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13 mars 2009 5 13 /03 /mars /2009 08:59
            PLATON et ARISTOTE présentent l'art comme imitation de la nature. Si PLATON condamne l'art car il n'est qu'imitation trompeuse de la réalité (La République), ARISTOTE le réhabilite, car les hommes veulent et aiment imiter pour le plaisir et pour la connaissance (La Poétique). Ces deux philosophes majeurs de l'Antiquité pensent surtout au théâtre et à la poésie (souvent en action au même moment, au même endroit), s'ils discutent également de musique et de peinture.
Les éléments d'une scène de théâtre ressemblent à ce qu'ils représentent, mais ce n'est pas la réalité car la mise en scène de la réalité résulte du travail de l'artiste. Cette imitation peut être belle, même si la réalité ne l'est pas. Elle peut être laide, même si la réalité l'est beaucoup moins. En tout cas, elle veut susciter chez le spectateur (actif dans les théâtres antiques, passif dans les théâtres contemporains) une adhésion momentanée à ce qu'il lui est proposé, une émotion et une curiosité qui tend (pour ARISTOTE du moins) vers une connaissance ou une reconnaissance de la réalité. La réalité, dans les textes, c'est la nature, mais c'est aussi et en fait, vu l'objet des représentations, surtout la société.
          C'est surtout la tragédie qui fait l'objet de La Poétique (du moins ce qui nous en est parvenu). L'organisation de la mise en scène est sous-tendue par cette volonté de susciter chez le spectateur, chez les spectateurs pris collectivement, des émotions.
Dans ce (relatif) petit texte, on y trouve tous les conseils, toutes les indications, toutes les règles, tous les dogmes plus tard, pour l'organisation ce cette mise en scène. Cette mise en scène doit être apte à opérer la catharsis, la purgation des émotions : les spectateurs doivent commencer par ressentir de la pitié ou de la crainte, mais ces sentiments sont emportés par l'action qui se déroule sous leurs yeux. La construction de l'histoire, qui doit avoir une cohérence et une structure propre à cet effet, doit provoquer cette catharsis. Les spectateurs doivent sortir du théâtre libérés de leurs sentiments négatifs. Prescriptifs, les textes des deux philosophes le sont sur l'art, car ils s'inscrivent tous les deux dans la recherche de la meilleure société possible. Éducateurs, les auteurs croient si fermement à la réalité de cette catharsis (notamment sans doute parce que les spectateurs "participent" réellement à l'histoire racontée, ils chantent, ils trépignent, ils pleurent sans doute, ils crient, ils invectivent si des erreurs chez les acteurs sont décelées, bref tout le contraire de l'attitude des spectateurs policés en Occident d'aujourd'hui) qu'ils ne se donnent même pas la peine de la décrire précisément.
        Alors que dans les cercles philosophiques et sociologiques d'aujourd'hui, la réalité de la catharsis reste l'objet de débats contradictoires, la question ne se pose même pas chez les citoyens des cités grecques : d'ailleurs leur participation au théâtre fait partie de leur vie de citoyen. Le spectacle n'a pas la même signification chez les antiques que chez les populations occidentales. Pour qui a déjà vu les spectateurs de certaines régions, notamment en Inde, participer à des séances de cinéma, cela n'est pas très difficile à comprendre.

           Marc JIMENEZ, dans une (très) longue réflexion sur l'objet de l'esthétique dit sur cette purgation des passions que "chez ARISTOTE lui-même, il est l'objet de plusieurs interprétations. On croit comprendre qu'il y a un rapport entre l'imitation, la mimésis, et la purgation, la catharsis : devant un spectacle représentant des actions éprouvantes, je suis enclin à ressentir les mêmes émotions que l'on cherche à provoquer en moi. La représentation de sentiments violents ou oppressants, par exemple, la terreur, l'effroi ou la pitié, bien que mimés et donc fictifs, déclenche dans le public, dans la réalité, des sentiments analogues."
Si pour les sociologues contemporains, le transfert de la fiction à la réalité n'est pas inconcevable, l'exemplarité des actes présentés pouvant jusqu'à provoquer les même actes dans la réalité (n'oublions jamais les contextes très différents du spectacle), pour ARISTOTE ce transfert est inconcevable. "En éprouvant des sentiments analogues à ceux que la tragédie provoque en moi, je me libère du poids de ces états affectifs pendant et après le spectacle. j'en ressors comme purgé, purifié, et apaisé." 
Dans La Politique, ARISTOTE donne quelques précisions : à la crainte s'ajoute l'enthousiasme, et l'auteur grec fait référence au sens thérapeutique du terme. Pour Marc JIMENEZ, "Mimésis d'action et de sentiments réels, la tragédie concentre la réalité dans le temps et dans l'espace, elle l'exagère et pousse les passions à leurs paroxysmes afin d'éclairer le public sur les conséquences éventuelles de ses actes : voyez ce qu'il adviendrait, si d'aventure, l'envie vous prenait d'imiter réellement ces malheureuses victimes de la fatalité!" ARISTOTE ne se pose pas la question de savoir "si le remède n'est pas pire que le mal". "Multiplier les spectacles tragiques, attirer la foule au théâtre, c'est permettre à la catharsis d'opérer non seulement sur l'individu, mais collectivement. C'est aussi distraire les citoyens, détourner leur attention des problèmes du moment - les guerres incessantes - et permettre l'expulsion d'une mauvaise conscience qui commence à hanter un peuple en décadence".

           KANT (Critique de la faculté de juger), HEGEL (Leçons sur l'esthétique), puis NIETZSCHE (La naissance de la tragédie), et HEIDEGGER (Nietzsche, Holzwege) reprennent tour à tour en les critiquant et en en modifiant le sens les traditions héritées en Occident sur les conceptions de l'art de PLATON et d'ARISTOTE.
 Il faut dire que l'on assiste pendant de longs siècles à une certaine "platonisation" de l'art, l'esthétique étant séparée de la philosophie sérieuse au nom de la Raison. Et surtout, mais on manque d'études sur le sujet (sur les aspects sociologiques), l'artiste, professionnalisé,  est séparé du spectateur devenu passif, même au théâtre. Tant et si bien qu'il faudra les études de Pierre BOURDIEU, entre autres, pour mettre en avant de nouveau la question de la "réception" des oeuvres d'art...
  
        Pour Patrick WOTLING, entre autres, "la réflexion sur l'art est une préoccupation constante de la réflexion de NIETZSCHE, qui en renouvelle le statut de fond en comble. De la "métaphysique d'artiste" présentée par La naissance de la tragédie à la "physiologie de l'art" élaborée dans les dernières années, les traits fondamentaux de l'orientation nietzschéenne demeurent : le refus de l'analyse essentialiste, le refus du cognitivisme, le refus des problématiques de l'imitation, le refus du point de vue de la réception : il ne s'agit plus de définir une essence du beau, mais de réfléchir selon le point de vue du créateur, et surtout de repenser l'art dans la perspective de la théorie des valeurs." NIETZSCHE, en s'axant sur l'oeuvre proprement dite, veut en comprendre les ressorts actifs : comment, grâce à l'art, qu'il présente comme le mariage du dionysiaque et de l'apollinien qu'est la tragédie antique, les Grecs ont-ils réussi à surmonter le pessimisme auquel ils étaient exposés (à supposer qu'ils l'aient évité...)?
  
      Pour Jean LACOSTE, HEIDEGGER ne pense pas que NIETZSCHE soit vraiment parvenu à bouleverser les conceptions esthétiques qui pénètrent profondément la mentalité occidentale. L'art est imitation de la nature et reste grec. L'oeuvre d'art, dans son essence est "l'instauration de la vérité", une vérité historique qui perdure les générations d'hommes. De plus, " l'unité de l'oeuvre d'art, qui repose en elle-même, va naître d'un conflit entre le monde de clarté, apollinien, du destin des hommes, et l'obscurité qu'on peut dire, (...) dionysiaque, de la Terre."
Autant dire que l'oeuvre d'art veut montrer, d'une manière ou d'une autre le conflit, son existence, à défaut de sa nature, dans la société.

          Sur le mimétisme et la catharsis, notre perception est maintenant tributaire des idées de Sigmund FREUD. parti d'études sur le traitement de l'hystérie par la suggestion et l'hypnose. Le fondateur de la psychanalyse reprend les traditions purement médicales de la catharsis, pour la faire entrer dans la théorie et de la cure qu'il propose des maladies mentales. Le psychodrame utilise cette catharsis et l'art-thérapie connaît encore un fort développement.
  Pour Jean RODRIGUEZ, praticien hospitalier, "la catharsis s'inscrit, qu'elle qu'en soit la forme, comme un phénomène social : il s'agit d'un rituel. La fonction de ce rituel est d'abord de cohésion sociale. Le moyen utilisé pour nouer ce lien social consiste en une mobilisation affective intense. (...). Cette mobilisation affective doit s'accompagner d'une jouissance esthétique pour atteindre son objectif ainsi que d'une rhétorique de la communication fondée sur la complicité, la confiance, l'indifférenciation : en un mot, la seule analogie."

          Ces étapes (sans référence à une notion chronologique) dans la réflexion sur le mimétisme et la catharsis à propos de l'esthétique intéressent directement une réflexion sur le conflit.
La représentation d'un conflit, son évocation intellectuelle et affective, dramatisée et camouflée en même temps sous la forme d'un mythe notamment, dans la tragédie, possède une réelle influence indirecte sur le conflit lui-même. En l'interprétant sur scène, l'acteur ne fait pas seulement plaisir au spectateur, il lui tend un miroir, même très déformant (qui peut d'ailleurs être rejeté...). Amplifiée par le cinéma ou d'autres moyens audio-visuels de masse, cette imitation de la réalité peut être prise pour la réalité elle-même, induire des comportements et des représentations des conflits qui les exacerbent ou les atténuent. Le sujet est très vaste.

Marc JIMENEZ, Qu'est-ce que l'esthétique?, Gallimard, 1997. Jean LACOSTE, La philosophie de l'art, PUF, collection Que sais-je?, 2008. Patrick WOTLING, article Nietzsche, dans le Vocabulaire des philosophes, Philosophie moderne (XIXème siècle), Ellipses, 2002 . Jean RODRIGUEZ, La question de la catharsis en art-thérapie, 2000.
     
                                                                                             ARTUS
 
Relu le 5 février 2019
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2 mars 2009 1 02 /03 /mars /2009 08:50
          On peut distinguer dans les genres de musique, les musiques conçues et exécutées pour accompagner ou exalter la guerre, ou pour ordonner les phases du combat. Entre les sons plus ou moins complexes qui ponctuent différents moments d'une bataille, notamment d'une bataille où s'affrontent des armées complexes se faisant front, et les musiques d'orchestre accompagnant les commémorations et les parades militaires, il existe toute une gamme de musiques bien entendu différentes. Les musiques militaires d'aujourd'hui sont plus propres à exalter les sentiments agressifs d'une foule ou d'une population, qu'elle soient exécutées dans une amphithéâtre ou diffusées par les moyens audiovisuels (radio, télévision, cinéma), qu'à effectivement accompagner des combats armés. La mise en musique d'une guerre prend le pas sur la musique de guerre.
   
        Avant d'être organisée et hiérarchisée dans les armées modernes à régiments, la musique guerrière est utilisée depuis les temps les plus reculés pour les annonces aux combattants en manoeuvre et pour les messages aux ennemis, avec des instruments émettant des ondes profondes et portant loin.
   "La musique militaire a assumé très anciennement le rôle d'effrayer l'ennemi, transmettre des ordres ou des signaux, faire marcher une troupe au pas ou l'exciter au combat, enfin de rehausser le prestige militaire. On peut ramener cette finalité à deux termes :
- aider à l'exercice des activités militaires ;
- contribuer au bon moral des combattants".

   "Le caractère de la musique militaire varie selon ses finalités. Les batteries et sonneries d'exercice, ou destinées à rythmer la vie militaire, ont comme but de forcer l'attention, même par des sons stridents, voire discords. Cependant LULLI, puis PHILIDOR ont composé des rythmes et des airs auxquels ils ont donné une vraie valeur musicale. Un véritable code se met en place sous Louis XIV, puis se structure en France vers 1750 et au XIXe siècle, le nombre des sonneries s'est multiplié particulièrement dans les armes techniques pour atteindre son maximum dans la marine. Après la seconde guerre mondiale, la mécanisation dans l'aviation, la marine, puis l'armée de terre tend à faire reculer sonneries et batteries et impose souvent leur remplacement par un code d'appel de sirènes."

       Aujourd'hui, il y a paradoxalement plus de musique militaire dans le public civil que dans les casernes des armées technologisées. La diffusion par les ondes et dans les spectacles ponctuent les épisodes plus ou moins agressifs des relations entre les peuples. On l'a remarqué pendant la guerre du VietNam, la guerre du Golfe et singulièrement après les attentats du 11 septembre 2002 aux Etats-Unis. De manière générale, en dehors de périodes d'exaltation patriotique, le citoyen a plus l'occasion d'entendre les fanfares militaires dans les films de guerre ou d'autres genres (on pense notamment au cinéma fantastique) qu'ailleurs.

    La musique elle-même peut être un élément de combat dans des luttes idéologiques et politiques, accompagnée ou nom de chants mobilisateurs. En période de guerre, des groupes sociaux peuvent utiliser la musique pour contredire et contester la politique de leur pays. Il reste sans doute à écrire une histoire des musiques contemporaines (rock n'roll par exemple) en les mettant en correspondance avec les événements capitaux de l'histoire occidentale, de  la guerre froide ou de la guerre du VietNam par exemple. La musique fait partie de l'ensemble des communications entre membres et groupes différents des sociétés, que ce soit en ambiance ou lors de manifestations mobilisatrices.
   
    A noter que des listes d'oeuvres musicales à caractère guerrier ou militaire circulent sur Internet. Thomas SAGLIO, par exemple, sur acim.asso.fr. a effectué un classement de musiques composées depuis le Moyen-Age jusqu'à nos jours, en les répartissant en quatre groupes ou catégories : musique du Moyen-Age et de la Renaissance, musique baroque, musique classique et romantique et musique moderne et contemporaine.

André CORVISIER, Dictionnaire d'art et d'histoire militaires (article musique militaire), PUF, 1988. Site Internet acim.asso.fr

                                                                                     ARTUS
 
Relu et complété le 13 février 2019
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27 février 2009 5 27 /02 /février /2009 09:09
    Musicologie et sémantique musicale

     La musicologie, au domaine très vaste (Danièle PISTONE) s'intéresse peu au conflit, mais en revanche elle peut intéresser une recherche sur le conflit dans au moins deux directions :
- l'étude de la langue musicale en liaison avec son impact sur la psychologie ;
- l'analyse des styles musicaux qui reste à mener de façon systématique, avec les apports de la psychophysiologie ou de la neurologie ;
         Précisément, les perspectives de recherche de la sémantique musicale (Jean-Jacques NATTIEZ) sont prometteuses : des analyses se "proposent de faire apparaître la dimension sémantique des oeuvres et des corpus (...) qui reconnaît que la musique est le véhicule d'émotions, de sentiments, d'images appartenant au vécu des compositeurs et des auditeurs". Jean MOLINO, professeur à l'université de Lausanne, tente de démontrer à travers sa théorie tripartite de la sémiologie, que la musique est à la fois un système complet de formes pures et que ce système est immergé dans le vécu humain.
 

     Musique et violence, études éparses

    Pierre FERRAND, dans la revue Gravitations, effectue une analyse musicologique de la neuvième symphonie de CHOSTAKOVITCH (1906-1975), compositeur soviétique, pour comprendre certaines relations entre violence et musique.
"Violence et musique semblent à première vue former un couple riche, trop riche, sinon indissociable. De fait, définir "la" violence musicale relèverait d'une gageure improbable : ses manifestations, comme ses sens, paraissent en effet multiples. Une grande partie de la musique occidentale semble en effet constituée d'une ensemble de tensions et de détentes, créées par l'emploi de nuances variées, de dissonances, d'effectifs instrumentaux différents. Il arrive même aux compositeurs les plus "doux" selon l'imagerie populaire de céder à une forme de violence sensible (...). Violence des sentiments déployés par le romantisme, violence faite à la forme dans un mouvement général qui, sans être propre aux derniers siècles, s'y accentue. D'une certaine manière, tout compositeur pourrait être qualifié de violent même si chacun d'eux semble faire une place particulière aux diverses formes de violence médicale : quel rapport entre les affrontements gigantesques de MAHLER (1860-1911) (Sixième ou Neuvième symphonies) mêlant en un tout les ambiances les plus contradictoires et la violence du Boléro, conçu par RAVEL (1875-1937), dans le refus de tout développement, comme une mort de la musique? A ne considérer qu'un seul compositeur, STRAVINSKI (1882-1971) à titre d'exemple, quoi de comparable entre les pulsions primitives du Sacre du Printemps et les brusques sections de l'Histoire du soldat? La violence se découvre en chaque compositeur, comme en chaque oeuvre, d'une manière qui lui est propre. Un même procédé d'écriture peut signifier une chose tout à fait différente ou, si le terme de signification semble excessif à certains mélomanes, rendre un tout autre effet."
  Dans cette analyse, l'auteur fait référence et effectue un parallèle prudent entre le conflit du compositeur avec l'establishment artistique soviétique et la manière dont il construit sa musique. D'une certaine manière la violence entre individus se traduit, se transfigure?, se canalise?, s'exprime en tout cas dans la manière dont ils composent les sons et dans la manière dont ils reçoivent l'exécution de la musique.

      Des expériences sur le vécu musical sont entreprise, encore de façon dispersée, comme celle du Gymnase de Nyon en 1993, menée par Hania BARTHOLOME. Citons simplement l'entrée en matière de la présentation de celle-ci :
"De quelle manière la musique "agressive" est-elle ressentie chez les personnes et peut-elle engendrer certaines formes de violence?
Mon travail de maturité est une atelier dans lequel je démontre la question en faisant des expériences. Ces dernières, présentées ici sous forme d'interviews, m'ont permis de définir les contours de la violence. Je parlerai plus spécifiquement des violences actives et passives chez les jeunes et leur lien avec la musique (violente) et les émotions qu'elles engendrent. Je ne tiendrai pas compte des facteurs comme le sexe et l'environnement social, car un telle étude exigerait bien plus qu'un travail d'atelier. Mon choix de personnes se porte sur leurs goûts musicaux en général.
La relation entre musique et violence est un thème qui apparaît très souvent dans notre société actuelle. En effet, celle-ci étant de plus en plus conflictuelle, la musique a tendance à refléter son instabilité et souvent les gens s'y identifient. D'ailleurs les statistiques le prouvent, le Hip Hop, le Rock et ses dérivés (le punk par exemple) sont les deux courants à titre revendicatif les plus appréciés en ce moment. On pourrait donc en conclure que musique et violence dans la société font route main dans la main et que la musique influence le comportement des gens.
Vu la popularité de ces deux tendances, Hip Hop et Rock, il est important de comprendre les sentiments qu'éprouvent les gens face à l'écoute de cette musique. Mon travail, cependant, analysera uniquement les effets de la musique punk."
"Il ne faut pas oublier le fait que cet atelier est purement expérimental, qu'il ne s'avère en aucun cas un travail objectif. Les analyses et conclusions seront donc uniquement subjectives, hypothétiques et par conséquent non généralisables".
   Il s'agissait d'interroger plusieurs personnes, individuellement ou en groupe, à travers dessins et questionnaires ce qu'elles avaient ressenti à l'écoute de ces musiques.
   Ce travail expérimental mériterait certainement à être effectué de manière systématique, étendu à de nombreux types de musique, sur une longue période, et sur des publics ciblés différenciés, pour en tirer des enseignements qui ferait avancer notre compréhension des liens entre conflit et musique.
 
 

Nathalie HEINICH, La sociologie de l'art, Editions La Découverte, collection Repères, 2006. Jean-jacques NATTIEZ, articles Ethnomusicologie et Analyse et sémiologie musicales, Encyclopedia Universalis, 2004. Danièle PISTONE, article Musicologie, Encyclopédia Universalis, 2004. Pierre FERRAND, Musique et contre-musiques : la neuvième symphonie de CHOSTAKOVITCH, dans la revue Gravitations, Actes de violence, numéro 2, 2008.
Theodore ADORNO, Philosophie de la nouvelle musique, Gallimard, 1962. Norbert ELIAS, Mozart, Sociologie d'un génie, Seuil, 1991. Antoine HENNION, La passion musicale, Une sociologie de la médiation, Métailié, 1993. Pierre-Michel MENGER, Le paradoxe du musicien. Le compositeur, le mélomane et l'État dans la société contemporaine, Flammarion, 1983 ; Max WEBER, Sociologie de la musique, Métailié, 1998.

                                                                           ARTUS
 
Relu le 11 janvier 2019
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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 08:49
                 Plusieurs voies de recherche existent sur les liens qui peuvent exister entre musique et conflit, thématique plus large que celle traitée parfois dans les médias, entre musique et violence.
 
Sociologies des musiques
       On ne peut dissocier la musique de l'environnement sonore d'une société, mais une différence essentielle sépare le bruit ambiant, le bruit de fond d'une civilisation (des appels de cloches réguliers des églises du Moyen-Age occidental au ronronnement permanent des moteurs à explosion du vingtième siècle) de la musique. Cette dernière résulte d'une intention, artistique ou de communication, et d'une réception particulière par un public étendu ou restreint.
      Une sociologie de la musique suit des principes généraux de la sociologie (une sociologie est toujours une étude de la coopération et du conflit) et de la sociologie de l'art en particulier. Si l'art ne cherche pas à être en phase avec son époque, du moins dans l'intention de l'artiste (qui peut même contester sa société), il ne peut être perçu, reçu (on parle de réception des oeuvres), que s'il s'insère dans l'environnement social. Dans le cas de la musique, les membres d'une société possèdent chacun un système d'écoute (l'ouïe), habitué à entendre certaines sonorités et à en occulter d'autres, et ces habitudes, mises en formes d'apprentissage de la réception sociale, sont prises en compte par l'artiste, même s'il ne s'en rend pas compte. Chaque époque et chaque aire de civilisation est tributaire des rapports entre l'art et la société, entre la musique et les formes de perception.
       Des questions permanentes se posent quand on aborde la sociologie de la musique : quel est son rôle? quel est son rapport aux autres arts? Quelles sont les intentions de ceux qui produisent de la musique? La musique est-elle un instrument de pouvoir? Existe-t-il une compétition entre plusieurs musiques?.... Comme la musique agit directement sur des organes internes de la personne, quels sont les effets de l'agencement des sons sur ses émotions? On voit que de la musique sortie d'un accordéon ou d'une trompette surgissent des implications émotives, physiologiques, psychophysiologiques, psycho-sociales...

           Très récente, la sociologie de l'art, pris au sens moderne du terme (différent du sens antique) dépasse la critique artistique et une approche strictement historique des filiations des oeuvres musicales.
         Des auteurs comme Max WEBER (1864-1920), Théodore ADORNO (1903-1969), Henri POUSSEUR (né en 1929), Norbert ELIAS (1897-1990), Jacques ATTALI (né en 1943), s'intéressent spécifiquement à la musique, alors que d'autres réfléchissent de façon plus large sur l'art. Citons par exemple Pierre BOURDIEU (1930-2002), Benjamin WALTER (1892-1940), Pierre FRANCASTEL (1900-1970), Philippe JUNOD (né en 1938), Jean DUVIGNAUD (1924-2007), Bernard EDELMAN, Michel FOUCAULT (1926-1984), Erwin PANOVSKY (1892-1968)....
 
 
Ethnologie des musiques
        La recherche ethnologique en musique date d'un peu plus d'un siècle (Jean-Jacques NATTIEZ), depuis Alexander John ELLIS (1814-1890). Des chercheurs s'intéressent aux processus mentaux impliqués par la musique, comme Carl STUMPF (1848-1936), Otto ABRAHAM et Erich Von HORN BOSTER (1877-1935). A la fin du XIXème siècle et au début du XXème (...) apparaît la première école ethnomusicologique, l'école de Berlin. Ces chercheurs (se fondent) sur l'analyse des hauteurs et de la mélodie, sur les système d'accordage et la mesure des échelles et des instruments.
       La recherche de traits culturels musicaux ainsi que celle sur une évolution musicale dans le temps et dans l'espace permet de multiples approches sur les relations entre musique et conflit.
       On dit que la musique adoucit les moeurs, mais rien n'est moins sûr. De manière générale, la transmission des connaissances dans la tradition orale s'est faite souvent à l'aide de poésie et de musique (la manière dont sont enseignés les mathématiques à Athènes et celle de l'établissement du Coran en sont deux illustrations). Les habitudes de rythme (étudiés par Constantin BRAILOIU (1893-1958)), que la musique intervienne de manière constante ou intermittente dans la vie d'un peuple, reflètent et influencent sa perception de l'environnement et de ses proches.
        Alors que certains pensent comme John BLACKING (1928-1990) que la culture détermine intégralement la musique, "les nombreuses études empiriques dérivées de cette tendance (n'ont pas) réussi à prouver un conditionnement réel de la musique par son contexte". "Actuellement, on fait surtout apparaître l'influence des déterminants culturels et sociaux sur les formes d'exécution de la musique, plutôt que sur son style et sa structure." (Jean-Jacques NATTIEZ).
       L'évolution actuelle de l'ethnomusicologie ne nous avance pas beaucoup dans le propos qui nous occupe. Toutefois, l'évocation du continnum "parole-musique-danse" par Bruno NETTL (né en 1930), la persistance d'une approche historique, les questions du langage musical, l'étude des changements musicaux actuels (le mondialisation de la culture euro-américaine par les médias audiovisuels), les découvertes sur le fonctionnement du cerveau, le développement même de thérapeutiques musicales, nous permet d'entrevoir la musique comme vecteur de relations sociales.
         Sans doute est-il osé intellectuellement d'affirmer aujourd'hui que la musique puisse être conçue comme vecteur de relations apaisantes à l'intérieur d'une communauté ou d'une nation et de relations soit agressives soit pacifiques à l'extérieur de celle-ci. De trop nombreuses études restent à faire dans ce domaine, notamment parce que, par nature, la production de musique n'est pas une occupation constante dans les sociétés. La musique intervient, appuie sans doute de telles relations, sans bien entendu les déterminer. Sans tomber dans l'exagération, la  tonalité de la "musique" du flot continu de paroles et d'images déversés par les médias aujourd'hui, influe certainement dans l'appréciation que nous pouvons avoir du monde. Mais, là, nous sortons du cadre de la musique, entendue comme art proprement dit.
        Nous ne possédons que très peu de témoignages historiques du rôle de la musiques sur des relations paisibles ou agressives, ni sur les formes éventuellement musicales au départ des langages, sauf dans des cadres très précis, de la musique guerrière ou militaire et de la musique religieuse.

                                                                                            ARTUS
 
Relu le 14 janvier 2019
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29 août 2008 5 29 /08 /août /2008 12:30

      Discuter de la représentation des conflits, du conflit, au cinéma, c'est discuter en fait de la représentation des relations humaines, tant les conflits sont consubstanciels à ces relations.
C'est aussi mettre en perspective cette représentation par rapport aux autres représentations du réel exprimées à travers les autres arts, tels que la peinture, la sculpture, la musique, le chant, la danse, la photographie, le théâtre ou la télévision (ou videovision), sans d'ailleurs attacher beaucoup d'importance au qualificatif "septième art".
    C'est également repenser la signification du spectacle par rapport à la réalité, et celle du spectateur par rapport à l'acteur social.
  C'est bien entendu poser la question de l'influence d'une esthétique sur la compréhension d'une oeuvre cinématographique ou d'un ensemble d'oeuvres cinématographiques.
    C'est enfin poser les questions clés des représentations : ce qui est représenté (pourquoi cela et pas d'autres choses), de quelle manière il l'est, par qui est-il représenté, en direction de qui la représentation s'effectue, les raisons de la représentation ainsi que les effets ou les conséquences de cette représentation...

    Dès ces débuts, "le mythe directeur de l'invention du cinéma est l'accomplissement de celui qui domine confusément toutes les techniques de reproduction mécanique de la réalité qui virent le jour au XIXème siècle, de la photographie au phonographe. C'est celui du réalisme intégral, d'une recréation du monde à son image, une image sur laquelle ne pèserait pas l'hypothèque de la liberté d'interprétation de l'artiste ni l'irréversibilité du temps." (André BAZIN).
Cette ambition du spectacle total, de la représentation vraie ou de la représentation fausse, ou plutôt d'une représentation de quelque chose qui dépasse le réel visible et immédiat, est si forte que l'art même du cinéma subit dès les premières exploitations commerciales du cinématographe une dissociation entre le documentaire (Frères Lumière) et le féerique (Méliès), dissociation qui n'a cessé d'être aujourd'hui et qui se prolonge dans l'outil télévisuel.
L'écran révèle ses deux fonctions, ses deux effets, ses deux logiques : coller le plus possible au réel ou s'en éloigner le plus possible, par l'imagination de ce qui est peut-être et de ce qui pourrait être. Dans les deux cas, les représentations des conflits, quelles qu'elles soient, aboutissent aux yeux, aux oreilles et au cerveau du spectateur. Même sous la forme d'une fiction fantastique (et peut-être plus intensément), le monde parvient au sixième sens surtout sous forme d'images qui ont toute leur place dans la représentation globale du réel, parfois au même titre (parfois plus?) que la perception du réel sans l'intermédiaire de l'écran, ce miroir déformant et simplificateur.

    La représentation des conflits au cinéma, c'est d'abord bien sûr la représentation de leurs formes les plus visibles, les plus frappantes, la guerre ou d'autres violences, c'est-à-dire finalement, mais on l'avait déjà expérimenté au théâtre, en peinture, en danse ou en musique, dans leurs formes les plus esthétiques, avec leurs couleurs ou leurs sons les plus contrastés, les plus vifs, les plus rythmés, provoquant les réactions les plus vives chez les spectateurs.
Dans sa discussion sur le statut d'art du cinéma, Jean-Yves CHATEAU pose des questions pertinentes sur la liaison du beau et du sublime dans l'art, du primat de la forme, de l'unité de la forme esthétique pour une oeuvre, qui ne peut qu'être, vu les contraintes du cinéma, que collective.
 Tout l'appareillage technique nécessaire, d'enregistrement, de montage, de distribution des images donne au "septième art" une particularité, une complexité sans commune mesure avec la production d'une peinture ou d'une sculpture ou même de la représentation théâtrale. La combinaison des images, des couleurs et des sons, pour en faire un oeuvre à la fois logique et expressive, au sens de susciter des émotions, suppose la mise en oeuvre de la collaboration de nombreux corps de métier, du réalisateur au preneur de son. Cet aspect collectif se prolonge dans les conditions par lesquelles les oeuvres du cinéma parviennent au public, de l'affichage au matraquage publicitaire, du merchandising et de la floraison souvent redondante des critiques. L'importance considérable du cinéma dans la vie en société est telle qu'il constitue un mode de représentation très important, source d'influences parfois grandes et prolongées sur les comportements individuels et collectifs.

    En cela, le cinéma a une importance considérable sur la perception des conflits, et même de façon générale sur la tonalité des relations sociales, plus ou moins empreintes d'agressivité. Cela est flagrant dans les périodes de tension ou de guerre, mais cela est également vrai de façon quotidienne. Il n'est pas étonnant par conséquent que le contrôle social des images soit un enjeu majeur. La violence au cinéma pose la question de son influence sur les comportements sociaux, complexe, qui ne peut se résumer à des imitations, sur la constitution et les évolutions des morales publiques et privées, sans doute plus d'ailleurs que les représentations de la sexualité. Sur l'aspect normatif, sur l'aspect cathartique, des représentation des conflits, beaucoup reste à étudier.

   La mise en spectacle total de la réalité devient partie intégrante de cette réalité et participe aux évolutions sociales. La mise en spectacle d'un certain point de vue sur des événements, par le truchement de l'esthétique, peut - c'est une question clé d'ailleurs à propos des conflits - quels que soient leurs modalités ou leurs intensités - peser plus que la vérité de ces événements.

André BAZIN, Qu'est-ce que le cinéma? Les éditions du Cerf, collection 7ème art, 1990
Jean-Yves CHATEAU, Pourquoi un septième art? Cinéma et philosophie, Presses Universitaires de France, collection Intervention philosophique, 2008

   

                                                                                        FILMUS
   
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21 juillet 2008 1 21 /07 /juillet /2008 13:20

 

        Nous nous représentons, à notre époque des mass-médias et particulièrement du cinéma et de la télévision, les différentes révolutions qui ont marqué notre histoire, et plus seulement à travers les manuels scolaires.
Et cet ouvrage, particulièrement illustré d'images extraites de nombreux films, permet de rendre conscientes certaines de ces représentations. Édité juste dans la foulée de la célébration du bicentenaire de la Révolution Française de 1789, ce livre, introduit par un article de Marc FERRO, Codirecteut des Annales, éclaire la perception des différentes révoltes et révolutions (américaine, française, russe, nazie, indienne, polonaise...), qu'elles soient progressistes ou réactionnaires, par différentes filmographies, notamment américaine, russe, française, mais aussi d'autres pays d'Europe, du monde arabe, du Japon....
C'est un panorama très varié et très étendu qui nous est proposé là, avec pour expliquer les narrations plus ou moins tendancieuses des films, des articles de qualité. C'est aussi un exercice difficile tellement est grand le nombre de films ayant évoqué ces différentes révolutions et sans doute aurait-on bien voulu que telle ou telle thématique soit plus développée. Pour les Français, en tout cas, le regard sur la filmographie internationale de la Révolution Française permet de prendre une grande distance par rapport au film commémoratif en deux parties qui était sorti en salle en 1989. En fin d'ouvrage de nombreuses fiches de film permet de le prolonger par la vision... des films!
 
   L'introduction de Marc FERRO se conclue sur ces phrases : "Mais comment apprécier le rapport de l'écriture filmique de l'Histoire à ses autres formes d'expression? Les problèmes ne sont pas abordés par chaque ordre selon la même approche (dans le livre). Ainsi, il apparaît que la plupart des cinéastes qui abordent le film historique identifient l'histoire à une et à une seule de ses procédures, le récit de reconstitution ; et pas l'analyse ou la mise en question des problèmes que pose le passé ou son rapport au présent.
Dès lors, l'adaptation d'une de ces écritures de l'histoire à l'autre permet toutes les dérives puisque le récit de reconstitution, dans l'ordre historique, représente le degré zéro de l'analyse, au mieux ses prémices. Dans ces conditions, le cinéma peut, à partir de cela et en toute liberté, dire n'importe quoi : au nom de la créativité de l'artiste, il y aura toujours une église (la critique) pour légitimer cette dérive. Certes, dans un récit, l'historien peut également choisir ses informations, les combiner n'importe comment, mais son église ne lui en reconnaît pas le droit. Autrement dit, il y a sacrilège à faire la critique positiviste d'une oeuvre d'art, alors qu'un historien n'est plus considéré comme un historien s'il commet des erreurs.
Or ce raisonnement s'effondre devant Le Cuirassé Potemkine, rien ne vaut cette oeuvre, où fourmillent les contre-vérités, pour rendre intelligible la Révolution de 1905... C'est justement parce que ce film n'est pas une reconstitution, mais une reconstruction qu'il atteint à une forme supérieure d'analyse historique. Appartiennent à la même race de films les Ceddo ou L'heure des brasiers, Les Damnés ou Napoléon. D'autres certainement. Ils ont su découvrir, par l'imaginaire, une voix royale pour comprendre l'Histoire et la rendre intelligible."
 
   Marc FERRO a notamment écrit Cinéma et Histoire (Denoel/Gonthier, 1977) et Christian DELAGE, historien, La Vision nazie de l'histoire (L'Âge d'Homme, 1989).
 
 


   Sous la direction de Marc FERRO, avec des textes de Christian DELAGE et Béatrice FLEURY-VILATTE, Révoltes, Révolutions, Cinéma, Editions du Centre Pompidou, dans la collection Cinéma/pluriel, 1989, 312 pages.
 
Complété le 27 jui!llet 2012
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