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12 octobre 2019 6 12 /10 /octobre /2019 11:48

     Christine de PIZAN ou Christine de PISAN, est une philosophe et poétesse française, de naissance vénitienne. Elle est considéré comme la première femme écrivain de langue française ayant vécu de sa plume. Son érudition la distingue des écrivains de son époque, hommes ou femmes. Auteure prolifique, elle compose des traités de politique, de philosophie et des recueils de poésie, notamment entre 1400 et 1418. Elle est souvent citée par les auteures féministes. Elle est remarquée pour ses études sur la situation de la France de son époque.

 

Une femme à l'encontre des préjugés de son temps

    Son père Thomas de PIZAN (Tommaso di Benvenuto da PIZZANO), médecin réputé et conférencier d'astrologie (à cette époque médecine et astrologie vont souvent de pair, dans les études comme dans les professions) à l'université de Bologne, est appelé à Paris par Charles V en 1386. Plongée dans l'univers de la cour royale, Christine PIZAN, qui a hérité de son père son goût pour les études, profite de l'instruction dispensé par son père, dans la mesure du possible (la grammaire plutôt que les sciences...), et subit l'éducation donnée alors aux jeunes filles de la noblesse. Elle commence vite à composer des pièces lyriques très admirées. Mariée (1380) par son père à Étienne CASTEL, lequel, homme savant et vertueux, notaire du roi, éloigné de la cour après la mort du roi (la même année), meurt en 1387, la laissant veuve. Ne se remariant pas malgré sa détresse matérielle (attirant sur elle de ce fait méfiance et racontars), elle élargit le champ de ses études (1390-1399) et à partir de sa rencontre avec le livre de BOÈCE en octobre 1402, se converti à la philosophie et aux sciences. Elle s'intéresse à l'Histoire, domaine fort peu prisé, et à la poésie, et grâce aux commandes et à la protection de puissants comme Jean de BERRY et le duc Louis 1er d'Orléans, elle conquis une place dans le monde des courtisans, des savants, des hommes cultivés et des gens de pouvoir, que ce soit dans l'Église ou dans les cercles politiques (souvent les mêmes...). Se cantonnant à l'écriture, et n'affichant pas d'ambitions politiques particulières, elle convainc par ses convictions et son érudition peu commune pour l'époque, même parmi les hommes. Elle discute ainsi avec Jean de GERSON (1364-1429) menant une carrière ecclésiastique autant que politique, qu'elle soutient dans la querelle sur le Roman de la Rose de Jean de MEUNG. Lors de cette querelle, elle polémique avec de grands intellectuels comme Jean de MONTREUIL (1354-1418), admirateur de la culture antique, et qu'on désigne souvent comme le premier humaniste français, ou encore GONTIER et Pierre COL...

  Dans la première décennie du XVe siècle, Christine de PIZAN est une écrivaine renommée, en France comme ailleurs en Europe. Elle ne peut malgré son souci de rester en dehors des conflits directement en prise avec les problèmes de succession royale, éviter les choix politiques. En 1418, au moment de la terreur bourguignonne, elle trouve refuge dans un monastère. La victoire à Orléans de Jeanne d'ARC lui redonne l'espoir ; elle rédige en son honneur le Diété de Jeanne en 1429, avant de mourir peu de temps après.

   Christine de PIZAN est d'abord poétesse et c'est grâce à ses oeuvres de poésie qu'elle se faite connaitre et assure en même sa subsistance. Organisés dans des recueils, ses poèmes s'inspirent directement de son expérience personnelle. Elle est au sommet dans la littérature de l'art de la ballade. Des aspects pré-féministes y percent parfois, renforcés nettement dans ses écrits didactique et éducatif. Il met l'accent sur la fonction éducative des femmes et certains considèrent son intervention dans la polémique à propos du Roman de la Rose comme un manifeste, sous une forme primitive, du mouvement féministes (Epistre ou Dieu d'Amours (1399), Dit de la rose (1402), critique de la seconde partie du Roman de la Rose. Elle écrit également dans des domaines alors considéré du domaine réservé aux hommes, sur le religieux et le militaire.

 

Une écrivain prolifique dans le domaine de la stratégie

   Dans son enfance, elle suit son père, astrologue de renon, qui part pour la cour de France peu après la naissance de sa fille. Sa vie est marquée par les troubles politiques et religieux liés à la guerre de Cent Ans, notamment la débâcle d'Azincourt de la chevalerie française devant les archers anglais. Elle subit également les conséquences des guerres civiles de Bourgogne et d'Orléans.

Toute son oeuvre est dominée par la force d'un patriotisme d'avant la lettre qu'elle perçoit comme l'unique remède aux nombreux maux qui frappent le pays. C'est dans ce contexte d'insécurité qu'elle rédige son traité de stratégie, Le Livre des faits d'armes et de la chevalerie, en 1409. Peu après, elle écrit ses Lamentations sur les maux de la guerre civile (1410) et le Livre de la paix (1412).

Le Livre des faits d'armes est avant tout une récapitulation de la pensée stratégique classique que l'auteur amalgame aux doctrines contemporaines sur l'éthique de la guerre. Christine de PISAN subit l'influence des Anciens comme Flavius VÉGÈCE, Jules FRONTIN et Valerius MAXIME, et celle d'auteurs contemporains comme Honoré BONET, auteur de L'Arbre des batailles (1388). Il est divisé en 4 parties, les deux premières étant consacrées aux stratèges romains avec quelques allusions aux événements contemporains. Les deux dernières parties traitent des lois qui gouvernent civils et militaires et des lois qui régissent les relations entre nations. Les passages les plus intéressants de ce traité sont composés sous forme de dialogues entre Christine de PISAN et des contemporains anonymes. L'analyse commence par un débat sur la guerre juste. L'auteur dresse ensuite le portrait du commandant idéal et suggère que sa présence sur les champs de bataille n'est pas toujours indispensable. Cette admiratrice de Jeanne d'ARC s'intéresse également à l'éducation militaire des jeunes hommes, qui, pense-t-elle, doit être accompagnée d'une forte discipline. Elle fait la distinction entre les jeunes gens d'origine aristocratique et les autres. Les premiers doivent être entrainés à l'art de la chevalerie, les seconds au tir à l'arc. Suit une analyse sur les fortifications et les sièges qui décrit en détail l'état de la technologie militaire du début du XVe siècle. L'intérêt de son ouvrage est qu'elle minimise l'approche ritualisée et individualiste du combat, incarnée par les exploits du chevalier, au profit d'une conception plus pragmatique de la guerre, marquée par la discipline, la cohésion et la loyauté envers le prince.  Ce constat annonce déjà, même timidement, les changements qui interviennent plus tard au cours du siècle suivant et qui aboutissent aux réformes proposées par MACHIAVEL. (BLIN et CHALIAND)

 

Une oeuvre oubliée et redécouverte

    Son oeuvre, dans l'ensemble, est ensuite oubliée, mais est redécouverte à la Renaissance, utilisée également, avant de retomber de nouveau dans l'oubli, comme appartenant à une époque aux critères techniques et esthétiques révolus. Elle n'est pas ignorée, mais plus très accessible directement.

C'est seulement au XIXe siècle et dans les premières années du XXe que sont exhumées ses ouvrages et certains bénéficient d'une édition permettant d'atteindre un public plus large que celui des érudits. Ses textes sont commentés surtout pour sa qualité poétique et sa loyauté envers le royaume, source pour certains du patriotisme (surtout pour les historiens de la moitié du XIXe siècle). A la fin du XIXe siècle, c'est surtout à partir des cercles féministes que son oeuvre, de manière assez sélective d'ailleurs, est diffusée et commentée. Dans les premières années du XXe siècle, des études tendent à donner d'elle et de ses écrits un portrait plus précis, plus "neutre", replacé dans son contexte historique, débarrassé de ces liaisons anachroniques entre l'époque de l'auteure et l'époque des contemporains.

Pendant la seconde guerre mondiale, la Résistance utilise la figure de Christine de PIZAN, de même que Jeanne d'ARC est évoqué dans les rangs de la Résistance par les oeuvres d'ARAGON ou de Jules SUPERVIEILLE, dans un parallèle entre la France déchirée par la guerre de Cent Ans et le pays occupé et coupé par la ligne de démarcation...

A partir des années 1980, son oeuvre connait un regain d'intérêt, mesurable par le nombre de travaux qui sont consacrés à ses livres. Les études sur le Moyen Âge et les études féministes se conjuguent pour lui donner une place dans la culture officielle. La Livre de la Cité des Dames prend une dimension fondamentale à cet égard. Il est traduit en Français moderne en 1986 par Thérèse MOREAU et Éric HICKS. Le développement de la gender history contribue aussi au succès de l'oeuvre de Christine de PIZAN.

 

Christine de PIZAN, Poésies diverses composées entre 1399 et 1402 ; Epistre au Dieu d'amours, 1399 ; Le Chemin de longue estude, 1403 ; La Cité des dames, 1404-1405 ; Le Livre des trois vertus à l'enseignement des dames, 1405 ; Le Livre de la paix, 1414... Tous ces ouvrages, écrits en vieux Français, sont disponibles au site de la BNF.

Maurice ROY (éd.), Oeuvres poétiques de Christine de Pizan, Firmin-Didot, 1886-1896. Mathilde LAIGLE (éd.), Le livre des trois vertus de Christine de Pisan et son milieu historique et littéraire, Honoré Champion, 1912. Suzanne SOLANTE (éd.), Le livre des Fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, H. Champion, 1936-1940. Charity Cannon WILLARD (éd.), Le livre des trois vertus, édition critique, introduction et notes de CCW, texte établi en collaboration avec Eric HICKS, Honoré Champion, 1989. Thérèse MOREAU (éd.), La Cité des dames, texte traduit par TM et EH, Stock, collection Moyen Âge, 2005. 

Ernest NYS, Christine de Pisan et ses principales oeuvres, Bruxelles, 1914. Régine PERNOUD, Christine de Pisan, Paris, 1982.

Simone ROUX, Christine de Pizan, Femme de tête, femme de coeur, Payot & Rivages, 2006. Françoise AUTRAND, Christine de Pizan, Fayard, 2009.

Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016.

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