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14 janvier 2010 4 14 /01 /janvier /2010 10:12
      Les questions de la souveraineté et de la légitime défense, noeuds des relations entre États et Organisations Internationales, sont traitées aux articles 15, paragraphe 8 de la SDN et aux article 2, paragraphe 7 et article 51 de l'ONU.

SDN

   Article 15, alinéa 8
             Si l'une des parties prétend et si le Conseil reconnaît que le différend porte sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de cette Partie, le conseil le constatera dans un rapport, mais sans recommander aucune solution.


ONU

   Article 2, paragraphe 7
          Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires relevant essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte. Toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII.

 Article 51
         Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée jusqu'à ce que le Conseil de Sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'à le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.


     Paul BARANDON indique avec raison qu'"on n'a jamais contesté à un État le droit inaliénable de légitime défense en présence d'une agression illégale. Étant un droit inhérent aux États, droit fondamental et universellement reconnu, son incorporation au droit de la SDN va de soi et n'est pas expressément mentionné dans le Pacte. Que si, dans ce dernier, l'on recherche la reconnaissance du droit de légitime défense, on peut la découvrir de la manière suivante :
- Le Pacte admettant les guerres légales en vue de la réalisation d'aspirations nationales, on en doit a fortiori conclure que la guerre purement défensive ne saurait être illégale.
- Le fait, pour de tierces personnes, d'avoir le droit et le devoir de participer à des mesures collectives de sanctions contre un État agresseur, présuppose le droit de légitime défense pour tout État directement agressé.
   On ne peut guère nier qu'il existe un devoir de défense. Le Conseil, à l'expiration du Mandat sur l'Irak et avant la réception de cet État comme Membre de la SDN, examine, en effet, la question de savoir si le pays était capable de défendre son intégrité territoriale et son indépendance politique."  Une des questions que la SDN se pose toutefois, dans le concret, est de savoir si le Pacte impose également à l'État victime d'agression, le devoir de se défendre immédiatement lui-même ou s'il doit d'abord attendre l'aide de la Société. En fait, cette question qui tracassa les diplomates n'a en fait que relativement peu d'importance : "il est infiniment plus important et plus difficile d'empêcher un État d'abuser du droit de légitime défense que de le déterminer à en remplir le devoir."
                      - L'article 8 du Pacte suppose le droit de défense armée. Si en effet, la réduction des armements s'y trouve prescrite au minimum compatible avec la sécurité nationale, cela revient à reconnaître ipso facto, que les Membres de la Société doivent faire usage de leurs moyens militaires, ainsi réduits, pour défendre leur sécurité nationale contre les agressions.
    Dans le même ordre d'idée, le Pacte Briand-Kellog admet également le droit de la légitime défense, et ne le mentionne pas de manière expresse. En fait, une guerre de légitime défense devient "illégale lorsqu'elle est poussée si loin que, dans l'utilisation de sa victoire, l'État attaqué, mais victorieux, lèse, de façon permanente les intérêts de son adversaire."
   Dans la suite de l'argumentation, qui s'appuie sur l'expérience qu'à la SDN à ce moment-là (en 1933), Paul BARANDON explique que, d'après la conception prédominante, l'État agresseur n'est pas nécessairement, au sens des article 10 et 16, celui dont les troupes ont, les premières, franchi une frontière étrangère. (...) La légitimité de la défense est toujours laissée à l'appréciation souveraine de l'État qui se sent attaqué ou menacé."
    Le tout est bien évidemment de "savoir qui doit décider du bien-fondé d'un cas de légitime défense", car sinon la Société tout entière se prive de toute capacité d'intervention. Une grande partie de la question se trouve bien évidemment dans la qualification de l'agression et de l'agresseur, problème que l'ONU affrontera lorsqu'elle prendra la succession de la SDN...

      Gilbert GUILLAUME, Juge à la Cour Internationale de Justice, considère que l'article 2, paragraphe 7 "est une des dispositions centrales de la Charte, puisqu'elle tend à résoudre le difficile problème de l'équilibre nécessaire entre les intérêts nationaux que les États membres considèrent comme essentiels et les intérêts de la collectivité internationale dans son ensemble. La portée de cette disposition est très discutée, tant en ce qui concerne son champ d'application que la notion d'intervention ou le contenu de la compétence propre qu'elle autorise les États à préserver. La question fondamentale est sans doute celle de savoir selon quels critères - politiques ou juridiques - elle doit être interprétée et appliquée. La doctrine semble avoir quelques doutes à cet égard et la pratique suivie ne permet guère de dégager une interprétation agréée du texte."
    La Déclaration des droits de l'homme introduit bien sûr des éléments de contestation d'une interprétation extensive de la souveraineté, dans la mesure même où le respect des droits de l'homme relève de la compétence internationale. Elle relativise du coup cet article 2, paragraphe 7. Mais d'autres pensent que cette Déclaration, simple résolution de l'Assemblée Générale ne peut modifier la situation juridique. De manière générale, le primat de la souveraineté nationale persiste.
     Dans l'édition de 2005, le même auteur analyse le fait que des discussions de cet ordre ont eu lieu sur l'existence ou non d'un droit, voire d'un devoir d'ingérence en cas d'urgence humanitaire.
"Ces discussions ont porté principalement sur l'action que les États pourraient entreprendre en pareilles circonstances, et non sur l'action de l'Organisation. Plusieurs résolutions de l'Assemblée Générale ont cependant abordé la question en invitant les États qui ont besoin d'une assistance humanitaire à faciliter la mise en oeuvre d'une telle assistance par les organisations non gouvernementales ou intergouvernementales, au besoin par la création de couloirs d'urgence. Mais elles ont toujours réservé la souveraineté des États affectés.
Face à de telles situations, le Conseil de sécurité a lui aussi réagi. Il l'a fait pour la première fois en vue d'organiser l'assistance humanitaire aux populations kurdes du nord de l'Irak après la guerre du Koweit (1991). (...) Par la suite, le Conseil, agissant à plusieurs reprises en cas de menace à la paix ou de rupture de la paix, a dénoncé les entraves mises à l'assistance humanitaire par les belligérants, condamnant de telles entraves ou demandant qu'il y soit mis fin. Les résolutions du Conseils comportent fréquemment des références à l'article 2, paragraphe 7, sans qu'il soit aisé de déterminer la portée de telles références. (ex-Yougoslavie, Somalie, Rwanda, Angola, Haut-Karabakht, Mozambique, Libéria...)".
   C'est surtout dans les quinze dernières années que cet article fut appliqué, lorsque le Conseil de sécurité a adopté de multiples mesures, dans le cadre du Chapitre VII. Parmi ses décisions qui peuvent mettre en cause une certaine interprétation extensive de la souveraineté, figurent celles qui décident le déploiement de forces armées multinationales ou de forces des Nations Unies au Libéria (1990-1993, 2003), en Somalie (1992 et 1993), en Bosnie et en Croatie (1993 et 1995), en Haïti (1994), au Rwanda (1994), en Albanie (1997), en Sierra Leone (1998), au Timor Oriental (1999), en Afghanistan (2001), en Côte d'Ivoire (2003) et en République démocratique du Congo (2003). Il y a aussi la création de juridictions pénales internationales chargées de juger certains crimes commis en ex-Yougoslavie ou en Rwanda, qui se substituent aux tribunaux nationaux normalement compétents. Il ne faut oublier les décisions prises, avant ou après les événements du 11 septembre 2001, en vue de contribuer au "rétablissement de la démocratie" dans certains pays ou de lutter contre le terrorisme international.
  Dans sa conclusion, Gilbert GUILLAUME toujours, écrit qu'il apparait que cette disposition du paragraphe 7 de l'article 2 voit toujours sa portée discutée, "tant en ce qui concerne son champ d'application que la notion d'intervention ou le contenu de la compétence propre qu'elle autorise les États à préserver." Si l'on excepte l'action du Conseil de sécurité, "la doctrine semble avoir quelques doutes à cet égard et la pratique suivie ne permet guère de dégager une interprétation agréée du texte..." Ce qui peut s'apparenter à une litote....

     Antonio CASSESE, professeur de Droit international à l'Institut universitaire européen à Florence, reprend la discussion, à propos de l'article 51, au sein de la SDN sur la légitime défense : "Une norme internationale en la matière naquit seulement quand furent établies les prémisses nécessaires pour que la légitime défense ait une signification spécifique, c'est-à-dire seulement après la création de la SDN, quand furent introduites de grandes restrictions au recours à la guerre, et surtout après le Pacte de Paris de 1928, quand fut approuvée l'interdiction totale de la guerre (exception faite justement pour la possibilité de légitime défense individuelle). Après 1928, la pratique internationale s'oriente clairement dans le sens de la licéité de l'emploi de la force pour repousser une attaque armée mais non pour prévenir une attaque."
  Jusqu'à 1991, "aux termes de l'article 51, la légitime défense individuelle a été invoquée plusieurs fois ; parmi les cas qui s'y rapportent le plus nettement, je citerai : la guerre du Viet-Nam de 1966, le conflit israélo-égyptien de 1967, l'incident du Mayaguez de 1975, les attaques israéliennes du Liban (1982), les attaques sud-africaines contre l'Angola et le Lesotho (1982) et l'expédition anglaise pour reconquérir les Malouines (en 1982)."
   Dans les problèmes d'interprétation, l'auteur examine tour à tour la légitime défense individuelle, la légitime défense collective, la légitime défense et les guerres de libération nationale, la légitime défense et l'agression économique ou idéologique et la légitime défense et le jus cogens (notamment les relations entre l'article 2, paragraphe 7 et l'article 51).  
   Citons ici simplement ses conclusions :
                 "D'abord la légitime défense, qui dans le cadre de la Charte, devait constituer l'exception, la soupape de sûreté qui permettait de garder sur pied le système en cas d'urgence, est devenue, en fait, la règle. Ce, pour une raison très simple et connue de tous : l'échec du système de la sécurité collective institué par la Charte et axé sur le rôle du Conseil de Sécurité et sur l'accord entre les grandes puissances. Puisque cet accord a tout de suite fait défaut et que le mécanisme prévu par la Charte s'est enrayé, les États ont créé des alliances basées sur la légitime défense collective (l'OTAN créée en 1949 et le Pacte de Varsovie, institué en 1955) et en outre, ils sont souvent fait usage de la légitime défense individuelle.
                 En second lieu, le concept de légitime défense a été très élargi par les États qui y ont eu recours, jusqu'à inclure :
a) l'action préventive ;
b) la réaction à des attaques armées qui prenaient la forme d'agression armée indirecte ou d'infiltration de militaires ou encore "d'ingérence militaire de l'extérieur montée et soutenue par les forces impérialistes et réactionnaires" ;
c) la protection des ressortissants à l'étranger ;
d) l'emploi de la force armée contre des puissances coloniales, racistes ou qui occupent un territoire étranger.
               Toutefois, toutes ces formes d'action armée (au moins jusqu'en 1991), individuelle ou collective, n'ont pas reçu l'appui de la Communauté internationale organisée. Celle-ci a réagi de façon singulière : elle s'est refusée à considérer licites ces actions militaires, ou (dans le cas des guerres de libération nationale) à accepter l'applicabilité de l'article 51 comme justification juridique. Mais elle n'a pas eu la capacité d'adopter des sanctions contre l'État responsable, ou de mettre en oeuvre elle-même, de façon coercitive, les normes de la Charte."
               "En troisième lieu (...), certaines des interprétations extensives avancées pour justifier des actions militaires (...) sont soutenues par une des super-puissances : ainsi (...) les États-Unis admettent la légitime défense préventive et soutiennent en outre que l'article 51 autorise soit la protection des ressortissants à l'étranger soit la réaction armée aux infiltrations militaires d'étrangers sur le territoire d'un État. Quant à l'URSS, elle a soutenu que l'article 51 peut être invoqué en cas "d'activités de subversion de forces extérieures" (...)"
              "En quatrième lieu, on peut remarquer un certain rapprochement involontaire entre les deux super-puissances : chacune d'entre elles considère qu'elle est légitimée à employer la force sur les territoires soumis à son influence, chaque fois qu'elle voit son influence menacée de l'extérieur, et ce même en l'absence d'une véritable agression armée contre l'État sur le territoire duquel elle intervient. En réalité, on assiste à une sorte d'application progressive de la part des deux Super-puissances de la "doctrine Brejnev". L'auteur bien évidemment fait référence aux actions à Cuba, en République Dominicaine, à Grenade pour l'une, en Hongrie, en Tchécoslovaquie et en Afghanistan pour l'autre.
            "Enfin (...), nous pouvons dire que le système de la Charte s'est révélé (...) insatisfaisant soit parce que le mécanisme de sécurité collective prévu par le Chapitre VII n'a pas fonctionné, soit parce qu'on n'a pas réussi à endiguer les abus perpétrés sous le couvert de l'article 51."
        Le même auteur, dans l'édition de 2005, tire une analyse des récentes utilisations de l'article 51, depuis la disparition de l'Union Soviétique.
Rappelant que l'article 51 "permet l'emploi de la force seulement en réaction à une "agression armée" et à condition que soient observées les normes de procédures qui prescrivent que le Conseil de sécurité soit immédiatement informé de l'action armée en légitime défense", Antonio CASSESE note que selon la Cour Internationale de Justice, cette agression peut être accomplie non seulement par un autre État, mais aussi par un autre "sujet de droit international", tel qu'un groupe insurrectionnel ou un mouvement de libération nationale ou encore un groupe terroriste basé sur le territoire d'un État souverain. Le conseil de sécurité, suite aux attentats du 11 septembre 2001, réaffirma les12 et 28 septembre 2001, "le droit inhérent (qualifié de droit naturel dans la deuxième résolution) de légitime défense individuelles et collective" par rapport aux actes terroristes. La Cour internationale de justice a noté par ailleurs, dans plusieurs affaires, que l'exercice de ce droit est soumis aux doubles conditions de nécessité et de proportionnalité.
  Se tournant vers la pratique la plus récente, l'auteur met en exergue surtout "l'insistance mise par les États-unis, suivis par la Grande Bretagne, sur le bien fondé de la légitime défense préventive, de même que leur recours en fait à cette forme de légitime défense en 2003, contre l'Irak (...). La plupart des États ne s'est pas toutefois montrée convaincue par la thèse de ces deux États." L'opinion majoritaire est que si un État se permet une telle action, qui peut dire que demain un autre État (La Chine contre Taïwan par exemple, mais aussi l'Inde contre le Pakistan et inversement) ou encore Israël contre n'importe quel État arabe...) ne le fera pas, entrainant alors une situation vite incontrôlable, surtout si elle est avalisée par l'ONU.
   Les abus de la légitime défense collective sont pointés par l'auteur qui montre finalement qu'ils trouvent une partie de leur origine dans le non fonctionnement effectif du mécanisme de sécurité collective prévu par le Chapitre VII et également parce que le système de la Charte s'est "révélé rigide en ce sens qu'il ne tient pas compte de certaines situations (subversion armée) qui demanderaient au contraire une réglementation juridique plus élaborée ou moins ambigüe, et surtout une présence plus attentive et effective du Conseil de sécurité."

La Charte des Nations Unies, Economica, 1991, La Charte des Nations Unies, Economica, 2005. Paul BARANDON, Le système juridique de la Société des Nations pour la prévention de la guerre.
 
 
Relu le 5 Octobre 2019
     
   

   

  
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7 janvier 2010 4 07 /01 /janvier /2010 10:43
          Les articles 11, 12, 13, 14, 15 et 16 de la Société des Nations d'une part et les articles 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49 et 50 des Chapitres VI et VII de l'Organisation des Nations Unies portent sur leurs mécanismes d'action, qui révèlent sans doute plus que les intentions affichées dans les premiers articles des deux organisations, le degré de volonté d'agir sur la scène internationale.

SDN

      Article 11
            1 - Il est expressément déclaré que toute guerre ou menace de guerre, qu'elle affecte directement ou non l'un des Membre de la Société, intéresse la Société toute entière et que celle)ci doit prendre les mesures propres à sauvegarder efficacement la paix des nations. En pareil cas, le Secrétaire général convoque immédiatement le Conseil, à la demande de tout Membre de la Société.
            2 - Il est en outre, déclaré que tout Membre de la Société a le droit, à titre amical, d'appeler l'attention de l'Assemblée ou du Conseil sur toute circonstance de nature à affecter les relations internationales et qui menace par suite de troubler la paix ou la bonne entente entre les nations, dont la paix dépend.

      Article 12
             1 - Tous les membres de la Société conviennent que, s'il s'élève entre eux un différend susceptible d'entraîner une rupture, ils le soumettront soit à la procédure de l'arbitrage, soit à l'examen du Conseil. En aucun cas, ils ne doivent recourir à la guerre avant l'expiration d'un délai de trois mois après la sentence des arbitres ou le rapport du Conseil.
             2 - Dans tous les cas prévus par cet article, la sentence des arbitres doit être rendue dans un délai raisonnable et le rapport du Conseil doit être établi dans les six mois à dater du jour où il aura été saisi du différend.

    Article 13
            Les Membres de la Société conviennent que s'il s'élève entre eux un différend susceptible, à leur avis, d'une solution arbitrale et si ce différend ne peut se régler de façon satisfaisante par la voie diplomatique, la question sera soumise intégralement à l'arbitrage.
  Parmi ceux qui sont généralement susceptibles de solution arbitrale, on déclare tels les différends relatifs à l'interprétation d'un traité, à tout point de droit international, à la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la rupture d'un engagement international ou à l'étendue ou à la nature de la réparation due pour telle rupture.
  La Cour d'arbitrage à laquelle la cause est soumise est la Cour désignée par les Parties ou prévue dans leurs conventions antérieures.
  Les Membres de la Société s'engagent à exécuter de bonne foi les sentences rendues et à ne pas recourir à la guerre contre tout Membre de la Société qui s'y conformera. Faute d'exécution de la sentence, le Conseil propose les mesures qui doivent en assurer l'effet.

    Article 14
          Le Conseil est chargé de préparer un projet de Cour permanente de justice internationale et de le soumettre aux Membres de la Société. Cette Cour connaîtra de tous les différends d'un caractère international que les Parties lui soumettront. Elle donnera aussi des avis consultatifs sur tout différend ou tout point, dont la saisira l'Assemblée.

    Article 15
         1 - S'il s'élève entre les membres de la Société un différend susceptible d'entraîner une rupture et si ce différend n'est pas soumis à l'arbitrage prévu à l'article 13, les membres de la Société conviennent de le porter devant le Conseil. A cet effet, il suffit que l'un d'eux avise de ce différend le Secrétaire général, qui prend toutes dispositions en vue d'une enquête et d'un examen complets.
        2 - Dans le plus bref délai, les Parties doivent lui communiquer l'exposé de leur cause avec tous faits pertinents et pièces justificatives. Le Conseil peut en ordonner la publication immédiate.
        3 - Le Conseil s'efforce d'assurer le règlement du différend. S'il y réussit, il publie dans la mesure qu'il juge utile un exposé relatant les faits, les explications qu'ils comportent et les termes de ce règlement.
         4 - Si le différend n'a pu se régler, le Conseil rédige et publie un rapport voté soit à l'unanimité, soit à la majorité des voix, pour faire connaître les circonstances du différend et les solutions qu'il recommande comme les plus équitables et les mieux appropriées en l'espèce.
        5 - Tout Membre de la Société représenté au Conseil peut également publier un exposé des faits du différend et ses propres conclusions.
        6 - Si le rapport du Conseil est accepté à l'unanimité, le vote des représentants des Parties ne comptant pas dans le calcul de cette unanimité, les Membres de la Société s'engagent à ne pas recourir à la guerre contre aucune Partie qui se conforme aux conclusions du rapport.
       7 - Dans le cas où le Conseil ne réussit pas à faire accepter son rapport par tous ses Membres autres que les représentants de toute Partie au différend, les Membres de la société se réservent le droit d'agir comme ils le jugeront nécessaires pour le maintien du droit et de la justice.
       8 - Si l'une des Parties prétend et si le Conseil reconnaît que le différend porte sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de cette Partie, le Conseil le constatera dans un rapport, mais sans recommander de solution.
       9 - Le Conseil peut, dans tous les cas prévus au présent article porter le différend devant l'Assemblée. L'Assemblée devra de même être saisie du différend à la requête de l'une des Parties, cette requête devrait être présentée dans les quatorze jours à dater du moment où le différend est porté devant le Conseil.
      10 - Dans toute affaire soumise à l'Assemblée, les dispositions du présent article et de l'article 12 relatives à l'action et aux pouvoirs du Conseil s'appliquant également à l'action et aux pouvoirs de l'Assemblée. Il est entendu qu'un rapport fait à l'Assemblée avec l'approbation des représentants des Membres de la Société représentés au Conseil et d'une majorité des autres membres de la Société à l'exclusion dans chaque cas, des représentants des Parties, a le même effet qu'un rapport du Conseil adopté à l'unanimité de ses Membres autres que les Représentants des Parties.

 Article 16
      1 - Si un Membre de la Société recourt à la guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12, 13 ou  15, il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre les autres Membres de la Société. Ceux-ci s'engagent à rompre immédiatement avec lui toutes relations commerciales ou financières, à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l'Etat en rupture de Pacte et à faire cesser toutes communications financières, commerciales ou personnelles, entre les nationaux de cet Etat et ceux de tout autre Etat, Membre ou non de la Société.
     2 - En ce cas, le Conseil a le devoir de recommander aux divers Gouvernements intéressés les effectifs militaires, navals ou aériens par lesquels les Membres de la Société contribueront respectivement aux forces armées destinées à faire respecter les engagements de la Société.
     3 - Les Membres de la Société conviennent, en outre, de se prêter l'un à l'autre un mutuel appui dans l'application des mesures économiques et financières à prendre en vertu du présent article pour réduire au minimum les pertes et les inconvénients qui peuvent en résulter. Ils se prêtent également un mutuel appui pour résister à toute mesure spéciale dirigée contre l'un d'eux par l'Etat en rupture de Pacte. Ils prennent les dispositions nécessaires pour faciliter le passage à travers leur territoire des forces de tout Membre de la Société qui participe à une action commune pour faire respecter les engagements de la Société;
    4 - Peut être exclu de la Société tout Membre qui s'est rendu coupable de la violation d'un des engagements résultant du Pacte. l'exclusion est prononcée par le vote de tous les autres Membres de la Société représentés au Conseil.


ONU


Chapitre VI - Règlement pacifique des différends

      Article 33
             1 - Les Parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer la paix et la sécurité internationale doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux ou par d'autres moyens de leur choix.
             2 - Le Conseil de Sécurité, s'il le juge nécessaire, invite les parties à régler leur différend par de tels moyens.

     Article 34
           Le conseil de Sécurité peut enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un désaccord entre nations ou engendrer un différend, afin de déterminer si la prolongation de ce différend ou de cette situation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

     Article 35
            1 - Tout Membre de l'Organisation peut attirer l'attention du Conseil de Sécurité ou de l'Assemblée Générale sur un différend ou une situation visée dans l'article 34.
            2 - Un Etat qui n'est pas Membre de l'Organisation peut attirer l'attention du Conseil de Sécurité ou de l'Assemblée Générale sur tout différend auquel il est partie, pourvu qu'il accepte préalablement, aux fins de ce différend, les obligations de règlement pacifique prévues dans la présente Charte.
           3 - Les actes de l'Assemblée générale relativement aux affaires portées à son attention en vertu du présent article sont soumis aux dispositions des article 11 et 12.

     Article 36
            1 - Le Conseil de Sécurité peut à tout moment de l'évolution d'un différend de la nature mentionnée à l'article 33 ou d'une situation analogue, recommander les procédures ou méthodes d'ajustement appropriées.
           2 - Le Conseil de Sécurité devra prendre en considération toutes procédures déjà adoptées par les parties pour le règlement de ce différend.
           3 - En faisant des recommandations prévues au présent article, le Conseil de Sécurité doit aussi tenir compte du fait que d'une manière générale, les différends d'ordre juridique devraient être soumis par les parties à la Cour internationale de Justice, conformément aux dispositions du statut de la Cour.

   Article 37
         1 - Si les parties à un différend de la nature mentionnée à l'article 33 ne réussissent pas à régler par les moyens indiqués audit article, elles le soumettent au Conseil de Sécurité.
         2 - Si le Conseil de Sécurité estime que la prolongation du différend semble, en fait menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, il décide s'il doit agir en application de l'article 36 ou recommander les termes de règlement qu'il juge appropriés.

   Chapitre VII - Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression

     Article 39
          Le Conseil de Sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelle mesures seront prises conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir la paix et la sécurité internationales.

    Article 40
          Afin d'empêcher la situation de s'aggraver, le Conseil de Sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l'article 39, peut inviter les partie intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou la position des parties intéressées. En cas de non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de Sécurité tient dûment compte de cette défaillance.

  Article 41
      Le Conseil de Sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi des forces armées doivent être prises pour donner effet à ses décisions et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.

  Article 42
      Si le Conseil estime que les mesures prévues à l'article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre au moyen des forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de membres des Nations Unies.

  Article 43
      1 - Tous les membres des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, s'engagent à mettre à la disposition du Conseil de Sécurité, conformément à un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces armées, l'assistance et les facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
      2 - L'accord ou les accords susvisés fixeront les effectifs et la nature de ces forces, leur degré de préparation et les emplacement général, ainsi que la nature des facilités et de l'assistance à fournir.
      3 - L'accord ou les accords seront négociés, aussitôt que possible, sur l'initiative du Conseil de Sécurité. Ils seront conclus entre le Conseil de Sécurité et des membres de l'Organisation ou entre le Conseil de Sécurité et les groupes de membres de l'Organisation, et devront être ratifiés par les Etats signataires selon leurs règles constitutionnelles respectives.

  Article 44
     Lorsque le Conseil de Sécurité a décidé de recourir à la force, il doit, avant d'inviter un membre non représenté au Conseil à fournir des forces armées en exécution des obligations contractées en vertu de l'article 43, convier ledit membre si celui-ci le désire à participer aux décisions du Conseil de Sécurité touchant à l'emploi de contingents des forces armées de ce membre.

 Article 45
     Afin de permettre à l'Organisation de prendre d'urgence des mesures d'ordre militaire, des membres des Nations Unies maintiendront des contingents nationaux de forces aériennes immédiatement utilisables en vue de l'exécution combinée d'une action coercitive internationale. Dans les limites prévues par l'accord spécial ou les accords spéciaux mentionnés à l'article 43, le conseil de Sécurité, avec l'aide du Comité d'Etat-Major, fixe l'importance et le degré de préparation de ces contingents et établit des plans prévoyant leur action combinée.

 Article 46
    Les plans pour l'emploi de la force armée sont établit par le Conseil de Sécurité avec l'aide du Comite d'Etat-Major.

 Article 47
    1 - Il est établi un Comité d'Etat-Major chargé de conseiller et d'assister le Conseil de Sécurité pour tout ce qui concerne les moyens d'ordre militaire nécessaires au Conseil pour maintenir la paix et la sécurité internationales, l'emploi et le commandement des forces mises à disposition, la réglementation des armements et le désarmement éventuel.
   2 - Le comité d'Etat-Major se compose des chefs d'Etat-Major des membres permanents du Conseil de Sécurité ou de leurs représentants. Il convie tout Membre des Nations Unies qui n'est pas représenté d'une façon permanente à s'associer à lui, lorsque la participation de ce Membre à ses travaux lui est nécessaire pour la bonne exécution de sa tâche.
  3 - Le Comité d'Etat-Major est responsable sous l'autorité du Conseil de Sécurité, de la direction stratégique de toutes forces armées mises à la disposition du Conseil. Les questions relatives au commandement ces forces seront réglées ultérieurement.
  4 - Des sous-comités régionaux du Comité d'Etat-Major peuvent être établis par lui avec l'autorisation du Conseil de Sécurité et après consultation des organismes régionaux appropriés.

  Article 48
      1 - Les mesures nécessaires à l'exécution des décisions du Conseil de Sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales sont prises par tous les membres des Nations Unies ou certains d'entre eux, selon l'appréciation du Conseil.
     2 - Ces décisions sont exécutés par les membres des Nations Unies directement et grâce à leur action dans les organismes internationaux appropriés dont ils font partie.

   Article 49
       Les Membres des Nations Unies s'associent pour se prêter mutuellement assistance dans l'exécution des mesures arrêtées par le Conseil de Sécurité.

   Article 50
      Si un Etat est l'objet de mesures préventives ou coercitives prises par le Conseil de Sécurité,  tout autre Etat, qu'il soit ou non Membre des Nations Unies, s'il se trouve en présence de difficultés économiques particulières dues à l'exécution desdites mesures a le droit de consulter le Conseil de Sécurité au sujet de la solution de ces difficultés.

      Paul BARANDON insiste surtout sur l'intervention préventive de la SDN, c'est-à-dire en fait surtout l'activation des dispositions de l'article 11, avant même les articles précités. Il fait état de nombreuses interventions sur des incidents de frontières, sous forme de "mesures en vue d'éclaircir les faits" (différend de la frontière albanaise de 1921, incident de frontière gréco-bulgare de 1925...).
Des mesures de conciliation quant au fond du litige furent prises dans le différend polono-lithuanien de 1920-1922. En vertu des articles 11 et 15 du Pacte, de semblables mesures concernèrent l'Albanie d'une part et la Grèce et la Yougoslavie d'autre part, toujours à cause d'un différend de frontières résolu sur la base d'un avis consultatif émis par la Cour de La Haye à la demande du Conseil.
Grand cas fut fait de l'incident gréco-bulgare de 1925 qui exigea des "mesures provisoires concernant la sécurité", après des échanges de coups de feu.
Les procédures suivies suivant l'article 15 dans l'affaire de Mandchourie en 1932 font l'objet de longs développements (le livre est écrit en 1933) voulant montrer que la SDN peut agir dans le sens de la conciliation, malgré un certain nombre de difficultés juridiques.
  
      Emile GIRAUD, dans un bilan de l'expérience de la SDN indique trois périodes dans la vie de l'organisation internationale.  De 1919 à 1939, il distingue trois périodes : la première (1919-1925) dite d'enracinement, la deuxième (1925-1931) dite de la floraison et la troisième (1931-1939) dite du dessèchement.
    Dans la première période, la SDN traite de conflits nombreux mais secondaires : "la Société des Nations devait assumer un certain nombre de tâches qui lui avaient été confiées par les Traités de paix et plusieurs traités qui y firent suite (Territoire de la Sarre, Ville libre de Dantzig, Protection des minorités), ce qui, dès la création de la Société, fournit un élément à son activité. Par ailleurs, un assez grand nombre de différends internationaux furent portés devant la Société des Nations, la plupart étaient en rapport avec les changements apportés par la Grande Guerre et relatifs à des questions de frontières. Ils furent le plus souvent traités selon la procédure de l'article 11, article souple, peu formaliste. On peut dire que sauf dans un cas (Différend de Vilna), l'intervention de la Société des Nations aboutit directement ou indirectement à un succès. L'article 15 fut aussi utilisé, mais dans une bien moindre mesure. Plusieurs fois, il fut simplement invoqué ou reçut seulement un commencement d'exécution : Différend du Tacna-Arica (Bolivie, Chili, Pérou, 1920), Différend de Corfou (Grèce-Italie, 1923). Dans deux cas, la procédure de l'article 15 se déroula jusqu'à son terme : Différend de Vilna (Lithuanie-Pologne, 1921-1923), Différend de Mossoul (Turquie, Royaume Uni, 1924).
    Dans la deuxième période, "la Société des Nations devient un centre de la politique internationale. A partir de 1925, les ministres des affaires étrangères des grandes puissances assistent régulièrement aux réunions du Conseil. La Société des Nations devient représentative d'un esprit et d'une méthode. Son esprit est la conciliation qui permet des accords comportant des concessions mutuelles. La méthode "inductive" qui vise non à créer d'un coup un ordre nouveau au moyen de mesures de portée universelle, mais à éliminer progressivement les causes de tension internationale. Les accords de Locarno, d'octobre 1925, appliquent cette méthode. Par ces accords, les rapports franco-allemands sont normalisés. Dans le "Pacte rhénan", la France et l'Allemagne s'engagent à respecter leur frontière commune. La Grande-Bretagne et l'Italie donnent leur garantie. Le contrôle de ces engagements est confié au Conseil de la Société des Nations. D'autres conventions conclues le même jour prévoient la conciliation, le règlement judiciaire et l'arbitrage. En suite de ces accords, l'Allemagne entre dans la Société des Nations (septembre 1926).
Le nombre des différends internationaux portés devant la Société des Nations fut sensiblement moindre que pendant la période précédente, mais cette diminution est due à d'autres causes qu'à un affaiblissement de la confiance dans la Société des Nations et les méthodes internationales. Il faut mentionner le règlement par la Conseil, en 1925, du conflit de Demir Kapou entre la Grèce et la Bulgarie. Ce conflit qui avait donné lieu à un commencement d'hostilités fut arrêté par une intervention rapide du Conseil, qui ultérieurement élucida et régla la question des responsabilités."
    Dans la troisième période, trois séries de faits marquent l'activité de la SDN :
              "- Les interventions de la Société des Nations dans des conflits importants aboutissent à des échecs. Conflit sino-japonais (Mandchourie), 1931-1933 : on n'arrive pas à arrêter les hostilités et à empêcher la conquête de la Mandchourie par le Japon. Conflit bolivo-paraguayen (Chaco), 1932-1935 : la guerre se termine par l'épuisement des parties qui acceptent la médiation des Etats limitrophes. Répudiation par l'Allemagne du Traité de Versailles (1935) ; l'intervention de la Société des Nations n'a point de résultats pratiques. Conflit italo-éthiopien (1935-1936) : on ne parvient ni à empêcher le déclenchement des hostilités (article 11 et 15) ni à les arrêter au moyens de sanctions (article 16). Violation du traité de Locarno (mars 1936). Le Conseil constate la violence commise, mais aucune résultat pratique ne s'ensuit. Dans le conflit espagnol (1936-1939), l'intervention de la Société des Nations a un caractère accessoire et peu efficace. Durant la guerre sino-japonaise (1937), l'intervention de la Société des Nations a des effets très limités.
Durant cette période de déclin la Société des Nations ne compte pas, il est vrai, que des échecs. Plusieurs questions sont réglées par son entremise (conflit de Letecia, 1932), requête du gouvernement yougoslave à la suite de l'attentat de Marseille (1934), plébiscite de la Sarre (1935)....
                - Un certain nombre d'Etats dont trois Grandes puissances (Japon, Allemagne, Italie) quittent la Société des Nations.
                - L'intervention de la Société des Nations en 1938 et 1939 n'est plus demandée."

     Dès le début, et plusieurs articles de la SDN y font référence, par la menace de publications des rapports, les diplomates comptent énormément sur l'opinion publique traumatisé par la Première Guerre Mondiale pour appuyer son action. Une seule fois, l'article 16 a été requis et constamment les membres ont été réticents à activer même l'article 15. Par ailleurs, beaucoup, dans l'explication de l'échec de la SDN avance l'explication mécaniste de l'agencement compliqué des articles. Le facteur juridique formel fait que si l'action n'est pas très vite lancée dès le début du différend, l'activité s'enlise vite dans les difficultés juridique, tenant à une défectuosité des textes. Mais cette explication est secondaire par rapport à l'insuffisance de l'esprit international, et surtout l'absence d'uniformité, surtout à partir des années 1930, des préoccupations  culturelles et des tendances politiques (démocraties et dictatures)  des diplomates.



    Le gros ouvrage de référence La Charte des Nations Unies, sous la direction de Jean-Pierre COT et Alain PELLET constitue une mine d'informations sur la destination et l'usage de ses différents articles.
  
    Ainsi, pour l'article 33, Jean-Pierre QUENEUDEC, professeur à l'Université de Paris 1, explique que "les dispositions du Chapitre VI de la Charte développent les conséquences qui s'attachent, dans l'ordre institutionnel de l'Organisation, aux principes fondamentaux proclamés dans l'article 2 en matière de règlement pacifique des différends internationaux et de non-recours à la menace ou à l'emploi de la force dans les relations internationales.
Consacrés au règlement pacifique des différends, ces dispositions représentent le "procédé de pacification" par excelle de la société internationale contemporaine, d'autant que la Charte en a fait un élément important du système de maintien de la paix. Malgré les changements intervenus dans le monde depuis son adoption (le texte date de 1991), ce schéma arrêté en 1945 demeure incontestablement le seul possible, de l'avis unanime des Membres de l'organisation. La liaison étroite établie par la Charte entre le principe du règlement pacifique des différends et le principe du non-recours à la force a ainsi été réaffirmée en 1970 par la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies. Elle a été de nouveau soulignée dans la Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux, approuvée par l'Assemblée Générale en 1982 (...)".
L'article 33 est un "article-charnière entre les prescriptions normatives qui doivent guider la conduite des Etats et les règles institutionnelles qui fixent les modalités des organes des Nations Unies pour le règlement pacifique des différends." Réellement, tout litige, quel que soit sa gravité, peut être examiné, à l'initiative d'un Membre ou du Conseil de Sécurité lui-même selon l'alinéa 1. La disposition de l'alinéa 2, conçue pour un usage exceptionnel, n'a guère été utilisée par le Conseil de Sécurité, et "force est de reconnaître que le Conseil de Sécurité se fonde rarement de manière expresse (dans une sorte de prétention à tout gérer) sur l'article 33, paragraphe 2, lorsqu'il est appelé à examiner un différend dont la prolongation menace le maintien de la paix", et c'est l'objet de la Déclaration de Manille de raffermir le rôle du Conseil de Sécurité.

    Pour l'article 34, Tabrizi BEN SALAH, professeur à l'Université de Bretagne Occidentale, indique qu'il confère bien "d'une manière l'on ne peut plus claire un rôle primordial, sinon exclusif, au Conseil de Sécurité."  Le pouvoir d'enquête est extrêmement étendu, et cette enquête, sur la nature de laquelle les premières polémiques ont eu lien dans l'enceinte des Nations Unies, peut "conduire inéluctablement à la qualification de la situation ou du différend", et du coup entraîner l'activation des dispositions prévues au Chapitre VII". Mais la pratique montre une certaine pesanteur : "Dès le départ, l'opposition entre membres permanents, principalement les Etats-Unis et l'URSS, était manifeste. Le Conseil de Sécurité n'a pu créer de ce fait que deux organes d'enquête en mentionnant explicitement qu'ils étaient basés sur l'article 34 (dans l'affaire de la frontière grecque et dans le conflit indo-pakistanais). Cependant, il est très courant que l'article 34 soit invoqué à l'appui d'une saisine du Conseil de Sécurité ou introduit dans les projets de résolution soumis à son examen."
 Dans l'évolution des relations entre le Conseil de Sécurité et l'Assemblée Générale, de plus en plus cette dernière a développé des compétences en matière d'enquête, et ceci dès l'examen de la question tchécoslovaque. Cela permettait d'enlever un certain caractère de gravité à son emploi par le Conseil de Sécurité lui-même.
  Sofiène BOUIFFROR, chercheur au CEDIN de Paris X Nanterre, établit dans l'édition de 2005 une sorte de bilan de l'usage de l'article 34 : "Yougoslavie, Rwanda, Timor oriental, Soudan... Le Conseil de Sécurité des Nations Unies est à l'origine de très nombreuses enquêtes. L'article 34 de la Charte reste à cet égard la seule disposition qui prévoit explicitement un pouvoir d'enquête au profit de l'une des institutions de l'Organisation. Force est pourtant de constater que le pouvoir d'enquête, exercé sur cette base, a été rarement utilisé par le Conseil de Sécurité. L'article 34 n'est plus la clé de voûte du système de sécurité collective imaginée par les rédacteurs de la Charte. Les mesures susceptibles d'être prises par le Conseil en matière d'enquête relèvent en effet davantage d'un pouvoir général implicite ou "impliqué" reconnu de longue date par la jurisprudence internationale. Les travaux préparatoires et la présence de l'article 34 au sein du Chapitre VI laissent donc entrevoir deux systèmes parallèles d'enquête. L'article 34 fait partie intégrante d'un mécanisme général de règlement des différends fondé sur les effets dissuasifs de l'enquête menée par le Conseil. Il apparaît ainsi comme une base de compétence du Conseil de Sécurité. Les enquêtes mises en oeuvre sur la base de l'article 34 se distinguent des investigations fondées sur le pouvoir implicite reconnu au Conseil de Sécurité. Bien que très  nombreuses au cours de ces dernières années, ces enquêtes ne doivent cependant pas occulter la volonté du Conseil de progressivement se concentrer sur l'usage du Chapitre VII, laissant l'exercice du pouvoir d'investigation au profit d'autres organismes. Ecartant systématiquement l'utilisation de l'article 34, le Conseil préfère en effet aujourd'hui appuyer les initiatives déjà lancées par l'Organisation et ainsi recueillir les informations nécessaires à son action par des moyens plus informels."

    La possibilité offerte par le seul article de la Charte de saisine du Conseil de Sécurité ou de l'Assemblée Générale par n'importe quel Etat fait l'objet d'un long développement de Riad DAOUDI, professeur de Droit international public à la Faculté de Droit de Damas. Dans la procédure de saisine, l'Etat en question fait souvent référence à tel ou tel article de la Charte, pour qualifier d'ores et déjà le différend ou la situation : "cette qualification ne lie point le Conseil de Sécurité ou l'Assemblée Générale.
"En s'adressant au Conseil ou à l'Assemblée, l'Etat prend en considération le fait que l'action demandée ne doit pas se heurter au vote négatif d'un membre permanent du Conseil et qu'il faut réunir la majorité des deux tiers des présents et votants au sein de l'Assemblée. C'est donc en fonction de la composition de ces deux organes et des conditions de vote qu'il détermine son choix." 
La lecture attentive du paragraphe 3 de l'article 35  montre une double limite aux pouvoirs de l'Assemblée générale saisie par un Etat : la limitation prévue à l'article 11 et celle prévue à l'article 12. "La doctrine a considéré que le terme "action" ne vise que les mesures coercitives du Chapitre VII. Dans la pratique, les pouvoirs de l'Assemblée générale ont été considérablement élargis. En traitant des questions concernant la Palestine, la Corée, la Rhodésie, l'Afrique du Sud et le Moyen-Orient, elle a fait des recommandations contenant des actions qui relèvent tant du Chapitre VI que du Chapitre VII."

     L'article 36, écrit Brigitte STERN, professeur à l'Université de Nanterre, s'il s'inscrit dans le Chapitre VI, n'est pas sans liens avec le Chapitre VII (cas de rupture de la paix). Examinant les circonstances de l'intervention du Conseil de Sécurité, elle indique que si l'Assemblée de la SDN n'a pratiquement pas utilisé l'article 19 du Pacte où elle pouvait contraindre les parties à examiner les situations internationales dont le maintien pourrait mettre en péril la paix du monde, le Conseil de Sécurité de l'ONU, lui, n'a pas hésité à intervenir dans certaines "situations", en particulier les situations coloniales. Lorsqu'il l'a fait (Maroc, 1953 ; colonies portugaises, 1963 et 1965), le Conseil de Sécurité est resté très flou sur la qualification de différend ou de situation, et son action a souvent consisté à inviter les parties à des négociations directes, en offrant les services d'un médiateur. Par ailleurs, pour les conflits qualifiés de juridique, c'est à la Cour de Justice Internationale que les parties doivent obligatoirement s'adresser.
   Djmachid MOMTAZ, professeur à l'Université de Téhéran, confirme dans l'édition de 2005, que "la politique du Conseil de Sécurité révèle que cet organe ne s'est guère soucié de cette distinction entre situation et différend, termes qu'il a d'ailleurs parfois considérés comme synonymes. On en veut pour preuve la résolution 479 du 28 septembre 1980, adoptée suite à l'invasion de l'Iran par l'Irak. En effet, le préambule de cette résolution se réfère à la "situation" existant entre ces deux Etats, alors que, dans sa partie opérative, le Conseil de sécurité leur demande de régler leur "différend" par des moyens pacifiques."
Longtemps, explique t-il par ailleurs, le Conseil de sécurité s'est adressé aux seuls membres de l'ONU  (excepté la recommandation du 9 avril 1947 suite à l'incident du détroit de Corfou), mais récemment, depuis le début des années 1980, c'est à "toutes les parties impliquées" qu'il s'adresse. Ainsi la résolution 1113 du 12 juin 1997, adoptée lors du conflit du Tajikistan et la résolution 1016, adoptée au cours du conflit bosniaque (21 septembre 1995). Cette dernière s'adresse à toutes les parties et "autres intéressées", faisant appel aux entités étatiques, mais aussi aux personnes physiques capables d'influencer l'issue du conflit par la mise en oeuvre de ses recommandations.
Enfin, le Conseil de sécurité a des réticences à recommander la saisine de la Cour Internationale de Justice, malgré la suggestion de divers Etats de le faire, comme suite à l'invasion du Koweit par l'Irak. Djimachid MOMTAZ invoque la prudence du Conseil de sécurité qui doit s'assurer des réelles compétences (reconnues par les parties en cause) de la Cour à propos du conflit qu'il traite. Mais ces raisons techniques, qui mettent en balance l'autorité du Conseil de Sécurité pesèrent de peu de poids, selon nous, dans le contexte où les Etats-Unis se voyait bien en gendarme du monde. Il est vrai par ailleurs, qu'une fois que la Cour Internationale de Justice, dont la compétence a été reconnue au préalable, a pris sa décision, il est difficile aux Etats en cause de s'y opposer, et à la diplomatie ordinaire de s'en accommoder.


      Dans le Chapitre VI, l'article 37, s'articule aux articles 36 et 38, dans la graduation d'intensité des pouvoirs d'action du Conseil de Sécurité, indique Marie-Françoise LABOUZ, Maître de conférences à l'Université de Paris X. Cette possibilité de statuer sur le fond de la nature d'un différend est en fait utilisée avec réticence par lui, toujours prudent dans un contexte de politique des blocs, d'autant que dans tous les conflits majeurs, les grandes puissances membres permanents du Conseil de Sécurité sont parties prenantes, parfois très directement. "Ainsi dans l'affaire de Corée et nonobstant d'autres considérations politiques, il est clair que la détermination des parties au différend divise tous les protagonistes depuis 1953. La question a rebondi en 1975, lorsque s'est de nouveau confirmée l'absence de négociations sur la question des accords subrogatoires à l'armistice de Pan Mun Jon. Le vote de deux résolutions "contradictoires" à l'Assemblée Générale en est l'illustration (...)"
L'obscurité de la distinction entre différend et situation, entretenue par les parties et par le Conseil de Sécurité lui-même, la difficulté de déterminer le passage d'une action consensuelle à une action coercitive, joints aux jeux diplomatiques entre les deux Grands, l'Union Soviétique et les Etats-Unis d'Amérique entraînent une désuétude de l'article 37. Cette désuétude est compensée par l'activité du Secrétaire Général, officieusement approuvée par le Conseil de Sécurité, comme le montre les affaires de Greenpeace, de l'Afghanistan et du Sahara Occidental dans les années 1980.
  Dans l'édition de 2005, la même auteure complète son analyse. Elle estime que, malgré les changements de la situation internationale, les Etats-Unis et l'Union Soviétique, lorsqu'elle existait encore, "répugnent toujours quelle que soit la gravité de leur différend et nonobstant l'article 24 de la Charte, à confier au Conseil de Sécurité régi par l'unanimité des cinq membres permanents, le soin de formuler les termes d'un règlement au fond." Pour des raisons stratégiques, ces grandes puissances préfèrent configurer eux-mêmes ce règlement, s'affranchissant des règles de l'ONU. Elles le font  néanmoins sous les auspices de l'Organisation, par l'intermédiation de l'activité du Secrétaire Général. C'est ce qu'il s'est passé dans l'affaire de l'Afghanistan, comme dans le cas du conflit entre l'Iran et l'Irak.
 "Depuis les années quatre-ving dix, la situation internationale s'est profondément modifiée mais elle obère toujours l'usage de l'article 37 par le Conseil de Sécurité. La multiplication et la gravité des conflits armés dont les causes anciennes sont aussi bien intérieures qu'extérieures, leur nature non exclusivement inter étatique, tout comme l'apparition d'un terrorisme planétaire ont exclu l'usage de cette forme de médiation du Conseil de Sécurité, du moins dans les termes de l'article 37. A l'opposé, l'emploi du Chapitre VII est devenu systématique, parfois couplé au Chapitre VI, pris dans son ensemble, implicitement ou non ; souvent au "Chapitre 6 bis", dans un amalgame contre-productif comme en Bosnie-Herzégovine."
 Malgré les tentatives, impulsées notamment par le Secrétariat Général de la réactivation du Chapitre VI (travaux du Millenium), l'article 37 n'a pas été plus utilisé dans son esprit comme dans sa forme.
  Marie-Françoise LABOUZ conclue : "Le Conseil de Sécurité s'en tient donc à une politique juridique de soutien aux initiatives régionales et d'approbation ds solutions de règlement des différend, toutes élaborées hors de son enceinte par les parties et/ou les grandes puissances et formulées en général lors du déroulement des conflits armés. Cette pratique de substitution à l'article 37 s'exprime dans des résolutions fondées sur le Chapitre VII dans leur dispositif et en la forme de décisions, comme sur les questions balkaniques (Bornie-Herzégovine, 1995 et Kosovo, 1999) et irakienne (2003). La question ivoirienne (2003) et celle du Proche Orient (2003) illustrent également cette pratique de substitution dont l'effet utile peut être contesté. L'on peut aussi considérer que le soutien aux initiatives, modalités et solutions régionales, lorsqu'elles figurent tout au moins dans l'exposé des motifs de la résolution est implicitement fondé sur le chapitre VI pris dans son ensemble.
 Si l'ONU n'est pas absente ès qualité de certaines propositions multilatérales voire même parraine des négociations entre parties, c'est le Secrétaire Général beaucoup plus que le Conseil de Sécurité qui parait en être la cheville ouvrière."

      L'article 38 n'a pas reçu jusqu'ici d'application (Marie-Françoise LABOUZ).

      L'article 39, avec les articles suivants du Chapitre VII, analysé ici par Gérard COHEN JONATHAN, professeur à l'Université de Droit, d'Economie et de Sciences sociales de Paris, constituent un "réel progrès par rapport aux dispositions parallèles du Pacte de la Société des Nations. En effet, si des sanctions économiques et militaires étaient déjà prévues à l'encontre d'un Etat recourant à la guerre en cas de violation du pacte (article 16), la maîtrise de la constatation de la violation, du déclenchement et du choix des sanctions ne relevait pas d'un organe commun mais incombait finalement aux seuls Etats membres, comme à propos des sanctions contre l'Italie en 1935.  Le rôle des organes sociaux était donc réduit au minimum, et l'Assemblée de la SDN devait se rallier formellement à une formule 'individualiste et pseudo-contractuelle" dont l'inefficacité a été amplement démontrée".
Le but final, suivant l'article 39, de l'action dévolue au Conseil de Sécurité, est de maintenir la paix et la sécurité internationale et il n'est pas fait mention ni de la justice ni du droit international. Ce qui donne réellement toute latitude au Conseil de Sécurité. En même temps, si les cinq Grands membres permanents sont d'accord, effectivement les Nations Unies disposent de pouvoirs très étendus, mais s'ils ne le sont pas, toute action devient impossible.
  En fait, la notion de rupture de la paix "a été très peu utilisée par le Conseil de Sécurité comme par l'Assemblée Générale. L'un des rares précédents concerne la guerre de Corée (1950). Après l'invasion de la Corée du Sud, le Conseil interviendra très vite (en l'absence de l'URSS) pour constater une rupture de la paix et recommander aux Etats membres d'aider le gouvernement sud-coréen, établissant un commandement unifié pour les forces que les Etats voudraient fournir. Comme on le sait, après le retour du délégué soviétique, le Conseil de Sécurité sera paralysé et sur la base de la résolution Dean Acheson, l'Assemblée prendra le relais de cette action, n'hésitant pas à qualifier d'agression l'action de la Corée du Nord et décider qu'en apportant aide et assistance à l'agresseur le gouvernement de Chine populaire s'est lui-même livré à une agression en Corée". Ensuite dans l'affaire des iles Falkland en 1982, le Conseil de Sécurité a réagi promptement. En revanche, dans le conflit Iran/Irak, le Conseil ne constate "qu'il existe une rupture de la paix qu'en 1987, plus de 7 ans après le début des hostilités.
  En vertu du précédent offert par la résolution Dean Acheson, "surtout depuis 1960, l'Assemblée générale a tenté d'obtenir que le Conseil de Sécurité déclenche des mesures coercitives contre certains Etats qui portaient atteinte à la légalité internationale, soit parce qu'ils s'opposaient au droit à l'autodétermination, soit parce qu'ils pratiquaient une politique de discrimination raciale. L'Assemblée avait déjà recommandé d'appliquer certaines sanctions à leur égard mais il était nécessaire que le Conseil intervienne pour que ces sanctions aient un caractère obligatoire. Remarquons qu'il s'agissait en général de situations internes qui ne menaçaient pas apparemment la paix internationale mais il était indispensable de les qualifier selon les termes de l'article 39 pour obtenir l'application du Chapitre VII. En vérité, le Conseil de Sécurité s'est montré plus réservé que l'Assemblée Générale, ne cédant à ses exhortations, après un certain temps, qu'à l'égard de deux situations particulières". Il s'agissait du problème posé par le Portugal dont la politique en Angola et au Mozambique était mise en cause par l'Assemblée Générale (1963)  et plus tard en 1970, de l'Afrique du Sud et en 1965 de la Rhodésie.
      Dans l'édition de 2005, Pierre d'ARGENT, Jean d'ASPREMONT LYNDEN, Frédéric DOPAGNE et Raphael van STEENBERGHE, de l'Université catholique de Louvain s'essaient à une sorte de bilan récapitulatif de l'usage de l'article 39, compte tenu de la nouvelle situation internationale.
Cet usage bute sur l'absence de définition dans la Charte des notions de "menace contre la paix" et "d'acte d'agression". Du coup, c'est empiriquement que le Conseil de Sécurité, pour son plus grand bénéfice, l'utilise. Et cela d'autant plus que dans la Charte la dimension de la paix et de la sécurité internationale est comprise dans une acception très large.
     Les auteurs de cette analyse de l'article 39 examinent tour à tour les notions d'agression, de rupture de la paix et de menace contre la paix.
  L'agression est une notion ancienne qui "n'a toutefois fait l'objet de tentatives de définition juridique que postérieurement à son insertion dans le Pacte de la Société des Nations. Si certaines de ces tentatives ont débouché sur des définitions détaillées de l'agression, celles-ci n'étaient cependant reconnues que par un nombre restreint d'Etats." En 1974, l'Assemblée Générale de l'ONU adopte la résolution 3314 "qui définit de manière générale l'agression comme "l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies, ainsi qu'il ressort de la présente définition." Rien de neuf par rapport à l'article 2, paragraphe 4, de la Charte "qui interdit aux Etats de recourir à l'emploi (ou à la menace de l'emploi) de la force dans leurs relations internationales." Toutefois, l'accent est mis sur l'agresseur, et pour se prémunir de l'ouverture du droit à la légitime défense, les Etats ont exclu de la définition les agressions idéologiques, économiques ou autres, sans la restreindre pour autant à l'agression armée. De toute façon, cette définition n'a pas influencé le Conseil de sécurité qui a qualifié certaines situations d'actes d'agression (Afrique du Sud contre Angola (de 1976 à 1985) et contre le Bénin (1977), de la Rhodésie contre le Mozambique (1977), les raids israéliens contre le quartier général de l'OLP en Tunisie (1985)), d'actes agressifs (Afrique du Sud contre Lesotho en 1982, violences de l'Irak contre le personnel et les locaux diplomatiques au Koweit en 1990), d'occupations ou invasions armées (Afrique du Sud en Angola en 1978 et 1983) d'attaques ou d'actions militaires (Israël contre Etats arabes en 1968, Israël contre Liban en 1973) ou encore d'attaques armées (Afrique du Sud contre Zambie en 1976). Cela ne l'a pas empêché non plus de fermer les yeux  par ailleurs sur des agressions flagrantes.
  La rupture de la paix est une notion très proche de celle d'agression, mais les rédacteurs de la Charte ont considéré qu'elle en était plus grave. Le Conseil de Sécurité a constaté dans quatres situations cette rupture de la paix : l'invasion nord-coréenne de la République de Corée en 1950, la guerre entre l'Irak et l'Iran  en 1987, l'annexion du Koweit par l'Irak en 1990 et l'occupation des iles Falklands/Malouines par l'Argentine en 1982. Dans les trois premiers cas, la rupture de la paix constituaient plutôt une litote, mais "cette préférence du Conseil pour la qualification de rupture de la paix s'explique par son souhait de ne pas devoir identifier un éventuel agresseur et sa volonté de ne pas se prononcer sur la culpabilité de ce dernier (fut-elle simplement politique), afin de ne pas risquer de compromettre le règlement de la crise par la voie diplomatique."  Constater une rupture de la paix plutôt qu'une agression armée permet au Conseil "de ne pas préjuger de l'emploi de la force en légitime défense, laissant ouverte la question de savoir si les mesures qu'il adopte sont nécessaires au sens de l'article 51 (...)."
   La menace contre la paix est une notion beaucoup plus large que les deux notions précédentes. Si les rédacteurs de la Charte encore en pleine guerre mondiale entendaient cette notion de manière sécuritaire, par la suite les membres de l'ONU ont porté leur attention sur des aspects beaucoup plus indirects et sur des conflits beaucoup plus étendus. Le Conseil de Sécurité, le 31 juillet 1992 a déclaré que "la paix et la sécurité internationale ne découlent pas seulement de l'absence de guerre et des conflits armés. D'autres menaces de nature non militaire à la paix et à la sécurité internationale trouvent leur source dans l'instabilité qui existe dans les domaines économique, social, humanitaire ou écologique." Le Sécrétaire Général, dans son Agenda pour la paix, affirme que les nouvelles menaces trouvent tout autant leur source dans des conflits internes et des problèmes économiques et sociaux, que dans les conflits interétatiques. Le rapport du groupe des personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et les changements, déposé en 2004, inscrit la rénovation de l'ONU dans cette préoccupation.
 Pierre D'ARGENT et ses collègues font le tour des types de menace contre la paix que le Conseil de sécurité a traité :
    - Conflits internes, violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire ;
    - Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ;
    - Coup d'Etat antidémocratique ;
    - Prolifération des armes ;
    - Terrorisme.
ils constatent qu'"il est difficile de dégageer de toute cette pratique une conception particulièrement claire de la paix dont la sauvegarde revient au Conseil de Sécurité. (...) l'attention du Conseil s'est porté tantôt sur des situations internationales ou fondamentalement internes, tantôt sur des phénomènes déstabilisants. C'est sans doute cet élément déstabilisant qui constitue le trait commun des cas dans lesquels il a considéré nécessaire de recourir aux pouvoirs que lui accorde le Chapitre VII. Mais déstabilisant quoi?" C'est sur cette question qui possède des aspects bien concrets dans la forme de l'action adoptée que repose finalement l'efficacité de l'organisation internationale.
S'agit-il de maintenir ou de promouvoir un ordre international que la seule super-puissance aimerait établir ou de mettre en place des processus qui favorisent la justice (comme l'abolition de l'aparthied, pour prendre un aspect positif de l'action de l'ONU), facteur nécessaire de la paix? C'est la question que nous pouvons nous poser.


     Denys SIMON, professeur à la Faculté de Droit et des Sciences politiques de l'Université Robert Schuman de Strasbourg, écrit à juste titre que les dispositions de l'article 40 n'existait pas dans le pacte de la SDN. Au départ, dans plusieurs cas (plainte du Guatemala de 1954, conflit franco-tunisien de 1961, plainte du Yémen contre le Royaume uni de 1964, crise de Saint Domingue de 1965, problème de Chypre de 1974 ou affaire de l'ambassade américaine de Téhéran de 1979), il semblait nécessaire de qualifier formellement la situation pour faire intervenir des mesures conservatoires, mais par la suite, le Conseil de Sécurité semble avoir abandonné cette idée, et faire plutôt appel directement aux dispositions de l'article 39 pour agir.
  Un inventaire des résolutions prises à ce jour montre deux catégories de mesures distinctes prises plus ou moins explicitement en vertu de l'article 40  :
                  - des mesures provisoires stricto-sensu : ordres de cessez-le-feu ou de suspension des hostilités, appels à la conclusion d'une trêve ou d'une armistice, demandes de retrait des troupes régulières ou de forces paramilitaires et démilitarisation de certaines zones, embargo sur les fournitures d'armes et de matériel militaire, non-introductions ou retraits de mercenaires, abstentions de toute mesure susceptible de porter atteinte à la souveraineté, à l'indépendance ou à l'intégrité territoriale d'un Etat.
                    - des mesures provisoires créées pour la circonstance : mécanismes ou organes destinés à veiller à l'exécution des mesures provisoires du premier type, création de groupes d'observateurs sur place.
   "La capacité des Nations Unies à intervenir pour arrêter les conflits armés dépend (...) largement de la valeur juridique accordée aux résolutions adoptées en vertu de l'article 40 : c'est la nature de l'obligation pesant sur les parties intéressées et les moyens dont dispose le Conseil de Sécurité pour en assurer l'exécution qui déterminent l'effectivité de l'action entreprise en vue d'empêcher la détérioration d'une situation dangereuse pour la paix. Or, c'est sans doute sur ce point que les formules retenues par les rédacteurs de la Charte sont susceptibles d'entrainer les plus graves divergences d'interprétation, aussi bien quant à l'autorité des mesures provisoires que quant aux conditions de leur exécution."
         Dans l'édition de 2005, Jean-Marc SOREL, professeur à l'Université Paris I, se montre très critique sur l'utilisation de l'article 40. Alors qu'avec cet article, le Conseil de Sécurité a la possibilité "de prendre des mesures provisoires dans une situation couverte par la Chapitre VII, mesures dont le non-respect peut avoir des répercussions sur la suite de l'action du Conseil, ceci nonobstant la "simple invitation" à prendre ces mesures provisoires, le Conseil de Sécurité ne cesse d'avoir une pratique déroutante "pour un esprit rigoriste". 
Si le Chapitre VI, tel que conçut en 1945, explique t-il, possède une indiscutable cohérence en déroulement successivement la qualification, les mesures à prendre (articles 41 et 42), les instruments utilisés pour appliquer ces mesures (articles 43 à 45), leur gestion (articles 46 à 49), les atténuations possibles (article 50) et l'exception de légitime défense (article 51), il faut reconnaitre que l'article 40 trouve mal sa place dans cet ensemble, sauf à le considérer comme un préalable au Chapitre - ce qui était probablement, pensons-nous d'ailleurs l'instention des rédacteurs de la Charte - mais ce qui n'est pas formellement le cas. Le lien est clair, poursuit-il, entre l'article 39 et l'utilisation des mesures prévues aux articles 41 et 42, mais il l'est beaucoup moins entre l'article 39 et l'article 40. Cela explique sans doute, comme le pense Jean-Marc SOREL, la pratique fluctuante du Conseil de Sécurité dans le temps, tout au long de ses résolutions. Toute l'analyse qu'il fait de l'article 40 tourne autour de l'ordre chronologique ou logique entre l'article 39 et l'article 40. En fait, il indique bien que l'essentiel n'est pas dans la lettre de la charte, mais bien dans son esprit : tout est en place pour que le Conseil de Sécurité, en fait souvent le Secrétaire Général use d'une certain pouvoir dans le maniement des sanctions (celles qui rétablissent l'équilibre et celles qui sont purement punitives) afin d'aboutir à l'objectif visé de préservation de la paix et de la sécurité internationale.

      L'article 41 de la Charte constitue une reprise de l'article 16 du Pacte, mais contrairement à la disposition de la SDN, qui ne prévoyait aucune graduation dans les sanctions, l'ONU possède la possibilité d'une souplesse, car les dispositions de l'article 42 peuvent être articulées avec celles de cet article 41. Mais malgré cela, la division politique du monde, indique Pierre Michel EISEMANN, professeur à l'Université de Paris XIII, paralysa l'action du Conseil de Sécurité. "Dans ces circonstances, il n'est pas surprenant que l'article 41 n'ait été que rarement invoqué devant le Conseil (tentative de l'URSS dans l'affaire du Congo belge en 1961) et encore moins utilisé.
De fait, pendant 45 ans, seules deux situations furent jugées justiciables de cet article : l'indépendance unilatérale de la Rhodésie du Sud et - tardivement ainsi que de façon timorée - la poursuite de la politique d'apartheid par l'Afrique du Sud."  "Si le Conseil de Sécurité s'est rarement résolu à décider des mesures au titre de l'article 41, i e à appliquer cette disposition de la Charte, les organes de l'ONU ont, à de nombreuses reprises, été amenés à faire référence aux mesures dudit article". L'Assemblée Générale fit des demandes d'application de l'article 41 à propos de l'Afrique du Sud, de la Chine, de la Corée du Nord. Par ailleurs, la Cour Internationale de Justice a tenté et tente toujours d'élaborer une doctrine des sanctions, mais indique que seul le Conseil de Sécurité peut les faire appliquer.
     Evelyne LAGRANGE et Pierre Michel EISEMANN, professeurs de droit public, constatent dans l'édition de 2005 que depuis le début des années 1990, "l'article 41 a été à l'origine d'une pratique prolifique qui contraste fortement avec l'étouffement de ses potentialités au cours des quatre décennies antérieures de divisions entre membres permanents.". Beaucoup de décisions du Conseil de Sécurité se fondent sur les mesures expressément fondées sur le Chapitre VII, tout en ne comportant pas de mention de l'article 41. Sous prétendre rattacher chaque décision ou mesure contraignante n'impliquant pas l'emploi de la force à l'article 41, les deux auteurs pensent rendre compte de la pratique du Conseil de Sécurité à partie du "halo" de cet article.
  Ils reviennent sur l'expérience de la SDN, dont l'activité et l'interprétation

des dispositions de l'article 16, mettaient déjà aux prises partisans ouverts au "superétatisme" et esprits plutôt favorables aux limites de l'institutionnalisation des rapports internationaux. "Le 4 octobre 1921, la deuxième Assemblée de la Société des Nations adopta trois amendements dont le premier remettait au Conseil le simple pouvoir d'émettre un avis sur le point de savoir s'il y avait ou non rupture du Pacte, le deuxième, celui de notifier à tous les membres la date à laquelle il recommandait d'appliquer les mesures de pression économique, le troisième, celui de décider d'ajourner, pour une période déterminée et pour certains membres une des mesures en cours. Si ces amendements étaient entrés en vigueur, ils auraient centralisé, très relativement, la constatation d'une rupture de Pacte, mais laissé aux Etats membres le pouvoir de décider des mesures à adopter sur la base d'une libre et individuelle appréciation de ce fait. La pratique alla dans ce sens à l'occasion de la guerre déclarée par l'Italie à l'Ethiopie. En effet, le Conseil, saisi par l'Ethiopie, confia à un Comité restreint le soin de constater la rupture du Pacte ; les membres du Conseil puis de l'Assemblée furent invités à acquiescer individuellement à cette constatation. Le Comité de coordination des échanges qui fut institué et proposa toute une série de mesures ne fut pas considéré comme un organe subsidiaire de l'Organisation. Pourtant l'annexion de l'Ethiopie ayant été prononcée, l'Assemblée invita le Conseil de coordination à recommander aux Etats d'abroger les "mesures décrétées". Cette expérience unique instruisit les Etats des difficultés techniques de mise en oeuvre des mesures prévues à l'article 16, paragraphe 1." 
  Les mêmes débats entre partisans d'une Organisation forte et un droit international laissé à la liberté d'appréciation de ses membres rebondit lors de l'élaboration de la Charte, et "la qualification des mesures adoptées sur le fondement de l'article 41 est au coeur d'une controverse doctrinale qui s'enracine dans l'interprétation de l'article 39 de la Charte et de l'articulation entre les Chapitres VI et VII." 
 "La querelle intiale s'articule schématiquement autour d'une double alternative : soit l'agression, la rupture de la paix et la menace contre la paix sont ce que le Conseil de sécurité dans l'exercice d'un pouvoir de qualification parfaitement discrétionnaire dit être, soit elles constituent des catégories préétablies sous lesquelles sont subsumées les situations auxquelles le Conseil entend réagir ; soit la qualification opérée par le Conseil est indépendante de tout constat d'une violation du droit international ou de la Charte, soit elle se ramène de facto sinon de jure au constat d'une violation."
 Lisons  encore que ce disent les deux professeurs de droit sur la pratique depuis les années 1990 : "Sur le fondement d'une qualification dans les termes de l'article 39, le Conseil de sécurité adopte des décisions au sens générique du terme, c'est-à-dire des actes qui modifient unilatéralement l'état des droits et obligations des Etats membres (quoique les mesures édictées sont plutôt celles de l'article 41). Le Conseil de sécurité arrête, de plus en plus fréquemment, des "décisions" qui, mentionnées à l'article 41, ne se rattachent néanmoins en propre à aucune article du Chapitre VII, par lesquelles il met à la charge de l'Etat visé une obligation de comportement. Selon le cas, la "décision" pourra consister en la réitération d'une obligation existant pas ailleurs, dans l'édiction d'une obligation nouvelle ou s'analyser comme une novation. La résolution 660 adoptée le 2 août 1990 en réaction immédiate à l'invasion du Koweit par l'Irak sur le fondement des articles 39 et 40 "exigeait" de l'Irak qu'il retire "immédiatement et inconditionnellement toutes ses forces pour les ramener aux positions qu'elles occupaient le 1 août 1990". Cette obligation de faire cesser une situation née de l'emploi illicite de la force existait indépendamment de cette injonction. En revanche, la résolution 687 du 3 avril 1991 imposait à l'Irak vaincu des obligations de désarmement inédites. Enfin, dans la résolution 1556 du 30 juillet 2004 par exemple, le Conseil de sécurité, en reprenant sous le Chapitre VII des obligations auxquelles l'Etat visé avait consenti, leur a donné une base nouvelle. Sans préalable ou postérieurement à de telles injonctions, le Conseil de Sécurité décide quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force doivent être prises par les Etats membres."
  Les mesures envisagées par l'article 41 sont toutes des mesures d'isolement de l'Etat visé, mais tant dans les affaires concernant l'Irak que celles concernant l'ex-Yougoslavie, et par la suite, la pratique du Conseil de sécurité subi une double inflexion motivée par le souci d'une plus grande efficacité au prix de moindres sacrifices pour les populations. "D'une part, des mesures à spectre étroit dites aussi "mesures intelligentes" ont été préférées aux mesures d'embargo général et complet dont les effets pèsent inéluctablement sur la population civile de l'Etat ou de l'entité territoriale visés (embargo sur les matières précieuses par exemple) (...). D'autre part, le Conseil de sécurité multiplie les mesures "ciblées" (vers des Etats parties prenantes du conflit plutôt que vers d'autres, mesures visant des individus sur leur liberté de circulation ou sur leurs avoirs financiers."
  De nombreux débats qui tournent autour de l'article 41 portent sur la légitimité des décisions du Conseil de sécurité et sur la hiérarchie du droit international encore mal établie qui guide ces décisions. Les guerres du Golfe et en ex-Yougoslavie ont mis véritablement à l'épreuve la capacité de l'ONU à intervenir dans les conflits armés de manière efficace. Il est sans doute encore trop tôt pour faire le bilan ici, car c'est bien sur le long terme que nous pourrons en juger, et non pas sous le feu de polémiques aux sources parfois bien intéressées.
  


     L'article 42 qui donne au Conseil de Sécurité le pouvoir d'entreprendre des actions militaires coercitives n'a jamais été appliqué, en raison de l'impossibilité de conclure les accords prévus.
  Georges FISHER, Directeur de recherche au CNRS, rappelle que même lorsque des commentaires, notamment lors de la guerre de Corée, faisaient référence à cet article 42, il ne s'agissait pas de son application; les résolutions du Conseil de Sécurité de 1950 sont formellement des recommandations et non des décisions.
   "Quant aux opérations de maintien de la paix, le secrétaire Général de l'ONU a eu l'occasion d'affirmer qu'il ne s'agissait nullement d'un recours à l'article 42. (...)". Par ailleurs, une note française montre l'ambiguité des trois caractéristiques des forces de maintien de la paix qui :
- sont organisées et agissent à la demande ou avec le consentement de l'Etat intéressé ;
- n'ont le droit d'employer leurs armes que dans des cas exceptionnels et précis ;
- ont pour objet de contribuer à maintenir l'ordre interne et non de prévenir les entreprises d'un pays tiers.
      "Les propositions tendant à recourir à l'article 42 ont été faites au Conseil de Sécurité, notamment au sujet du Moyen-Orient contre Israel (1946-1951), l'Egypte ou la France (1956-1958), contre l'Afrique du Sud (1964-1965), en Rhodésie, contre le Portugal (accusé par la Guinée d'intervenir chez elle) (1967-1971).
  L'impossibilité de recourir à l'article 42, faute de forces aériennes, navales ou terrestres à la disposition du Conseil, a été dénoncée par certains comme un vice fondamental de l'Organisation.", mais pour l'auteur ce ne sont là qu'illusions et abstractions juridiques. Tout dépend de la volonté politique des grandes puissances, car l'article 43 peut très bien suppléer à des forces propres à l'ONU.
    Dans l'édition de 2005, Patrick DAILLIER, professeur à l'Université Paris X, estime que "cette disposition (l'article 42), a une destinée paradoxale : de pierre angulaire d'un nouveau système de sécurité collective qui devait corriger les insuffisances du système de la SDN, elle est devenue une procédure quasi-virtuelle, rhétorique, pour être désormais de nouveau au centre des controverses sur le recours à la force collective pour le maintien de la paix." Sur la question de la réalité politique de cet article 42, il décèle une "tendance dominante dans la doctrine contemporaine (qui) est d'y voir le cadre juridique de la légalité des opérations militaires multinationales, même si celles-ci ne sont pas conduites sous les auspices et le commandement des Nations Unies", opinion qui n'est pas partagée par tous les experts, certains y voyant plutôt une sorte d'instrumentalisation de cette doctrine.
  Toutefois, même si cet article 42 est sous-utilisé ou pas utilisé formellement du tout, il existe juridiquement et fait partie de l'ensemble des droits et devoir internationaux des Etats. Ce qui ne rend pas superflu une comparaison de ses dispositions et celles des articles correspondants du Pacte de la SDN.
  "D'après l'article 16 du Pacte de la SDN, si un Membre recourt à la guerre, contrairement aux articles 12, 13 ou 15 (relatifs au réglement pacifique des différends), il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la Société. En ce cas il est du devoir du Conseil de recommander aux divers gouvernements intéressés les effectifs militaires et navals par lesquels les membres de la SDN contribueront respectivement à la constitution des forces armées destinées à faire respecter les engagements de la Société.
Par rapport au système de la Charte, celui du Pacte se caractérisait par les traits suivants :
   - la réaction à une agression émanait dans l'immédiat de chaque membre. La légitime défense était la règle tandis qu'elle doit être l'exception d'après les auteurs de la Charte (article 51) ;
   - le Conseil agissant à l'unanimité était appelé à faire des recommandations en ce qui concerne l'action militaire coercitive et non à prendre des décisions ;
    - le Conseil de la SDN recommandait la nature et l'importance des contingents à fournir par les Etats concernés. Au titre de l'article 42 de la Charte, c'est le Conseil de Sécurité qui entreprend l'action militaire. Dans le premier cas le système est décentralisé, dans le second, il est centralisé ;
    - l'action militaire était envisagée par le Pacte sur une base ad hoc, cas par cas. Contrairement à la Charte dans ses articles 43 à 47, l'article 16 du Pacte ne prévoyait pas l'établissement à l'avance d'une force mise à la disposition du Conseil ;
   - l'article 16 du Pacte de la SDN disposait que le Conseil ferait des rcommandations appropriées en cas de guerre déclenchée en violation des article 12, 13 ou 15. L'article 42 de la Charte donne le pouvoir au Conseil de sécurité d'entreprendre toute action militaire qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité intrnationales. Le champ d'appréciation discrétionnaire dont disposait le Conseil de la SDN était moins large que celui reconnu au Conseil de sécurité (sous réserve de l'article 10 du Pacte, prévoyant l'intervention éventuelle du Conseil à toute agression)."
     Lors de la renaissance de l'ONU, au sortir de la guerre froide dans les années 1990, la multiplication des activités militaires liées au droit de la Charte, notamment par les opérations de maintien de la paix, ont suscité de multiples débats qui n'ont pas contribué à éclaircir la situation juridique.
Certaines actions qui semblent relever de l'article 42 n'ont aucun rapport avec ce texte. Il s'agirait non pas d'opposer, selon Patrick DAILLIER, les opérations menées avec le consentement de l'Etat territorialement compétent et opérations menées sans son consentement, mais plutôt les opérations de maintien de la paix - notion inventée par la pratique des Nations Unies, non prévues par la Charte - des opérations de rétablissement autoritaire de la paix face à l'agression ou, plus largement, face à la menace et la rupture de la paix. Plus simplement, l'auteur estime que "l'article 42 ne peut servir qu'assez rarement de fondement à l'ensemble des mesures de coercition armée dans une crise internationale, il est plus facile de justifier son utilisation implicite dans certaines phases ou à certaines étapes dans la conduite des opérations."...
Dans le langage juridique qui est le sien, il écrit que "la pratique juridique s'est quelque peu étoffée" dans l'utilisation de l'article 42. "Trois conflits majeurs ont été conduits par des coalitions d'Etats extérieures à l'ONU dans des conditions très discutables au regard des exigences de l'article 42 : le conflit contre l'Irak après l'invasion du Koweit (1990-1991), les frappes de l'OTAN en Serbie en 1999, le conflit armé en Irak en 2003, qui ne bénéficie d'aucune validation des Nations-Unies, même rétroactive, tout en se présentant comme la conséquence de la violation de résolutions du Conseil de sécurité remontant à la première guerre du Golfe".


     L'article 43, écrit Marie-Françoise FURET, professeur à l'Université de Montpellier  I, a connu un commencement d'application à l'occasion de la guerre de Corée en 1950. "Mais les commentateurs s'accordent pour considérer que l'article 43 n'était que la fiction derrière laquelle s'abritait la véritable nature de l'intervention. Pour l'auteur, "la prolongation de la guerre de Corée a finalement entrainé une dénaturation de l'article 43 avec ce que l'on a appelé "les opérations pour le maintien de la paix".
Cette dénaturation a été introduite par cette fameuse résolution Dean Acheson, "Union pour le maintien de la paix" du 3 novembre 1950, "par laquelle, en cas de paralysie du Conseil par le veto, l'Assemblée se considérait habilitée à émettre les recommandations appropriées, y compris "l'emploi de la force armée en cas de besoin"". Sur cette base, l'Assemblée a constitué une force armée, dotée d'une mission non coercitive la première fois en 1956 à propos de l'affaire de Suez, la FUNU. Les troupes sont constituées de contingents volontairement fournis en chaque occasion par les Etats qui veulent bien y consentir et qui peuvent se réserver le droit de les retirer quand bon leur semble. Elles sont placées sous un commandement intégré composé d'officiers de différentes nationalités dépendant d'un commandant en chef placé sous l'autorité du Secrétaire Général.
Ces forces, constituées pour le maintien de la paix se distinguent des groupes d'observateurs militaires, non armés, fondées sur une résolution du Conseil de Sécurité.
      Dans l'édition de 2005, la même auteure reprend la même argumentation, à savoir que "la fonction crée l'organe. De cette formule souvent vérifiée, les fondateurs de la SDN attendaient, semble t-il, beaucoup. Après avoir posé l'exigence d'une sécurité collective et proclamé l'automatisme des sanctions économiques, ils laissaient en définitive à chaque Etat membre le soin de décider de l'opportunité et de l'ampleur des moyens militaires à mettre cas par cas au service de la sécurité internationale. C'est pour pallier cette carence que les rédacteurs de la Charte ont voulu prévoir une force coercitive propre à l'Organisation. Et pour cela ils entendaient établir de façon impérative et durable la contribution des Etats membres à cette force d'intervention." Mais, comme elle l'indique, l'article 43, faut d'être appliqué, débouche sur une inexistance juridique que les correctifs de la pratique ne sont pas arrivés à suppléer."
 Elle évoque ensuite les raisons de cet échec, même après la renaissance de l'activité de l'ONU. "Les désaccords juridiques autour des modalités des accords de l'article 43 ne faisaient que traduire des divergences politiques plus profondes (tenant, selon nous, à la différence d'appréciation de ce que sont la paix et la sécurité internationale). On peut y voir l'une des premières manifestations de ce que l'on appellera "la guerre froide", confortée par l'échec des négociations prévues à la conférence de Potsdam. Il apparaitra très vite que les accords spéciaux ne seront pas conclus. Ainsi le système de garantie de la sécurité collective se trouvait-il ébranlé dans ses fondements, faute d'avoir pu mettre en place le support matériel qui devait en assurer le fonctionnement. Conçu et organisé dans l'euphorie de l'union des puissances alliées contre celles de l'Axe, il ne pouvait survivre à la rupture de cet équilibre. On peut aussi se demander ce qu'il serait advenu d'un tel système avec la multiplication des puissances nucléaires, la plupart, dont les plus importantes, membres permanents du Conseil de Sécurité. Ce sont ces mêmes puissances qui auraient fourni l'essentiel des forces de l'ONU (...). Les puissances non nucléaires n'auraient-elles pas été tentées d'y voir un moyen mis à la disposition des grandes puissances pour mieux assurer leur suprématie". Remarquons simplement que même sans cette circonstance le système des Nations Unies auraient pu être conçu comme l'instrument de ces grandes puissances, si les règles de fonctionnement n'avaient pas été en quelque sortes subverties par la prise d'importance de l'Assemblée Générale par rapport au Conseil de Sécurité...
 Il était difficile, termine Marie Françoise FURET dans l'examen des raisons de cet échec, "de figer une fois pour toutes "le degré de préparation" des contingents mis à la disposition de l'Organisation face à l'évolution constante des techniques d'armement. Si les accords spéciaux avaient pu être conclus, il est à présumer qu'ils auraient dû être révisés à plusieurs reprises ou qu'ils se seraient trouvés rapidement dépassés. Dans son rapport au Conseil de Sécurité, plus connu sous le nom d'Agenda pour la paix, le Secrétaire général BOUTROS BOUTROS GHALI a tiré les conséquences de la fin de la guerre froide en recommandant au Conseil d'ouvrir des négociations sur la mise en oeuvre de l'article 43. Mais ce texte doit être situé dans le temps. Il s'inscrit dans la période qui a suivi la fin de la guerre du Koweit où l'on croyait entrevoir un prochain retour à l'application du système de la Charte dont l'article 43 est une pièce maitresse. La suite des événements est venue démentir ces espoirs".

        L'article 44 n'a jamais été appliqué et ses dispositions liées à celle de l'article 43 sont restées lettre morte. De même que l'article 45. A plus forte raison, l'article 46 ne reste que l'écrit d'un grand projet avorté. De même que l'article 47.
  Jean-Claude MARTINEZ, professeur de droit public et de science politique à l'Université Paris II, évoque dans l'édition 2005, une possible réativation de l'article 47. "Le 25 août 1990, le Conseil demande par la résolution 665 "aux Etats membres qui coopèrent avec le Koweit et déploient des forces navales dans la région de prendre des mesures" afin de faire respecter l'embargo qui avait été décidé sur les armes. Or, il se prononce en faveur d'une coordination des actions et évoque à cette fin un "appel en tant que de besoin aux mécanismes du Comité d'Etat-major". Toutefois, cette allusion sera sans suite : le Comité n'aura aucune responsabilité effective dans la guerre du Golfe et la résolution 678 du 29 novembre 1990 qui autorise les Etats "coopérant avec le Gouvernement du Koweit à utiliser tous les moyens nécessaires", c'est-à-dire le recours à la force, pour obtenir le retrait des forces irakiennes, ne fera plus la moindre mention à un éventuel rôle du comité. La réactivation du Comité d'Etat-major aurait pu être, du fait de l'instauration d'une force d'expertise militaire auprès du Conseil, un moyen pour ce dernier de parer quelque peu à son impossibilité d'assurer son contrôle sur la conduite d'opérations militaires ; même en cas de recours à un organisme régional, il serait utile de limiter le danger réel de voir la puissance militaire dominante au sein de l'organisation imposer sa volonté et recourir à la force d'une manière sélective en tenant compte de ses propores impératifs de sécurité. Néanmoins, une réactivation apparait difficile et illusoire, car d'autres pratiques ont été mises en place depuis 60 années et le Secrétaire général a du s'adapter à l'augmentation et à la diversification des opérations de maitien de la paix ; la fonction technique du Comité risque de le mettre en concurrence avec le Secrétaire général qui conseille et assiste actuellement le Conseil dans le domaine militaire. Aussi le Secréataire général prend-il soin de cantonner l'appel éventuel au Comité d'état-major aux opérations du Chapitre VII et de le tenir à l'écart des opérations de maintien de la paix (Agenda pour la paix de 1992)."

       L'article 48 ne fut évoqué que pour les questions purement économique. Plusieurs fois, des demandes d'assistance (affaire de Corée, affaire du Congo) furent formulées, le plus généralement par l'Assemblée Générale (Pierre Michel EISEMANN).
     Dans l'édition de 2005, et cela parce que la donne internationale a changé, Olivier CORTEN, professeur à l'Université libre de Bruxelles, revient sur cet article 48. "L'article 48 exprime et explicite deux principes que l'on retrouve déjà dans d'autres dispositions de la Charte des Nations Unies : le pouvoir discrétionnaire du Conseil de Sécurité dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationale, d'une part, l'obligation des Etats membres d'exécuter les décisions du Conseil, d'autre part." L'article ne donne pas pouvoir absolu au Conseil de sécurité dans la mesure où des décisions, qui doivent être prises en tant que telles, doivent l'être dans le cadre de l'existence réelle d'une menace contre la paix et autres éléments du Chapitre VII, dans des procédures précises.
C'est surtout, selon l'auteur, sur le respect de l'assistance par rapport à ces décisions  par l'intermédiaire des "organismes internationaux les plus appropriés" que cet article a "son aspect le plus original". La portée de cette disposition s'est faite sentir lorsque des organismes extérieurs à l'ONU ont apporté leur contribution à des résolutions prises par le Conseil de sécurité, car elle fait "peser sur les Etats membres un devoir positif d'action qui pourrait être pris en compte pour engager leur responsabilité propre".

      L'article 49, lors de l'affaire du congo belge, fut invoqué par le Conseil de Sécurité, non dans le cadre du Chapite VII, comme il est écrit, mais dans le cadre du Chapitre VI, ce qui en fait une disposition complémentaire de l'article 25 (Pierre Michel EISEMANN, édition de 1990).
Pierre KLEIN, professeur à l'Université libre de Bruxelles, dans l'édition de 2005, indique qu'à partir des années 1970, c'est essentiellement en conjonction avec l'article 50 que l'article 49 fut utilisé (Rhodésie). Il observe "qu'en dépit du fait que l'article 49 énonce bel et bien une obligation d'assistance mutuelle à la charge des Etats membres, son invocation - explicite ou implicite - dans diverses résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale, en conjonction avec l'article 50, n'a jamais débouché que sur des appels de ces organes aux pays membres pour qu'ils apportent leur assistance à ceux d'entre eux qui étaient indirectement victimes de mesures coercitives". Dans les controverses sur l'utilisation de l'article 50, la diplomatie internationale se donne des marges de manoeuvres pour ceux qui n'approuvent pas ces mesures-là, d'être obligés d'apporter leur contribution pourtant obligatoire...

    Pour Pierre Michel EISEMANN, "inséré dans le schéma général du Chapitre VII, le mécanisme de l'article 50 ne déploya ses effets que dans le seul contexte de l'affaire rhodésienne (1976-1977). Tirant les leçons de l'expérience récente, il constate que si "la pratique relative à l'article 50 est longtemps demeurée limitée", elle connait depuis le début des années 1990, "un développement considérable, en raison de l'accroissement notable du recours aux mesures coercitives par le Conseil de sécurité après la fin de la guerre froide." Il relève les trois principales situations qui ont donné lieu à l'application de cet article : la Rhodésie du Sud, l'Irak et la République fédérative de Yougoslavie.
  Notamment pour l'Irak, des "demandes de consultations ont été présentées au Conseil de sécurité par au moins 21 Etats, allant des voisins immédiats de l'Irak (au premier rang desquels la Jordanie) à des pays aussi éloignés que le VietNam ou l'Uruguay. C'est au total, à plus de 30 milliards de dollars que ces Etats estimaient les pertes économiques financières et commerciales résultant pour eux de l'application des mesures coercitives en cause. Ces demandes d'assistance furent relayées auprès des Etats et des organisations internationales, non plus, cette fois, par le Conseil de sécurité lui-même, mais par le Secrétaire général de l'ONU."
  En fait, "selon les termes mêmes de l'article 50, le droit qu'il ouvre aux Etats est indéniablement limité, puisque la disposition ne consacre en tout et pour tout que le droit de consulter le Conseil de sécurité au sujet des difficultés économiques résultant de l'application de mesures coercitives." Un droit à une assistance économique, voire à une véritable réparation des dommages subis a toujours été écarté. En fait, "le recours plus fréquent aux mesures coercitives (...) s'est accompagné de la mise sur pied d'organes subsidiaires (...) connus (sous le nom) de comités des sanctions. C'est logiquement à ces organes que le Conseil de sécurité a rapidement confié la tâche d'examiner les demandes présentées au titre de l'article 50." Parmi les solutions possibles examinées pour porter l'assistance économique, l'ONU fait appel à l'assistance des Etats, des organes et programmes des Nations unies et des autres organisations internationales, "étant entendu que cette assistance serait apportée sur une base strictement volontaire." L'assistance finalement octroyée fut limitée en ce qui concerne la Rhodèsie du Sud, mais beaucoup plus significative pour l'affaire d'Irak. 8,3 milliards furent effectivement versés à ce titre par plusieurs Etats industrialisés en direction surtout des Etats de "première ligne", la Jordanie, l'Egypte et la Turquie.
 Pour systématiser l'application de l'article 50, et renforcer du coup l'impact des sanctions prises par le Conseil de sécurité, une proposition de création d'un fonds fiduciaire alimentés par les Etats fut faite, dans le cadre du Comité spécial de la Charte. Mais pour l'instant, elle n'a pas abouti.


 


     Sous la direction de Jean-Pierre COT et d'Alain PELLET, La Charte des Nations Unies, Economica, 1991 ; Paul BARANDON, Le système de la Société des Nations pour la prévention de la guerre, Librairie Kundig/A Pedone, 1933 ; Emile GIRAUD, La Société des Nations, L'expérience de vingt ans, Extrait de la Revue Générale de Droit International Public, 1940 ; Editions A Pedone.
     Sous la direction de Jean-Pierre COT, Alain PELLET et Mathias FORTEAU, La charte des Nations Unies, Commentaire article par article, 3ème édition, Economica, 2005.





        


     
     

     
     
  

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6 janvier 2010 3 06 /01 /janvier /2010 10:50
            Les thèmes de la guerre et de la paix, ainsi que la philosophie d'intervention de l'organisation internationale sont abordés de manière générale par les articles 10, 11, 12 et 13 de la SDN et les articles 2 du chapitre 1 de l'ONU.

SDN

   Article 10
        Les membres de la Société s'engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l'intégrité territoriale et l'indépendance politique présente de tous les membres de la Société... (voir article précédent du blog)

  Article 11
         Il est expressément déclaré que toute guerre ou menace de guerre, qu'elle affecte directement ou non l'un des membres de la Société, intéresse la Société toute entière et que celle-ci doit prendre des mesures propres à sauvegarder efficacement la paix des Nations...(voir article précédent du blog)

 Article 12, alinéa 1
         Tous les membres de la Sociétés conviennent que s'il s'élève entre eux un différend susceptible d'entrainer une rupture, ils le soumettront soit à une procédure de l'arbitrage, soit à l'examen du Conseil. En aucun cas, ils ne doivent recourir à la guerre avant l'expiration d'un délai de trois mois après la sentence des arbitres ou le rapport du Conseil.

 Article 13
     1 - Les Membres de la Société conviennent que s'il s'élève entre eux un différend susceptible, à leur avis, d'une solution arbitrale ou judiciaire et si ce différend ne peut se régler de façon satisfaisante par la voie diplomatique, la question sera soumise intégralement à un règlement arbitral ou judiciaire.
     2 - Parmi ceux qui sont en général susceptibles d'une solution arbitrale ou judiciaire, on déclare tels les différends relatifs à l'interprétation d'un traité, à tout point de droit international, à la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la rupture d'une engagement international, ou à l'étendue, ou à la nature de la réparation due pour une telle rupture.
     3 - La cause sera soumise à la Cour permanente de Justice internationale, ou à toute juridiction ou cour désignées par les Parties ou prévues dans leurs conventions antérieures.
     4 - Les Membres de la Société s'engagent à exécuter de bonne foi les sentences rendues, et à ne pas recourir à la guerre contre tout Membre de la Société qui s'y conformera. Faute d'exécution de la sentence, le Conseil propose les mesures qui doivent en assurer l'effet.
 

ONU

   Chapitre I Article 2
          L'Organisation des Nations Unies et ses membres, dans la poursuite des buts énoncés à l'article 1, doivent agir conformément aux principes suivants :
          1 - L'Organisation est fondée sur le  principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres.
        2 - Les Membres de l'Organisation, afin d'assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu'ils ont assumées aux termes de la présente Charte.
        3 - Les Membres de l'Organisation règlent les différends internationaux par des moyens pacifiques de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.
        4 - Les Membres de l'Organisation s'abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
        5 - Les Membres de l'Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente Charte et s'abstiennent de prêter assistance à un État contre lequel l'Organisation entreprend une action préventive ou coercitive.
       6 - L'Organisation fait en sorte que les États qui ne sont pas membres des Nations Unies agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
      7 - Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures prévues au Chapitre 7.

   La SDN ne connaît d'abord que des différends et ses interventions sont d'abord dans le domaine juridique, dans une approche d'arbitrage. L'article 11 du Pacte vise une intervention préventive avant que ce différend ne dégénère. Paul BARANDON, décrivant le champ d'application de l'article 11 par rapport aux articles suivants (12, 13, 15 et 16) met l'accent sur cette action préventive, à l'initiative de n'importe quelle partie. Durant la vie de cette organisation, c'est avec beaucoup de réticences que ses Membres dépassent ce cadre. Tout est fait, du moins d'une manière théorique pour que l'intervention soit rapide et obligatoire, afin d'éviter la guerre ouverte.

  L'ONU affirme sa personnalité juridique d'instance obligatoire pour une intervention, prenant le modèle étatique à son compte. Elle est perçue, analyse René-Jean DUPUY, comme "toute organisation (...) de deux façons : de l'extérieur comme un agent juridique au sein de la communauté internationale et, de l'intérieur, comme un englobant, rassemblant des États sur le principe égalitaire de la démocratie interétatique, lequel postule chez eux un comportement de bonne foi et de renonciation au recours de la force."
Faisant la comparaison avec la SDN, le juriste se situe dans une perspective historique du droit :
"La Société des Nations n'ayant qu'incomplètement retiré à ses membres le droit à la guerre, le Pacte Briand-Kellog de 1928, a eu pour ambition d'en prononcer la condamnation générale. Cependant, prohibant la guerre, cet instrument ne devait pas assurer la paix. Le Pacte met en place une communauté conventionnelle à laquelle a manqué le relais institutionnel. C'est en vain qu'on a cherché à le mettre en harmonie avec le système de la SDN. La rencontre de la communauté et de la société internationale ne devait se réaliser qu'avec l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies, prohibant non seulement le recours à la force, mais aussi toute menace de l'utiliser. On retient moins l'idée de protection d'un État contre une éventuelle agression que celle de la paix de la communauté internationale. Cette conception objective se rattache au concept d'ordre public et suppose un appareil structurel, le Conseil de Sécurité, pour le faire respecter. Plus qu'une norme sociétaire, la règle prohibitive est une règle communautaire puisque sa portée s'étend aux États non membres.
La disposition de la Charte a été complétée en 1974 par la définition de l'agression, donnée par l'Assemblée Générale. Vainement tentée depuis la SDN, cette définition a été saluée comme un progrès. En réalité, elle devait renforcer la répugnance du Conseil de Sécurité à la constater. Dès lors que l'agression constitue le "crime suprême" contre l'humanité, les cinq membres permanents du Conseil ne peuvent s'accorder pour qualifier d'agression une action militaire engagée par l'allié ou le client de l'un d'eux. Si bien qu'à la constatation de l'agression, le Conseil de Sécurité préfère celle de "rupture de la paix", notion neutre, ne comportant pas de condamnation."  
Après avoir mit justement l'accent sur cette frilosité bien diplomatique, qui entrave le début même de l'action de l'ONU, René-Jean DUPUY attire l'attention sur le fait que les conflits envisagés sont interétatiques, alors que précisément la plupart des conflits sont d'ordre interne, "sous-produit du conflit mondial, sécularisation des guerres de religion".

     La difficulté  a bien été perçue par les juristes qui travaillent autour ou dans le système des Nations Unies. 
Selon Jean CHARPENTIER par exemple, pour qui la tendance la plus récente (le texte date de 1991) "consiste (...) à anticiper sur la naissance des différends en demandant aux États de prendre les dispositions nécessaires pour les prévenir. Dans cette perspective a été adoptée en mars 1988 par le Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l'Organisation un projet de "Déclaration relative  à la prévention et à l'élimination des différends et des situations qui risquent de mettre en danger la paix et la sécurité internationales et au rôle de l'ONU dans ce domaine" qui a été entériné par l'Assemblée Générale lors de sa 34ème Session."
 Les récents développements de conflits intraétatiques et l'apparition de formes de terrorisme médiatisées accentuent de manière générale cette référence globale de l'ONU à une notion d'ordre public international. Mais l'absence de volonté de membres du Conseil de Sécurité, par diplomatie isolationniste notamment, empêche l'organisation d'appliquer ses principes.

Jean CHARPENTIER, René-Jean DUPUY, Articles sur l'article 2 de la charte, dans La Charte des Nations Unies, Economica, 1991. Paul BARANDON, Le système juridique de la Société des Nations pour la prévention de la guerre, librairie Kundig/A Pedone, 1933.
 
 
Relu le 15 octobre 2019
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4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 07:54
             Nous poursuivons ici la comparaison entre les textes fondamentaux des deux organisations internationales, sur les buts et objectifs qu'elles se sont assignés.
 

SDN 
           Article 10
                   Les Membres de la Société s'engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l'intégrité  territoriale et l'indépendance politique présente de tous les Membres de la Société.
                   En cas d'agression ou de menace ou de danger d'agression, le Conseil avise aux moyens d'assurer l'exécution de cette obligation.

         Article 11
                  Il est expressément déclaré que toute guerre ou menace de guerre, qu'elle affecte directement ou non l'un des Membres de la Société, intéresse la Société toute entière et que celle-ci doit prendre des mesures propres à sauvegarder efficacement la paix des Nations.
                  En pareil cas, le Secrétaire général convoque immédiatement le Conseil, à la demande de tout Membre de la Société.
                  Il est en outre déclaré que tout Membre de la Société a le droit à titre amical, d'appeler l'attention de l'Assemblée ou du Conseil sur toute circonstance de nature à affecter les relations internationales et qui menace par suite de troubler la paix ou la bonne entente entre nations dont la paix dépend.
 


ONU

    Chapitre 1 Article 1
                 Les buts des Nations-Unies sont les suivants :
                        1 - Maintenir la paix et la sécurité internationale et à cette fin, prendre les mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix.
                        2 - Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde.
                        3 - Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et les libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.
                        4 - Être un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.
 
Chapitre 9 Article 55
               En vue de créer les conditions de stabilité et de bien être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront :
a) Le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et les conditions de progrès et de développement dans l'ordre économique et social.
b) La solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l'éducation.
c) Le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Chapitre 9 Article 56
             Les Membres s'engagent, en vue d'atteindre les buts énoncés à l'article 55 à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'Organisation.

    Dans ses réflexions à propos des interdictions de guerre et d'agression, Paul BARANDON estime que "le droit commun du Pacte de la Société des Nations ne contient aucune interdiction absolue de la guerre, mais seulement des interdictions relatives. Toutefois, du fait de l'adoption du Pacte Briand-Kellog par le droit SDN, ces interdictions se sont intégrées dans la renonciation générale à la guerre que contient l'article 1 de ce Pacte. C'est pourquoi les organes de la Société des Nations (Comité des Onze de 1930 et sous-comité de la 2e Commission de l'Assemblée de 1930), chargés de préparer une révision du Pacte de la Société en tenant compte du Pacte Briand-Kellog, ont proposé au Pacte SDN les amendements indispensables pour mettre son texte primitif en harmonie avec le nouvel état de droit."
L'interdiction de la guerre, de relative est devenue absolue, du fait de ce Pacte Briand-Kellog du 27 Août 1928. Pour de nombreux diplomates, c'était la consécration d'années d'effort, de batailles juridiques internes à la SDN et en dehors d'elle, sans tenir réellement compte de certaines réalités sur le terrain, mais ces réflexions écrites en 1933 appartiennent à une période où la SDN n'est pas tout-à-fait sur le déclin et joue encore un grand rôle.
Rappelons ici simplement les termes de ce Pacte Briand-Kellog, qui dans son article 1 dispose que "Les Hautes Parties contractantes déclarent solennellement au nom de leurs peuples respectifs qu'elles condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux, et y renoncent en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles." Cette disposition était préparée par la résolution adoptée par l'Assemblée de la SDN du 24 septembre 1927 qui interdisait la guerre d'agression, considérée comme "un crime international".
     Toutefois, même après cela "ne tombent pas sous le coup de l'interdiction de recourir à la guerre, les mesures militaires d'extrême urgence (guerre défensive) dirigées contre une guerre "illégale", "guerre d'agression", pas plus que l'assistance prêtée à un État victime d'agression ni les mesures prises, dans le cadre des articles 18 et 16 du Pacte, en vue de réprimer une agression injustifiée (guerre de sanction), ni les mesures proposées par le Conseil, en vertu de l'alinéa 4 de la l'article 13 du Pacte pour faire procéder à l'exécution d'une sentences arbitrale (guerre d'exécution)."
Les débats internes eux-mêmes montrent bien les limites de cette interdiction dans le traitement de cas concrets, comme le conflit sino-japonais de Mandchourie de 1931, où les Parties en cause, notamment, refusent d'entendre parler d'état de guerre et où l'ensemble des parties jugent préférable de ne pas soulever le problème des représailles militaires.

    Mohammed BEDJAOUI, dans la somme consacrée à la Charte des Nations Unies en 1991, revient longuement sur les circonstances historiques de rédaction de ces articles sur les buts et objectifs.
Même si "le but des buts" apparaît bien comme étant la paix, les débats sur les priorités de l'organisation en matière de justice et de paix, se révèlent beaucoup dans les dispositions des articles suivants consacrés à cette action. Dans une logique qui vient tout droit de l'article de la SDN qui indique le rôle prépondérant du Conseil, "en vérité le souci était de reconnaître au Conseil de Sécurité le pouvoir d'appréciation le plus large possible, sans offrir à quiconque, par une interprétation subjective des parties des principes de justice, un échappatoire permettant de mettre en cause la régularité de n'importe quelle mesure collective ou d'en retarder l'application. La rupture de la paix est un phénomène qui se prête à une observation concrète et objective et sa répression ne saurait dépendre d'appréciations subjectives."
Bien entendu, même si la paix "prend ici un nouveau nom qui est l'égalité des peuples et leur liberté (...), il est bien moins que sûr que les rédacteurs de la Charte aient désiré la libération des peuples coloniaux. Leur souci a été plus, semble-t-il, de viser l'égalité des droits des peuples déjà libres, c'est-à-dire de s'assigner comme but l'égalité des États, grands ou petits, mais déjà constitués. Mais certains buts ou principes recèlent déjà, une dynamique propre qui permet une récupération et une utilisation extensive et inattendue."
  La Charte des Nations Unies s'en tient donc à un triptyque Paix, Égalité et Liberté des peuples, avec l'ambition de faire de cette organisation le lieu "d'un dialogue permanent entre les peuples pour la recherche des solutions aux problèmes qui les préoccupent et l'organe privilégié de la coordination des efforts et des activités déployées pour réaliser ces fins communes."
   L'auteur pense qu'un bilan des Nations Unies "reste mitigé au regard de ces buts". Au fait que "l'objectif de maintien de la paix aura été atteint pendant 40 ans", dans un environnement bien plus dangereux que celui où baignait la SDN, du fait de l'existence des armes nucléaires, plusieurs correctifs doivent être mentionnés :
- si un conflit mondial a pu être évité, de nombreux conflits locaux et régionaux n'ont laissé que "26 jours de paix depuis la Seconde Guerre Mondiale" ;
- le mérite du maintien de la paix ne revient souvent pas à l'ONU. "Il serait plus exact d'affirmer qu'il a été le fait des grandes puissances concernées. La plupart des négociations significatives et des décisions ont vu le jour hors des Nations Unies."
   Globalement, "la volonté d'asseoir la paix sur le développement économique, social et culturel des peuples, exprimée au paragraphe 3 de l'article 1" - qui a donné la constitution de nombreux organismes spécialisés - "a donné sa dimension réelle au problème de la paix, mais l'échec des efforts des Nations unies en matière de développement souligne alors la menace qui pèse sur la paix elle-même."
 
     Anne-Cécile ROBERT, journaliste au journal Le Monde diplomatique, comme d'ailleurs beaucoup d'analystes de la situation internationale, estime que l'ONU ne rempli pas entièrement son rôle par rapport aux quatre buts assignés en 1945.
"Le développement des relations internationales, écrit-elle, depuis une trentaine d'années (elle écrit en 2015) fait courir à l'ONU un véritable risque de marginalisation. Elle n'est pas le point de mire prévu en 1945. Si le Conseil de Sécurité continue de trôner au sommet des dispositifs de maintien de la paix, une sorte de répartition des tâches semble se dessiner à l'échelle mondiale : les États sollicitent les agences techniques de l'ONU pour clarifier ou réguler des enjeux pratiques ou réaliser des actions de terrain (développement, coopération technique...) ; pour les grandes questions politiques, ils se montrent plus enclins à mobiliser les organisations régionales (Union Européenne par exemple) ou des groupes de puissances, comme le G 8 ou le G 20.
La première attitude avait été prévue par la Charte de San Francisco qui permet aux États de se regrouper dans des structures plus petites ou plus limitées dans leurs objectifs à condition que la primauté de l'ONU soit reconnue et assurée. Les traités fondateurs de l'Union Européenne reconnaissent d'ailleurs la supériorité de l'organisation universelle.
Le cas des "G" se révèle plus délicat. (...) Ils n'ont certes pas de pouvoir coercitif mais l'hégémonie politique de facto de ce club de pays riches est visible au travers d'une sorte de chaine de commandement non écrite. Celle-ci aboutit aux organes décisionnaire des institutions financières internationales (IFI) où les mêmes pays riches détiennent le pouvoir. (...) Les "G" se drapent de leur statut de conférence diplomatique pour, finalement, ne rendre de compte à personne et surtout pas à l'ONU." 
Il faut voir au-delà d'un problème de moyens (des grands pays suspendent parfois leurs contributions financières au gré de leurs intérêts propres...) une absence de volonté politique, une crise plus profonde.
"Instance suprême du maintien de la paix, le Conseil de sécurité se trouve lui aussi dans une situation délicate. Les États se montrent de plus en plus réticents à fournir soldats et moyens aux opérations qu'il décide. D'une manière générale, austérité oblige, les gouvernements rechignent à verser leur contribution financière à l'ONU et à ses agences. (...) En outre, l'inexistence opérationnelle de l'état-major international prévu par la Charte de San Francisco rend le Conseil de sécurité dépendant de l'OTAN." 
Et surtout, "assistons-nous pas à une sorte de banalisation du recours à la force comme solution aux différends, en violation (...) de la Charte. (...) Dans les domaines scientifiques, juridiques, sanitaires, etc, la coopération internationale est réelle et permanente. Des dizaines de traités, des milliers de résolutions et de rapports techniques sont négociés chaque année dans le locaux des agences de l'ONU sur les sujets les plus divers. Les diplomates et les juristes s'y livrent parfois à des conflits de basse intensité sur d'obscurs amendements ou formulations. Mais sur des questions essentielles, la coopération internationale - au sens de la volonté de construire une vision commune des enjeux et les outils pour y répondre  - semble marquer le pas."
Dans la géopolitique du troisième millénaire qui commence, l'ONU ne semble pas exercer son rôle légitime en droit de centre de la vie internationale. 
 
   

Mohammed BEDJAOUI, article  Chapitre 1 buts et principes, dans la Charte des Nations Unies, Editions Economica, 1991. Paul BARANDON, le système juridique de la Société des Nations pour la prévention de la guerre, 1933. Anne-Cécile ROBERT, Une organisation centrale, dans L'ONU dans le nouveau désordre mondial, Sous la direction de Romuald SCIORA, Les Editions de l'Atelier, 2015. 
 
PAXUS
 
 
Relu le 16 octobre 2019

              
                 

 
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28 décembre 2009 1 28 /12 /décembre /2009 15:56
            Ce titre assez long introduit dans cette rubrique "Rapports" des informations et des réflexions sur les articles du Traité de la Société Des Nations et de la Charte de l'Organisation des Nations Unies. Au confluant du droit et de la philosophie politique, et de la stratégie.
   
      Nous commençons à l'écrire au moment où la Conférence de Copenhague sur le changement climatique semble signer la déconfiture d'une certaine organisation des débats à l'intérieur de l'organisation internationale née en 1945. Semble être la principale cause de l'échec de la Conférence un certain fonctionnement de l'ONU, peut-être une façon de concevoir son rôle... Mais la convergence, au sein de l'organisation (comme ailleurs) certains diraient l'alliance objective, entre des industriels du pétrole manipulant l'information, la diplomatie de l'Arabie Saoudite et les volontés de certains pays émergents, dont la Chine, qui réclament un juste développement y est pour beaucoup. Au moment où nous révisons l'ensemble des articles sur la SDN et l'ONU, on peut constater toutefois que le poids plus grand de la communauté scientifique et des organisations non gouvernementales au sein de l'ONU est beaucoup pour l'importance accrue donnée aux changements climatiques dans la politique internationale, jusqu'au changement sensible de positions de grands pays industrialisés de longue date comme d'autres plus récemment.
  
     Sans vouloir ici plaider la cause de l'ONU (ce qui ne serait pas mauvais en soi), comme seul ensemble d'institutions internationales aujourd'hui opposable à une mondialisation pour le moins anarchique et à des démantèlements de souverainetés sans remplacement des anciennes méthodes de gouvernement - à part une "gouvernance" qui peine à trouver ses marques - il s'agit d'indiquer un certain nombre d'expériences juridiques et politiques, à travers l'examen de ces articles du Pacte et de la Charte.
   Nous le ferons en nous appuyant entre autres sur deux "grosses" études : celle de Paul BARANDON sur Le système juridiques de la Société Des Nations pour la prévention de la guerre, de 1933 (Editions A Pedone/Librairie Kundig), et celle de Jean-Pierre COT et Alain PELLET sur La Charte des Nations Unies, de 1991 et des éditions suivantes (Editions Economica).
 
    Rappelons simplement que les deux organisations internationales, nées dans deux configurations géopolitiques bien différentes, ont été créées l'une et l'autre à l'issue d'une guerre mondiale.
La Société Des Nations est une organisations internationale introduite par le Traité de Versailles de 1919 au cours de la Conférence de paix de Paris. Créée en 1920, elle n'est réellement dissoute qu'en 1946, même si dès 1939 elle n'a plus aucune activité. Avec son siège à Genève, la SDN reste, malgré l'activité en son sein de nations non occidentales, une organisation très européenne, notamment après le refus du Congrès des Etats-Unis d'entériner l'adhésion des USA. 
L'Organisation des Nations Unies (ONU), qui dans l'esprit de maints diplomates, prend la suite de la SDN, notamment en ce qui concerne l'activité de nombreuses organisations liées, est créé en 1945 après la Seconde Guerre Mondiale. Organisation à l'activité autrement soutenue et à de plus grandes ramifications dans tous les domaines, l'ONU entend réussir là où la SDN a échoué, à prévenir la guerre et à résoudre les conflits, avec de tous nouveaux moyens. Elle part sur de nouvelles règles dans un environnement géopolitique nouveau.  Il s'agit au départ d'une organisation internationale, avec son siège à New York, qui devait jouer un rôle central dans toutes les affaires internationales, réellement universaliste, avec de nombreux acteurs qui, avec des poids différents, entendent peser sur ses recommandations. La comparaison des deux organisations, sur le plan structurel comme dans son fonctionnement indique de très grandes différences. 
   
      A chaque thème, qui regroupe des articles du Traité et de la Charte, nous citerons d'abord ces articles et nous les commenterons ensuite. Les préambules du Traité et de la Charte se présentent de la façon suivante :

Pour la SDN :
               Les Hautes Parties Contractantes
             Considérant que, pour développer la coopération entre les nations et pour leur garantir la paix et la sureté, il importe
             d'accepter certaines obligations, de ne pas recourir à la guerre,
            d'entretenir au grand jour des relations internationales fondées sur la justice et l'honneur,
            d'observer rigoureusement les prescriptions du droit international, reconnues désormais comme règles de conduite effective des gouvernements,
            de faire régner la justice et de respecter scrupuleusement toutes les obligations des Traités dans les rapports des peuples organisés,
            Adoptent le présent Pacte qui institue la Société des Nations.
 
Pour l'ONU :
        Nous, peuples des Nations unies,
        résolus
            à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances,
            à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine dans l'égalité de droits des hommes et des femmes ainsi que des nations grandes et petites,
            à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international,
            à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande
et à ces fins,
            à pratiquer la tolérance,à vivre en paix l'un avec l'autre dans un esprit de bon voisinage,
            à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,
            à accepter les principes et instituer des méthodes garantissant qu'il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt commun,
            à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples,
 avons décidé d'associer nos efforts pour réaliser ces desseins,
            En conséquence, nos gouvernements respectifs, par l'intermédiaire de leurs représentants réunis en la ville de San Francisco, et munis de pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont adopté la présente Charte des Nations Unies et établissent par les présentes une organisation internationale qui prendra le nom de Nations Unies.

     D'emblée, nous pouvons nous apercevoir qu'entre les "Hautes parties contractantes" et "Nous, peuples...", tout un monde a évolué. D'une part, nous avons un Pacte, une sorte de super-Traité, et d'autre part une Charte, dont les références sont constitutionnelles. La référence aux peuples (on retrouve la même dans la Constitution des Etats Unis d'Amérique) constitue une innovation importante : la Charte insiste sur les droits de l'homme alors que le Pacte fait référence surtout aux relations entre gouvernements. D'une certaine manière la Charte parait plus ouverte aux changements de conception du pouvoir que le Pacte, et rien n'empêche par la suite, notamment dans les organisations du système des Nations Unies la présence active d'organisations non-gouvernementales. "La Charte (...) introduit les peuples dans la vie juridique internationale." (La Charte des Nations Unies). Et dans de nombreux textes ultérieurs, les références aux droits des peuples se multiplient.
 Le terme de Nations Unies reflète l'état de la guerre au moment des premiers préparatifs de la Charte, en janvier 1942. Notons que la référence dans le Pacte de la SDN d'entretenir au grand jour des relations internationales rappelle les appels du gouvernement soviétique d'en finir avec la diplomatie secrète.
              Alain PELLET et Jean-Pierre COT estiment que "Plus bref, le texte de 1919 est rédigé en termes juridiques. il annonce des obligations précises en utilisant un langage juridique, là où la Charte se complait dans les considérations morales." Certes, mais de toute façon, et ces auteurs le disent, l'objet d'un préambule n'est pas d'établir des obligations - il serait plutôt une déclaration d'intention - et a plus valeur idéologique que juridique.
 
    Pour ceux qui veulent aller plus avant dans la suite - assez longue il faut le reconnaitre (après tout cela figure dans la rubrique Rapports...) - de cette série d'articles consacrée aux articles du Pacte de la SDN et de la Charte de l'ONU, il convient d'avertir du mode de présentation : d'abord une lecture proposée des articles analysés, une organisation après l'autre, puis une analyse si possible article par article. Si pour la SDN, cela n'est pas possible toujours, pour l'ONU en revanche, ce travail de commentaires est réalisé avec minutie (par l'ONU elle-même, avec une grande indépendance d'esprit et une grande honnêteté intellectuelle).
   Un article sur l'économie générale des articles est prévu pour plus tard. Enfin, ce travail est surtout destiné à tous ceux qui s'intéressent du droit international public et à son évolution, même si nous nous efforçons de rester le moins technique possible...

Révisé le 16 mai 2016.
Révisé le 26 septembre 2016.
Relu le 25 Août 2019.

     
     

 

   
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16 décembre 2008 2 16 /12 /décembre /2008 13:57

          6 - Conclusions des deux séries de textes

           Il n'y a pas véritablement nommément de conclusions dans les textes de 1980 - ce qui est naturel quand on considère la nature et la variété de ceux-ci - mais une annexe comportant le rapport final de la "Réunion interdisciplinaire sur l'étude des causes de la violence", tenue à Paris les 12 au 15 novembre 1975.
    Cette réunion "fait suite aux travaux déjà réalisés par la Division sur les causes de la violence, axés jusqu'à présent sur l'agressivité humaine, et s'insère dans le cadre plus général de la contribution de l'UNESCO aux recherches sur la paix."

       Sur les questions théoriques et méthodologiques, plusieurs points méritent - encore aujourd'hui - notre attention.

- "(...) il existe quatre grands systèmes d'équivalence dont il faut dénoncer le vide théorique quand on débouche notamment au niveau international :
  . l'équivalence entre passage au conflit violent et erreur de calcul, de perception ou de stratégie comme si "on" pouvait réellement définir la différence entre l'"état objectif des affaires" et l'état prévu ou perçu ;
  . l'équivalence entre conflit politique et conflit personnel qu'on trouve à chaque instant dans les typologies abstraites et qui desservent l'intelligence de l'articulation concrète entre les niveaux de violence ;
  . l'équivalence univoque entre structure inégalitaire et conflit. Au lieu de chercher la cause mécanique de la violence dans l'existence d'une structure inégalitaire, il faudrait trouver la cause dialectique de la structure inégalitaire dans le conflit ;
   . l'équivalence entre connaissance et mesure numérique.
- Il faut rejeter l'unidimensionnalité et parvenir à une notion de causalité configurative.
 - Une véritable démarche pluridisciplinaire s'impose.
  - Sur la prise en compte de l'historicité des études (sur leur pertinence datée ou transposable à d'autres périodes), des divergences de points de vue ne permettent pas de trancher entre une démarche "historiciste-critique" (entendre par là la critique de modèles occidentaux de régulation de la violence) et une démarche plus institutionnelle.
- Au lieu de partir d'une définition étroite et juridique de la violence et d'une problématique clinique ou thérapeutique, il importe de cerner la dimension socio-culturelle du phénomène. "D'autre part, il (n'est) plus possible d'étudier la violence comme un phénomène exclusivement négatif conçu en termes de comportement agressif, mais aussi comme le mode de la poursuite par d'autres moyens d'intérêts positifs ou la réponse en réaction à une violence négative moins visible présente dans l'ensemble de la structure sociale."

     Les recommandations concernant les nouvelles recherches à entreprendre définissent des objectifs de façon non limitatives.
- Promotion de la recherche visant à assurer le respect des droits de l'homme;
- Promotion de l'appréciation et du respect de l'identité culturelle des individus, des groupes, des nations et des régions ;
- Amélioration de la condition de la femme ;
- Promotion de la recherche sur la paix ;
- Promotion de l'étude du droit international et des organisations internationales ;
- Développement de l'éducation pour la paix et la compréhension internationale ;
- Promotion de l'élaboration d'une interprétation globale et multidisciplinaire du développement ;
- Études des conditions socio-culturelles, des systèmes de valeurs, des motivations et des modalités de participation des populations pouvant favoriser des processus de développement endogènes et diversifiés
- Contributions au développement des infrastructures et des programmes de sciences sociales en vue d'augmenter l'aptitude des différentes sociétés à éclairer la solution des problèmes sociaux et humains ;
- Promotion d'une collaboration plus large de la jeunesse, ainsi que de certains groupes de la société, comme les groupes défavorisés, à l'action éducative, scientifique et culturelle ;
- Contribution à l'élaboration d'approches concertées face aux disharmonies sociales.

     La fin du rapport final comporte des thèmes suggérés pour de nouvelles études et recherches.
         Dans le chapitre des "Violence, structures de domination, processus de changement social et développement":
- Le rôle des femmes dans les structures de domination et dans les changements sociaux ;
- Incidences des changements sociaux rapides au point de vue de la variation de la violence ;
- Aspects de la violence qui entravent le développement économique et social;
 - Violence et processus de socialisation et de désocialisation;
 - Les méthodes non violentes de changement social en tant que moyens d'assurer la paix et de résoudre les problèmes relatifs aux droits de l'homme;
- Relations entre les structures de violence et les victimes de la violence ;
- Violence institutionnelle, subversion et répression politique ;
- Manifestations de la violence à l'école ;
- Le rôle des jeunes dans les structures de domination et dans le changement social ;
 - Processus de perpétuation de la violence.
       Dans le chapitre de "Violence et nouvelles modalités de l'organisation du monde" :
- Les systèmes internationaux et les perspectives en matière de démilitarisation et de désarmement ;
- Aspects de la violence qui constituent un danger pour la paix à l'échelon régional, entre les hémisphères et sur le plan international ;
- La révolution scientifique et technologique et ses incidences sur la violence de masse ;
- La militarisation des rapports sociaux et ses effets sur la violence dans divers types de sociétés ;
- Les structures de la violence et l'établissement d'un nouvel ordre économique international ;
- Les relations entre les grandes puissances et la violence dans le tiers-monde, notamment du point de vue de la course aux armements et des transferts d'armes aux pays du tiers-monde ;
- Les situations dans lesquelles se manifeste la violence (régions géopolitiques, types de société, structures familiales et niveaux de développement) ;
 - Les problèmes économiques du monde capitaliste et leurs incidences sur la violence dans le tiers-monde.
       Dans le chapitre de "Violence et processus de libération nationale" :
- L'autodétermination des peuples et le droit d'utiliser la force tel qu'il est reconnu par l'ONU ;
- Le rôle des sociétés multinationales face aux processus de libération nationale ;
- Le colonialisme, le néo-colonialisme et l'impérialisme en tant que causes de la violence ;
- Les échanges inégaux, les exportations de capitaux et leurs effets sur les processus de libération nationale;
- La participation des femmes aux luttes de libération nationale, telle qu'elle a été définie dans les résolutions de la Conférence de l'Année Internationale de la femme tenue à Mexico;
- Les divisions et les conflits à l'intérieur des groupes révolutionnaires en tant que facteur supplémentaire de violence.
     Dans le chapitre de "Violence, population et groupes sociaux défavorisés" :
- La violence et les rapports entre les sexes ;
- Pauvreté, inégalité sociale et violence ;
- Violence et accroissement de la population ;
- Le rôle de la violence institutionnelle dans les processus d'aliénation et dans la déprivation culturelle ;
- Racisme, apartheid et violence ;
- Relations entre groupes ethniques différents et violence ;
- Autres formes de violence entre les groupes, y compris notamment celles qui sont liées à la religion, à la langue, à la région, à la classe sociale, etc.
     Dans le chapitre des "Conceptions et Perceptions de la violence dans les cultures et les civilisations contemporaines":
 - Violence en tant que processus historique composé d'étapes successives ;
 - Étude transculturelle de la violence structurale et des droits de l'homme, y compris les droits de la femme;
- Le rôle de la recherche transdisciplinaire dans l'harmonisation des résultats des recherches sur la violence menées dans différentes parties du monde ;
 - Justifications philosophiques et éthiques de la violence ;
 - Étude comparative de la politique appliquée en matière de criminalité et des modes d'approche de la violence;
- Mesure dans laquelle les spécialistes des sciences sociales peuvent contribuer à favoriser ou à entraver la violence;
- Enquête mondiale sur les moyens d'évaluer l'intention de se livrer à des violences dans différentes sociétés;
- La perception de la violence par le public et sa manipulation par les moyens d'information ;
- La violence et les conceptions de la qualité de la vie ;
- L'analyse comparée des concepts criminologiques des causes de la violence ;
- Statistiques comparées de la violence criminelle.

     "Quelques remarques en conclusion" terminent les textes de 2005, sous la plume de Moufida GOUCHA (Chef de la section de la philosophie et des sciences humaines de l'UNESCO) :
     "Entamer une réflexion sur la définition de la violence, ses différentes représentations, ses causes, est, on ne le sait que trop, une tâche ardue : rares en effet sont les domaines dans lesquels la violence n'est pas visible, sous une forme ou sous une autre."
     "Sur la base d'un échange de vues aussi large que possible, les différentes contributions du présent ouvrage incitent d'abord à établir, dans ses grandes lignes, une grille d'analyse des nouvelles formes de la violence qui prenne pleinement en compte les évolutions récentes et le fasse dans une perspective interdisciplinaire, en particulier dans les domaines de compétence de l'UNESCO (éducation, sciences, culture, communication et information). Il sera ensuite nécessaire d'identifier les thèmes clefs et prioritaires qui méritent d'être approfondis, notamment pour cerner les conséquences qu'auront à moyen et long terme les nouvelles formes de la violence et définir les besoins les plus urgents en matière de recherche. Enfin, il nous incombe d'identifier les personnes et les institutions les plus aptes à aborder ces thèmes dans une perspective interdisciplinaire. La violence est-elle un processus individuel ou collectif? Comment se fait éventuellement le passage de l'un à l'autre? S'agit-il d'un état ou d'un mécanisme?"

    Il n'y a pas de liste d'études à réaliser dans ces textes de 2005 et on peut remarquer d'ailleurs une sorte de dérive d'optique des violences structurelles vers des violences plus immédiatement perceptibles.
  L'inquiétude vis-à-vis de l'apparition de nouvelles formes de violence (les esprits restent sur les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis) est vivace et le point positif à relever constitue la prise de conscience d'un affaiblissement généralisé des Etats qui ne sont pas remplacés dans leur rôle de "limitation" et de "contrôle" de la violence (malgré toutes les réserves qu'on puisse faire dans l'exercice de ce rôle...). Les différents mouvements internationaux démocratiques, issus des sociétés civiles, sont loin de pouvoir le faire à leur place... Le fait que cette prise de conscience se déclare dans un des organismes spécialisés de l'ONU indique lui-même une possible orientation des efforts à effectuer.
    Enfin, on ne peut pas ne pas relever la distorsion des moyens entre les époques de deux séries d'études. Entre 1980 et 2005, l'UNESCO a perdu de son influence et de sa présence dans les débats pour de multiples raisons, compressions budgétaires et disparitions de certains éléments sociaux critiques... qui l'obligent à opérer de nombreuses collaborations extérieures pour mener à bien ses missions. L'organisation de la décennie pour la culture de paix et la non-violence (2001-2010) et son relatif succès jusque là montre bien cet aspect des choses.
En tout cas, les orientations des recherches élaborées en 1980 restent pour la plus grande part d'actualité.

La violence et ses causes, UNESCO, 1980, publication par l'UNESCO. La violence et ses causes, où en sommes-nous?, UNESCO et IHEDN, 2005, publication par l'UNESCO et les Editions Economica.

                                                    SOCIUS
     

Relu et corrigé le 22 novembre 2018
         
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10 décembre 2008 3 10 /12 /décembre /2008 08:36
            5  Violence économique et sociale

               Les textes de la troisième partie de 1980 portent sur la violence économique et sociale.
        "La violence et le développement socio-économique" de Rasheeduddin KHAN (alors professeur de science politique à la Jawaharial Nehru University en Inde), un des articles les plus denses contributeurs à ces travaux de l'UNESCO, établit une typologie de la violence en s'appuyant notamment sur les travaux de Johan GALTUNG. Il expose ainsi un diagramme où figurent les violences :
- intentionnelle ;
- involontaire ;
- physique ;
 - psychologique ;
 - sans motif (on peut se demander ce que c'est...) ;
 - motivée (évidemment...) ;
 - manifeste ;
 - latente ;
              Ces violences étant réparties dans deux têtes d'arborescence : personnelle et structurelle.

Il passe en revue ensuite les théories sur l'étiologie de la violence :
- frustration-colère-agression (dégagée par John DOLLARD) ;
- privation relative (élaborée par Ted Robert GURR) ;
- courbe J, de DAVIES ;
- changements sociaux et frustration systématique, de FEIERABEND-NESVOLD ;
- effet de la modernisation dans les société en transition, de Samuel HUNTINGTON.

     L'auteur les évalue et relève que ces cinq théories "ne reconnaissent pas le processus global et essentiel - celui de la décolonisation - qui imprègne la vie, la société, l'économie et la politique de la plupart des Etats et territoires existants. Sur les 148 États qui sont aujourd'hui membres de l'Organisation des Nations Unies, plus de 100 (...) affrontent aujourd'hui le défi prodigieux de forger une identité nouvelle à partir des débris du système colonial disparu. Mais cette réalité urgente est presque totalement méconnue par la sagesse ésotérique des constructeurs occidentaux de modèles du changement social, si ce n'est à titre de référence indirecte. Il est donc normal que la nature, le rôle et l'impact des mouvements de libération soient, au mieux, relégués au second plan. De même, on sous-estime le rôle que l'idéologie joue pour mobiliser, encadrer et stimuler les populations en direction du changement, du soulèvement et de la révolte. Ou bien on la mentionne de façon péjorative.".
     Dans un paragraphe intitulé "Les modes de la violence structurelle", il montre les corrélations entre contextes conjoncturels, systèmes écopolitiques et violence. Il distingue 5 contextes conjoncturels (colonial/lutte de libération, postcolonial/indépendance naissante, ex-colonial/Néo-métropolitain, socialisme en cours de construction, socialisme mûr) et 4 types de systèmes économiques (primitif/économie de subsistance, société tribale, faible technologie, au seuil de la révolution urbaine, traditionnel/économie de troc, société féodale, technologie intermédiaire, au seuil de la révolution industrielle, moderne (capitaliste)/économie fondée sur la monnaie et le crédit, société post-industrielle de libre entreprise, orientée vers le profit et la concurrence, échanges commerciaux mondiaux dominées par les entreprises multinationales, révolution de l'automatisation en cours, moderne (socialiste)/économie fondée sur la monnaie et le crédit, société industrielle coopérativiste et à planification centralisée, démocraties socialistes).
Dans un contexte dominant de décolonisation (référence à Franz FANON), le changement social est vu successivement sous l'angle marxiste et l'angle non-marxiste. Il conclue ce long parcours (court si l'on considère la densité des points de vue présentés) en discutant du mal-développement, cause de la violence.
  Bien entendu, cet article est très orienté - point de vue marxiste, très marqué, avec une vision des "étapes" du développement économique un peu datée - mais il a le mérite de restituer l'essentiel des causalités entre économie et violence, dans les diverses théories de la violence. On y reviendra bien entendu dans ce blog assez souvent par la suite.

               "Violence silencieuse, famine et inégalités" de Pierre SPITZ  (alors directeur pour l'Asie du projet de recherches "systèmes alimentaires et société" de l'Institut de recherches des Nations Unies pour le développement social, à Genève, Suisse) critique les discours sur l'inégalité rencontrés tant chez les classes possédantes que dans les mouvements paysans. Il montre les liens - énoncés de manière déjà ancienne - entre violence internationale et famine. Il expose le long cheminement des organismes internationaux à prendre en compte l'interdépendance étroite entre la sécurité internationale et la collaboration économique et sociale.

              "Violence "institutionnelle" et violence "démocratique" et répression", de Pierre MERTENS (alors Maître de recherche à l'Institut de sociologie de l'Université libre de Bruxelles en Belgique) montre la dialectique de ces deux violences. Il indique que l'on retrouve la violence répressive dans de nombreuses sociétés - totalitaires ou démocratiques. A travers de nombreux exemples pris de façon un peu hétéroclite, l'auteur insiste sur la violence politique : "l'État totalitaire use de la violence comme système de gouvernement, la démocratie n'y recourt que ponctuellement ou par accès, dans ce qu'il est convenu d'appeler des "périodes de crise" : dans de telles conjonctures, mêmes les conventions internationales qui imposent le respect des droits de l'homme prévoient que l'application de la plupart de ceux-ci peut être suspendue."
  La violence intellectuelle, elle, reste souvent diffuse, et notamment "une culture apparaît étroitement liée à une société donnée qui l'engendre, la nourrit, l'enseigne, la répercute, donc, jusqu'à un certain point, l'impose. Dans son affirmation d'elle même, elle nie du même coup l'existence d'autres cultures ou, tout au moins, prend leur place, fonctionne "comme si" celles-ci n'existaient pas." L'auteur termine sur "la répression de la violence contre-institutionnelle", met l'accent sur des aspects souvent occulté de la fonction publique et  surtout - résonance particulière avec notre époque - veut faire réfléchir sur la répression du terrorisme comme sur la pratique de la torture dans certains États démocratiques (par exemple la Grande Bretagne en Ulster, Irlande du Nord).

                "Les femmes et la violence sociale" d'Elise BOULDING (alors Directeur du département de sociologie de l'Université Dorthmouth aux Etats-Unis) examine la guerre des sexes.
  "Les femmes ressentent la violence structurelle et la violence comportementale plus durement que les hommes ; car la définition sociale de leur conformation biologique leur assigne un descripteur secondaire particulier - leur condition de femme - qui limite leur statut social à tous les niveaux de la hiérarchie sociale. L'inégalité de la distribution des ressources, déterminée hiérarchiquement dans toutes les sociétés sauf les plus rudimentaires, s'en trouve encore aggravée au détriment des femmes.". "Bien que les caractéristiques de son rôle soient différentes de celles de l'homme, la femme a reçu la même initiation que lui à la culture de la violence, et elle use donc de la violence chaque fois qu'elle le peut, pour protéger ou rehausser son statut."
    Comprendre comment les structures institutionnelles de la société oppriment les femmes, comment elles sont victimes de la violence comportementale, comment elles deviennent elles-mêmes des agresseurs, permet d'envisager la fin de l'oppression et de la violence.
  En conclusion, l'auteur avance : "Nous allons sans doute observer dans l'immédiat une recrudescence de la violence chez les femmes, soucieuses de faire l'essai des nouvelles possibilités qui leur sont offertes. J'y verrai, pour ma part, une phase de transition dont l'aboutissement dépend de nous. Elle pourrait déboucher sur une ère nouvelle de justice et de paix. il faudrait pour cela que la participation égale des femmes et des hommes dans tous les domaines se développe, ce qui n'est possible que si nous sommes prêt à remettre délibérément en question les valeurs et les options comme les êtres humains n'ont su le faire qu'aux moments cruciaux de leur histoire.(...)".


     
      Les chapitres 3 et 4 des textes de 2005 comportent 7 contributions réparties en deux thèmes "fanatisme et sacrifice" et "corruption".

    Pour ce qui concerne le fanatisme et le sacrifice :
      
         - "Logiques religieuses de la violence" d'Olivier ABEL (Professeur à la faculté théologique de Paris) veut combattre certains simplismes.
"Chaque religion a (...) essayé de reconnaître la part violente de l'humanité et d'y faire droit, tandis que nos sociétés se sont plutôt fondées sur un optimisme qui s'articule autour de trois logiques : la technicisation - il y a toujours une solution technique -, la mondialisation - c'est bien de communiquer et d'échanger -, la rationalisation - la rationalité c'est d'économiser, car la raison veut qu'on obtienne beaucoup de résultats pour peu d'investissement, sans détruire, sans dépenser n'importe comment, etc. Les religions ont fait droit à quelque chose qui se situe en contre-point de ces trois logiques. (...). Quand je parle de violence religieuse, j'entends à la fois la violence qui est introduite ou intensifiée par les religions et la manière donc celles-ci essaient de la canaliser, de la ritualiser, voire de l'instituer."
      L'auteur termine sur les solutions aux grandes formes de violence religieuse : l'amour des ennemis et le canon.
"Cet amour des ennemis est une forme d'intelligence. il faut pouvoir se mettre à la place de ses ennemis, l'intelligence consistant à comprendre que les ennemis qui nous paraissent fous, fanatiques, intégristes, sont peut-être sincères. Il faut comprendre qu'ils peuvent avoir des amis, et nous mettre ainsi à la place des amis de nos ennemis".
"Le fait d'accepter ensemble (des textes) obligeait les rescapés d'une probable guerre de religion à cohabiter dans le même monde, puisqu'ils étaient ensemble soumis aux mêmes textes canoniques. Ce geste est très important pour comprendre l'origine du droit, celle-ci étant non pas d'éluder le conflit mais de l'instituer, en le rendant négociable, durable, réinterprétable de génération en génération.".

        - "Subvertir nos modes de pensée" de Mohammed ARKOUN (Professeur émérite de l'université Paris III) revient sur les efforts de l'UNESCO en matière d'éducation.
"Les problèmes de l'éducation et de la culture sont devenus plus lourds et plus complexes malgré les efforts déployés par l'UNESCO depuis sa création. On a dépensé beaucoup d'argent et mobilisé beaucoup de ressources humaines. Le nombre des élèves et des étudiants a augmenté, mais à un rythme au moins égal se sont accentués la régression des pédagogies, l'appauvrissement des programmes, le recul de l'esprit critique ainsi que l'invasion d'une religiosité et d'une crédulité dont on ne trouve pas de précédent au temps où prédominait une culture orale dans des sociétés paysannes, pastorales, montagnardes qui étaient parfaitement intégrées dans des systèmes de valeurs et de représentation certes "traditionnels", mais cohérents et socialement performants. On découvre ainsi que ce que l'on nomme uniformément l'éducation peut avoir des effets pervers qui vont jusqu'à déclencher des guerres civiles effroyables.".
   Face à cela, il faut changer nos grilles de lecture. L'auteur cite deux textes "provocants" propre à susciter la réflexion. Il s'agit du verset 5 de la sourate IX du Coran (qui traite de la guerre juste) et d'un extrait de l'Éloge de la nouvelle milice de Saint Bernard de Clairvaux.
  Les termes fanatisme, racisme et violence religieuse se sont concentrés sur l'Islam, devenu "mot-valise", obstacle à une claire action contre ceux-ci. Mohammed ARKOUN déplore l'alimentation de cette "valise" par la réélection triomphale de George BUSH. "Cela oblige à réexaminer aussi toute la question de l'usure des procédures formelles de la démocratie et la dissolution de toute légitimité politique issue de cette usure".

     - "La naissance du fanatisme dans la renaissance européenne" de Dominique COLAS (professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris) effectue un rappel historique.
"On pourrait aussi examiner comment les fanatiques qui ont accompagné la naissance de la Réforme en Allemagne ont été réhabilités par Engels, le camarade de combat de Marx, et comment les marxistes se sont explicitement réclamés des premiers fanatiques de l'Europe moderne pour inscrire leur trajectoire dans cette insurrection (contre les princes, les autorités politiques et les magistrats chez Luther). ils y ont vu une première forme de la lutte des classes et se sont assignés un but similaire, à savoir instaurer sur terre un bonheur infini, c'est-à-dire à créer sur terre la cité de Dieu".  
    Dominique COLAS estime que l'on peut comprendre l'analogie possible des formes religieuses et politiques, au nom de cette utopie, mais cela conduit à bien des égarements.

     - "Les attentats du 11 septembre et l'idée sacrificielle" de Bernard LEMPERT (Philosophe et thérapeute) veut proposer "une sorte d'écoute idéologique des attentats du 11 septembre 2001".
"Ils se sont pensés (les auteurs des attentats) comme des sacrificateurs" en se sacrifiant eux-mêmes. "Le crime de masse va servir de théâtre à son propre sacrifice. Au passage, il aura détruit les processus symbolisant de sa culture en croyant se détruire. En réalité, il détruit, au-delà de lui-même, ce au nom de quoi il croit agir".

         Pour ce qui concerne la corruption :

       - "Violence et corruption, un couple systémique", de Marie-Christine DUPUIS-DANON (Consultante, auteur de "Finance internationale" paru en 2004) rappelle que "tous les Etats du monde vivent, à des degrés divers, avec la corruption. Il existe ainsi, en leur sein, un marché de l'illégal plus ou moins développé. Les acteurs en sont les corrupteurs et les corrompus.".  
  L'institutionnalisation de l'État moderne et de la démocratie va de pair avec une différenciation du public et du privé. La corruption se caractérise par une confusion partielle entre les deux sphères.
  Elle examine les différentes formes de violence associée à la corruption :
- entre acteurs du contrat de corruption ;
- sur les personnes non liées par le contrat de corruption ;
- à travers la captation d'une partie de l'État;
- provenant d'une dérégulation de la corruption : elle peut se présenter comme solution de rechange à la violence, les organisations criminelles se recyclant dans des activités de contrainte sans utilisation directe de la violence, les personnes s'y opposant étant soumis à une extrême violence.
   Face à cela, les instruments de lutte restent insuffisants. La spécialiste en finance criminelle termine par le bref examen de deux conventions élaborées dans le cadre de l'ONU : la Convention contre la criminalité transnationale organisée de Palerme et la Convention des Nations Unies contre la corruption, toutes les deux datant de 2003.
  "L'approche juridique est nécessaire, mais non suffisante. La pression extérieure doit jouer pleinement son rôle dans une société globalisée : rôle des ONG (Organisations Non Gouvernementales), pression par les pairs, conditionnalité des bailleurs de fonds, implication et reconnaissance de la société civile, etc."

           - "Au-delà de la morale et de l'utilitarisme", de Jean-Michel BLANQUER (Recteur de l'Académie de Guyane) qui se livre à une définition et à une typologie de la violence :
   "La violence, surtout dans son rapport avec la corruption, peut être vue comme la pierre angulaire du passage de la sphère privée à la sphère publique. Si l'on accepte la définition classique de Weber, à savoir que l'État dispose de la violence légitime, on peut admettre que, dès qu'il y a violence, on passe du domaine des questions privées au domaine des questions publiques. On passe de ce qui est accepté à ce qui est répréhensible, domaine où l'État, la chose publique, a le droit d'intervenir. Ainsi, la violence n'est pas seulement ce moment décisif, sur le plan anthropologique, où l'homme chercher à s'affirmer tout en doutant de lui-même, elle est aussi l'élément fondamental du passage du privé au public. Dès lors, et en restant toujours dans l'optique du lien entre la violence et la corruption, on peut définir la violence comme une maladie de l'espace public et la corruption comme une rupture de l'égalité dans l'accès à l'espace public."
   Sur la base d'une telle définition, il distingue 9 catégories de violence, "allant du plus privé au plus public" :
- la violence contre soi-même (suicide ou usage de drogues) ;
- les violences domestiques (dont sont surtout victimes les femmes et les enfants) ;
- la violence de la rue ;
- la violence sociale ;
- la violence ethnique ;
- la violence du crime organisé ;
- la violence de la terreur politique organisée (terrorismes, guérillas) ;
- la violence d'État (régimes autoritaires, polices déviantes) ;
- la violence inter-étatique (guerre, dont les victimes d'aujourd'hui sont à 90% civiles).
   L'auteur porte surtout son attention sur l'Amérique Latine où les fragilités de l'intégration nationale, l'urbanisation sauvage, la corruption endémique se combinent.

              - "Le cas colombien" de Rosa Inès Ospina ROBLEDO (Directrice exécutive de Transparencia por Colombia) et de Luis Jorge GARAY (Chercheur) qui livreny le résultat d'un travail de recherche "sur le point de vue théorique  de la relation qui existe entre la violence et la corruption en Colombie".
 "La dynamique de la violence est une constante de l'histoire colombienne. Elle s'est transformée et accélérée ces derniers temps, affaiblissant la gestion des affaires publiques et les valeurs sociales par ses deux principales manifestations : le trafic de drogue et le renforcement des groupes armés illégaux.".  "Les informations empiriques dont on dispose sur le cas de la Colombie valident l'hypothèse selon laquelle un contexte de violence accroît les risques de corruption. il n'est pas aussi évident, en revanche, que la corruption soit l'une des principales causes de la violence. On est en droit d'en conclure que les efforts déployés pour créer un environnement pacifique devraient permettre de réduire la corruption dans ce pays."

                                                                                    SOCIUS

  Relu le 4 décembre 2018          
 
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4 décembre 2008 4 04 /12 /décembre /2008 10:02
         4 - Sciences sociales et causes de la violence

            Les textes de 1980 tentent d'exposer un corpus de connaissances durables sur les causes de la violence tandis qu'en 2005, les auteurs se focalisent plus sur des aspects très proches de l'actualité, si l'on excepte (et encore...) les textes du chapitre 3, "Violence, fanatisme, sacrifice" évoquant le rôle du religieux.

          Dans la première partie des textes de 1980 (mécanismes biologiques et sociologiques) comme dans la deuxième partie, les sciences sociales sont fortement mises à contribution.

    "Les mécanismes biologiques et sociologiques de la violence" d'Henri LABORIT (alors directeur du Laboratoire d'entomologie de l'hopital Boucicaut à Paris) propose de partir de la notion d'agression.
"Nous avons proposé à plusieurs reprises de définir l'agression comme la quantité d'énergie cinétique capable d'accélérer la tendance à l'entropie d'un système, son nivellement thermodynamique, autrement dit d'en détruire plus ou moins complètement sa "structure". La structure étant définie comme l'ensemble des relations existant entre les éléments d'un ensemble. L'agressivité est alors la caractéristique d'un agent capable d'appliquer cette énergie sur un ensemble organisé, d'accroître en lui le désordre, en diminuant son information, sa mise en forme."
  L'étude de la signification fonctionnelle des centres nerveux supérieurs, des bases neurophysiologiques et biochimiques des comportements fondamentaux, du rôle de l'inhibition comportementale et de l'angoisse... mène le biologiste à une réflexion sur les mécanismes du passage du biologique au sociologique, de l'individuel au collectif. La description des agressivités chez l'animal et chez l'homme éclaire certains ressorts de la violence.
  "Les mécanismes d'apparition de l'agressivité animale se retrouvent chez l'homme : l'agressivité prédatrice, innée, motivée par la faim est sans doute exceptionnelle chez l'homme et impossible à confondre avec un comportement de vol ; l'agressivité de compétition, qui peut prendre l'aspect de la défense du territoire ou de l'agressivité inter-mâles, est toujours un comportement acquis, lié à l'accès à des "objets gratifiants" et à l'établissement de hiérarchies dominantes. Elle se manifeste soit par une attitude agressive, soit par un combat réel, permet le renforcement à la fois des pulsions prédatrices et des comportements agressifs chez le dominant. L'agressivité défensive, comportement inné (mettant en jeu le PVS - (Périventricular System, élément du système nerveux)), est provoquée par un stimulus douloureux quand la fuite est impossible. L'agressivité défensive ne devient un comportement acquis que si elle est récompensée. Elle est inhibée par l'apprentissage de la punition ou par l'affrontement à des événements inclassables."
   Reprenons sa conclusion : "Il semble donc que, l'agressivité prédatrice exceptée (...), les autres types de comportement agressif sont soit le résultat d'un apprentissage et donc capables d'être transformés par la socio-culture, soit une réponse élémentaire à un stimulus douloureux. (...) Aussi longtemps que les sciences dites humaines ne tiendront pas compte de la propriété fondamentale du cerveau humain de créer de l'information et d'utiliser celle-ci comme moyen d'établissement de la dominance interindividuelle, aussi bien qu'inter-groupes ou internationale, il est peu probable qu'une évolution puisse venir. Une société qui se veut d'abondance et qui prétend avoir oublié la pénurie devrait être capable d'une répartition planétaire équitable des biens et des êtres. Elle devrait être capable ne de plus camoufler sous un discours humaniste le droit du plus fort. Commençant à comprendre le mécanisme de ses motivations les plus archaïques, elle devrait être enfin capable de les dépasser, sans contribuer à récompenser les plus agressifs et les plus inconscients."

     "Les causes de la violence, approches psychosociologiques" d'Otto  KLINEBERG (alors directeur du Centre d'étude des relations entre groupes ethniques de Paris) pose la question de l'agressivité innée (notion qu'il rejette ensuite) avant d'examiner d'autres pistes de réflexion :
- violence instrumentale ;
- violence acquise ;
- violence et moyens d'information ;
- violence en tant que "sous-culture" ;
- hypothèse frustration-agression ;
- rapidité du changement social ;
- éthique de la violence ;
- facteurs de violence, ou plutôt paramètres sociaux tels que l'âge, le sexe, la classe sociale, le groupe ethnique... ;
- surpeuplement ;
- caractéristiques biologique ou physiologiques ;
- caractéristiques psychologiques.
   Tout cela avant de conclure qu'il "est impossible de trouver une cause unique à toutes les formes de la violence. Il est clair que nous nous trouvons en présence d'un phénomène multidimensionnel ; pour le comprendre, il nous faut en envisager simultanément les nombreux aspects. La distinction entre violence individuelle ou collective, instrumentale ou réactionnelle, témoigne de la complexité du problème. Peut-être sera-t-il possible à l'avenir de grouper les divers facteurs déterminants en une matrice de ces causes qui nous permettra de prédire s'il y aura violence ou non, mais ce jour est encore lointain."

     "Les communications de masse : symptômes ou causes de la violence", de James HALLORAN (alors administrateur du Centre for Mass Communication Research de l'Université de Lancastre au Royaume Uni) regrette d'abord que l'on parle de la violence dans les moyens de communication comme s'ils étaient distincts de la société en général. Il met en avant ensuite de multiples recherches, menées aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et en Union Soviétique qui portent sur des aspects différents :
- les changements d'attitude, d'agressivité suivant l'exposition des enfants et des adolescents à la télévision ou à d'autres média
- l'orientation éditoriale des journaux par rapport aux faits violents ;
- les effets des différents spectacles "d'imagination" sur les comportements quotidiens.
   Il conclue que "nous ne sommes pas à même d'énoncer des affirmations claires et définitives, prouvées par les faits, au sujet du rôle exact des médias dans les domaines et les directions esquissés dans cet article. Les recherches nécessaires n'ont pas été effectuées. De plus, même lorsque ce sera le cas, il est peu probable qu'on puisse obtenir les réponses nettes, simples, concises, commodes et sans équivoque que tant de personnes désirent obtenir. La nature du problème ne se prête pas à ce type de réponse. Le processus en cause est trop complexe.(...). Malgré tout, nous sommes maintenant suffisamment informés pour savoir par où commencer si nous voulons voir diminuer le comportement violent dans nos sociétés.
Le rapport final de la Commission nationale des Etats-Unis sur les causes et la prévention de la violence, demandait, en 1969, "une redistribution des priorités nationales et une augmentation des investissements à cet effet - afin de faire régner la justice et la tranquillité intérieure". L'accent est mis sur les réformes sociales et sur l'accroissement des dépenses destinées à faciliter la réalisation objectifs sociaux essentiels. Les besoins et les priorités sont toujours les mêmes, et il est probable que la situation restera inchangée pendant un certain temps."

   Deux contributions partent de préoccupations proprement criminologiques :
              
      "La violence vue sous l'angle de la criminologie : problèmes de méthode" de V P SHUPILOV (alors directeur du département de la criminalité dans les pays étrangers à l'Institut pour la prévention du crime et l'élaboration des mesures préventives de l'Union Soviétique, à Moscou)  qui tente de "distinguer la délinquance de droit commun des autres formes de violence sociale (qui) implique une distinction entre violence en tant qu'arme de lutte des classes et de la lutte politique et les actes de violence exprimant des tendances personnelles de l'individu, qui poursuit des buts personnels et tente par la délinquance de résoudre les contradictions entre les intérêts de la société et les siens propres."
     L'histoire de la criminologie fournit beaucoup d'exemples de théories ayant échoué faute de faits suffisants. Il importe de soumettre "l'étude de de la délinquance aux impératifs de l'approche historique" qui établit l'historicité des lois elles-mêmes, leur corrélation avec des faits nouveaux. L'auteur revient sur les méthodes d'étude de la personnalité qui permettent de classer les types de personnalité, et rappelle qu'elles ne donnent que peu de résultats probants si l'on ne tient pas compte du milieu social. "S'il importe de tenir compte des besoins physiologiques dans l'analyse du comportement violent de l'individu, il faut aussi, dans l'analyse de la violence sociopolitique prendre en considération ce qu'on appelle la nécessité historique ou sociale".
                  "L'étude de la violence du point de vue de la défense sociale", de Krzysztof POLEWSKI-KOZIELL (alors directeur adjoint de la revue Panstvo i prawo de Varsovie en Pologne) possède la même tonalité que la contribution précédente.
"A quelques exceptions près, la violence est un phénomène préjudiciable à la société, qui suscite donc une réaction de défense. En général, celle-ci prend la forme de sanctions pénales prévues dans le droit criminel. Il est donc impossible d'examiner comment on peut aborder les problèmes des causes de la violence et des recherches dans ce domaine du point de vue de la défense sociale sans exposer l'attitude générale adoptée dans cette théorie devant le crime et son auteur.
Si la défense sociale vise, comme tous les autres mouvements dans ce domaine, à assurer la meilleure protection possible de la société contre le crime, elle admet une conception nouvelle des moyens adaptés à cette fin. la défense sociale est une réaction contre divers excès doctrinaux, comme la conception purement juridique selon laquelle le crime serait un acte librement choisi par un individu doué de raison et de libre arbitre ou, inversement, les revendications visant à abolir le droit pénal traditionnel, y compris les notions de délinquance et de châtiment."
Plus loin, l'auteur indique qu'il n'existe pas de preuve d'accroissement mondial de la violence criminelle, que des moyens d'information aveugle l'opinion en cette matière et que les recherches jusqu'ici entreprises manquent de données concrètes essentielles. Il cite, pour illustrer cette attitude le principe fondamental de la criminologie en RDA (ancienne République Démocratique Allemande) : "Il peut être établi que les causes des actes de violence et des agressions sexuelles sont exclusivement des éléments du passé et des effets de l'ordre social impérialiste." Derrière la notion de défense sociale se trouve la conception d'une criminalité sociale due aux injustices capitalistes, qui ne parvient pas à être distinguée, surtout avec les méthodes en vigueur dans les pays capitalistes, d'une criminalité individuelle...
  Se reportant au cinquième Congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et le traitement des délinquants (Genève, 1975), il rappelle ses recommandations de recherches :
- replacement des comportements violents en général dans le cadre es problèmes sociaux ;
- examen des comportements violents en fonction d'une crise de la politique et de l'infrastructure sociales de la communauté contemporaine ;
- étude des effets de l'abus de l'alcool ;
- enquête sur les moyens de grande information, sur les effets de banalisation de la violence ;
- relation entre développement et violence (désintégration des règles et des valeurs traditionnelles, insuffisance des structures sociales et économiques ;
- comportements violents des jeunes et échec de la politique nationale de la jeunesse.
   Les organisations culturelles des Nations Unies devraient étudier des propositions d'établissement d'une convention internationale donnant des indications minimales quant au contenu des programmes des moyens de grande information destinés aux enfants et aux adolescents.

        
           Le chapitre 2 des textes de 2005 regroupe trois contributions qui révèlent surtout des attentions très contemporaines.

       "Violence extrême, terrorisme, crise du politique, Mes raisons de craindre et d'espérer" du général d'armée Jean COT (ancien commandant de la FORPRONU en 1993-1994) est marqué par l'expérience "d'acteurs de la paix dans le monde" en ex-Yougoslavie. Il insiste sur la nécessité de "mieux armer l'ONU" et termine sur deux obstacles à l'efficacité sur le terrain des Casques Bleus :
  "Pourquoi une idée aussi simple et finalement très économique (mise sur pied d'une petite force de combat permanente de l'ONU, parfaitement équipée et entraînée, rapidement engageable de 10 000 hommes...) n'a-t-elle jamais été sérieusement explorée? A cela je vois deux raisons principales. Les Etats-Unis ne veulent pas d'une force permanente de l'ONU. Ils l'ont signifié plusieurs fois avec fermeté. Ils ne veulent pas être placés dans la situation de ne plus pouvoir moralement s'opposer à l'engagement d'une telle force, dès lors que cet engagement irait à l'encontre de leur liberté d'action... ou d'inaction. L'ONU, l'appareil onusien et ses secrétaires généraux successifs n'en veulent pas non plus, en raison de leur répugnance ancienne à assumer directement la responsabilité de l'emploi de la force, comme le chapitre VII de la Charte les y invite pourtant, si tous les autres moyens de coercition se sont révélés inefficaces."

       "Rwanda : des médias sous influence", de Marcel KABANDA (chercheur associé au Centre de recherches africaines de l'Université Paris 1) dénonce le discours diabolisant et les appels à la vindicte populaire des médias rwandais de 1990 à 1994, pour poser le problème de la liberté de la presse dans les territoires en guerre civile.
 "Le rôle décisif joué par les médias dans le génocide des Tutsi du Rwanda pose dramatiquement la question de la liberté de la presse. En vertu du principe de l'intangibilité de la liberté d'opinion ou d'expression, d'aucuns pensent qu'il serait dangereux pour la démocratie de criminaliser les débordements de la presse ou des hommes de médias. D'autres, sous le prétexte de vouloir tirer les leçons du drame que le Rwanda a connu, sont tentés de mettre des limites à la liberté dont les journalistes ont besoin pour rechercher et diffuser l'information. Cette contradiction repose sur une illusion délibérément entretenue par les tenants des deux thèses. La part des médias rwandais dans le génocide est incontestable. La station de radiotélévision libre des Mille Collines disait d'elle-même qu'elle était l'état-major de la parole commandant une armée de miliciens qui parcourait le pays en violant et en tuant. Mais il est aussi incontestable que les organes de presse qui se sont illustrés par la diffusion des messages de haine et de mort n'étaient ni libres ni privés.(...). "On doit (...) être en mesure de prévenir ses mauvais usage (de la liberté d'expression). (...) Il n'est peut-être pas nécessaire de créer un organe spécialisé. (...) "Les journalistes sont à même d'exercer les uns sur les autres une salutaire et efficace surveillance".

      "Massacres et génocides, l'apport des sciences sociales à leur étude" de Jacques SEMELIN (directeur de recherche au CNRS et au Centre d'Etudes et de Recherches Internationales à Paris) pose la question de la compréhension des "phénomènes  de violence extrême". Soucieux des problèmes de définition du génocide, il propose quelques outils d'analyse, notamment sur l'instrumentalisation politique de facteurs religieux ou tribaux, la dimension de l'irrationnel, de l'imaginaire et de l'idéologie.
  L'auteur demande que l'on profite d'un contexte international favorable pour former une stratégie préventive. "L'apport des sciences sociales ne se mesure pas seulement en termes d'accumulation des connaissances. Il comporte aussi des applications pratiques quant à la gestion des crises. De ce point de vue, il n'est pas vrai que le responsable politique, le militaire ou le diplomate puisse se passer du regard et de l'analyse du chercheur. Porter attention au travail du chercheur permettrait parfois d'éviter des erreurs grossières d'interprétation." Il revient également sur l'expérience du Rwanda et demande que l'on cesse d'appeler à la réconciliation lorsqu'elle celle-ci est inconcevable ; ces genres d'appels provenant souvent d'un décalage énorme entre le discours des experts de l'ONU et le terrain. Jacques SEMELIN insiste sur la prévention des massacres, prévention qui ne peut pas se faire sans la construction "d'un autre monde que le nôtre".


                                                                     SOCIUS
        
       
  Relu et corrigé le 14 décembre 2018       
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27 novembre 2008 4 27 /11 /novembre /2008 13:22
         3 - Méthodes et objets des recherches
 
            Dans la premières des trois grandes parties des textes de 1980 figure en premier un texte de Jean-Marie DOMENACH de tentative de situation globale de la violence dans nos sociétés. Après un survol philosophique qui sollicite HEGEL et SARTRE, il conclu sur le fait que  pour "la première fois dans l'histoire, la violence, cette conduite typiquement humaine, ne parvient plus à se justifier. Sa logique propre ne semble plus pouvoir être contenue. Lorsque les possibilités ultimes de la violence équivalent à la destruction de l'humanité, il devient insuffisant de réclamer des limitations et des contrôles. C'est à une autre problématique, à une autre pratique, à une autre politique que nous sommes invités, en attendant d'y être en quelque sorte contraints, car l'idéalisme devient nécessaire lorsqu'il converge avec l'impératif de la survie."
 
       Suivent plus loin trois textes centrés sur les orientations des recherches sur la violence.
 
     -  L'"examen critique des méthodes quantitatives appliquées aux recherches sur les causes de la violence", d'Alain JOXE dénonce surtout l'impasse d'approches quantitatives des cycles de violence, des causes d'escalades des conflits ou des efforts militaires comme causes des guerres. Il s'agit là sans doute de critiques directes contre certaines études (en vogue à l'époque à l'Institut de Polémologie en France, par exemple) qui se résument à des statistiques sur la violence mondiale, par catégories d'armes, par zones géographiques, par types de victimes... et sur d'autres...au Pentagone par exemple.
   "La prétention extraordinaire des quantitativistes ne pourra jamais arriver à faire confondre l'"habitude de penser opérationnellement" avec les exigences de précision de l'historien et la capacité de produire des concepts clairs et productifs.
Il est certain que la plupart du temps les quantitativistes n'ont pas eu à discuter sérieusement avec des marxistes parce que leur polémique se déroulait avec les "raditionnalistes"" qui ne peuvent et ne souhaitent leur opposer que des arguments de "bon sens". Quant aux plus critiques au sein même du groupe quantitativiste, même s'ils sont capables d'énumérer bien plus complètement qu'on ne l'a fait ici les vices de formes et les absurdités de la manie de quantifier, ils n'envisagent nullement d'autre issue qu'une meilleure précision dans l'élaboration des concepts et des méthodes."
 
      - La "contribution spécifique des recherches sur la paix à l'étude des causes de la violence", de Johan GALTUNG (alors directeur de projet à l'université des Nations Unies à Genève) discute des typologies de la violence. Il tente de sérier les différentes approches et il est intéressant d'en retenir un passage de texte sur l'une d'elle, souvent oubliée par beaucoup d'experts et beaucoup de commentateurs d'événements suscitant l'émotion.
"Reprenons, pour le développer, un adage classique du pacifisme : l'idée que la violence engendre la violence.
D'où quatre propositions :
1 - La violence horizontale directe engendre la violence horizontale directe (et, par voie de conséquence, "toute action préparatoire à la violence directe entraîne une action préparatoire à la violence directe" - base de l'une des théories de la course aux armements, celle de l'action-réaction). Or, cette théorie qui ne tient pas compte ni de la structure ni de la dimension verticale ne permet pas d'appréhender les phénomènes les plus importants de notre époque.
2 - La violence structurelle engendre la contre-violence directe, laquelle engendre la contre-contre violence directe. La première proposition ne renvoie qu'à certaines caractéristiques du "conflit Est-Ouest", alors que la seconde recouvre bien des aspects du "conflit Nord-Sud". Elle découle en outre de l'idée générale, prise comme hypothèse, que la violence structurelle qui se traduit par la répression et l'aliénation engendre aussi, tôt ou tard, la contre-violence directe sous une forme ou une autre. Mais on peut aussi inverser la proposition :
3 - La violence (horizontale) directe engendre la violence structurelle. Les guerres de conquête peuvent servir à mettre en place des structures caractérisées par l'exploitation, l'infiltration, la fragmentation et/ou la marginalisation. Sur un plan international et en termes d'économie, cette situation débouche sur l'"impérialisme capitaliste": division du travail entre les producteurs de matières premières et des industries manufacturières, infiltration de la périphérie au moyen de têtes de pont, fragmentation de cette périphérie en pays n'entretenant guère de relations (et fragmentation de ces pays en districts et en secteurs économiques isolés les uns des autres), exclusion de la périphérie quant à la participation aux véritables centres de décision.
4 - La violence structurelle engendre la violence structurelle. La pauvreté peut conduire à la répression et la répression à l'aliénation, se traduisant parfois par des périodes de violence verticale directe. Ces rapports sont moins connus, mais les typologies devraient aussi mentionner les situations possibles qui jusqu'ici n'ont guère été étudiées".
     Lorsque ce texte a été écrit, le monde était encore sous l'emprise du conflit Est-Ouest et les relations Nord-Sud étaient encore régies par des fossés entre des Etats. Aujourd'hui, d'autres conflits ont éclatés, mais surtout les violences structurelles traversent maintenant les Etats, et évidemment les catégories Est, Ouest, Nord, Sud ont éclaté en d'autres catégories bien plus complexes. On peut retenir encore aujourd'hui cette typologie entre violences structurelles (économiques, culturelles, écologiques...) et violences directes (des armées, des appareils policiers, des contraintes psychologiques...), les premières étant souvent masquées, dans le courant des événements rapportés par les médias, par les secondes...
 
     - "L'apport spécifique des recherches sur la paix : l'analyse des causes de la violence sociale", de Didier SENGHAAS (Alors professeur à l'Université de Brême en République Fédérale Allemande) tente, à partir de quelques résultats de recherches antérieures de dégager de nouvelles perspectives de recherches sur :
- la nature humaine et la personnalité de l'individu et notamment sur les causes de l'agressivité individuelle ;
- le rôle des grands groupes d'intérêts ;
- les élites dominantes et les structures de classes en tant que bases sociétales de la violence sociale ;
- le rôle des grands moyens d'information et de l'opinion publique dans le déclenchement, la propagation et le dénouement des manifestations de violence ;
- les caractéristiques propres des cultures et des systèmes nationaux et leur rôle dans la production et la propagation de la violence ;
 - le rôle des gouvernements et des bureaucraties ;
 - le rôle des stratégies nationales - le rôle des processus de décision dans la manière de traiter la violence structurelle et directe ;
 - l'escalade de la violence déclenchée par des interactions conflictuelles ou antagonistes de groupes sociaux appartenant à une même société ou à des sociétés différentes.
 
 
     Dans les textes de 2005, au premier chapitre intitulé "Nouvelles formes de violence et tentatives de réponses aux nouveaux défis : typologie des formes de violence ; causes et sources de la violence", le débat se transporte plutôt sur une autre tonalité finalement plus classique - au point de vue institutionnel - où le social et l'économique sont remarquablement absents.
   
- "Repenser les conflits", de Dominique DAVID (Responsable des études de sécurité à l'IFRI - l'Institut Français des Relations Internationales - de Paris) appelle à dépasser le paradigme des guerres intra-étatiques, face à la multiplication des violences "à contre-pied" : - l'extension d'une violence locale à des centaines ou des milliers de kilomètres du lieu du conflit (missiles, avions kamikazes type 11 septembre) ;
- la propagation accélérée des moyens de violence (armes légères) dans le courant d'une mondialisation des échanges ;
 - la multiplication des postures dissymétriques et asymétriques. "La première oppose un fort et un faible. Dans toute bataille, il y a un fort et un faible. On peut, d'entrée, se tromper sur l'identification du fort, ou du faible, mais c'est toujours le fort qui finit par gagner. Dans ce cadre dissymétrique, le champ conflictuel est homogène, les acteurs se battent sur un même plan et avec un même système de références.
La seconde posture, dite asymétrique, est quelque chose de tout à fait différent. C'est la situation où un petit est doté de moyens, quels qu'ils soient - le plus souvent techniques mais pas forcément -, qui lui permettent de contourner d'un seul coup l'ensemble du dispositif du gros. Le 11 septembre 2001, les personnes qui ont jeté leurs avions sur le World Trade Center et le Pentagone ont, d'un coup, contourné l'ensemble du dispositif de défense de la plus importante puissance militaire de la planète."
   Il y a urgence à penser "plusieurs mondes" : "...s'il existe bien un monde de la grande puissance, où la violence est relativement réduite, codifiée, maîtrisée, il existe également un monde étatique relativement classique, où l'affirmation de la puissance en général et de la puissance militaire demeure déterminante - pensons à ce qui se passerait en Asie par exemple, dans les décennies à venir. Il existe, en outre, un troisième monde, lui-même multiple, où les espaces dérégulés sont occupés par des acteurs non étatiques, transnationaux et infra-étatiques dont l'importance est d'autant plus centrale que les structures étatiques sont moins solides. Nos système de sécurité, nos systèmes de pacification, si je puis hasarder ce mot, doivent prendre en compte simultanément l'ensemble de ces mondes."
 
-"La force et la violence : une distinction capitale", de Blandine KRIEGEL (Chargée de mission auprès de la présidence de la République Française) propose de réfléchir à l'opposition entre la force et la violence. "Cette opposition (...) est au coeur de la pensée classique de HOBBES et de SPINOZA comme elle est au principe de l'opposition entre les sociétés qui se sont construites par le travail et celles qui se sont édifiées par la guerre et la conquête, autrement dit entre les sociétés économiques et les sociétés guerrières. Le modèle des  sociétés économiques qui se développent pour atteindre à la puissance, à une puissance économique toujours plus grande, n'implique pas qu'il existe nécessairement un vainqueur et un vaincu. (...) A l'inverse, la violence est toujours destructrice. Elle est fondée non sur la compétition par l'accumulation de forces mais sur l'établissement de la domination par la suppression des vies humaines. (...) Si les classiques sont d'accord pour évacuer la guerre de la société civile, ils imaginent toujours une exception, un cas limite, celui où la survie est en cause. (...) La violence est donc quelquefois nécessaire mais elle entraîne toujours une perte et une destruction, une déperdition. De ce point de vue, elle n'est donc pas seulement une puissance."
   Elle termine sur un acte de foi : " Moins confiants que le XVIIIeme siècle et le XXème siècle dans l'inéluctabilité d'un progrès collectif que le XXème siècle a si souvent démenti, nous pouvons cependant continuer de parier : ce n'est pas parce que la violence a été qu'elle devra toujours être. L'éthique de la norme à venir est celle d'une philosophie ouverte sur le temps de l'humanité."
 
- "Le nouveau discours de la guerre", d'Yves MICHAUD (Professeur de philosophie à l'Université de Rouen), rappelle que la rationnalisation clausewitzienne de la guerre "n'est qu'un moment du discours de la guerre". Il parcourt des variantes inédites : l'hyperterrorisme (distincte du terrorisme par sa logistique, par la nature de ses objectifs et la diversité de ses actions), la guerre préventive (contre la dissémination -réelle ou supposée - d'armes de destructions massives), la guerre humanitaire (ingérence humanitaire pour faire cesser des situations intolérables).
  Ces nouvelle formes inédites interviennent au moment de l'émergence d'une "société civile internationale".
    "Il n'est pas étonnant que, dans ces conditions, se fasse jour un nouveau discours de la guerre où figurent, en lieu et place de la dissuasion, des alliances et des pactes d'antan, la guerre asymétrique, le terrorisme, le nettoyage ethnique, la guerre préventive et, pour s'y opposer, la guerre humanitaire, les organismes internationaux, les organisations non-gouvernementales et les promesses d'une nouvelle société civile internationale éminemment ambiguë qui, par bien des côtés, nous fait revenir du monde de "Paix et guerre entre les nations" (ARON), monde placé sous le signe de l'équilibre de la terreur, vers un monde qui ressemblerait plutôt à celui de l'après-Congrès de Vienne (1814-1815), après la chute de l'empire napoléonien, mais agrémenté de terroristes, de gaz sarin, d'anthrax et de kamikazes fous de Dieu. Dans ce monde étrange, les Etats voient leur souveraineté remise en questions à une extrémité par l'émergence d'une communauté internationale et, à l'autre, par l'anarchie aussi bien intérieure qu'internationale.(...)
Le nouveau discours de la guerre correspond à cette situation instable et ambiguë où la menace plane sans qu'on puisse faire vraiment confiance à une communauté internationale où des puissances inégales coopèrent et en même temps se font concurrence, où se dessinent des bribes de conscience morale cosmopolitique sans que s'établissent pour de bon "un consensus moral et objectif et une légitimité capable d'entraîner ou d'imposer l'adhésion des Etats et des groupes en conflit, d'arbitrer leurs différends, de juger et de punir leurs agressions ou leurs crimes" (Pierre HASSNER)"
 
 
                                                                       SOCIUS
 
Relu (provisoire, car sans doute les études présentées vont faire l'objet d'autres développement en 2019) le 19 octobre 2018.
  
       
         
 
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20 novembre 2008 4 20 /11 /novembre /2008 16:05

           2   Les introductions des deux rapports

          Le livre publié par l'UNESCO en 1980, issu lui-même d'un Colloque organisé en 1975, est introduit par le sociologue (de défense) français Alain JOXE, de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales.

  Il situe d'emblée la violence comme multiforme et l'utilisation du mot violence comme galvaudée :

    "Parmi les sujets les plus galvaudés par les moyens de communication de masse apparaît le thème de "la violence" comme un fait nouveau. Pourtant, dans ce qui est signifié par ce mot, l'ensemble des actions humaines impliquant l'usage de la force et en particulier de la force armée, il y a, en fait, fort peu de nouveauté. Les moyens et les victimes des "kidnappings", du "machisme", du "houliganisme", des guerres de "gang", des révoltes de prisons ou des universités, des "hold-up" et des "guerres" de répression, de conquête ou d'usure de matériel militaire, ne sont pas tout à fait les mêmes qu'aujourd'hui, sous l'"Ancien Régime", au Moyen-Age ou dans l'Antiquité. Cependant il ne faudrait pas conclure que notre siècle serait plus violent qu'un autre. Selon ce qu'on choisira de compter pour mesurer cette violence, on pourra même montrer éventuellement qu'il l'est moins. Il y a une mode de la violence comme catégorie fourre-tout."

    La définition implicite, "UNESCO", de la violence découle de la position de cette organisation internationale : "La violence a pour cause inévitable la conclusion d'un type de paix précaire qui correspond seulement à une absence de conflit armé, sans progrès de la justice, ou pis, une paix fondée sur l'injustice et la violation des droits de l'homme."

   Alain JOXE veut clarifier le statut praxéologique de la violence en présentant ses logiques. Il s'appuie pour cela d'un tableau sur les typologies de la violence, présentant les systèmes (unités : individus, groupes...), les causalités (par disciplines scientifiques), les pratiques de contrôle et les modes d'intervention.

Diviser pour régner, Paix comme vérification de la guerre, Centralisme et autogestion (à propos des liens entre violence et informatique), Violence hégémonique et non-violence coercitive, Transdisciplinarité et totalitarisme sont les axes de sa présentation générale.

 "Diviser pour régner" veut mettre l'accent sur le terrible constat qu'à l'époque (et sans doute encore aujourd'hui), les pratiques de recherche des différentes branches scientifiques restent très largement divisées, tandis que les praticiens dans les différents appareils d'Etat exploitent souvent dans le sens de la violence et du contrôle social, les découvertes des recherches sur la causalité de la violence qu'ils savent utiliser de manière globale.

"La paix comme vérification de la guerre" indique la contradiction concrète des chercheurs des causes de la violence qui sont poussés à vouloir des expériences non-violentes, dans lesquelles, à titre d'expérimentation, on supprime une cause présumée de violence, mais qui dépendent, pour la mise au point de telles expériences, de décideurs politico-sociaux désireux d'avoir une telle connaissance selon des objectifs permettant de mieux "préparer la guerre pour avoir la paix".

"Violence et information" constate que la lutte pour la transdisciplinarité n'est pas simplement une tâche scientifique, mais une lutte politique. "La violence et le savoir dépendent toujours de la division internationale du travail, de l'apparition de nouvelles relations sociales de production et de nouvelles forces productives, et la lutte pour l'information de ces forces productives nouvelles est à proprement parler la lutte politique des classes. Le problème de la subordination du savoir à la violence en dernière instance est un problème très concret." Cette relation entre violence et savoir est modifiée par l'outil informatique, à savoir que la coordination de la décision soit violente, soit économique, est amplifiée pour les forces sociales qui ont les moyens financiers de développer cette technique.

"Violence hégémonique et non-violence coercitive" poursuit cette réflexion au moment où des techniques d'information permettent l'apparition de pratiques hégémoniques (au sens de GRAMSCI) centralisées (la télévision...) et de pratiques coercitives décentralisées (guerre par délégation, répression par délégation de l'Etat à des milices plus ou moins privées, centralement informées...).

      On le comprend, ce genre de réflexion se situe dans une perspective proche de courants marxistes. Cette réflexion, permise à l'époque - 1975 - de l'existence d'une idéologie marxiste forte à l' l'UNESCO, ne serait plus de mise aujourd'hui au sein de cette organisation...

"Transdisciplinarité et totalitarisme" est une véritable mise en garde. "On peut se demander cependant (après l'avoir souhaitée) si une transdisciplinarité meilleure ne serait pas un remède pire que le mal. Si l'on aboutissait à une meilleure explication de la violence par l'ensemble des causalités propres aux différents niveaux d'organisation de la société, est-ce qu'on ne risquerait pas de renforcer, dans un premier temps, l'émergence de pouvoirs totalitaires, voire d'un pouvoir totalitaire mondial basé sur l'usage transdisciplinaire de la violence? Cette évolution est même en apparence amorcée déjà sous nos yeux."

 

        L'introduction des textes de 2005, issus d'un colloque UNESCO-IHEDN de 2003, par Pierre SANE, sous-directeur général de l'UNESCO pour les sciences sociales et humaines, très courte, est évidemment bien plus générale, plus "inoffensive" et plus consensuelle.

     "La violence - le concept comme le phénomène - a été depuis des décennies au centre de la réflexion des diverses disciplines des sciences sociales et humaines, mais aussi de la philosophie et de la littérature. L'approche de la "violence" est transversale et pluridisciplinaire. Le premier trait caractéristique de la violence, c'est précisément la difficulté que présente au néophyte comme au théoricien sa définition. Doit-on parler de violence au singulier ou au pluriel? Elle est en effet protéiforme aussi bien dans ses origines que dans ses conséquences. L'aborder comme un objet d'étude unique et monolithique n'aurait aucun sens et, surtout, n'apporterait aucun élément nouveau de réflexion sur ses multiples visages contemporains."

   "Assiste-t-on, dans le domaine des relations internationales, à l'émergence de nouvelles formes de violence? Quelle est la marge d'action du droit international aujourd'hui? La violence est-elle innée ou naturelle, ou bien "héritée" d'un environnement particulier? Peut-on parler de violence "endogène"? Qu'en est-il de la supposée fracture entre Islam et Occident et du "choc des civilisations"? Qui tient ce discours?"

 

      L'orientation générale des textes publiés par l'UNESCO à plus de vingt ans d'intervalle n'est plus la même. A une approche directement issue de luttes politiques vives, que ce soit entre Etats ou entre classes sociales, s'est substituée une approche à la fois plus générale - sans aspérités politiques - et avec des éléments plus précis, sans doute plus opérationnels. Alors, se pose évidemment la question, qui se sert de telles études? Et dans quel but? Mais les deux rapports n'entrent bien sûr pas dans le jeu de "donnez des noms!", le deuxième encore moins que le premier, et s'efforcent tous deux d'apporter des éclairages divers aux questions posées par l'existence de la violence.

 

NB : UNESCO : anglais de Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture.  IHEDN : Institut (français) des Hautes Etudes de Défense Nationale

 

                                                                                                      SOCIUS

 

Relu pour développements en 2019 le 20 octobre 2018

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