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25 avril 2019 4 25 /04 /avril /2019 08:51

      Le terme "défense", indique Elsa SCHMID-KIDSIKIS, désigne "toutes les techniques dont se sert le Moi dans des conflits qui peuvent éventuellement mener à la névrose. Dans sa première acception freudienne, la qualité inconsciente des défenses est due au conflit entre la pulsion et le Moi et aux caractères inconciliables d'une perception ou d'une représentation (souvenir, fantasme, etc) avec les impératifs moraux. Les défenses ont ainsi pour fonction de maintenir et de prolonger un état de constance psychique en évitant l'angoisse et le déplaisir." La notion de défense, poursuit-elle, "acquiert une certaine extension à partir du moment où Freud attribuera de l'importance au principe de réalité et au pouvoir exercé par le Surmoi. Mélanie Klein, pour sa part, ira jusqu'à concevoir des défenses au niveau d'un Moi archaïque."  Dans la correspondance de FREUD à Wilhelm FLIESS en 1894, il considère que la notion de défense est en relation avec celle de conflit, et précisément "c'est contre la sexualité que se dresse la défense".

L'analyse de la défense qui met en scène le conflit entre la pulsion et le Moi, alors que ce dernier est conçu comme agent conscient du refoulement est approfondie par Sigmund FREUD dans ses "Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense" de 1896. Il y présente la défense comme "point nucléaire" dans le mécanisme  psychique des névroses. Il souligne de manière plus claire à propos des symptômes la qualité inconsciente du mécanisme psychique de la défense due au caractère inconciliable d'une représentation avec les impératifs moraux. Dans le texte intitulé "le refoulement", de 1915, il fait apparaître ce mécanisme comme une défense "qui ne peut se produire qu'une fois établie une distinction entre les activités conscientes et inconscientes, et qui, suivant sa nature même, son rôle est de rejeter hors du conscient, de maintenir éloigné de ce dernier tout ce qui doit être refoulé".

FREUD note beaucoup plus tard, qu'après avoir abandonné durant 30 ans, "le terme de processus de défense" et lui avoir substitué celui de refoulement (sans vraiment avoir précisé la relation pouvant exister entre ces deux concepts), il voir un avantage certain à revenir "au vieux concept de défense". Entretemps, les polémiques entre lui et ses disciples à ce propos ont peut-être introduit des confusions, qui mettent en musique des relations de plus en plus complexes entre les différentes instances du psychisme. FREUD écrit qu'il ne s'agissait là que d'un abandon partiel, puisqu'il traite du déni de castration à propos des théories sexuelles infantiles du "petit Hans" et plus explicitement à propos du fétichisme, concept qui occupe une place centrale dans son oeuvre avec celui de négation qu'il définit comme représentant une "sorte d'acceptation intellectuelle du refoulé tandis que persiste ce qui est essentiel dans le refoulement". Ainsi, un "contenu de représentation ou de pensée refoulé peut se frayer la voie jusqu'à la conscience à la condition de se faire nier". Il traite également de la sublimation, notion déjà présente dans "Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci" de 1910, et reprise en 1923 dans Le Moi et le ça à propos de l'énergie du Moi que FREUD définit comme une énergie "désexualisée" et "sublime". N'empêche que ce besoin de remettre au premier plan la notion de défense provient directement de la nécessité pour le fondateur de la psychanalyse de dresser une discipline cohérente face à toutes les polémiques et toutes les attaques dans les milieux de la psychologie et de la médecine...

On peut sans doute écrire toutefois comme le fait notre auteure que "c'est probablement grâce à ces distinctions, qui précèdent Inhibition, symptôme et angoisse (1926), que Freud pourra donner à ce "vieux concept de défense" une fonction plus large (tout en délimitant la notion de refoulement) dans la mesure où la défense désignerait "de façon générale toutes les techniques dont se sert le Moi dans ses conflits, qui peuvent éventuellement mener à la névrose, tandis que nous gardons le terme de refoulement pour l'une de ces méthodes de défense en particulier".

    Dans  la lignée des travaux de son père, Anna FREUD cherche à élaborer une théorie valorisant le fonctionnement des trois instances de la deuxième topique. Elle décrit en particulier le fonctionnement du Moi (Le Moi et les mécanismes de défense, 1936) qui, devenant "méfiant" face à l'offensive des pulsions, "se livre à une contre-offensive et envahit les territoires du ça. Il tend à paralyser définitivement les pulsions en adoptant des mesures de défense propres à sauver sa protection".

Pour bien comprendre ces théories, il faut constamment se placer du point de l'enfant qui fait face, jusqu'à l'âge adulte où il en garde la mémoire qui structure d'ailleurs son caractère, à de constants changements corporels et d'humeurs déstabilisants, poussées auxquels il tente d'opposer de véritables stratégies de défense, s'inspirant souvent des exemples autour de lui et des sentiments de la société dans son ensemble à l'égard précisément de ces changements...

    Dans la même lignée de pensée, René SPITZ, dont les travaux sur le développement précoce situent les premiers mécanismes de défense dès l'apparition du deuxième organisateur (l'angoisse dite du huitième mois ou encore dite de l'étranger), précise que ceux-ci sont à leurs débuts "au service de l'adaptation plutôt que de la défense au sens strict du terme". C'est avec l'établissement de l'objet et le commencement de l'idéation que leur fonction change. Dès l'intrication des pulsions agressives et libidinales, certains mécanismes de défense, l'identification en particulier, "acquièrent la fonction qu'ils remplissent à l'âge adulte". Ainsi, l'approche choisie par Anna FREUD pour rendre compte du fonctionnement psychique donne un certain pouvoir aux fonctions adaptatives du Moi. Ses travaux sont par la suite fréquemment cités en référence par le mouvement dit de la Psychologie du Moi qui se constitue dans les années 1950 aux États-Unis. Heintz HARTMANN (avec Ernst KRIS et Rudolph M. LOEWENSTEIN), parallèlement à ses travaux et à l'intérieur du mouvement de l'Ego-Psychology, développe sa théorie du Moi dans ses rapports avec le problème de l'adaptation ou en d'autres termes "la sphère du Moi libre de conflit" ou encore le développement autonome du Moi (La Psychologie du Moi et le problème de l'adaptation, 1936). le fonctionnement psychique dans son ensemble est vu sous l'angle de la défense dans sa recherche d'un équilibre.

    A l'époque où Anna FREUD publie ses premiers travaux psychanalytiques, Melanie KLEIN introduit une ligne de pensées qui, si elle bouscule l'orthodoxie freudienne par la précocité qu'elle attribue au fonctionnement des instances psychiques, redonne à l'angoisse et au conflit psychique leur importance fondamentale. Elle s'appuie sur la deuxième théorie freudienne des pulsions en attribuant une place centrale à la pulsion de mort et aux conflits entre l'amour et la haine. Elle développe ainsi ses idées sur les mécanismes de défense précoces déjà présents, selon elle, lors des premiers mois de la vie au cours de la position schizo-paranoïde.

Elsa SCHMID-KITSIKIS note que "le concept de défense dans son évolution et son utilisation depuis Freud a subi une certaine banalisation aussi bien en psychologie clinique qu'en psychanalyse. Il désigne alors soit un comportement relativement conscient de refus d'une réalité psychique (ce qui le rend plus proche du concept de résistance), soit un mouvement psychique qui cherche à échapper à l'angoisse et au déplaisir en vue d'une adaptation et d'un état d'équilibre. Il en résulte que la fonction de la défense en tant que mécanisme nécessaire à la croissance psychique est souvent négligé."

   Élisabeth ROUDINESCO et Michel PLON effectue dans leur Dictionnaire une semblable présentation, sauf qu'ils considèrent surtout les travaux de Sigmund FREUD, d'Anna FREUD et de Mélanie KLEIN, faisant également une place sur l'apport de Jacques LACAN. Ce dernier combat la conception qui mène à l'Ego-Psychology, notamment dans divers articles des années 1950-1960. L'auteur des Écrits la dénonce comme une trannsformation de la psychanalyse en une démarche adaptative, une forme d'orthopédie sociale contre laquelle il entreprend son "retour à Freud".

 

Élisabeth ROUDINESCO et Michel PLON, Dictionnaire de la psychanalyse, Le livre de poche, Fayard, 2011. Elsa SCHMID-KITSIKIS, Défense, dans Dictionnaire international de la psychanalyse, Sous la direction de Alain de Mijolla, Grand Pluriel, Hachette Littératures, 2005.

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