variées ont pu être utilisées. Quel que soit le type utilisé, le but est d'emmagasiner de l'énergie pour ensuite la libérer brutalement. Dans une arme à torsion, c'est la torsion mécanique des pièces qui assure le stockage de l'énergie. Dans le cas des machines à balancier, un contrepoids élevé stocke de l'énergie potentielle libérée quand ce dernier redescend.

 La baliste, arme à torsion, fait du tir tendu et ressemble à une grande arbalète dont la corde est saisie par une griffe et tendue au moyen d'un treuil, lui-même actionné par des hommes ou des chevaux. Les projectiles sont des pieux empennés ou des faisceaux de flèches, plus rarement de boulets (mais les pierres peuvent parfois faire l'affaire...). Variante plus petite, le scorpion peut être manipulée par un soldat. Ce dernier est une véritable armée d'élite dont la précision très importante en fait l'ancêtre du fusil à précision.

La catapulte, arme à balancier, fait du tir courbe et est constituée par un bras en bois, terminé par un cuilleron, pivotant entre deux montants de poulies. La trajectoire du bras est arrêtée par un butoir transversal fixé au sommet des deux montants de la machine. Là-aussi, il faut plusieurs hommes ou des chevaux (ou des boeufs, faute de chevaux...) pour tendre la catapulte. Les projectiles peuvent atteindre plusieurs dizaines de kilogrammes et être projetés à plusieurs centaines de mètres.

Les catapultes comme les balistes peuvent lancer des corps incendiaires. Il faut bien imaginer quelques connaissances de balistique et de mathématique pour concevoir et faire mouvoir de telles machines et quelques instruments de perspective.

       La précision de telles machines n'a pas d'importance à partir du moment où l'on vise des murailles ou des troupes nombreuses. Mais dans l'Empire romain, les différents perfectionnements font de ces machines de redoutables engins largement répandus dans les légions. L'archéologie expérimentale, à partir des descriptions des textes anciens, des conditions réelles du relief, permet d'identifier, de construire et de comprendre leur fonctionnement. Leur utilisation indique l'oeuvre de générations d'ingénieurs romains dont on comprend qu'ils aient fait partie, à l'intérieur des armées romaines, d'une véritable caste prestigieuse, très proche du commandement, même s'ils ne participent pas directement aux batailles, à l'image de ceux (et ce pouvaient être les mêmes...) qui construisent routes et ponts, aqueducs et fortifications... 

  Si les Carthaginois et les Macédoniens utilisent beaucoup d'armes de jet, ce sont les Romains qui en font un usage systématique.

Tant pour l'attaque des places que pour la défense des camps, aussi pour protéger par exemple les passages de grands cours d'eau et pendant les batailles rangées. Les machines interviennent surtout au début de l'engagement et effectuent parfois des changements de position. Les balistes sont disposées sur des affûts roulants et les catapultes, plus volumineuses mais pouvant se démonter, sont transportées par des chariots ou par des animaux de bât. Les projectiles et certaines pièces sont fabriqués en général sur place. A la fin de l'Empire, chaque centurie dispose d'une baliste et chaque cohorte d'une catapulte. Pour emmener ses 55 balistes et ses 11 catapulte, la légion a besoin de 400 chevaux. L'artillerie de la cohorte est commandée par un centurion et celle de la légion par un tribum (l'Empire a plusieurs légions en activité simultanément). Les balistes sont disposées dans les intervalles de la légion et les scorpions ou onagres, catapultes plus petites, derrière la première ligne ou sur une position avantageuse. Les noms des engins ont changé entre le premier et le quatrième siècle et ne correspondent plus aux mêmes machines, et il est encore difficile aux spécialistes de toutes bien les identifier. L'armée romaine, devenue de plus en plus statique, notamment le long des limes et des fortifications pour contenir les invasions, garnit ses camps et ses lignes de défense d'un nombre considérable et varié de machines. Mais ses adversaires qui apprennent à se battre "à la romaine" en possèdent eux aussi et certaines batailles se transforment en duel d'artillerie.

    Yann Le BOHEC attire l'attention sur un point bien connu de l'archéologie expérimentale. "...l'artillerie romaine pose un délicat problème : il n'est pas facile de mettre un nom sur chaque pièce, d'autant plus que les recherches ne paraissent pas avoir été exhaustives sur ce point. Actuellement, les historiens semblent s'accorder sur certaines définitions. Au Ier siècle, chaque centurie possédait une catapulte, nom donné à un engin qui lance des flèches, et une baliste, pour projeter des pierres ; au IIeme siècle, le mot baliste sert à la fois pour désigner une machine qui utilise les traits et les boulets, et au IVeme la signification initiale de ces termes s'est inversée. En outre, on appelle scorpion une petite catapulte, onagre un petit scorpion, et carrobaliste un engin monté sur roues. Enfin d'après Végèce, une légion utilise dix onagres (un par cohorte) et 45 carrobalistes (une par centurie). Passons sur la question de la légion à 55 centuries. Pourtant, il faut remarquer que tous les artilleurs sont indistinctement désignés dans les inscriptions par le titre de ballistarii ; de plus, César parle de catapultes qui lancent des pierres et de balistes qui envoient des poutres sur l'ennemi. Peut-être faut-il chercher ailleurs : la différence pourrait tenir au fait que certaines pièces sont utilisées pour obtenir un tir tendu (catapultes) et d'autres un tir courbe (balistes), à moins que ce dernier terme n'ait acquis une acception générique. Ajoutons enfin que, si la plupart des machines utilisent la torsion, d'autres fonctionnent avec des ressorts métalliques.

D'autres engins qui entrent également dans la série des tormenta, sont connus. On bat le rempart avec des hélépoles ou des béliers ; ceux-ci servent également à tenter d'enfoncer la porte. Falvius Josèphe décrit un de ces monstres utilisé au siège de Jotapata (...)."

 

... au Moyen-Âge

   Au Moyen Age, on utilise des machine identiques, souvent à partir de plans récupérés des décombres des ateliers ou des villes romaines détruites. Elles sont surtout employées à l'attaque des villes et des châteaux, plus rarement à la défense des camps et dans les batailles rangées. On les emploie beaucoup pendant les Croisades. Ces machines proviennent surtout des républiques italiennes, Venise fournit ainsi 300 pierreries et mangonneaux à la IVe Croisade. Les arabes, comme les Byzantins, en possèdent également et détruisent les machines de Louis IX en Égypte en les incendiant avec du feu grégeois. Gengis Khan et Tamerlan en utilisent également.

   Philippe CONTAMINE écrit que "pendant longtemps, le mot artillerie continua à désigner l'ensemble des engins de guerre. on ne peut dire qu'encore en 1500 ce sens très général ait été oublié. (...). Que l'artillerie à trébuchet (ou à balancier) ait été considérée, vers 1300, comme une prouesse technologique, on en veut pour preuve les descriptions très précises de Gilles de Rome dans le De regimine principum et de Mario Sanuto Torsello dans le Liber secretorum. Les spécialistes de cette arme étaient des personnages importants, choyés même par des Grands. (...). Les premières campagnes de la guerre de Cent ans voient fréquemment en action des "engins" (terme le plus courant), appelés aussi "martinets", "engins volants", "truies", "bricoles", "couillarts", "biffes", "tripants", "pierrières", "mangonneaux". (...). Aucun signe de déclin avant les années 1380 : des documents d'archives parlent de pierres d'engin par centaines, sous Charles V. En 1374, des engins impressionnants sont construits par les Génois pour assiéger Jacques de Lusignan, connétable de Chypre, dans son château de Lérines. (...) Même vers 1420, les indices sont nombreux qui suggèrent la persistante vitalité de l'artillerie à trébuchet. (...). Par la suite, du moins en France, les inventaires signalent des machines de ce type, jusque vers 1460. Lors du recouvrement de la Normandie en 1450, l'action de mangonneaux est encore signalée ici et là (...). Mais il ne s'agit plus que de manifestations très épisodiques. Un tournant décisif semble bien s'être produit durant le deuxième quart du XVe siècle ; il conviendrait de savoir si les autres régions d'Occident ont connu exactement la même chronologie."

On utilise des machines à bascule, trébuchets, mangonneaux et pierrières, constituées par un levier pivotant autour d'un axe dont les bras sont inégaux, le plus court portant un contrepoids et le plus long souvent terminé par une fronde, lançant le projectile. Les ribaudequins, sortes de balistes, lancent des traits. 

      Même en plein utilisation de ces machines, les premières armes à feu connues utilisent les propriétés incendiaires de la poudre. Dans les batailles, vers la fin du Moyen Age, puis en pleine Renaissance, on trouve mêlées dans les armées artillerie névrobalistique et artillerie (primitive) à poudre. Les Byzantins lancent du feu grégeois sur les navires ennemis au moyen de bouche à feu. Les premières armes à feu servent à propulser des traits enflammés, plus tard on leur substitue pierres et boulets.

 

Les premiers canons

Les premiers canons, bombardes, apparus dès le début du XIVe siècle, font surtout beaucoup de bruit. Courts, de faible calibre, légèrement tronconiques, ils sont posés sur un socle en bois. Les tubes sont constitués de lames de fer soudées entre elles et cerclées. On charge (et cela pendant longtemps) par la bouche, on tasse la poudre et on y enfonce le boulet calé par un tampon. Quand on lance par la suite des boulets incendiaires, chauffés au rouge, on intercale un bouchon de terre entre la poudre et le boulet. le servant met le feu à la poudre par un orifice (lumière) au moyen d'une barre rougie au fer. Plus tard, on utilise une mèche, conséquence de beaucoup d'accidents ravageurs survenus dans les premières décennies d'utilisation de ces bombardes. Conséquence aussi de ces accidents, la généralisation de l'usage de mortiers, gros et courts qui lancent des boulets ou des projectiles incendiaires en tir courbe.

A effet psychologique, ces canons ne sont pas très efficaces sur le plan des destructions. Mais précisément à cause de la panique qui peut prendre les soldats et surtout les chevaux ennemis, les commandements apprécient de les posséder. 

Il faut attendre longtemps, vers la moitié du XIVe siècle, selon quelques auteurs, après maintes recherches sur la qualité des poudres, pour que les canons soient capables d'endommager sérieusement les murailles. 

 

Philippe CONTAMINE, La guerre au moyen Age, PUF, 1980. Yann Le BOHEC, L'armée romaine, Picard, 2002. Gilbert BODINIER, Artillerie, dans Dictionnaire d'art et d'histoire militaires, Sous la direction d'André CORVISIER, PUF, 1988.

 

ARMUS

 

Relu le 18 avril 2022

 

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 10:12

     Comme de nombreux groupes, dont la majorité a une existence éphémère, le Collectif Grain de Sable se fait l'écho de nombreuses luttes sociales dans des conditions souvent difficiles, avec la volonté toutefois de durer le plus possible, face aux aléas du paysage cinématographique et politique.

On peut citer parmi ces groupes, Iskra, Cinéma libre (créé en décembre 1971), Cinélutte (au service de la Gauche ouvrière, créé en 1973), Cinéma politique (en liaison avec les comités Larzac, né en juillet 1974, dont les membres sont issus d'autres collectifs), UNI/CITÉ (de 1971, sous l'impulsion du Parti Communiste Français), U.P.C.B (Bretagne, créé en 1972), Ciné-Oc (cinéma occitan, né en 1970), Cinéthique (d'abord revue fondée en 1969, devenue marxiste-léniniste), Front paysans (né en 1972, à l'occasion de la guerre du lait dans l'Ouest de la France), le groupe ad hoc pour Histoires d'A (sur le droit à l'avortement), le Groupe cinéma de Vincennes (dénomination selon les époques de réalités différentes...), APIC et TORR  E BENN (respectivement groupe parisien et groupe breton, utilisant le Super 8, né en 1972) et bien d'autres nés dans la mouvance 68. Parmi les groupes nés plus tard, citons ATTAC, avec son secteur cinéma ou le collectif chômeurs et précaires....

   Le collectif "Films Grain de Sable", fondé en 1974 par des cinéastes "en lutte", entend rompre depuis son origine "avec le système aliénant : production-distribution-exploitation-législation". Il s'est fondé sur la mise en commun tant du matériel que de la permutation des fonctions techniques. Un réalisateur doit pouvoir intervenir comme preneur de son, cadreur ou électricien, sur tout film mis en chantier par le collectif. "Par ailleurs, explique le collectif en mars-avril 1976, des techniciens extérieurs qui ont assumé une prise de conscience, quant au sens de leur métier, rejoignent le collectif pour certaines réalisations plus importantes. C'est ainsi que Le ghetto expérimental et le cinétract Liberté au féminin ont été assumés par une équipe réduite et que La ville est à nous a permis à des gens extérieurs de s'intégrer au collectif. Il est alors évident que les bases de travail ont été en accord avec la ligne et les méthodes préconisées par la structure du collectif. A la suite de cette expérience, un nouveau film a été mis en chantier L'enfant prisonnier." 

Il s'agit pour le collectif, dont font alors partie comme permanents Jean-Michel CARRÉ, Serge POLINSKY et Brigitte SOUSSELIER, de "faire progresser le niveau de conscience des masses". Pour son activité, il s'appuie sur une plateforme en 7 points, qui reflètent bien les attendus techniques et idéologiques du groupe :

- Étant entendu que le cinéma "politique" destiné à la consommation et produit de l'industrie cinématographique dépendant de la classe dominante, n'est aucunement représentatif des luttes effectives.

- Que ce cinéma de consommation sert à la classe dominante pour affirmer son emprise idéologique et impose sa propre version de la réalité, au détriment d'une information à laquelle chacun a droit pour un développement culturel réel.

- Que notre but est d'élever le niveau de conscience de la classe opprimée, ce qui signifie : partir de son niveau actuel pour l'élever par la prise de conscience issue des luttes, et non pour l'amener au stade de la culture bourgeoise.

- Notre travail de cinéastes, face au matériel filmique, est de pouvoir condenser les faits, les luttes quotidiennes, d'en exprimer les contradictions. De créer aussi des outils capables d'éveiller les masses, les exalter, les appeler à s'unir et à lutter pour changer les conditions dans lesquelles elles vivent.

- La vie quotidienne du peuple est la plus riche, la plus vivante, la plus essentielle et c'est d'elle que nous devons traiter dans nos films.

- Un film est bon, s'il est réellement nécessaire à faire progresser le niveau de conscience des masses. C'est le seul critère qui doit guider notre démarche. C'est aussi le seul verdict que nous ayons à craindre. La qualité ne peut se mesurer en d'autres termes. Cependant, nous savons fort bien que LES OEUVRES QUI MANQUERONT DE VALEUR ARTISTIQUE, QUELQUES AVANCÉES QU'ELLES SOIENT DU POINT DE VUE POLITIQUE, RESTERONT INEFFICACES.

- Sachant que notre travail devra se faire dans des conditions économiques défavorables, nous engageons un combat permanent contre la censure économique que le pouvoir nous impose, tant au niveau de la production que de la diffusion de nos films. Chaque fois que nous mettons un film en chantier, nous devons nous appuyer sur les luttes de nos camarades et travailler en accord avec eux. C'est d'eux que nous viendra la force de travailler et c'est sur leur exemple que nous devons nous aligner.

   Centré sur l'évocation de la vie quotidienne : l'école, la famille, le nucléaire, la contraception, la naissance de l'avortement, le collectif Les films du Grain de sable est rejoint en 1976 par Yann Le MASSON. Après 1981, en dépit du déclin du cinéma militant, Jean-Michel CARRÉ continue seul au sein du collectif à filmer sur une longue durée les femmes prisonnières, les prostituées, tout comme les mineurs du Pays de Galle, propriétaires de leur mine et les travailleurs sociaux accueillant les SDF. Dans un entretien de 2004, ce dernier peut faire le point sur l'activité du groupe qui a traversé plusieurs périodes difficiles pendant lesquelles se sont construits, bon an mal an, un réseau de distribution parallèle, une filmographie non négligeable, le rachat du cinéma Saint-Séverin au Quartier Latin de Paris... De nos jours, le réseau de distribution parallèle ne fonctionne qu'au ralenti (mais des ressources y existent encore), car les salles Art et Essai ont abandonné les documentaires politiques, les comités d'entreprise ne demandent plus leurs films...Depuis les années 1990, le collectif s'est attelé à la conservation des films et mène des tournages de films qui passent parfois à la télévision, média avec lequel travaillent de plus en plus maints cinéastes militants. Jean-Michel CARRÉ peut s'appuyer sur des relations pour travailler sur des scénarios, projeter des cycles de films sur un thème, à la recherche d'expériences ouvrières ou éducatives positives, n'hésitant pas à se lancer dans la co-production avec d'autres organismes. 

Grain de sable, toujours en activité, propose à la diffusion en cinémathèque ou comité d'entreprise plusieurs films dans son catalogue, dont nous pouvons citer quelques uns : L'Age adulte, de Eve DUCHEMIN (56 minutes, 2012), Sexe, amour et handicap, de Jean-Michel CARRÉ (74 minutes), Sainte-Anne, hôpital psychiatrique, de Ilan KLIPPER (88 minutes, 2010), Les travailleurs du sexe, de Jean-Michel CARRÉ (85 minutes), Plan social!, et après?, de Laurent LUTAUD (52 minutes, 2010), Des noirs et des hommes, d'Amélie BRUNET et Philippe GOMA (52 minutes, 2010), Tabou, de Orane BURRI (57 minutes, 2009), Armes fatales, du même réalisateur (52 minutes, 2009)... Le collectif propose à la vente un certain nombre de DVD de films militants. 

 

Cinéma militant, numéro spécial de Cinéma d'aujourd'hui, numéro double de mars-avril 1976. CinémAction, numéro le cinéma militant reprend le travail, 1er trimestre 2004.

Site Internet : www.films-graindesable.com. Adresse : 206, rue de Charenton, 75012 PARIS.

 

FILMUS

 

Relu le 20 avril 2022 (On aimerait un commentaire d'un membre de ce collectif ou d'une autre).

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