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1 janvier 2018 1 01 /01 /janvier /2018 13:08

      Ce texte d'un seul tenant, paru d'abord en 1958 sous l'égide de l'UNESCO, et en 1969 par la commission française pour l'UNESCO, extrait de Tous les hommes sont frères (Folio essais numéro130), est une compilation de textes choisi par Krishna KRIPALANI (1907-1992) auteur et homme politique indien, qui produisit également nombre d'oeuvres littéraires très diverses. Il s'agit là de An Autobiography or the story of my expérimenté with Truth, de Mohandas Karamchand GANDHI lui-même paru en deux volumes successivement en 1927 et 1939 (édition de 1948), de Mahatma Gandhi, the last phase, de PYARELAL, en deux volumes, de 1956 et 1958, de Mahatma life of Mohandas Karamchand Gandhi, de D.G. TENDULKAR, de 8 volumes de 1951 à 1954, de The Collected works of Mahatma Gandhi, paru en 1958, de The mind of Mahatma Gandhi, compilé en 1945 et de Sections from Gandhi, de Nirmal Kumar Rose, de 1948.

    Malgré la multiplicité des sources, le texte est d'une cohérence limpide, comme si GANDHI lui-même l'avait écrit de part en part, et comme s'il était écrit précisément au moment où il combat pour l'Indépendance de l'Inde. Revenant sur sa perception intime de la vie et sur la voie de la non-violence qu'il s'est choisie, le Mahatma reste humble, à l'échelle d'un être humain qui entend à sa modeste mesure contribuer au bien de l'Humanité, à commencer par tous ses proches. Très loin d'une représentation hollywoodienne, même si elle est relativement fidèle (voir le film biographique de R. ATTENBOROUGH, déjà cité dans ce blog), il restitue à la dimension de l'individu, les fondements de son action. Il ne se situe pas comme un érudit philosophe et confesse n'avoir lu que très peu de livres passé son adolescence. Du reste, il se sert plutôt de son expérience personnelle que d'une connaissance livresque pour faire partager à ses compagnons ses visions de la non-violence. Ascétique et recherchant toute sa la voie de l'ascèse, il ne se revendique que superficiellement de l'Hindouisme (et s'il avait connu plutôt sa position à propos des Intouchables, sans doute ne l'aurait-il même pas mentionné), même si évidemment son appartenance à la caste des Bania, troisième caste hindoue, marque sa vision des choses. Grand voyageur (de l'Inde à la Grande Bretagne, de la France à l'Afrique du Sud) même s'il ne fixe principalement qu'en Afrique du Sud et en Inde, il prend conscience de la diversité du monde et intègre constamment cette donnée dans ses activités d'avocat, où il cherche bien plus la conciliation et la médiation que la confrontation. 

  "Ainsi, écrit-il, à chaque nouvelle étape, mes efforts pour venir en aide aux Indiens d'Afrique du Sud me faisaient découvrir, peu à peu, les différentes exigences qu'implique le respect de la vérité. Tel un arbre immense, elle donne d'autant plus de fruits qu'on en prend soin. A l'image d'une mine où plus on creuse en profondeur, plus précieux sont les diamants qu'on y découvre, il est remarquable que plus on explore la vérité, plus nombreux et variés sont les services qu'elle nous fait assumer. 

L'homme et les actes sont deux choses distinctes. Alors qu'il convient d'approuver une bonne action et d'en réprouver une mauvaise, il faut toujours, selon le cas, respecter ou plaindre l'auteur de cet acte. "Tu dois haïr le péché mais non le pécheur." C'est là un précepte assez facile à comprendre mais difficile à mettre en pratique. C'est pourquoi la haine répand son poison à travers le monde.

L'ahimsà est le fondement de cette recherche de la vérité. Ne pas tenir compte de cet appui indispensable serait aussi fragile que bâtir sur le sable. S'il convient de s'opposer à certains systèmes et de les détruire, au contraire, le fait de s'en prendre à leurs auteurs reviendrait à couloir se prendre soi-même pour cible. Car, c'est le même pinceau qui nous a tous dessinés. Nous sommes les enfants d'un seul et même Créateur ; et, à ce titre, nous avons en nous des forces divines qui sont infinies. Maltraiter ne serait)ce qu'un seul être humain, c'est porter atteinte à ces forces divines et nuire, de ce fait, aux autres hommes".

    GANDHI, pour maitriser ses passions, qui précisément ferait confondre le système injuste et les acteurs, personnellement, de ce système, s'impose un régime alimentaire et une ascèse sexuelle, qui lui permettent de puiser une énergie afin de le combattre efficacement. Constamment fidèle à la Couronne Britannique, jusqu'à participer, dans le corps des secours aux blessés, à plusieurs guerres menées par l'impérialisme anglo-saxon, et s'abstenant justement de toute action qui pourrait l'affaiblir pendant ces guerres, il mène ses compagnes de désobéissance civile massive, toujours dans le même esprit : contraindre les opérateurs du système à la conciliation, jouant nécessairement (des mêmes armes : jeûne, grève de la faim) contre les forces violentes existantes au sein même du mouvement de libération. 

   "il n'est pas question, écrit-il, de vouloir justifier ma conduite en faisans appel aux seuls principes de l'ahimsà ; car selon son échelle de valeurs il n'y a pas lieu de faire de distinctions entre celui qui porte les armes et celui qui travaille pour la Croix-Rouge. Tous deux prennent part à la guerre ey contribuent au fonctionnement de son engrenage. Tous deux sont coupables du crime de guerre. Pourtant, même par§s y avoir mûrement réfléchi au cours de ces années, j'estime qu'étant donné les circonstances particulières où je me trouvais lors de la guerres des Boers, de la Première Guerre mondiale et de la prétendue révolte des Zoulous au Natal de 1906, j'étais tenu d'agir comme je l'ai fait dans chacun de ces cas.

Une multitude de forces pèsent sur notre vie. La navigation serait aisée si, à partir d'un seul principe général, on pourrait dédier automatiquement toutes les décisions à prendre. Mais je n'ai pas le souvenir d'une seule fois où j'aurais pu agir avec une telle facilité. Etant moi-même fermement opposé à la guerre, je n'ai jamais voulu m'entrainer à manier une armes. Et pourtant, plus d'une fois, j'aurais pu en avoir l'occasion. C'est grâce à ce refus qu'il m'a été permis de ne pas directement porter atteinte à une vie humaine. Mais, tant que j'acceptais de vivre sous un régime fondé sur la force en profitant sciemment des facilités et des privilèges que le gouvernement mettait à ma disposition, mon devoir était de l'aider de mon mieux, dès lors que la guerre rendait sa tâche plus difficile. Sinon, il m'aurait famé refuser toute collaboration avec ce régime et renoncer aux avantages que j'y trouvais dans toute la mesure du possible".

C'est précisément au nom de cela que GANDHI mène de front pendant la lutte pour l'Indépendance de l'Inde, désobéissance civile et mise en place d'alternatives économiques et politiques. On ne peut faire autrement pour combattre un système (et les injustices qui lui sont intrinsèques), si on ne veut pas, au bout du compte, se retrouver à la tête de ce même système, celui-ci ayant simplement changer de maîtres. Il se refuse de prôner par ailleurs son propre système, un "gandhisme" dont il n'a que faire. Et d'ailleurs si beaucoup considèrent que son action pour l'indépendance politique de l'Inde est couronnée de succès, il considère pourtant qu'il a globalement échoué, la partition de l'Inde entre Hindous et Musulmans, la naissance du Pakistan étant à ses yeux les vecteurs de nouvelles injustices. Jusqu'à son assassinat, il oeuvre à les empêcher. 

 

 

GANDHI, La voie de la non-violence, Gallimard, 2006, 120 pages.

 

 

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