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23 juin 2020 2 23 /06 /juin /2020 11:39

      Cet ouvrage collectif de 2015, réalisé en plein boom éditorial sur la question du climat, sous la direction d'un conseiller spécial de l'IFRI et senior fellow de la Brooking Institution, membre du Cercle des économistes, articule la réponse aux changements climatiques autour de propositions autour du "prix du carbone", question centrale encore pour beaucoup (voir les débats actuels autour de la taxe carbone) pour un réorientation, toujours capitaliste, de l'économie. Convaincu que, après la crise financière de 2008 que tout est à reprendre pour ouvrir une nécessaire ère nouvelle, une ère d'économie bas-carbone, Jacques MISTRAL a regroupé les contributions d'une quinzaine de spécialistes, surtout des économistes.

   Les auteurs condensent dans cet ouvrage pour contribuer à la grande mutation du XXIe siècle, leurs analyses et propositions, Jacques MISTRAL l'introduisant - par entretien interposé de Geoffrey PARKER, par un rappel du précédent historique du "petit âge glaciaire" du XVIIe siècle. Fort de l'irruption des études scientifiques sur le climat dans le débat public, malgré les dénégations de climato-sceptiques pas très objectifs (et bourrés de conflits d'intérêts), dénonçant d'ailleurs "un lobbyisme éhonté", les auteurs se situent maintenant dans la perspective d'une nécessité historique, même si tous ne partagent pas leur conception du futur. Sachant qu'une évolution du climat peut transformer une crise en catastrophe et conscient aujourd'hui que le climat n'est pas une variable mineure de l'évolution des sociétés, ces auteurs présentent chacun une facette de ce qu'ils espèrent être une solution à ce problème (existentiel).

   

     Jean TIROLE, par exemple, (Économie politique du réchauffement climatique) tirant les leçons du processus du Kyoto (amorcé par le protocole de 1997), déplore les lacunes des accords passés (surtout absence d'engagements fermes pour 2020 et promesses généreuses pour 2050) et propose, outre le renforcement d'institutions internationales de soutien des accords (entraide et contrôle), une feuille de route - définir une politique de lutte contre la pollution, tenir compte de la prépondérance des intérêts nationaux - et un processus qui comprendrait :

- un accord sur une bonne gouvernance : un chemin pour les émissions de CO2, globales, un marché mondial de CO2, un schéma de gouvernance internationale comprenant un mécanisme exécutoire, des carottes et des bâtons, l'abandon des politiques inefficaces comme les MDP.

- le lancement d'un système de suivi des émissions par satellite permettant de mesurer précisément l'évolution des émissions au niveau de chaque pays ;

- un processus de négociation pour la conception des compensations et les problèmes restants.

"Cette feuille de route laisse un certain nombre de questions ouvertes. Nous en avons évoqué quelques unes, mais d'autres viennent à l'esprit. Par exemple, puisque des négociations impliquant près de 200 pays sont assez improductives, il semblerait souhaitable de parvenir d'abord à un accord entre les grands émetteurs (actuels et futurs), qui exerceraient ensuite une pression délicate sur les autres pays. Dans ce processus en deux étapes, on pourrait commencer par un accord entre par exemple, les États-Unis, l'Union Européenne, la Chine, la Russie, le brésil, le Canada, le japon, l'Australie, l'Inde, etc. (...)"  Ces lignes ont été écrites avant l'élection de Donald TRUMP à la présidence des États-Unis et un tel schéma est bien entendu difficile à réaliser avec les États-Unis en ce moment...

   Si la contribution de Jean TIROLE reste globale, on entre vite dans le détail d'un sujet (le marché carbone) qui prend en compte des données économiques très diverses. De Christian de PERTHUIS et Pierre-André JOUVET (Négociation climatique et prix du carbone), à Jean-Marie CHEVALIER (transitions énergétiques, transitions économiques, de Pierre-Noël GIRAUD (Ressources naturelles et croissance verte : au-delà des illusions) à Anton BRENDER et Pierre JACQUET (Comment "financer le climat"?), de Jean-Paul BETBÈZE (Ambition politique et lucidité économique : pourquoi est-il si difficile d'agir pour le climat?) à Katheline SCUBERT et Akika SUWA-EISENMANN (Les pays du Sud face au changement climatique), de Bruno FULDA (Le leadership américain à l'épreuve du climat) à Patrick ARTUS (La Chine : plus une menace pour le climat?), sans oublier une postface de Michel ROCARD sur Le réchauffement climatique et l'évolution de l'Arctique, tous abordent un aspect bien précis d'une question d'ensemble. Ce qui fait de ce livre, malgré l'accélération de l'Histoire et la pandémie du COVID-19, un ouvrage intéressant.

Même si aucun ne remet véritablement en cause le capitalisme d'aujourd'hui, sauf à des aménagements qui peuvent être considérables, et tente en définitive de faire changer celui-ci sans changer de système économique. Le Cercle des économistes est bien connu pour son attachement au capitalisme de manière générale, même si la crise financière de 2008 a rebattu les cartes des positionnements. Mais par-delà son attachement au capitalisme, que ne partagent pas tous les auteurs cités d'ailleurs, il faut noter en cette moitié de la décennie 2010 que le vent a changé par rapport au problème climatique. Il n'est plus possible de le nier. Il s'agit de changer les choses pour que le système perdure. Si les considérations économiques abondent, au mot sur les conflits sociaux, même causés par des politiques plus fermes en matière de climat ou de pollution. Les considérations sont surtout géopolitiques et macro-économiques, même si les entreprises (et les entreprises privées s'entend) ne sont pas du tout oubliées dans les processus analysés et les propositions émises.

 

Sous la direction de Jacques MISTRAL, Le climat va-t-il changer le capitalisme? La grande mutation du XXIe siècle, Eyrolles, 2015, 270 pages.

 

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