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7 novembre 2014 5 07 /11 /novembre /2014 14:36

  Se posant la question d'une convergence des sociologies du travail, des professions et de l'entreprise, Pierre TRIPIER, sans avoir la moindre naïveté sur la neutralité des observations sur lesquelles elles s'appuient, reprend les questions fondamentales : combien a-t-il fallu d'énergie pour qu'une activité en situation naisse et se développe? Qui a fourni cette énergie? S'il y a plusieurs fournisseurs, quelle énergie ont-ils procuré, de quelle nature est-elle? Questions qui renvoient directement à l'histoire du concept fondé en physique au XIXe siècle. "La problème étant de savoir si l'équivalence présupposée se réalise (entre récompenses et dépenses individuelles et/ou collectives) ou, mieux, comment elle s'effectue (dans quels termes, avec l'agrément de qui, etc). Les sociologies des organisations s'intéressant davantage à comprendre les phénomènes de cohésion, de consensus et les conditions d'une action collective commune."

 Il estime que les premières sont plus ouvertes à des raisonnement en termes de conflit, si l'équivalence ne se rencontre pas ou si elle est jugée inacceptable par une des parties, et que les secondes mettent la cohérence de l'action collective au centre de leurs préoccupations, mais même chez ces dernières, les préoccupations conflictuelles existent. 

  La sociologie du travail, écrit-il en 2002, mais les choses bougent beaucoup, "celle des professions et celle des organisations, tout en convergeant, semblent aujourd'hui s'ouvrir en direction de l'anthropologie industrielle et des sciences de la gestion, du langage et des sciences pour l'ingénieur. parmi ces caractéristiques des nouveaux travaux, il en détaille quelques unes, à commencer par les études qui indiquent que travailler, c'est négocier des règles et résoudre des problèmes. Il cite les travaux de Donald ROY (1909-1980) (dans American Journal of Sociology, n°60, 1954), de Armand HATCHUEL et Benoit WEILL (L'Expert et le système, Économica, 1993) à ce propos.

 

   Sur la même question, Sabine ERBÈS-SEGUIN, sociologue et docteur ès lettres, fait état de nouvelles synthèses en ce qui concerne la France. "Pendant près de trente ans, les discussions s'étaient centrées sur le rôle de la technique et des relations de pouvoir sur la conscience ouvrière, sans que soit véritablement mis en question l'objet central, le travail. Au cours des années 1980, les sociologues commencent à analyser les transformations importantes à l'oeuvre dans les relations d'emploi. C'est une "mutation de la division du travail" (Pierre ROLLE, Travail et salariat. Bilan de la sociologie du travail, Presses Universitaires de Grenoble), qui établie dès la première phase d'industrialisation, resurgit désormais sous d'autres formes. Il monte qu'une analyse qui se limite à la division du travail renvoie, le plus souvent de façon implicite, à une époque antérieure, où le travailleur contrôlait l'ensemble du processus technique. Georges Friedmann, qui analysait et dénonçait les méfaits de la parcellisation du travail, se référait, écrit-il, à un idéal artisanal du travail. Sabine ERBÈS-SEGUIN partait de l'effort qu'accomplit désormais la sociologie du travail pour sortir de l'entreprise où elle s'est longtemps enfermée pour analyser ses relations avec d'autres branches du savoir et avec d'autres systèmes sociaux que le travail.

La réflexion sur la notion de travail est reprise, en des termes différents, mais dans un même souci de réflexion sur la discipline, dans un nouveau Traité de sociologie du travail (De Coster et Pichault, 1994, Éditions De Boeck). La comparaison avec l'ouvrage paru plus de trente ans auparavant fournit d'utiles repères aux analyses de la discipline et de son évolution. D'abord, une certaine continuité : la préface est signée d'Alain Touraine qui, à l'époque du premier traité de sociologie du travail, était déjà l'une des principales figures d'un secteur de recherche encore peu développé. Bien plus, le plan de l'ouvrage s'inspire des principes d'analyse tourainiens (d'Alain TOURAINE...) : le travail au niveau sociétal ; le travail au niveau organisationnel ; le travail au niveau de l'acteur social.

Le travail n'est pas un "champ particulier de la réalité sociale, mais au contraire une approche générale", position présentée dans la préface et explicités dans les deux chapitres introductifs, celui de De Coster et celui de Tripier. l'enjeu est triple : confirmer la spécificité et l'importance d'une approche du travail, dont la centralité est désormais contestée ; faire de l'analyse du travail une dimension essentielle de toute approche sociologique ; montrer enfin que l'évolution de la discipline depuis une ou deux décennies se traduit par un changement de références théoriques. Des questions se posent, des conflits se profilent. En choisissant un plan tourainien, "on a voulu casser ainsi la dualité, sinon la dichotomie invétérée qui tantôt distingue, tantôt oppose les niveaux micro et macrosociologiques (...). Au surplus, notre découpage rappelle que l'analyse sociologique peut légitimement s'intéresser à l'acteur social et à son comportement individuel... pour autant que celui-ci soit rapporté et expliqué par des faits sociaux".

Sur le statut épistémologique de la sociologie du travail, les relations avec la sociologie des organisations apparaissent toujours aussi difficiles. " La sociologie des organisations est une branche ou, si l'on préfère, une sous-discipline de la sociologie du travail (...). (Elle) constitue, plus précisément, un des niveaux de l'analyse sociologique du travail en représentant l'instance médiatrice entre le niveau sociétal et le niveau individuel de l'action sociale". Cependant, plutôt que d'affirmer une volonté polémique, l'ouvrage se propose à la fois de redéfinir des concepts et de redélimiter des frontières intra- et interdisciplinaires.

Le travail est défini par quatre dimensions : l'activité, le statut, le temps et l'espace. C'est d'abord une activité créatrice d'utilité économique. C'est aussi un statut professionnel "capital pour déterminer la position sociale des individus dans l'organigramme imaginaire de la société". Il s'inscrit dans le temps par les horaires de travail et il rythme toute la vie, de la période de formation à la retraite, en passant par les temps du non-travail : recyclage, loisirs, chômage. C'est donc, depuis les débuts de la société industrielle, une construction sociale et un objet de représentations sociales. C'est enfin un espace de rapports sociaux de différents ordre : organisation des espaces de travail, relations collectives et individuelles créées par le travail et autour de lui. Chacun de ces aspects est, ou a été, analysé par la sociologie du travail.

L'ouvrage Sociologie du travail : 40 ans après (coordinateur A. POUCHET, Éditions Elsevier, 2001) présente un bilan "quasi rituel" de la sous-discipline et de son évolution à un moment charnière de l'évolution socio-économique."

Sabine ERBÈS-SEGUIN, La sociologie du travail, La Découverte, 2010. Pierre TRIPIER, Sociologie du travail, dans Sociologie contemporaine, Vigot, 2002.

 

SOCIUS 

 

Relu le 5 décembre 2021

 

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