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8 juillet 2020 3 08 /07 /juillet /2020 16:27

     George FOX, théologien anglais, fondateur de la Société religieuse des Amis (Quakers), témoin de grands bouleversements sociaux, s'oppose au consensus religieux et politique, en proposant une nouvelle approche plus rigoureuse de la foi chrétienne. Son journal, qui contient une description très vivante des périples de son auteur, s'est imposé comme une oeuvre littéraire majeur. Grand voyageur, en Europe et aux Amériques, il influe nombre de communautés, qui ne reprennent pas tous tous les éléments de sa pensée.

   Toutes les particularités du quakerisme s'expliquent par les conditions ecclésiastiques de sa naissance. Son fondateur George FOX, anglican par sa famille, avait été choqué dès la fin du règne de Charles 1er, et encore plus pendant le Commonwealth cromwellien, par l'abondance des groupements, sectes et Églises qui prétendaient tous à la vérité et dont le formalisme et l'exclusivisme lui inspirent de l'aversion. Il devient alors un "chercheur" (seeker), c'est-à-dire un homme détaché de toute appartenance ecclésiastique, en quête d'une vérité à découvrir personnellement. La mystique de Jacob BOEHME, dont les écrits viennent alors d'être traduits en anglais, semble l'avoir beaucoup influencé. A cela il faut ajouter une introversion quasi maladive qui joue, chez lui, dans le sens de l'individualisme mystique. Comme beaucoup de seekers de son temps, le père de la Société des Amis participe à la fermentation antinomienne caractéristique des sectes du Commonwealth. Il n'hésite pas à interrompre les cultes de l'Église officielle pour proclamer son message, à braver les autorités ou à les apostropher durement. Ainsi, le sobriquet de quakers (c'est-à-dire trembleurs) attribué à ses disciples viendraient, selon certains, du conseil qu'il aurait donné à un juge qui l'interrogeait : "Fais ton salut avec crainte et tremblement." A moins que les "Amis" n'aient été dénommés trembleurs à cause des manifestations d'émotion frénétique qui se produisaient habituellement dans leur culte et leurs prédications. Parmi les premiers Amis, certaines donnèrent le spectacle de véritables déviances, tel James NAYLER, qui se prenait pour Jésus lui-même. Quoi qu'il en soit des liens possibles entre les quakers - pacifistes absolus et se refusant à tout serment - et certains mouvements révolutionnaires du Commonwealth, tels les diggers, les levellers et les ranters, le quakerisme se caractérise par une attitude de protestation radicale, sociale et religieuse. En rejetant le vouvoiement, les formules et les gestes de politesse, les appellations traditionnelle des jours de la semaine, en refusant même de donner aux églises d'autre nom que celui de "maisons à clocher" (steeple houses), les premiers quakers mettent en cause toutes les relations sociales et religieuses de l'époque et du lieu, de même qu'ils dénoncent, avec toutes les branches de la Réforme radicale, le lien entre la culture de la société globale et le christianisme (véritable). (Jean SÉGUY)

 

Une jeunesse rebelle à son milieu

   Dès l'enfance, George FOX, issu d'un père tisserand et d'une famille anglicane pratiquante, se montre enclin au sérieux et à une forte religiosité. Il ne connait aucune scolarité mais apprend néanmoins à lire et à écrire, étudiant la Bible avec assiduité. Selon lui-même, "lorsque j'atteignais l'âge de onze ans, je connaissais la pureté et la vertu car, au cours de mon enfance, on m'enseigna le chemin à suivre pour rester pur. Le Seigneur m'apprit à être fidèle en toutes choses, et à agir fidèlement de deux manières : intérieusement envers Dieu et extérieurement envers les hommes."

Malgré le désir de ses proches de faire de lui un prêtre, il devient apprenti auprès d'un cordonnier et d'un berger. Cette situation convient à son caractère contemplatif, et il est vite renommé pour sa compétence auprès des marchands de laine ayant affaire avec son maître. L'obsession constante de FOX est la poursuite de la simplicité dans la vie, c'est-à-dire la recherche de l'humilité et le refus du luxe (qu'il constate chez les prêtres anglicans), autant de valeurs qui lui ayant été inculquées par son expérience de berger. La Bible lui donne quantités de modèles de bergers dont il faut suivre l'exemple (Noé, Abraham, Jacob, Moïse...).

Cela ne l'empêche pas de cultiver l'amitié de personnes plus éduquées. Goerge FOX rend régulièrement visite à Nathaniel STEPHENS, le prêtre de son village, et engage avec lui de longues conservations théologiques, même s'ils se trouvent souvent en désaccords. Il compte également des amis parmi les professeurs anglicans, mais finit par les mépriser à la fin de son adolescence en raison de leur comportement, notamment de leur dépendance à l'alcool.

 

Premiers voyages et premières tentatives de "conversions"...

    Cette expérience du milieu des prêtres anglicans le pousse à quitter Drayton-in-the-Clay en septembre 1643 et à errer sans destination précise, dans un certain état de confusion mentale. Il trouve refuge dans le bourg de Barnet, à Londres, et peut s'enfermer dans sa chambre pendant des jours tout comme s'aventurer seul dans la campagne. Ses méditations tournent alors principalement autour de la tentation de Jésus par Satan dans le désert; épisode biblique qu'il compare à sa propre condition spirituelle. Notons qu'il n'est pas le seul dans ce cas à cette époque de l'histoire de l'Angleterre, peuplée de mystiques de tout ordre. George FOX attire parfois l'attention de quelques théologiens, mais il les rejette comme menant une vie indigne des doctrines qu'ils enseignent. Il recherche également la compagnie des membres du clergé mais n'y trouve aucune réconfort, car eux aussi semblent incapable de répondre aux maux qui le tourmente (fumer du tabac, réciter des psaumes, saignées sont fréquemment conseillés!). Après un retour auprès de sa famille (qui pousse à se marier ou au service militaire...), il recommence ses errances, mais avec plus de circonspection dans ses rencontres, et également avec plus de ténacité dans l'expression de ses désaccords, voie qui le conduit plus tard à provoquer les ecclésiastiques en plain sermon...

Dans les quelques années qui suivent, George FOX voyage plus loin, à travers le pays et raffermit ses convictions religieuses. A savoir :

- Les chrétiens, bien qu'ils pratiquent leur religion de diverses manières suivant les endroits, seront tous "sauvés" par leur foi. Les rites religieux n'ont donc aucune incidence pourvu que le croyant soit pur en son for intérieur.

- La capacité pour exercer la prêtrise est donnée à un homme par le Saint-Esprit, et non par des études religieuses. Cela implique que n'importe quelle personne, y compris une femme, a le droit de guider les fidèles.

- Dieu "habite le coeur de son peuple obéissant"  : l'expérience religieuse ne doit donc pas être confinée au seul bâtiment de l'église. FOX, de fait, refuse de qualifier un édifice d'"église". Il préfère pratiquer son culte au milieu des champs, dans l'idée que la présence de Dieu peut aussi se faire sentir au sein de la nature.

   il cultive des relations avec les "Dissidents anglais", des petits groupes de croyants ayant rompu avec les églises établies en raison de l'originalité de leurs idées. Il espère un temps que ces "Dissidents" soient en mesure de l'aider dans son accomplissement spirituel, mais ses attentes sont déçues et il doit quitter un de ces groupes parce qu'il s'évertue à maintenir que les femmes possèdent elles aussi une âme.

 

La fondation de la Société des Amis et les premiers emprisonnements...

   George FOX commence à exercer ce qu'il appelle son ministère en 1648. Prêches sur les marchés, dans les champs, dans les "maisons-clochers"... Prêches puissants, dits avec conviction, se basant sur les Saintes-Écritures, mais puisant dans son expérience personnelle, au milieu souvent de querelles entre de nombreux courants chrétiens aux vues très opposées... Probablement cette confusion est profitable au trublion, notamment parce que la justice sociale se situe souvent au milieu de son discours moralisant. Nombreux sont ceux qui adhèrent alors à ses vues... dans les années 1650 le mouvement s'accélère...

Il est d'ailleurs inculpé de blasphèmes, souvent, et passent de longues semaines en prison, où les geôliers se voient refuser par lui le paiement de ses séjours (en effet, les prisonniers devaient payer leur pitance et les soins à leurs chevaux...) et le traitent durement. Il connait plusieurs périodes d'emprisonnement et ne doit sûrement qu'à ses nouveaux amis de ne pas tomber dans les oubliettes : à Londres en 1654, à Launceston en 1656, à Lancaster en 1660 et 1663... à Woercester en 1674... Bien que les lois interdisant la pratique d'un culte non autorisé aient été peu appliquées dans la pratique en Angleterre, elles sont parfois soulevées contre les quakers, sans doute par la manière volontairement provocatrice de leurs interventions. En plus, nombre d'Amis refusent de prêter serment devant les tribunaux, refusant l'allégeance à la Couronne.

Même pendant ses séjours en prison, George FOX continue d'écrire et de prêcher. Il considère sa condition de prisonnier comme une bonne occasion d'entrer en contact avec les gens qui ont besoin de son aide, geôliers ou prisonniers.

Très tôt, George FOX est confronté à des "adeptes" exaltés, mystiques, qui dans leur élan "évangélisateur" se désignent eux-mêmes comme nouveaux prophètes délivrant la Parole. Notamment vers 1656, chez l'un de ses meilleurs collaborateurs du moment, James NAYLER. Il vit vite le danger de ces "Messies" et reconnût que lui-même pouvait avoir les mêmes élans et la même intransigeance morale et c'est en partie pour se sauvegarder de ce danger qu'il prône une organisation communautaire de la gestion de la vie religieuse des Amis comme surtout une expression collective des opinions des membres.

 

La Société des Amis prend de l'ampleur de l'importance... politique!

  Dans les années 1650, les réunions organisées par le Amis attirent déjà des fidèles par milliers. Le Commonwealth, craignant un complot monarchiste, redoute que la population voyageant en compagnie de George FOX n'ait pour but de renverser le gouvernement. En 1655, FOX est arrêté et conduit à Londres pour un entretien avec Olivier CROMWELL. Après avoir assuré le Lord Protecteur qu'il n'a aucune intention de prendre les armes, FOX peut discuter avec lui des différences existant entre les Amis et les Églises plus traditionnelles, avant de lui conseiller d'écouter la voix de Dieu et d'y obéir. Son Journal rapport qu'au moment où il prend congé, CROMWELL, les larmes aux yeux, lui proposant de revenir le voir. Ce qui se passe en 1656 pendant plusieurs jours. Si l'entrevue se passe bien sur un plan strictement personnel, de même qu'en 1658, il n'en résulte que peu de choses, car CROMWELL est déjà très affaibli (il meurt en septembre 1658). Les nombreuses persécutions ne cessent guère (environ un millier en prison en 1657), parallèlement d'ailleurs à un développement considérable de la Société des Amis à travers tout le pays.

La restauration de la monarchie anglaise, avec l'avènement de Charles II, laisse les quakers dans une position précaire, vu les relations avec CROMWELL. Toutefois, ils bénéficient de la recherche de l'apaisement tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de Charles II, lui-même à l'écoute des appels à la recherche de la paix (il met un terme aux prises de serment et aux jeux de hasard...). Des centaines de quakers sont libérés de prison, malgré l'incertitude du gouvernement sur leurs possibles liens avec d'autres mouvements violents.

C'est dans ce contexte que de nombreux Amis peuvent émigrer en Amérique, dans une relative quiétude, même si après un temps passé en Nouvelle-Angleterre, nombreux sont bannis par les colons. Charles II facilite leur retour en Angleterre tout en faisant publier un édit interdisant ce bannissement. Les allers-retours d'Amis aux deux rives de l'Atlantique suscitent alors un grand intérêts pour le Nouveau-Monde, et pas seulement dans les cercles quakers...

 

Voyages en Amérique et en Europe.

   George FOX part en voyage (marié en 1669) en 1671 à la Barbade, puis dans les colonies anglaises d'Amérique du Nord. Parvenu au Maryland, il participe à une grande réunion de quatre jours avec les quakers locaux. Tandis que ses compagnons de voyage parcourent les autres colonies, il préfère rester un certain temps pour rencontrer quelques Indiens qui se disent intéressés par le mode de vie des quakers. Très impressionné par leur caractère, qu'il qualifie d"affectueux" et "respectueux". En Caroline du nord, il a d'ailleurs l'occasion de s'opposer fermement à un homme qui déclare que "la lumière et l'esprit de Dieu ne sont pas dans les Indiens".

Ailleurs dans les colonies, FOX aide à structurer les communautés d'Amis selon les mêmes principes que ceux adoptés en Angleterre. Il prêche également auprès de non-quakers, dont certains se convertissent. D'autres, notamment les catholiques, restent sceptiques.

Après avoir longuement parcouru les colonies américaines, George FOX regagne l'Angleterre en 1673. Vite renvoyé en prison, sa santé commence à en souffrir. Sorti de prison grâce à une demande de sa femme au Roi, il est devenu trop faible pour reprendre tout de suite ses voyages. Occasion d'écrire davantage, se consacrant à la question du serment, convaincu de son caractère crucial pour les quakers. Il rend ensuite visite aux Amis des Pays-Bas (1677 et 1684), et brièvement à des Amis allemands. Pendant ce temps, FOX écrit régulièrement en Angleterre pour participer aux débats à propos notamment du rôle des femmes dans les réunions. Au cours des dernières annés de sa vie, il continue de participer aux réunions annuelles de la communauté anglaise, et se rend même au Parlement pour y dénoncer les souffrances subies par ses compagnons. L'Acte de Tolérance (Act of Toleration) de 1689 récompense ses efforts, et permet à de nombreux Amis de sortir de prison.

A sa mort en 1691, et malgré les persistantes persécutions, il y a 50 000 quakers en Angleterre et en Irlande, sur une population d'environ 5 millions d'habitants. Il y a des groupes également en Hollande, en Nouvelle-Angleterre, en Pennsylvanie, au Maryland, en Virginie et dans les Carolines, qui prospèrent ensuite dans des conditions diverses.

 

Une oeuvre religieuse et littéraire très diffusée

  Le Journal de George FOX est publié pour la première fois en 1694, après avoir été édité par Thomas ELLWOOD, un ami de John MILTON et de William PENN. L'oeuvre en tant qu'autobiographie à tonalité religieuse est souvent comparée aux Confessions de SAINT-AUGUSTIN ou aux écrits de John BUNYAN. Le Journal, malgré son caractère extrêmement personnel, réussi à captiver tant les lecteurs ordinaires que les historiens en raison de la richesse des détails concernant la vie au XVIIe siècle ou les villes et villages visités par l'auteur.

  Des centaines de lettres écrites par FOX, pour la plupart des épîtres destinés à tous mais aussi quelques missives personnelles, ont également été publiées. Composées à partir des années 1650 sous des titres tels que Amis, recherchez la paix de tous les hommes ou aux Amis pour se reconnaître dans la lumière, les lettres donnent un aperçu essentiel de la pensée de l'auteur, et montrent sa détermination à la répandre. Ces écrits ont trouvé un public au-delà de la communauté quaker, de nombreux autres courants chrétiens les utilisant pour illustrer les principes du christianisme.

  L'influence de FOX sur la Société des Amis fut naturellement considérable, et la plupart de ses idées ont été largement reprises par la communauté. Toutes cependant n'ont pas reçu l'approbation de l'ensemble des quakers : son rejet puritain de toute forme d'art et de la théologie n'ont empêché le développement de ces matières chez les quakers que pour quelque temps.

Il est considéré de manière générale comme un pionnier. Son attitude pour la justice sociale et pour la paix (contre le service militaire et tout enrôlement dans des armées) est reconnu bien au-delà des frontière idéologiques.

 

George FOX, Journal de Georg Fox, 1624-1690, fondateur de la Société des Amis, Éditions "Je sers", Paris, 1935 ; Pensées de George Fox, fondateur de la Société des Amis, Quakers, 1944. (voir le site de l'Université George Fox : www.georgefox.edu

Henry Van ETTEN, George Fox et les Quakers, Éditions du Seuil, collection "Maîtres spirituels", 1956.

 

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