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19 janvier 2018 5 19 /01 /janvier /2018 14:10

    De tout temps, le soldat est soumis à fortes pressions psychologiques sur les champs de bataille et même lors des casernements. Qu'il soit appelé ou engagé, le soldat vit la guerre et en subit les dommages physiques et psychologiques les plus divers. Sans doute parce que les dommages psychiques sont bien moins visibles que les blessures et mutilations et aussi parce que la morale militaire assimile vite la lâcheté aux symptômes constatés, ils n'ont fait l'objet d'études systématiques que depuis peu.

 

Les troubles comportementaux de guerre...

C'est dans les sociétés "pacifiques" que l'on peut rencontrer ce stress dans la vie civile et sans doute est-il encore plus important que dans la guerre elle-même, bien plus que dans des sociétés à propension belliqueuse. On ne risque peut-être pas grand chose en estimant que dans la plupart des cas dans le passé, hormis ceux des officiers estimés, leur existence a souvent été niée.

Ce stress post-traumatique a été également constaté lors de graves accidents sur les survivants, que ce soit sur mer, sur terre ou dans l'air, et c'est lors des catastrophes aériennes, en ce qui concerne les civils, que l'on a pris très tôt conscience de l'existence de tels stress.  Qu'ils soient civils ou militaires, les personnes confrontées un jour ou l'autre à un événement traumatique qui met en question leur perception du monde ou même d'elles-mêmes, présentent des comportements physiologiques comme psychologiques qui persistent longtemps.

On constate, dans le civil comme dans les armées, une très grande variabilité dans les atteintes psychiques. Au Canada, on estime que jusqu'à 10% des vétérans ayant été affectés dans une zone de guerre, y compris des membres des forces de maintien de la paix de l'ONU, seront atteints d'une affection chronique appelée état de stress post-traumatique (ESPT), alors que d'autres n'éprouveront que certains des symptômes associés à ce trouble.

     Cet état de stress post-traumatique, celui subi par le soldat, fait partie d'un ensemble de troubles comportementaux de guerre, troubles psychiques et relationnels, parfois associés à des troubles psychomoteurs, connu depuis l'Antiquité. Rappelons que les troubles les plus fréquents constatés, par ordre de gravité, sont :

- insomnie ;

- cauchemars ;

- paranoïa ;

- culpabilité ;

- hallucinations ;

- dissociations de la personnalité ;

- comportements suicidaires : alcoolisme, consommation de drogues...

Tous ces symptômes sont renforcés par une impossibilité, au retour dans la famille ou la vie civile, de dire ou partager la violence qui a été donnée, vécue et ressentie, ce qui peut conduire à une désociabilisation. L'ancien soldat se plaçant par exemple souvent dans une situation d'incompris qui renforce sa vie solitaire ou avec d'autres soldats. Comme ceci est favorisée souvent par l'attitude globale de la société qui ne veut pas ou qui ne veut plus entendre parler de la guerre, ou d'une guerre précise. De plus, de nombreux soldats sont en outre tenus à un devoir de réserve ou ont dû promettre de ne pas révéler ce qu'ils ont fait ou vu, éventuellement contre leur gré et sous la menace. L'institution militaire, non seulement ne prend pas en charge souvent cet état psychique, mais renforce le secret autour. 

Dès la Première Guerre Mondiale, la psychiatrie militaire a identifié divers syndromes, plus ou moins bien compris dits "Shell-Shock", "Battle Fatigue" et "Battle Stress". De nombreux soldats étaient accusés d'être des simulateurs, et beaucoup ont été fusillés ou enfermés pour désertion pour cette raison.

 

 Les troubles de stress post-traumatique....

      C'est bien avant les Guerres du Golfe que sont intervenues, sous l'influence notamment des mouvements pacifistes et féministes et d'une partie du mouvement des anciens combattants dans les années 1980, de très nombreuses études autour de ce qu'on a appelé l'état de stress post-traumatique (ESPT). L'état d'épuisement physique et moral constaté sur place au combat ou à l'exposition d'armes chimiques ou encore de munitions toxiques, voire à une alimentation avariée, se prolonge dans le temps en un ensemble de  troubles de comportements.

     Historiquement, même si l'appellation n'est pas encore fixée, les premières études remontent à la fin du XIXe siècle, avec par exemple les approches du neurologue allemand Hermann OPPENHEIM (1889), qui utilise le terme de "névrose traumatique" pour décrire la symptomatologie présentée par des accidentés de la construction du chemin de fer.

      A strictement parler, le TSPT désigne un type de trouble anxieux qui se manifeste à la suite d'une expérience vécue comme traumatisante, avec une confrontation à des idées de mort. Le trouble de stress post-traumatique est une réaction psychologique consécutive à une situation durant laquelle l'intégrité physique et/ou psychologique du patient et/ou de son entourage a été menacée et/ou effectivement atteinte (notamment accident grave, mort violente, viol, agression, maladie grave, guerre, attentat-. Les capacités d'adaptation du sujet sont débordées. la réaction immédiate à l'événement se traduit par une peur intense, par un sentiment d'impuissance ou par un sentiment d'horreur. 

En terme de classification, dans le DSM V, le trouble de stress post-traumatique (TSPT), moins fréquent que la réponse aigüe au stress, est un trouble anxieux. Les symptômes caractéristiques apparaissent après un événement traumatique. Dans ce cas, l'individu souffrant de TSPT évite systématiquement tout événement ou discussions menant à ses émotions. Malgré ces stratégies de défense, l'événement revient sans cesse dans les pensées de l'individu en flashback ou en cauchemar. Les symptômes caractéristiques sont considérés sévères moins de trois mois après l'événement déclencheur et chroniques si persistants au bout de trois moins et plus. Le TSPT est différent de la réaction aigüe au stress. Il peut entrainer une altération clinique dans des domaines importants du fonctionnement physiologique.

 

Des troubles bien difficiles à éradiquer...

      Les symptômes persistants peuvent être classés dans trois grandes catégories : l'intrusion, l'évitement et l'hypervigilance. Ceci sans évoquer encore les problèmes connexes : dépression,  usage de l'alcool et des drogues, "dysfonctionnement" dans la vie familiale et dans les relations professionnelles. Diverses thérapeutiques sont proposées, avec plus ou moins d'efficacité, notamment sur le plan alimentaire, sur la gestion du sommeil, avec l'usage ou non d'une pharmacopée, qui n'a que des effets immédiats (au mieux), si l'ensemble de l'entourage et la société globale n'aide pas le patient. On peut penser que le climat "anti-terroriste" entretenu par les médias ne favorise pas son rétablissement. 

    On peut lire déjà dans le DSM IV, qui distingue l'état de stress post-traumatique de l'état de stress aigu comme d'ailleurs de l'anxiété généralisée :

" A - Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents :

- le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événement durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d'autrui a pu être menacée.

- la réaction du sujet à l'événement s'est traduite par une peur intense, un sentiment d'impuissance ou d'horreur.

   B - L'événement traumatique est constamment revécu (intrusion), de l'une (ou de plusieurs) des façons suivantes :

- souvenirs répétés ou envahissants de l'événement provoquant une sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions ;

- rêves répétitifs de l'événement provoquant un sentiment de détresse ;

- impression ou agissements soudains "comme si" l'événement traumatique allait se reproduire (incluant le sentiment de revivre l'événement, des illusions, des hallucinations, et des épisodes dissociation (flash-back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d'une intoxication) ;

- sentiments de détresse psychique, lors de l'exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l'événement traumatique en cause ;

- réactivité physiologique lors de l'exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect de l'événement traumatique en cause.

  C - Evitement persistant des stimulus associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), comme ne témoigne la présence d'au moins trois des manifestations suivantes :

- efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associées au traumatisme   ;

- efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme ;

- incapacité de se rappeler d'un aspect important du traumatisme ;

- réduction nette de l'intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités ;

- sentiment de détachement d'autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres ;

- restriction des affects ;

- sentiement d'avenir "bouché".

   D - Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme) comme en témoigne la présence d'au moins deux des manifestations suivantes :

- difficulté d'endormissement ou sommeil interrompu ;

- irritabilité ou accès de colère ;

- difficultés de concentration ;

- hypervigilance (par rapport à tout ce qui peut rappeler le traumatisme, peur d'avoir peur...) ;

- réaction de sursaut exagérée.

   E - La perturbation (symptôme des critères B, C, D) dure plus d'un mois.

  F - la perturbation entraine une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants."

Le manuel DSM IV précise aussi, ce qui contribue parfois à des brouillages de diagnostic, mais cela est général pour tout le DSM et cela empire avec les suivants..., de spécifier si cet état est aigu (durée des symptômes de moins de trois mois), chronique (si la durée des symptômes est de trois mois ou plus) ou différé (si le début des symptômes survient au moins six mois après le facteur du stress)...

  La littérature est si abondante de nos jours sur ce sujet qu'on peut facilement s'y perdre. La littérature psychiatrique est très abondante, et plus "popularisée" que les réflexions sociologiques ou politiques sur ce stress. 

 

Mini DSM IV-TR, Critères diagnostiques, Masson, 2005. Journal international de victimologie (articles en libre accès, revue financée par le conseil de recherches en sciences humaines du Canada, www. jidv.com). Claude BARROIS, Les névroses traumatiques : Le psychothérapeute face aux détresses des chocs psychiques, Dunod, 1998. 

PSYCHUS

 

     

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commentaires

A
Le réalisateur Laurent Bécue Renard avait fait un magnifique et très touchant TEDx à ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=Q6AO_JF61Kg&list=PLhlmrcwXrxY1KHx7dVNs6BZllNoAL9_DV&index=7
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