Publié en 1984, l'ouvrage d'Edgar MORIN, sociologue français des plus influents, auteur de nombreux livres autour de l'écologie, continue d'inspirer nombre d'auteurs soucieux, même s'ils partent d'un aspect particulier de la société dans leurs approches, d'une vision globale, du micro-social au macro-planétaire.
Ce livre constitue une Somme sociologique, jusqu'à une sociologie de la sociologie. Organisé en cinq grande partie, De la réflexion sociologique, De la nature de la société, Sociologie du présent, Les cultures de notre culture, L'intelligence du changement, dénué de jargon et abordable par le plus grand nombre sans pour autant se lire comme un roman, le livre constitue à la fois une grande étape dans la réflexion de son auteur, et offre beaucoup d'angles de vue, tout en se voulant global, et en posant constamment la question du statut de l'observateur qu'est le sociologue.
De la réflexion sociologique
Le monde des sociologues est depuis l'origine traversé par une question existentielle : le drame de la sociologie scientifique réside, écrit Edgar MORIN, dans l'impossibilité d'isoler expérimentalement un objet de recherche. On ne peut faire d'expérience dans le tissu social, toujours en mouvement et si complexe. C'est ce qui fait de la sociologie une science humaine et non une science de la nature, bien que nombre d'auteurs se soient essayer à s'en rapprocher. Plus, "est-il vraiment nécessaire à la vision scientifique d'éliminer tout ce qui est projet, finalité, acteur, sujet? Est-il scientifique de s'éliminer soi-même, auteur de cette scientificité?" De fait l'observateur fait partie, de loin ou de près, de la société observée, et sans doute est-ce une condition nécessaire pour qu'il la comprenne réellement. L'observateur, qui est par ailleurs observé par son objet d'études (même lorsqu'il la questionne par le biais de questionnaire anonyme...), doit à la fois tenir compte de sa position sociale dans la société et ne peut se passer de projet, sinon sans doute il s'aveugle lui-même dans une sorte d'objectivité impossible et sans doute nuisible au pourquoi de son étude (absence de motivation, un fonctionnariat sociologue impossible!). Comme la société est traversée de conflit, il doit également concevoir cette conflictualité, faute de quoi la complexité sociale risque de lui échapper. Pour qu'elle ne se réduise pas à un rôle passif, la sociologie doit rester un champ conflictuel. Sinon à quoi peut-elle servir, sinon à consolider l'existant, qui pour le rester devrait donc être non étudié ? (le sociologue, agent perturbateur...).
"Nous ne pouvons échapper à cette situation : traitant un problème sociologique, nous ne traitons pas seulement un problème d'objets, nous traitons un problème de "sujets, nous sommes des sujets qui avons affaire à d'autres sujets."
Mais Edgar MORIN, même avec la revendication du droit à la réflexion du sociologue là où il se trouve, sent bien qu'il n'en a pas fini avec la question de la scientificité de la sociologie. S'il prend acte de l'absence de méta-système de référence, s'il prend acte également de l'effondrement de l'idée positiviste d'une connaissance reflet et de la théorie-miroir de la nature, il tente de repenser ce problème de scientificité en cernant trois grandes carences, se tenant toujours en comparaison des sciences naturelles. Pour Edgar MORIN, ces 3 carences sont :
- le fait que la recherche de lois générales ne peut être que triviales dans les sciences sociales. Les lois générales en physique sont fondées sur la mesure, précision, l'exactitude, la prédiction et elles prohibent un grand nombre de possibilités dans l'enchainement des faits. Au contraire, les lois générales en science sociale n'ont aucune de ces qualités ;
- l'impossibilité d'exorciser la complexité des inter-actions et rétroactions qui unissent l'objet que l'on étudie à ses adhérences et ses appartenances. Il est impossible et immoral d'ailleurs, de tenter d'extraire un groupe de son contexte pour expérimenter comme on le ferait d'un objet physique ou animal ou d'une plante...
- le déréglement du jeu rivalitaire-communautaire, par l'impossibilité du consensus dans la vérification ou dans la réfutation, vu justement cette complexité sociale, auquel s'ajoute l'auto-implication trop grande du sociologue dans la société et celle de la société dans la sociologie.
Vus ces trois carences, l'objectivité et l'universalité du point de vue du sociologue est problématique. D'où la tentative pour en sortir (mais Edgar MORIN nous fait bien comprendre que c'est une tâche presque impossible à accomplir) d'une sociologie de la sociologie, étant donné que la sociologie est à la fois une connaissance à prétention ou visée scientifique et une chose sociale particulière dans ses activités et institutions.
En remontant aux conditions d'émergence de la sociologie, notre auteur - sans même évoquer comme nous le faisons par ailleurs la liaison forte dans sa naissance entre sociologie et socialisme - estime qu'une fracture culturelle passe au milieu de la sociologie. Entre la culture humaniste et la culture scientifique existe une rupture sur la réflexion éthico-politique - aux éléments... complexes! - qui remonte à ce que l'on a appelé la Renaissance, du fait même que contrairement aux thèmes de l'humanisme, la sociologie a été pensée au départ en adoptant les principes de la physique classique. En fondant la scientificité dans ce modèle où tout s'ordonne de manière constante, on a voulu faire adopter par la sociologie une exactitude impossible à atteindre dans les faits, vu que précisément la société est conflictuelle par essence. Cette conflictualité est emblématisée d'ailleurs par les rapports sociaux entre sociologues.
Les conditions d'une sociologie de la sociologie, conclue-t-il, sont de sept ordres :
- Il faut que celui qui pratiquement la sociologie lui-même ait subi un faible imprinting, soit capable de s'autodistancier, soit relativement autonome, respecte la règle du jeu, si difficile soit-elle à respecter ;
- Le sociologue doit avoir conscience qu'il n'est qu'un fragment de la société, mais loin de n'être seulement qu'une partie de ce tout, le tout se trouve présent en lui d'une certaine façon ;
- Il doit être conscient que l'activité cognitive elle-même comporte toujours inévitablement sans doute des aspects mythologico-réificateurs ;
- Il faudrait qu'il ait une conscience anthropo-ethnographique, être capable de relativiser sa culture et sa société par rapport aux autres cultures et autres sociétés ;
- Il faut qu'il ait une conscience historique et qu'il se sache dans un hic et nunc qui n'est qu'un moment singulier de l'histoire ;
- Il faut qu'il fasse usage de la réflexion, qu'il ait foi en la réflexivité ;
- Il faut qu'il ait conscience de la complexité des problèmes de la pensée et de la complexité des problèmes de la société.
"Autrement dit, écrit-il, le développement d'une sociologie complexe permettra la sociologie de la sociologie et le développement d'une sociologie de la sociologie nécessitera la sociologie complexe."
Ce qui peut paraitre une formule élégante et rien de plus est en fait le prologue de longues pages où l'auteur entre dans le vif du sujet. Ce qu'il entend par droit à la réflexion est précédé d'une réflexion sur la transformation des colloques de sociologie, et à cet égard, il est plutôt pessimiste : il estime que son époque est celle de la paupérisation des idées générales en milieu spécialisé. Entendre le développement de départements distincts et parfois compartimentés de la sociologie en autant de thèmes de sociologie : l'école, le travail, les différentes institutions religieuses politiques et sociales font l'objet d'études spécialisées non raccordées en elles et soumises souvent à des logiques de rivalités professionnelles entre sociologues...
Pour éviter de tomber dans cette parcellisation et réduire de fait la sociologie dans son effort global de compréhension de la société, il faut repenser la nature de la société.
De la nature de la société
Ce qui pousse Edgar MORIN à repenser la nature de la société, il ne le dit pas, mais c'est une certaine hégémonie de l'individualisme méthodologique qui s'installe. Mais aussi une remise en cause rampante et de plus en plus affirmée des pertes de puissance et d'influence des conceptions de la nation et de l'État et même de société civile, déjà sensible lorsqu'il écrit ce livre et aujourd'hui éclatantes, comme en témoignent les hésitations dans la lutte contre le réchauffement climatique et contre toutes les pollutions sur terre, dans l'air et en mer. Il va jusqu'à distinguer trois étapes dans l'appréhension de l'idée de société :
- une étape pré-sociologique où l'on parle des choses de la société sans qu'en émerge encore le terme ;
- une étape sociologique où il y a hypostase du terme devenu abstrait, amputé de ses dimensions historiques, anthropologiques, mythologiques ;
- une étape anthropo-sociologique qui ne nierait pas l'idée de société mais l'enrichirait.
Il plaide pour la venue de cette dernière étape, vu la nécessité pour approcher la réalité, de la complexification de la notion de société, ce qui est sans doute une riche manière de contrer l'émiettement que constitue la façon de considérer la société simplement comme la rencontre ou l'amalgame des individus. Il est vrai qu'avec ce qu'on appelle rapidement mondialisation, la rencontre de multiples manières culturelles de voir la vie, on peut se perdre facilement dans un réductionnisme. A contre-pied, il s'agit de penser une complexité qui est là et qui va sans doute en s'accroissant.
Au centre de sa conception de la société comme système auto-éco-organisateur, réside un principe anti-organisationnel d'organisation ou pour dire les choses différemment de lui, des tendances centrifuges et centripètes qui constamment rivalisent dans les activités des hommes. Et si les forces de désintégration sociale ne l'emportent que rarement, c'est parce qu'au sein de la nature humaine résident des forces qui tendent à recherche la coopération et l'ordre. Pour ne pas céder précisément à une vision organiciste de la société, où tous les organes finalement coopèrent, vision biologique qui a dominé longtemps des pans entiers de la sociologie, avec les conséquences dommageables que l'on sait (on pense aux méfaits des idéologies raciales), il faut redéfinir le phénomène social par rapport à la nature. Par une réflexion sur les sociétés humaines et les sociétés animales, par également la considération des phénomènes qui se déroulent au sein même du cerveau humain, Edgar MORIN établit ce qui doit être selon lui l'écologie sociale. Ce qui passe, comme il l'écrit dans les chapitres suivants, par une théorie de la nation et une théorie de la crise. Dans une conclusion suite de sa réflexion des sociétés de la nature à la nature de la société, il écrit :
"Non seulement la sociologie actuelle demeure insuffisante pour comprendre et concevoir l'être des sociétés modernes, mais tout ce que nous avons avancé jusqu'à présent, qui nous semble nécessaire, demeure lui aussi insuffisant.
Toutefois notre vise portait, non sur la partie émergée de l'iceberg de la société moderne, mais sur l'énorme partie immergée. Nous avons voulu indiquer que dans les fonds de notre société non seulement subsiste un "héritage" de la société archaïque, et, en deçà, des sociétés hominiennes, primatiques, mammifères, mais persistent aussi des activités et des virulences organisationnelles,, propres à ces sociétés, et qui se conjuguent, en des formes nouvelles, aux phénomènes organisationnels des sociétés historiques y compris des nations modernes. Nous avons voulu surtout, et de façon plus centrale, suggérer que la théorie sociologique, y compris de notre société, doit être une théorie de l'auto-éco-ré-organisation. Une telle théorie permet de concevoir la société non seulement dans sa réalité biophysique, mais aussi dans sa complexité organisationnelle. Dès le départ "naturel", notre théorie met au centre l'individu, lequel demeure exclu de la sociologie, alors que jamais l'individualisme ne s'est autant déployé que dans les sociétés modernes. Dès le départ, notre théorie conçoit l'organisation sociale comme phénomène neurocérébral, alors que les théories sociologiques ne conçoivent que des mécaniques, des dépenses énergétiques pré-thermodynamiques, des équilibres de systèmes clos, des dynamismes métaphysiquement vitalistes, des fonctionnalismes honteusement organicistes, des structures figées entre ciel et terre. Dès le départ, nous avons pu concevoir à la fois l'invariance et la possibilité évolutive alors que les théories se partagent entre un immobilisme structural et un dynamisme sans structure. Mais, répétons-le, il ne s'agit ici que d'un départ. Ce la peut chagriner beaucoup de reconnaitre que s'il existe des sociologies, la sociologie n'existe pas encore. Mais d'autres, dont moi-même, puisent de l'ardeur à l'idée que la sociologie doit naître."
On remarquera bien sûr que subsiste dans l'esprit de beaucoup l'idée de sociétés homogènes et que les expliquer, c'est les comprendre comme un tout, même si l'on fait appel à des dynamismes qui partent exclusivement des individus. Sans doute, la domination de l'individualisme méthodologique permet en tout cas de concevoir que même au sein des sociétés qui paraissent les mieux unifiées, traversées par autant de liens d'échanges et de communications comme le sont les sociétés modernes, il se peut qu'en fin de compte, nous ayons plutôt affaire à des sociétés qui existent les unes à côtés des autres, aux liens bien plus lâches que le laissent entendre des médiations multiples, et que si les coopérations apparaissent majeures pour la vie économique et sociale de celles-ci, il se pourrait qu'existent des représentations conflictuelles bien plus prégnantes, et cela dans bien des types de société...
Écologie sociale, théorie de nation, théorie de la crise...
En tout cas, cela amène Edgar MORIN à constituer une écologie sociale, une théorie de la nation et une théorie de la crise.
Le milieu social se conçoit comme éco-système, l'ensemble des phénomènes dans une niche écologique donnée, et tout organisme (système ouvert) est intimement lié à l'éco-système dans une relation de dépendance/indépendance où l'indépendance s'accroît en même temps que la dépendance. Edgar MORIN milite (c'est son terme) pour une sociologie qui tienne à la fois compte des tendances à la dépendance envers l'environnement, qu'il soit naturel ou social, et des tendances à l'autonomie.
Réfléchissant à la formation et aux composantes du sentiment national, le sociologue français met l'accent sur différentes facettes d'un phénomène qui fait autant appel à l'affect, à la psychologie qu'aux véritables relations (d'appartenance, d'obéissance..) qui lient les individus ; manière de voir qui permet de comprendre comment ce sentiment national évolue dans le temps.
Prenant le mot "crise" très à la mode au moment où il écrit son livre, Edgar MORIN se livre à une analyse des périodes de stabilité et d'instabilité sociales. Il appelle - mais ce sera sans doute sans lendemains, à la formation d'une crisologie, autre manière selon nous d"étudier l'ensemble des coopérations et des conflictualités qui, au gré du temps et suivant l'espace considéré, traverse les sociétés, en font des entités bien concrètes et bien réelle et en font aussi des ensembles fragiles susceptibles de se fractionner et même de se détruire.
Sociologie du présent
La plus grosse partie de son livre est une sorte d'application de sa méthode "in vivo" à travers à la fois l'inventaire des procédés dont disposent les sociologues pour étudier un pan de la société ou encore l'ensemble de la société, et d'objets d'études bien précis qui ouvrent également la voie vers une compréhension global : l'interview dans les sciences sociales et à la radio-télévision, la télé-tragédie planétaire de l'assassinat du Président Kennedy en 1964, la modernisation d'une commune française (1966), l'événement mai 68, le développement de l'astrologie (1971), l'émergence des idées écologiques (an 1 : 1972), la ville lumière moderne, la culturanalyse, divers problématiques de la culture (crise de la culture cultivée, culture de masse...). Également dans ses préoccupations, la sociologie du cinéma, la publicité, la vedettisation en politique. Il s'agit comme il l'explique à la partie suivante, de comprendre le changement, d'en avoir l'intelligence, ce qui passe par l'analyse de l'hypercomplexité sociale
Vers la compréhension de la complexité sociale, la nécessité d'une sociologie complexe.
Edgar MORIN n'a de cesse d'examiner la société dans sa complexité, dans le refus d'analyses qui privilégient par trop seulement un ou deux aspects de la réalité, économique le plus souvent. Dans ses ouvrages, que ce soit Arguments pour une Méthode (1990), La complexité humaine (1994) ou L'intelligence de la complexité (avec Jean-Louis LE MOIGNE) (200), il ne quitte pas de yeux cette nécessité. Dans une démarche pluridisciplinaire qui lui fait emprunter des éléments de vocabulaires aux sciences naturelles par exemple, il entend développer le paradigme de la complexité - mot employé récemment mais qui recouvre des réalités également dans le passé.
Ali Ait ABDELMALEK indique bien, lui qui s'en inspire, un certain nombre de présupposés dont les plus importants sont les suivants, présupposés que n'admettent pas, loin s'en faut, tous les sociologues de nos jours (à tort selon nous...) :
- il existe des lois générales communes, transdisciplinaires, régissant les systèmes complexes et fortement interactifs, qu'ils soient physico-chimiques, biologiques, écologiques, économiques, sociaux, cognitifs, naturels...
- Ces lois sont essentiellement de nature relationnelle (ou cybernétique : interactions internes ou externes).
- Certains propriétés sont de caractère "holistique", dans le sens qu'elles concernent l'ensemble du système comme une entité unitaire. Certaines propriétés émergentes n'ont d'existence et de sens qu'au niveau du système comme totalité indivisible ; le degré d'autonomie dépend de la structure dans l'espace et le temps et de l'organisation logique de l'ensemble du système impliqué.
"Finalement, explique-t-il, l'existence de lois générales et d'invariants transdisciplinaires n'implique pas que les systèmes soient déterministes et prédictibles. Bien au contraire, les systèmes sont très sensibles au jeu entre contingence locale et nécessité relationnelle. L'approche systémique est, ainsi, une grille qui prépare aux changement de paradigme. Même si certaines disciplines s'occupant de systèmes complexes, la biologique ou l'économie par exemple, ont développé chacune des outils conceptuels adaptés à leur propre champ de préoccupation, il manquait encore une épistémologie commune, générale, bien adaptée à rendre intelligible tous les systèmes naturels et culturels."
Edgar MORIN, sociologue et philosophe des sciences prolonge ainsi les efforts en Cybernétique de N. WIENER et en biologie de L. von BERTALANFFY, qui avaient marqué les débuts de la "science des systèmes". Talcott PARSONS, de son côté, est sans doute le sociologue qui a fait l'usage le plus approfondi de ce concept d'interdépendance de tous les éléments d'un système social. Jointes à l'influence non négligeable en sociologie de l'approche marxiste qui insiste sur la notion de luttes sociales et de conscience de classe, ces approches dans divers domaines ouvrent bien la voie à une pensée de la société comme système complexe fait à la fois de coopérations et de conflits.
Jean-René TRÉANTON, dans sa recension de l'ouvrage en 1985, en faisait la critique dans la revue française de sociologie. "Voilà plus de trente ans, écrit-il alors, qu'Edgar Morin occupe une place en vue dans la sociologie française. Du Centre d'études sociologiques à ses tout débuts - celui de Georges Gurvitch et de Georges Friedman dans ses locaux spartiates du Boulevard Arago - au CECMAS (CEntre des Communications de MASses), puis au CETSAP (Centre d'études transdisciplinaires. Sociologie. Anthropologie. Politique) dont il assume aujourd'hui la direction, il est à l'origine de plus d'une initiative fondatrice : à commencer par la création de la Revue française de sociologie et de Communications (sans oublier Arguments). Certes, son horizon intellectuel s'est progressivement ouvert à d'autres curiosités que la sociologie ; mais il n'a jamais cessé - malgré sa conversion au point de vue "trans-disciplinaire" - de placer celle-ci au premier rang de ses préoccupations.
Le livre qui vient de paraitre le confirme. Edgar Morin y rassemble, en les agrémentant de plusieurs pages inédites, des textes échelonnés sur plus de trois décennies (le premier remonte à 1952). Articles de revue, communications à des colloques et à des congrès, contributions à des volumes d'hommages : les occasions ne lui ont pas manqué de traiter les questions majeures de la discipline. (....)" Les dates des articles originaux montrent "ce qui parait aujourd'hui banal - l'appel à l'imagination sociologique, le refus de l'obsession quantitative et du souci exclusif de la preuve, la rupture avec le modèle "objectiviste" des sciences exactes - (que) tout cela Edgar Morin a été l'un des premiers, sinon le premier en France, à le revendiquer, en faisant l'éloge de l'essayisme, de la "dialogique", aime t-il à dire, qu'un Riesman, un C.W. Milles prêchaient de leur côté aux Américains."
"Le sociologue, poursuit notre auteur dans sa critique, qui n'hésite plus à parler à la première personne risque t-il de se laisser aller au pur subjectivisme? Ce qui en protège sans doute notre auteur, c'est le souci de confronter sans cesse sa réflexion aux résultats acquis par les autres sciences : biologie, psychologie, ergonomie, etc., dont l'ensemble forme l'"anthropologie" au sens noble du terme. (...)". "Sous le ton détaché, souvent humoristique, with the tongue in the cheek, la pensée de Morin est à la fois sérieuse et audacieuse. A tous ceux qui ne l'ont pas encore compris, ce volume imposant et varié permettra-t-il de réviser enfin leur opinion?"
Edgar MORIN, Sociologie, Fayard, 1984, 465 pages ; Introduction à la pensée complexe, Éditions du Seuil, 2005, 160 pages.
Ali Aït ABDELMALEK, Edgar Morin, sociologue et théoricien de la complexité : des cultures nationales à la civilisation européenne, dans Société (2004/4, n°86).
Jean-René TRÉANTON, Sociologie d'Edgar Morin, Revue française de sociologie, 1985, www.persee.fr
Complété le 1er octobre 2019