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6 février 2017 1 06 /02 /février /2017 14:56

      Les problématiques de refus de l'impôt s'inscrivent historiquement dans les activités de désobéissance civile à l'Etat (David Henri THOREAU...) et sont fortement liées à la contestation des activités militaires, notamment par la conscription. Elles n'ont rien à voir formellement avec l'évitement de l'impôt, assimilé plus ou moins à la fraude fiscale, pratiqué massivement par de grandes entreprises de par le monde. Le refus de l'impôt est d'abord un acte individuel ou collectif s'inscrivant dans une démarche de contestation sociale ou sociétale. Ceux qui y ont recours le font non pas pour gagner de l'argent - assimilables à des délinquants purs et simples - mais, très souvent temporairement, pour appuyer leur refus de contribuer à une injustice.

  Comme l'écrit Jean-Marie MULLER, "dans une démocratie, le refus de l'impôt ne peut se justifier qu'exceptionnellement. On ne peut en effet s'opposer au principe même de l'impôt : lorsqu'il est ordonné au bien commun, le paiement de l'impôt est l'exercice pratique de la solidarité qui doit lier les membres d'une même communauté politique. Mais c'est une exigence de la démocratie que chaque citoyen soit responsable de l'utilisation faite par le gouvernement de l'argent qui provient de son travail quotidien. Chaque citoyen a donc non seulement le droit mais le devoir d'exercer un contrôle sur les dépenses publiques de manière plus effective qu'en votant tous les cinq ou sept ans pour l'un des candidats qui se proposent de diriger le pays. Il est donc légitime de refuser de payer la part de l'impôt qui alimente une grave injustice dont on refuse d'être complice et que l'on entend dénoncer et combattre publiquement.

Le refus de payer, poursuit-il, tout ou partie de l'impôt peut se concevoir dans deux perspectives différentes. Il peut s'agir, tout d'abord, de faire cesser une injustice dont on est soi-même la victime. Lorsque, par exemple, des impôts frappent de manière particulièrement injuste telle catégorie sociale ou telle activité professionnelle, il devient légitime pour ceux qui sont victimes de cet abus de refuser de payer ces impôts afin d'obliger le gouvernement à rendre justice.

En second lieu, il peut s'agir de s'opposer à une décision injuste du gouvernement en n'acceptant pas que le financement de cette injustice soit assuré par ses propres deniers et en mettant en oeuvre tout ce qui est possible pour contraindre les pouvoirs publics à revenir sur cette décision. Lorsque les moyens de contrôle prévus par l'exercice légal de la démocratie s'avèrent insuffisants et inopérants, ce moyen illégal permet aux citoyens d'exercer un contrôle effectif sur l'action du gouvernement. Dans ce cas, il convient de de ne pas garder pour soi l'argent "économisé" sur les impôts mais de le verser à des organismes ou des associations qui participent directement à la lutte contre l'injustice mise en cause.

Certes, le gouvernement est généralement bien pourvu en moyens de répression lui permettant, par des saisies opérées sur les salaires et les biens, de récupérer les sommes refusées, sans compter les amendes, voire les peines de prison, qui peuvent venir frapper les contribuables récalcitrants. Mais l'impact recherché n'étant pas d'abord financier mais politique, cette répression doit venir l'accroître. Là encore, c'est le nombre des acteurs qui confère à l'action tout son efficacité".

  Action très voisine de ce refus de l'impôts, l'autoréduction des factures envoyées par telle administration que l'on estime mener une politique injuste ou abusive, a elle aussi une histoire, dans le cadre souvent de luttes collectives urbaines contre des compagnies d'électricité ou d'eau, de gaz ou de téléphone... d'habitants de quartier s'estimant lésés.

Jean-Marie MULLER écrit que l'"ont également organiser une autoréduction collective des loyers, soit pour lutter contre leur augmentation excessive, soit pour exiger des propriétaires qu'ils consentent à faire tel ou tel investissement qui permette l'amélioration des conditions de logement des locataires." Cette autoréduction revient à une grève partielle des loyers.

"L'autoréduction peut être organisée pour obtenir l'annulation ou, du moins, la réduction de l'augmentation du prix des transports en commun. Mais ici, il n'est pas possible de réduire soit-même le prix du son billet. IL faut donc que les comités de lutte des usagers ou les syndicats impriment de vrais-faux titres de transport, assurent leur distribution et leur vente sur les lieux de travail et restituent l'argent ainsi récolté à l'entreprise incriminée."

"Pour réussir, écrit encore notre auteur, une campagne d'autoréduction exige d'être mise en oeuvre avec rigueur ; elle peut rarement aboutir si elle n'est pas directement prise en charge par une organisation de masse".

   Il s'agit ici - refus de l'impôt ou autoréductions - de mettre en oeuvre des actions destinées à suspendre les relations économiques, dans lesquelles entrent d'une part les boycotts économiques (dont ils font partie) et les grèves de travailleurs (Gene SHARP). Dans cette catégorie des boycotts économiques figurent plusieurs actions par les détenteurs de richesses:

- Retrait des dépôts bancaires.

- Refus de payer les honoraires, des droits et devis.

- Refus de payer des dettes ou intérêts.

- Cessation des financements ou crédits.

- Grève des impôts (refus de payer volontairement ses impôts au gouvernement).

- Refus d'accepter l'argent du gouvernement (exiger des modes de paiement alternatif).

Il s'agit alors d'actions non-violentes rentrant dans une stratégie, faite de popularisation de ces actions et de participation à celles-ci du plus grand nombre possible des détenteurs de richesses.

  Alors que généralement et historiquement, les grèves de l'impôt et les diverses autoréductions sont le fait (ponctuel et ciblé) de citoyens en vue de combattre une/des lois injustes (de lois ponctuelles ou plus générales concernant par exemple des différences institutionnalisées entre personnes de couleurs différentes), on est en droit de se demander, dans un climat général favorisant de multiples manières la fraude fiscale massive d'acteurs parmi les plus riches et les plus influents, si ces actions ne sont pas en quelque sorte aujourd'hui encore plus légitimes. Comment imposer aux citoyens des obligations fiscales alors que nombre de lois ou règlements facilitent les refus d'impôts d'entreprises officiant au-delà des frontières des Etats? Si les fraudes fiscales sont légitimées au nom de l'emploi ou de la croissance économique dans certaines thèses néo-libérales qui régissent encore de nombreuses parties du monde, comment combattre avec justice ceux qui refusent l'impôt?

Plus, on peut se demander si la grève de l'impôt, demain, au cas où cette situation perdure au point de devenir caricaturale, ne sera pas un moyen généralisé d'action, non contre des législations ou dispositions réglementaires précises, mais contre le système socio-économique de manière globale... De plus, devant les menaces de rétorsion étatique, des citoyens et des groupes sont incités à garder secrets ou discrets leurs refus, ce qui d'ailleurs s'oppose à une règle générale en matière de désobéissance civile, d'être popularisée ouvertement et massivement. Il s'ensuit que, loin des projecteurs et des médias et de services des impôts globalement impuissants (par faiblesse de moyens humains et matériels que ne peut compenser une informatisation à outrance), s'ensuit une déperdition globale de ressources pour les Etats, sous l'action conjuguée d'une fraude fiscale à l'échelle mondiale et d'une révolte généralisée mais rampante, sans efficacité malheureusement sur le plan politique. 

Gene SHARP, La lutte nonviolente, écosociété, 2015. Jean-Marie MULLER, Lexique de la non-violence, ANV/IRNC, n°68, 2ème trimestre 1988.

 

PAXUS

 

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