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3 novembre 2017 5 03 /11 /novembre /2017 12:36

     Dietrich Adam Heinrich von BÜLOW (Henri Bülow), membre d'une grande famille de militaires, est un écrivain prussien. Il a écrit des ouvrages de tactiques militaires qui eurent du succès, surtout son Histoire de la campagne de 1805 où il critiquait les opérations du gouvernement. Incarcéré pour ce fait, il meurt en prison. Il était un grand partisan de Emmanuel SWEDENBORG 1688-1772), scientifique, théologien et philosophe suédois, qui dans la première partie de sa vie était un scientifique et un inventeur hors pair.

Sans doute l'oeuvre - très populaire dans les milieux lettrés et militaires - pourtant presque inconnue aujourd'hui, de cet écrivain est-il un exemple d'opinions erronées très partagées qui ont été ensuite mises sous le boisseau à cause d'événements qui les ont contredites cruellement, comme s'il fallait les oblitérés de la mémoire. Or, le lot de nombreux écrits militaires est d'être souvent faux alors qu'ils paraissent au moins vraisemblables et très bien pris sur le moment en considération. Mais "on" préfère se rappeler d'un plus petit nombre d'écrits militaires clairvoyants au niveau de l'analyse comme au niveau de la prospective... Malgré l'opprobre qu'il connait par la suite et même de son vivant, cela n'empêche pas de vrais stratégistes et de vrais stratéges de piller, en le nommant ou pas, une partie de son oeuvre aux idées mal agencées et dispersées...

 

Heinrich Dietrich von BULÖW est le témoin des grands bouleversement politique qui secouent l'Europe à la fin du XVIIIe siècle et qui transforment la nature de la guerre. Ses écrits militaires reflètent ces changements provoqués par la Révolution Française, qui mettent fin à la période des guerres de type limité. Partisan de la guerre de mouvement et annonciateurs des grandes réformes militaire de l'ère napoléonienne, il appartient à deux époques à lofais, d'où l'aspect parfois contradictoire de sa pensée. Il vaut mieux parfois considérer ses écrits isolément les uns des autres, pour bien percevoir ses apports novateurs ou archaïques lorsqu'il les rédige. 

BÜLOW s'engage dans l'armée prussienne à quinze ans et sert dans l'infanterie puis la cavalerie. Il quitte l'uniforme avec le grade de lieutenant, voyage et rédige une douzaine d'ouvrages dont L'esprit du système de guerre moderne (Der Geist des neuern Kriegssystems) paru en 1799, puis Neue Taktik der Neuer, wie sie seyn sorti en 1805 et Der Felzung von 1800, militärisch-politisch betrachtet en 1806. Il publie en France son Histoire de la campagne de 1800 en Allemagne et en Italie en 1804.

BÜLOW a le mérite de reconnaitre l'impact du feu sur la stratégie moderne : la puissance du feu contribue à l'augmentation de la taille des armées sur le continent et les rend dépendantes de leur ravitaillement en vivres et en munitions. Pour s'adapter à ces nouvelles exigences, il reprend le concept de lignes d'opérations inventé par Henry LLOYD, puis élaboré par Georg TEMPELHOFF, qui permet aux armées modernes de planifier leur stratégie selon leur logistique. Mais le théoricien prussien va plus loin que ses prédécesseurs en définissant une stratégie géométrique grâce à laquelle il prétend déterminer avec une précision mathématique le point sensible de l'adversaire et le lieu de la bataille décisive (et victorieuse). Il prétend faire de la guerre une science exacte et traite des implications géopolitiques de ses nouvelles doctrines scientifiques. Il élabore des théories sur l'espace politique et prévoit un échiquier international composé de grandes nations dont l'équilibre des forces assurerait à l'Europe une paix perpétuelle. La nécessité, pour un Etat moderne, de disposer d'une armée de masse devrait éliminer, pense-t-il, les pays de faible dimensions. Cette vision de l'avenir est fondée sur son principe des "bases" : plus un Etat possède une base étendue, plus il sera puissant. Mais plus une armée s'éloigne de sa base, plus elle aura de difficultés à assurer l'acheminement de son ravitaillement et plus elle sera vulnérable, chaque Etat étant limité par ses frontières naturelles. BÜLOW pense par ailleurs pouvoir calculer exactement cette perte de puissance d'une armée en mouvement, les lois régissant la guerre étant identiques aux lois de la gravité. Bien que ses théories soient contredites par l'exemple des campagnes napoléoniennes, il tente ensuite d'unifier ses principes de la guerre géométrique avec les nouvelles données militaires.

Il consacre les dernière années de sa vie à l'étude de NAPOLÉON qui le fascine à la fois comme chef militaire et comme chef d'Etat. Il perçoit, avec l'avènement de la guerre moderne "à caractère absolu", que la stratégie politico-militaire domine à présent le débat sur la guerre par rapport à la tactique, sur laquelle étaient fondées les guerres de l'Ancien Régime. Il est convaincu que la politique et la guerre sont intimement liées et qu'étant donné la complexité de la guerre moderne, le commandement suprême, incarné par NAPOLÉON, est la manière la plus efficace de mener à la fois un pays et une campagne militaire. Cette centralisation du pouvoir et la prédominance de la stratégie par rapport à la tactique éliminent, pense-t-il, le rôle du hasard, et font que la préparation et l'organisation de la guerre atteignent une dimension encore plus scientifique qu'auparavant. Sa définition de la stratégie et de la tactique est sobre : "La stratégie est la science des mouvements en dehors du champ de vision de l'ennemi, la tactique à l'intérieur de celui-ci".

Parmi toutes ces doctrines désordonnées et parfois confuses, on trouve néanmoins certains éléments clés à la base des théories élaborées un peu plus tard par JOMINI et par CLAUSEWITZ. JOMINI réussira avec plus de talent que Bülow à parier les principes des lignes d'opérations avec ceux de la guerre napoléonienne. Quant à CLAUSEWITZ, il reprendra certaines de ses idées sur la relation entre la guerre et la politique et sur le caractère absolu des conflits modernes, tout en critiquant sévèrement ses définitions de stratégie et de la tactiques ainsi que le fondement prétendument scientifique de ses théories. (BLIN et CHALIAND)

 

    Les historiens et commentateurs se montrent particulièrement sévères envers le personnage et l'oeuvre de Von BÜLOW. Ainsi PALMER écrit que "Frieherr Dietrich von Bülow, comme le comte de Guibert, était un petit noble possédant une modeste expérience de l'armée. Il gagnait sa vie en écrivant des livres sur de nombreux sujets. Il était aussi vélléitaire que Guibert et montra même un égotisme pathologique plus prononcé que ce dernier. Il rebutait tout le monde par ses prétentions au titre de sage méconnu, offensa les Russes à l'époque de l'alliance prusso-russe, fut déclaré fou et mourut en 1807 en prison à Riga. Depuis, il a eu droit à toutes les appellations, de celle de maniaque prétentieux jusqu'à celle de fondateur de la science militaire moderne."

Son premier ouvrage de 1799, qui acquit un immense crédit et fut bientôt traduit en français et en anglais, constitue pour les géopoliticiens d'aujourd'hui une étape dans le développement de leur discipline. Car il "concluait son ouvrage par des réflexions sur l'"espace" politique. Il déclarait (contrairement à Frédéric II) qu'en raison du système militaire moderne, l'âge de petits Etats était révolu". Il prédisait ainsi la carte de l'Europe de 1870, qui "ne s'appuyait pourtant guère sur une perspective précise de la situation militaire en 1799." Cet "ouvrage ne montrait aucune véritable compréhension des guerres de la Révolution. Pour Bülow, seule la nouvelle formation ouverte des tirailleurs, représentait une innovation significative. On reconnaît à Bülow d'avoir clarifié la terminologie, en diffusant, en tant que vocables de signification différence, les termes de "stratégie", "tactique" et "base d'opérations", mais ses définitions ne furent pas généralisées. Son livre est une codification d'idées périmées. (...)". Sur les livres publiés en  1804,1805 et 1806, l'auteur n'est guère plus indulgent : "Cette oeuvre étrange et contradictoire reflétait à la fois le déséquilibre mental de l'auteur et le trouble général de l'Europe". C'est que Bülow voyait dans la victoire française de 1805 la justification de la doctrine de GUIBERT et que malgré les fortes critiques qu'il émet contre la direction prussienne de la guerre, il livre des idées qui restent juxtaposées. "Il ne parvient jamais à cette fermeté de compréhension et à cette unité directrice qu'il jugeait indispensables chez un chef. Il est même impossible de dire quels buts il se proposait. Il semble avoir approuvé la Révolution française et respecté les droits de l'homme ; cependant, il était moins libéral que Gneiseneau, pour le comparer à un autre militaire de carrière. Il se disait patriote prussien, mais il méprisait Frédéric II et déclarait que la Prusse, par son existence même, avait mis fin à l'existence nationale de l'Allemagne. (...). Au niveau pratique, il conseilla à la Prusse et à toute l'Europe de composer avec Napoléon après Austerlitz ; il disait qu'une quatrième coalition serait inutile et pressait le continent de s'allier avec l'Empereur français pour l'humiliation de l'Angleterre. (...)." (R.R. Palmer)

Raymond ARON, Penser la guerre, Clausewitz, volume 1 : L'âge européen, 1976. J.L. BINZER, Uber die militärische Werke des Hern von Bülow, Kiel, 1803. Carl von CLAUSEWITZ, Bemerkungen über die reine und angewandte Strategie des Hern von BÜLOW, Neue Belohnt IX, 1805.

R.R. PALMER, Frédéric le Grand, Guibert, Bülow : de la guerre dynastique à la guerre nationale, Les Maîtres de la stratégie, volume 1, Sous la direction de Edward MEAD EARLE, 1980.

Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016.

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