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19 juin 2018 2 19 /06 /juin /2018 09:15

       Mikhaïl Nikolaïevitch TOUKHATCHEVSKI est un militaire russe puis soviétique. Maréchal de l'Union Soviétique en 1935, il fait partie de ces officiers, qui, à travers l'Europe devine l'emploi que l'on peut faire de certaines innovations technologiques, que ce soit dans le domaine des blindés motorisés ou de l'aviation. 

Il faut noter que nombre d'écrits de stratégistes et de stratèges circulent, parfois avant publication officielle, entre officiers de différentes nations, les uns et les autres étant très en veille de toutes les innovations militaires. C'est ainsi que, après s'être rencontré en captivité en 1917, lui et DE GAULLE ont pu être en contact, et ont pu être attentifs l'un et l'autre à leurs carrières respectives, sans que leurs idées dépendent directement de l'un ou de l'autre. Les militaires ne sont d'ailleurs pas les seuls à comprendre l'essor futur des chars et des avions... La circulation des idées en matière militaire est chose ancienne, même après que les nationalismes se soient opposés à la circulation des officiers d'une armée à l'autre. 

 

Une des plus grandes personnalités importantes de l'entre-deux-guerres

     Avec FROUZÉ et TROTSKI, Mikhaïl TOUKHARTCHEVSKI est l'une des personnalités militaires les plus importantes de l'entre-deux-guerres en Union Soviétique. Après la mort prématurée et mystérieuse de FROUNZÉ et l'éviction de TROTSK, il devient le théoricien militaire officiel et l'architecte de l'Armée Rouge - jusqu'à ce qu'il soit victime à son tour des purges staliniennes en 1937. Il est avec FULLER, LIDDELL HART, ESTIENNE, DE GAULLE, GUEDERIAN et quelques autres, l'un des premiers à percevoir l'importance de la mécanisation dans la guerre moderne.

Après de brillantes études à l'Académie militaire, il participe à la Première Guerre Mondiale comme lieutenant dans un régiment russe d'élite (gardes Semyenovsky). Fait prisonnier, il s'échappe dans des conditions extraordinairement difficile et rejoint Moscou où il adhère au Parti bolchévique et participe à la création de l'Armée Rouge. IL va se distinguer sur plusieurs fronts  pendant la guerre civile. Il combat dans la 1ère armée avec laquelle il repousse KOLCHAK, puis se retrouve dans la 8è armée sur le front Sud et dans la 5e armée sur le front Est où il réalise une percée sur l'oral, et enfin dans la 13e armée avec laquelle il repousse DENIKINE. Il est à la tête de l'Armée Rouge dans l'offensive malheureuse contre la Pologne, et c'est encore lui qui étouffe les révoltes du Cronsdat et de Tambov en 1921, provoquant la fin des espoirs d'ailleurs de l'établissement d'une véritable république des Soviets. Il s'y illustre d'ailleurs en employant sans vergogne des moyens destructeurs pour les populations civiles touchées par les combats (emploi de gaz toxiques pour mater les révoltes).

Il est ensuite nommé à la tête de l'Académie militaire, puis chef d'état-major de l'Armée Rouge, commandant de la région de Leningrad et vice-commissaire du peuple à la défense.

   Fasciné par NAPOLÉON BONAPARTE, M.T. se distingue par le caractère offensif de son approche de la politique et de la guerre. Avec FROUNZÉ, il s'oppose à TROTSKI, ce dernier préconisant le retour à une armée traditionnelle. Il est persuadé que la révolution socialiste à l'échelle mondiale ne peut s'effectuer qu'avec un politique d'impérialisme militaire, le rôle de l'Armée Rouge étant autant politique que militaire. A cet effet, il se déclare contre les milices territoriales que veut établir TROTSKI. Il expose ses idées dans un pamphlet qui fait date, L'Armée Rouge et la milice, à travers lequel il définit l'armée révolutionnaire selon deux critères : ses objectifs politiques et ses méthodes de recrutement. Une armée révolutionnaire, argumente-t-il, est fondamentalement différente d'une armée de type capitaliste. La révolution socialiste suppose une guerre absolue dont l'aboutissement est l'anéantissement des forces capitalistes. Afin de s'assurer la victoire, l'armée révolutionnaire doit posséder un hiver inépuisable en ressources humaines, armée fondée sur la conscription obligatoire des travailleurs. Pour fonctionner efficacement, le commandement de cette armée doit être centralisé à l'extrême. Avec FROUNZÉ, avec lequel il développe une relation de travail intime, TOUKHATCHEVSKI peut réaliser certaines de ces réformes. Il se retrouve dans une position vulnérable au niveau politique. Néanmoins, il consolide sa position de théoricien militaire le plus influent de l'armée soviétique.

    La période allant de 1925 à 1935 est une période de grande liberté intellectuelle au sein de l'Armée Rouge. Les Soviétiques sont à l'avant-garde de la doctrine militaire, tant au niveau stratégique que tactique, à une époque où l'invention de nouvelles technologies de guerre - blindés, avions, communications - appelle à des changements importants dans la façon dont doit être envisagé le prochain conflit. M.T. comprend vite les conséquences de la mécanisation pour l'avenir de la guerre. persuadé que la victoire passe maintenant par le choc offensif destiné à déstabiliser l'ennemi physiquement et moralement, il considère l'avènement du car et de l'avion comme le moyen d'appliquer une tactique caractérisée par sa brutalité et sa vitesse d'exécution. Pour permettre aux chars d'exploiter leur potentiel de vitesse et de mobilité, il encourage la mécanisation de toutes les armes? Farouchement opposé à la spécialisation à outrance, il préconise la coopération interarmes. Face aux nouvelles données, officiers et soldats doivent faire preuve de souplesse et d'ingéniosité. L'aviation a pour mission de disjoindre les lignes de communication ennemies. M.T. veut une armée capable de réaliser une pénétration rapide mais possédant une réserve solide pouvant assurer ses arrières. Encourageant la pénétration des lignes ennemies, il crée les premières unités d'infanterie parachutiste.

Par une ironie de l'Histoire, la tactique qu'il propose est quasiment identique à celle que les Allemands appliqueront face aux Soviétiques en 1941. Malgré quelques réticences, les idées de M.T. sont initialement adoptées, mais les purges staliniennes détruisent tout le travail accompli lors des quinze années précédentes. L'expérience de la guerre civile en Espagne, où les chars se montrent moins performants que prévu et où les observateurs soviétiques suivent attentivement le cours des opérations, anéantit définitivement les réformes entamées par TOUKHATCHEVSKI. (BLIN et CHALIAND).

    Son éviction de l'Armée et son exécution semble liée à la diplomatie internationale de STALINE qui entend ménager l'Allemagne (ce qui aboutit au pacte germano-soviétique). M.T. met en garde - et publiquement - dans les années 1930 contre la montée et les ambitions de l'Allemagne nazie. Rehabilité par Nikita KHROUTCHEV en 1957, au titre de la déstalinisation, M.T. est alors considéré dans tout son mérite. 

 

Thomas BUTSON, The Tsar's Lieutenant-The Soviet Marshall, New York, 1984. Pierre FERVAQUE, Le Chef de l'Armée Rouge - Mikhail Toukhatchevski, PARIS, 1928. Leontin RAKOWSKI, Mikhail Tukhachevski, Leningrad, 1967. M. GARNER, Histoire de l'armée soviétique, Plon, 1959. 

 

Arnand BLIN et Gérard CHALIAND, tempus, 2016. Marina ARZAKANIAN, De Gaulle et Toukhatveski, Revue historique des armées, n°267, 2012. 

 

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