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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 09:33

  Le journaliste résistant et homme politique français Yves FARGE est une figure de la mouvance pacifiste française. Ministre du ravitaillement en 1946 après avoir participer à la Résistance, progressiste sans appartenance politique précise bien qu'approché par les Communistes, il participe en 1947 à la fondation du Mouvement de la paix. Il en est le président jusqu'à son décès.

 

Une carrière de journaliste jointe à son engagement pacifiste

   Après avoir quitté l'école à quinze ans pour devenir dessinateur industriel tout en adhérant aux Jeunesses socialistes, il est mobilisé pendant la Grande Guerre comme aide-infirmier.

Après la guerre, il devient journaliste et travaille au Maroc jusqu'en 1931. Ensuite, il participe à la rédaction successivement de plusieurs journaux, Le Monde d'Henri BARBUSSE et LA LUMIÈRE à Paris, La Dépêche dauphinoise à Grenoble (rédacteur en chef). Après les accords de Munich, devenu pacifiste, il quitte la SFIO et entre au Progès de Lyon pour y diriger les services de politique étrangère.

 

Une des têtes de la Résistance

  Tout en gardant ses convictions pacifistes, il s'engage dans la Résistance à travers des contacts avec Emmanuel d'ASTIER DE LA VIGERIE, Georges BIDAULT, Eugène CLAUDIUS-PETIT puis Jean MOULIN et le général DELESTRAINT, (dont il fait partie de l'état-major). En 1942, après le sabordage de la flotte il se rend à Toulon et en tire un reportage publié en 1943.

Tout en poursuivant ces activités de journailste, il est mis en contact avec le réseau de résistance Franc-tireur dès 1941, et exerce ses talents dans des journaux clandestins. Il rédige avec Georges ALTMAN la plupart des éditoriaux du Père Duchesne, journal satirique de Franc-Tireur. Parallèlement, à la même époque, le dirigeant communiste Georges MARRANE le fait entrer au comité directeur du Front national. Il est alors impliqué dans l'histoire du Maquis du Vercors où il participe à l'organisation de la "République libre du Vercorsé en juillet 1944. Membre de l'armée secrète, recherché par la Gestapo, il travaille à l'organisation de sabotages des usines du Creusot. Il participe à la Libération de Lyon, n'hésitant pas à négocier durement avec le général allemand qui commande la garnison de la ville, prisonniers  contre prisonniers, usant de sa réputation, ayant fait par exemple exécuter 80 Allemands, détenus en Haute Savoie, en réponse au massacre de 120 internés au fort de Côte-Lorette en août 1944.

En septembre 1944, il sort de la clandestinité, nantis de pouvoirs par le général de GAULLE, dans la région de Rhône-Alpes, où, par 25 décrets, il amorce le rétablissement de la République. Pendant 15 mois, comme commissaire de la République, il participe au mouvement général dans l'ensemble de la France, pour la mise en application du Programme des mouvements de résistance. Très mobilisé par les questions du ravitaillement, question centrale du moment pour des millions de personnes, sans compter les problèmes de déplacement de populations, il est nommé en janvier 1946 ministre du Ravitaillement, poste qu'il occupe jusqu'en décembre, dans ce ministère qui n'existe plus ensuite... Il s'y illustre dans le combat contre le marché noir, provoquant un des plus grands scandales du début de la IVe République, dit "scandale du vin" ans lequel est impliqué alors Félix GOUIN, alors membre de la SFIO et vice-président du Conseil du fouvernement.

   Yves FARGES reste jusqu'au bout attaché au combat pour la paix et participe en 1947 à la fondation du Mouvement de la paix, avec le même esprit d'indépendance que pendant la Résistance. Il est président du Mouvement jusqu'à sa mort dans un accident qui serait un assassinat déguisé ordonné par les Soviétiques (selon l'essayiste et historien russe Arkadi VAKSBERG).

    Yves FARGE fait partie de ces "compagnons de route" du Parti Communiste, dans ce Mouvement de la Paix, où la lutte contre la guerre d'Indochine réunit bien des personnalités différentes. Il y côtoie ainsi l'antitotalitaire David ROUSSET, Emmanuel MOUNIER et Jean-Paul SARTRE. La méfiance de certains par rapport aux entreprises ouvertes ou sous le couvert du Mouvement de la Paix, encore à cette époque du début de la guerre froide, traversé de courants contradictoires et parfois revêches au directives du "grand frère" soviétique, est mieux contournée par la mise du pied d'un "Comité d'études et d'action pour le réglement pacifique de la guerre du VietNam fin 1952 que par l'Appel de "contre la guerre d'Indochine". C'est que le débat, pas encore définitivement clos de nos jours, sur l'histoire policière, politique et sociale du sabotage de l'effort de guerre français par le PCF reste à l'époque à faire...

 

Yves FARGE, Toulon, Éditions de Minuit, 1943 ; Souvons nos gosses. A Megève, premier village d'enfants, Lyon, 1945 ; Rebelles, soldats et citoyens. Souvenirs d'un commissaire de la République, Paris, 1946, réédité à Genève en 1971, sous une autre forme ; La guerre d'Hitler continue, Paris, 1950 ; Témoignage sur la Chine et la Corée, Paris, 1952 ; Gagner la paix, Éditions Raison d'être, 1949.

  Raphaël SPINA, Yves Farge, Entre Résistance et pacifismes, Département de l'Isère, Musée de la Résistance et de la déportation de l'Isère, novembre 2017, disponible à La Boutique de la paix.com.

  Yves SANTAMARIA, La pacifisme, une passion française, Armand Colin, 2005.

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22 novembre 2018 4 22 /11 /novembre /2018 13:09

   Ulysses Simpson GRANT né Hiram Ulysses GRANT est un homme d'État des États-Unis d'Amérique, (18ème président de ce pays, 1869-1877). Il commande les armées nordistes durant la guerre de Sécession, Commandement en chef de l'Armée de terre des États-Unis de 1864 à 1869. Comme d'autres généraux, il écrit ses Mémoires (qui paraissent dans le Century Magazine), qui constituent une des sources de compréhension de la guerre de Sécession.

 

Une carrière militaire de premier plan

    Général, Ulysses GRANT est le grand stratège nordiste de la guerre de Sécession. Diplômé de l'académie militaire de West Point dont la majeure partie des officiers qui en sortent luttèrent dans les armées du Sud, il est incorporé au 4ème régiment d'infanterie de Saint Louis en 1843. Il prend part aux batailles de Palo Alto, Resaca de la Palma et Monterey contre le Mexique (1846) et participe à la campagne de Vera Cruz et Mexico (1847). Il démissionne de l'armée américaine en 1854 avec le rang de capitaine et devient agriculteur puis homme d'affaires. Il réintègre l'armée au début de la guerre de Sécession. D'abord assigné à des tâches administratives, il est placé à la tête d'un régiment d'infanterie régional, dans l'État de l'Illinois, avant de prendre part à ses premiers combats au sein de l'armée de l'Union, comme commandant d'une région, le sud-ouest du Missouri.

Alors que la guerre a lieu principalement sur le théâtre oriental, en Virginie, autour de Washington et de Richmond, GRANT est le premier à considérer que l'issue de la guerre peut se décider sur le théâtre occidental. C'est ainsi qu'il modifie les rapports de forces en concentrant ses efforts sur ce nouveau théâtre de guerre. Après une première bataille indécise à Belmont, il s'éloigne de ses bases de l'Illinois. En s'avançant sur les rivières Tennessee et Cumberland, il s'empare de Fort Henry, puis de Fort Donelson, ses premières victoires (février 1862) qui lui valent le surnom de unconditional surrender (reddition inconditionnelle). Il prend ensuite le commandement de l'armée du Tennessee avec laquelle il obtient une victoire magistrale à Vicksburg, le 4 juillet 1863. Elle lui permet de prendre le contrôle du Mississippi et de diviser la Confédération en deux. Après les batailles de Chattanooga et de Missionary Ridge, il est appelé à Washington où LINCOLN le fait nommer général en chef des Forces fédérales (Union) en mars 1864. A partir de ce moment, il orchestre la victoire finale de l'Union. Utilisant les nouveaux moyens de communication, télégraphe et chemin de fer, il dirige la campagne de SHERMAN dans le sud et mène un combat difficile contre Robert E. LEE en Virginie avant que celui-ci ne soit obligé  de se rendre, le 9 avril 1865, à Appomattox. Après la guerre, il connait des fortunes diverses. Élu deux fois président des États-Unis, il est aussi victime d'une faillite retentissante qui l'oblige à écrire ses Mémoires, devenus depuis un ouvrage classique de la littérature américaine.

Ulysses GRANT comprend très tôt la signification géostratégique du conflit dans lequel il s'engage. En concentrant ses efforts pour séparer son adversaire en deux zones géographiques, il sait qu'il lui porte un coup fatal, autant psychologique que physique. D'autre part, il garde toujours en perspective les contraintes politiques en fonction desquelles il doit définir sa stratégie militaire - comme la réélection de LINCOLN. Acteur principal dans un conflit d'un type nouveau, il sait exploiter à son avantage les nouvelles données technologiques de la guerre, aussi bien au niveau de la logistique et des communications que de l'armement. Soldat médiocre à ses débuts, GRANT tire les leçons de ses propres erreurs, et sait constamment s'améliorer, de manière spectaculaire, pendant toute la durée de la guerre de Sécession, dont il devient le général le plus brillant (BLIN et CHALIAND)

 

Des mémoires qui... marquent la mémoire américaine

   C'est d'abord pour restaurer les finances de sa famille que vers 1885, alors qu'il est versé dans la réserve de l'armée américaine, qu'il rédige plusieurs articles sur ses campagnes de la guerre de Sécession dans le Century Magazine. Après des critiques favorables, son éditeur Robert U. JOHNSON, lui propose d'écrire ses Mémoires, comme d'autres anciens généraux l'avaient fait. Avec l'aide de son ancien aide de camp et celle de son fils Frederif, il rédige, mais au bénéfice d'un autre éditeur, celui de Mark TWAIN, avant de décéder, frénétiquement, son livre Personnal Memoirs of Ulysses S. Grant qui connait tout de suite un grand succès. Les deux volumes se vendent déjà à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires. Habile, GRANT se représente comme un honorable héros de l'Ouest dont les forces étaient l'honnêteté et la franchise. L'autobiographie a une structure inhabituelle car sa jeunes et sa présidence ne sont que survolées, à l'inverse de sa carrière militaire. Le style, concis et clair, à l'oppose de la tendance victorienne pour les tournures élaborées fait de son livre un ouvrage très lisible pour un lectorat large qui dépasse, à l'inverse de maints mémoires de généraux, le cercle des spécialistes. Le public, les critiques littéraires et les historiens militaires saluent cet ouvrage que TWAIN (qui a le sens de la formule et le goût pour la publicité), qualifie de "chef d'oeuvre littéraire et le compare aux Commentaires sur la guerre des gaules de Jules CÉSAR. Après avoir étudié les critiques favorables dont celles de Matthew ARNOLD et d'Edmund WILSON, l'écrivain Mark PERRY qualifie ces Mémoires de "plus importante oeuvre" américaine de non-fiction.

En fait, mais en dehors il est vrai de la période militaire, sujet de loin principal de ses Mémoires, peu de président ont vu leur réputation évoluer aussi radicalement que GRANT. Après sa mort, il était considéré comme un symbole de l'identité nationale américaine. C'est l'analyse de sa présidence qui attire surtout l'attention de la majeure partie des historiens et ils renvoient une imagé peu flatteuse, qui n'entâche d'ailleurs pas exclusivement GRANT : corruption envahissante dans l'administration, aidée en cela il est vrai de l'émergence d'un complexe militaro-industriel et les désordres socio-économiques dans certains États au Sud,  échec de la politique économique tant au Nord qu'au Sud.... Son activité pour la protection des Afro-Américains ainsi que celle des Amérindiens lui ont il est vrai attiré beaucoup d'animosités.

Après une période assez longue où ses carrières civile et militaire furent dévalorisées (McFEELY), on assiste de nos jours (depuis les années 1990) à un mouvement plutôt inverse (John Y. SIMON, Bruce CATTON). On reconsidère les qualités de son commandement militaire et au vu des crises "raciales" qui parcourent les États-Unis dans leur ensemble après sa présidence et jusque dans les années 1960, beaucoup estiment que sa politique présidentielle aurait sans doute, s'il elle avait réussi, tracé un autre destin à la nation américaine.

 

Bruce CATTON, Grant Takes Command, Boston, 1960. J.F.C. FULLER, The Generalship of US Grant, New York, 1929. John KEEGAN, The Mask of Command, New York, 1987.

Arnand BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de la stratégie, tempus, 2016.

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20 novembre 2018 2 20 /11 /novembre /2018 09:12

   L'écrivain et médecin français Louis Ferdinand DESTOUCHES, dit Louis Ferdinand CÉLINE, signant de sa plume généralement CÉLINE, est célèbre non seulement pour ses oeuvres littéraires mais également pour un engagement politique très controversé. Pacifiste, antisémite, collaborationniste, à la fois populaire parmi les amoureux des belles lettres et haï pour sa pensée et ses actions par de nombreux détracteurs, il est peut-être l'exemple d'un auteur littéraire, blessé pendant la guerre et l'abhorant ensuite, perdu dans sa recherche des responsables de ce qui lui semble une décadence occidentale, et pris dans une spirale de participation au régime nazi.

    CÉLINE est considéré comme l'un des grands novateurs de la littérature française du XXe siècle, introduisant un style elliptique personnel et très travaillé, qui emprunte à l'argot et tend à s'approcher de l'émotion immédiate du langage parlé.

Il est également déconsidéré pour son antisémitisme et son collaborationnisme, lequel est récemment précisé à partir des archives allemandes ouvertes en 2015. Jusque là, on condamnait seulement un antisémitisme littéraire extrême et son influence dans l'imprégnation de l'antisémitisme d'une partie du mouvement pacifiste français  et de l'ensemble de l'intelligentsia. Mais il participe aussi, selon quelques auteurs (Annick DURAFFOUR et Pierre-André RAGUIEFF), durant les années d'occupation, au service de sécurité allemand, à la répression de la résistance et à l'organisation de l'extermination des Juifs.

 

Participation à la guerre, puis pacifisme

    Après des études sommaires, malgré deux séjours linguistiques en Allemagne, puis en Angleterre, il devance l'appel et s'engage pour trois dans l'armée française en 1912. Juste avant la première guerre mondiale, il rejoint un régiment de cuirassiers à Rambouillet. Il est promu brigadier en 1913, puis maréchal des logis en mai 1914. Sous-officier, il participe aux premiers combats en Flandre-Occidentale. Pour avoir accompli une liaison risquée dans le secteur de Poelkapelle au cours de laquelle il est grièvement blessé au bras - et non à la tête comme la légende qu'il répand lors de sa carrière littéraire - et est décoré de la médaille militaire, puis rétroactivement de la Croix de guerre avec étoile d'argent (L'illustré national). Réopéré en janvier 1915, il est déclaré inapte au combat, et est affecté comme auxilliaire au service des visas du consulat français à Londres, puis réformé en raison des séquelles de sa blessure.

Cette expérience de la guerre le conduit au pacifisme (et son pessimisme), mais auparavant il contracte un engagement avec une compagnie de traire qui l'envoie au Cameroun pour surveiller des plantations (1916). Il travaille, rentré en France en avril 1917, en 1917-1918, aux côtés de l'écrivain polygraphe Henry de Graffigny, qui inspire à l'écricain le personnage de Courtial de Pereires dans Mort à crédit? Embauchés ensemble par la Fondation Rockefeller, ils parcourent la Bretagne rn 1918 pour une campagne de prévention de la tuberculose.

Après la guerre, il prépare le baccalauréat (1919) puis poursuit des études de médecine de 1920 à 1924 en bénéficiant des programmes allégés destinés aux anciens combattants. Sa thèse de doctorat de médecine, La Vie et l'Oeuvre de Philippe Ignace Semmelweis (1924), est plus tard considérée comme sa première oeuvre littéraire. Il poursuit ensuite une carrière médicale jusqu'au début des années 1930.

        C'est pendant qu'il effectue une carrière médicale d'ailleurs ponctuée de publications dans ce domaine que CÉLINE influe sur le pacifisme français. Le Voyage au bout de la nuit fait "l'unique conversation des salons de thé pendant plus d'un mois" (Lettre à Benjamin CRÉMIEUX) après sa parution, ceci étant favorisé par un entregent particulier et habituel chez l'auteur qui sait réellement faire sa propre notoriété. Oeuvre d'un médaillé militaire, le livre est particulièrement remarqué en raison d'une évocation de la guerre vue u côté de ceux qui ne veulent pas y mourir. Derrière dithyrambes et condamnations pointe la perplexité des commentateurs. Elle introduit à un pacifisme peu répandu sans cette forme extrême puisque biologique, la guerre industrielle signant non seulement le suicide d'une civilisation mais bel et bien l'autodestruction d'une race (voir Marc CREPEZ, La Gauche réactionnaire).

Il met sa puissance d'évocation en 1937 (Bagatelle pour un massacre) au service de la paix anti-juive. Fournissant alors une clé à la haine de la guerre exprimée dans le Voyage, il demande que le "youtre" remplace désormais le "bourgeois", lorsqu'il s'agira de demander des comptes aux fauteurs de guerre. S'appuyant sur une vision de l'Histoire, dans laquelle les conflits impliquant la France étaient - depuis des temps immémoriaux - orchestrés par les Juifs, il y adapte le mythe du sacrifice rituel à l'ère de l'industrialisation. Peu confiant dans la capacité des goys - largement abrutis par l'alcool - à secouer le joug, il se prend pourtant à rêver d'un dictateur qui, dès le déclenchement du prochain conflit, établirait un destin pour tous les Juifs (affectés aux unités combattantes de première ligne,, ce qui permet de les éliminer)...

Pendant l'Occupation, CÉLINE fait partie de la pointe avancée de cet esprit anti-juif, surtout sous forme de contributions aux journaux, dans lesquelles il fait preuve d'une certaine rage jubilatoire contre les responsables dans l'armée de la défaite. A un point tel que Vichy se voit contraint de combattre cette forme d'antimilitarisme qui n'avait pas vraiment fait bonne figure depuis 1914, voulant dédouaner l'armée (et charger la République) après la défaite.

Une carrière littéraire perçue de manière contrastée

   Il fait publier, en 1932, Voyage au bout de la nuit qui apparait aux yeux d'écrivains de droite tels BERNANOS et Léon DAUDET comme une profession de foi humaniste et par sa forte critique du militarisme, du colonialisme et du capItalisme, il impressionne favorable également des hommes de gauche, d'ARAGON à TROTSKI. Mais Mort à crédit (1936) déconcerte - à droite comme à gauche - tout engagement idéologue a disparu.

Au retour d'un voyage en URSS EN 1936, il écrit son premier pamphlet, Mea culpa, charge impitoyable contre une Russie soviétique bureaucratique et barbare, la même année que Retour de l'URSS d'André GIDE. CÉLINE publie ensuite une série de pamphlets violemment antisémites, en commençant par Bagatelles pour un massacre (1937), puis L'École des cadavres (1938). Il révèle dans ses ouvrages non seulement un antisémiste et un anticommunisme virulents mais également un racisme envers les populations tziganes.

Le style d'écriture de CÉLINE séduit et est souvent qualifié de révolution littéraire. Il renouvelle en son temps le récit romanesque traditionnel, jouant avec les rythmes et les sonorités. Cela éclate dans Voyage au bout de la nuit, où ce style est mis au service d'une terrible lucidité, oscillant entre désespoir et humour, violence et tendresse, révolution styllistique et réelle révolte. On a pu écrire que ce livre ne traduit pas réellement les convictions profondes de l'auteur, qui transparaissent plutôt dans Mort à crédit, où le style même change fortement, qui devient plus radical, notamment par l'utilisation de phrases courtes et souvent très exclamative. Ce récit, nourri des souvenirs de son adolescence, présente une vision chaotique et antihéroïque, à la fois tragique et burlesque, de la condition humaine. Se révèle également une certaine misanthropie  Il déroute la critique qui s'en détourne, le livre lui-même ayant beaucoup moins de succès que Voyage au bout de la nuit.

C'est son style d'abord qui attire l'attention, ce n'est que plus tard, avec ses pamphlets antisémites que le public peut découvrir ses convictions fascistes. Avec Bagatelles pour un massacre, L'École des cadavres, Les beaux Draps, une haine des Juifs et même, après la défaite, de la majorité des Français, se déploie, soupçonnés de métissage et d'être stupides. Sa charge est si forte dans Les Beaux Draps, qu'il déplait même au régime de Vichy qui le met à l'index (sans interdire la publication). On pourrait voir en lui un anarchiste de droite tenté de haine raciale et de mépris pour l'humanité. Mais cet anarchisme de droite, qui pourrait être sympathique pour certains (à condition de mettre entre parenthèses  les pamphlets, lesquels ne sont pas réédité après la Libération, puisque interdits de publication) s'il ne camouflait un activisme intéressé envers les idées nazies. Cet activisme qui lui vaut bien des faveurs n'est pas mis en avant par CÉLINE après la Libération, mais il ne renie jamais ses convictions, même si elles ne sont pas visibles réellement dans sa Trilogie allemande, au succès certain, les romans D'un château l'autre (1957), Nord (1960) et Rigodon (1969).

 

  Pour l'historien Michel WINOCK, l'antisémistisme de CÉLINE s'explique en partie par son expérience traumatisante de la Première guerre mondiale. Se définissant comme antimlitariste et pacifiste viscéral, il entend dénoncer ce qu'il considère comme un pouvoir occulte des Juifs, tout comme HITLER prétendant que les Juifs fomentaient la guerre, motif d'ailleurs repris par CÉLINE.

 

   De nombreux travaux sont encore consacrés à l'oeuvre de CÉLINE; surtout d'ailleurs au niveau de la littérature générale plutôt qu'au fond de ses prises de position idéologiques. Deux numéros des Cahiers de l'Herne (3 et 5) lui sont consacrés. Il existe même une bibliographie en 3 tomes de François GIBAULT. L'association Société d'études céliniennes organise échanges et colloques à son sujet, publiant également la revue Études céliniennes. Une autre publication, La Révue célinienne a existé de 1979 à 1981, pour devenir ensuite une revue mensuelle, Le Bulletin célinien.

 

CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, éditions Denoel & Steele, Paris, 1932 ; Mort à crédit, Denoel & Steele, Paris, 1936 ; D'un chateau l'autre, Gallimard, Paris, 1957 ; Rigodon, Gallimard, Paris, 1969 ; Mea culpa, Denoel & Steele, 1936 ; Bagatelles pour un massacre, Denoël & Steele, 1937 ; L'École des cadavres, Denoël, 1938 ; Les Beaux Draps, Nouvelles Éditions françaises, 1941.

  Sous la direction de Dominique De ROUX, Michel THÉLIA et M. BEAUJOUR, Cahier Céline, L'Herne, tome 1, 1963, tome 2, 1965; réédition en un volume 1972 et 2006. Annick DURAFFOUR et André-Pierre TAGUIEFF, Céline, la race, le juif. Légende littéraire et vérité historique, Paris, Fayard, 2017.

Yves SANTAMARIA, Le pacifisme, une passion française, Armand Colin, 2005.

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2 novembre 2018 5 02 /11 /novembre /2018 08:28

   L'écrivain et critique littéraire français Marcel-Jules-Marie GUÉHENNO, dit Jean GUÉHENNO est également une figure du pacifisme dans l'entre-deux guerres mondiales. Plus connu pour ses oeuvres, notamment autobiographiques (Journal d'un homme de 40 ans, 1934 ; Journal des années noires 1940-1944, 1947 ; Carnets du vieil écrivain, 1971) que pour son activité politique, il participe, mû par son humanisme aux activités de la mouvance pacifique de 1927 au début de la guerre, puis aux activités clandestines préparant pour la Libération au Mouvement des auberges de jeunesse.

     Lors de son activité de critique littéraire pendant sa carrière de professeur (il achève cette carrière dans l'Éducation Nationale comme inspecteur général), il s'intéresse surtout à l'oeuvre de Jean-Jacques ROUSSEAU, dont il écrit plusieurs livres. Il est l'auteur également d'autres  ouvrages, où il propose un humanisme original : L'Évangile éternel en 1927, Caliban parle en 1928, La Foi difficile en 1957 et Caliban et Prospero en 1969.

     Entre les deux guerres, il s'engage dans des combats pour la paix. Avec notamment ALAIN, Lucien DESCAVES, Louis GUILLOUX, Henry POULAILLE, Jules ROMAINS et SÉVÉRINE, il signe en 1927 la pétition contre la loi sur l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre, loi qui abroge, selon les signataires, toute indépendance intellectuelle et toute liberté d'opinion. Cette pétition paraît dans le numéro du 15 avril de la revue Europe dont il devient le directeur de publication en 1929 (jusqu'en mai 1936). En 1935, il fonde l'hebdomadaire Vendredi. Rappelons que la revue Europe est fondée en 1923 par des intellectuels venant d'horizons différents, des anarchistes et des syndicalistes se retrouvant dans ses colonnes avec des hommes de l'entourage de Romain ROLLAND. Nombreux s'y retrouvent après s'être mis en rupture de ban avec leurs organisations d'origine, soit minoritaires soit encore exclus. C'est encore dans les colonnes d'Europe qu'en 1934, à l'occasion du vingtième anniversaire de la déclaration de guerre mondiale que sont publiés dans un numéro spécial 1914-1934 des articles de René ARCOS, ALAIN, Jean GIONO. Si nombre d'articles sont orientés par le souvenir des horreurs de la première guerre mondiale, aiguillonnant toujours un pacifisme intransigeant, cela n'empêche pas par la suite que certains préférerons comme lutte prioritaire le combat contre le fascisme, s'investissant plus tard dans les réseaux de résistance.

Il participe en 1930 au troisième cours universitaire de Davos, avec de nombreux intellectuels français et allemands. Il arrête de publier sous l'Occupation, mis à part des écrits clandestins sous le pseudonyme de Cévennes. Jean GUÉHENNO se retrouve en juillet 1936 dans la direction du CVIA (Comité de Vigilance des intellectuels Antifascistes), aux côtés d'amis d'ALAIN, de minoritaires de la SFIO et d'anticolonolialistes, après le départ du courant animé par les membres du PCF, conséquence de l'évolution de la diplomatie soviétique.

      En 1944, il est chargé par le gouvernement provisoire d'organiser la Direction de la culture populaire et des Mouvements de Jeunesse. reprenant les idées forgées dans la clandestinité, il met en place avec Christiane FAURE les premiers instructeurs d'animateurs de jeunesse. Avec André PHILIP et des responsables clandestins d'associations de jeunesse, de partis et de syndicats; il crée la république des jeunes. Cette association réfléchit à la transformation des maisons de jeunes du régime de Vichy en Maison de la Jeunesse et de la Culture (MJC) affiliées aux mouvements d'éducation populaire. En 1948, suite à la fusion de la Direction de la culture populaire et des Mouvements de Jeunesse avec les Direction de l'Éducation Physiques et des Activités Sportives, Jean GUÉHENNO démissionne de son poste.

 

Jean GUÉHENNO, L'Évangile éternel, Étude sur Michelet, Grasset, 1927 ; Conversion à l'humain, Grasset, 1931 ; Jeunesse de la France, Grasset, 1936 ; Dans la prison ( sous le pseudonyme de Cévennes), Minuit, 1944 ; L'Université dans la Résistance et dans la France Nouvelle, Office français d'édition, 1945 ; La Foi difficile, Grasset, 1957.

Philippe NIOGRET, La revue Europe et les romans de l'entre-deux-guerres, L'Harmattan, 2004. Jean Yves GUÉRIN, Jean-Kely PAULHAN et Jean-Pierre RIOUX, Jean Guéhenno, guerres et paix (Actes du colloque de 2008 à l'Université Parix III), Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 2009.

Yves SANTAMARIA, Le pacifisme, une passion française, Armand Colin, 2005. Nadine-Josette CHALINE, Empêcher la guerre, encrage, 2015.

 

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31 octobre 2018 3 31 /10 /octobre /2018 08:31

    Jean de BLOCH est un financier et pionnier du chemin de fer polonais, d'origine juive, connu sous le nom de "Roi du chemin de fer". A la fois diplomate, entrepreneur, banquier et économiste, il a une grande influence au tout début du XXe siècle sur nombre d'intellectuels et hommes politiques, influence qui déborde les cercles militants ou acquis au pacifisme.

    Auteur d'une étude considérable en 6 volumes intitulée La guerre de l'avenir qui montre de manière prémonitoire l'impact désastreux que peut avoir une guerre moderne, il est nominé pour le Prix Nobel de la paix en 1901. Il est l'un des organisateurs de la Première Conférence de la Haye en 1899. Il fonde également le premier musée pour la guerre et la paix en Lucerne.

   Le tsar Nicolas II a lu les travaux de Jean BLOCH qui le confortent dans sa diplomatie en Europe, visant à alléger le poids des dépenses militaires en vue du développement économique nécessaire à son pays, et la Russie propose en août 1898 une réunion internationale pour tenter d'organiser la paix en Europe. Si beaucoup de dirigeants observent sa proposition avec ironie (notamment Guillaume II d'Allemagne), la première conférence internationale regroupant des représentants officiels de 26 États se déroule bel et bien à partir du 15 mai 1899. Cette conférence, si elle n'a pas les résultats espérés, malgré la foison de propositions avancées, s'inscrit dans un ensemble de conventions et de rencontres sur des réductions des armements et/ou sur la réglementation de la guerre. Notamment sur les armements navals, elles ne sont pas sans influence sur l'évolution des arsenaux.

Nombreuses sont ensuite les références à ses travaux dans le mouvement pacifiste, notamment après la première guerre mondiale, même s'il n'est pas crédité...

 

Jean de BLOCH, Impossibilités techniques et économiques d"une guerre entre grandes puissances, conférences tenues à La Haye en juin 1899, Paul Dupont, 1899 ; Évolution de la guerre et de la paix, Imprimerie Paul Dupont, 1899 ; Conséquences probables tant politiques qu'économiques d'une guerre entre grandes puissances, rapport au IXe Congrès de la paix, 1900.

Pierre NATTAN-LARRIER, Arsène ARSONVAL, Les menaces des guerres futures et les travaux de Jean de Bloch, V. Giard & E. Brière, 1904.

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30 octobre 2018 2 30 /10 /octobre /2018 09:17

    Le journaliste et militant socialiste français, anarchiste puis communiste Henri GUILBEAUX est une figure du pacifisme durant la première guerre mondiale.

       Journaliste littéraire dès 1906, dans plusieurs revues comme la Revue des lettres et des arts; il participe à des périodiques militants ou très engagés comme La Bataille syndicale, La Guerre sociale, L'effort libre, L'Assiette au beurre dont il devient rédacteur en chef sous le pseudonyme de James BURKLEY, jusqu'à la disparition de la revue en octobre 1912.

    En 1911, il publie l'un des premiers essais sur Jules LAFORGUE, puis se rapproche de Stefen ZWEIG. Il se rend fréquemment à Berlin où il fréquente des intellectuels ouverts au dialogue avec la France.

    En 1913, il sort chez Figuière une Anthologie des lyriques allemands depuis Nietzsche. Membre du Club anarchiste communiste, un groupe adhérant à la Fédération communiste anarchiste, il rédige des critiques d'art dans son journal, Le Mouvement anarchiste.

    Refusant l'esprit revanchard, la haine antiallemande et la "logique de guerre", il est proche, au sein des courants syndicalistes de l'époque, des militants Alfred ROSMER et Pierre MONATTE, qui, en juillet 1914, refusent l'Union Sacrée. Réussissant à se faire réformer, il se lie d'amitié avec Romain ROLLAND et participe à la Conférence de Kiental en 1916. L'année suivante, il lance la revue Demain avec Victor MARGUERITE, qui devient l'organe littéraire des Français expatriés en Suisse. Cette revue accueille toute la palette des opposants à la guerre depuis le tolstoïen Jean-Pierre JOUVE jusqu'aux révolutionnaires Marcel MARTINET et Raymond LEFEBVRE. Interdite de diffusion en France, elle publie des poèmes de Pierre Jean JOUVE, des essais de ROLLAND et de Marcel MARTINET. Durand cette période, Henri GUILBEAUX se fait vraiment l'homme des liaisons entre les différentes composantes du pacifisme français réfugié en Suisse.

Il faut noter que malgré la proximité idéologique manifestée avec LÉNINE, ce dernier ne comprend pas vraiment ces intellectuels français qui pourtant s'efforce de diffuser un enthousiasme en Europe pour la révolution bolchévique.

    Durant son exil, il se rapproche en avril 1917 de LÉNINE qui souhaite rentrer en Russie, et signe le protocole de Berne. Il devient le correspondant français de la Pravda, ce qui lui vaut des ennuis avec les autorités françaises qui obtiennent des autorités suisses qu'il soit arrêté (plusieurs fois) pour violation de la neutralité suisse. Désigné comme "futur Lénine français" par le 2ème Bureau français, il est condamnée par le Conseil de guerre pour Haute trahison à la peine de mort par contumace en février 1919. Il est alors extradé par les autorités suisses vers la Russie. La virulence des propos de l'écrivain, correspondant de Vie ouvrière en Suisse, toujours polémiste forcené selon les dires de ses propres amis, en fait une cible toute indiquée pour CLÉMENCEAU qui mène une répression du mouvement ouvrier, tout en jouant un jeu compliqué avec le nouveau pouvoir bolchévick.

    De mars 1919 à août 1923, il vit dans un premier temps à Moscou, puis après la mort de LÉNINE (seul allié face à STALINE), il part pour Berlin pour le journal L'Humanité. Il publie son essai sur Lénine directement en allemand. Expulsé du parti communiste français, il se retrouve sans ressources. Romain ROLLAND rejoint alors un comité de soutien pour que GUILBEAUX puisse revenir en France. Dix ans après sa condamnation, la sentence est cassé au cours d'un procès en révision, mais est moralement et physiquement trop fatigué pour exercer une quelconque influence, même dans les milieux pacifistes les plus proches. Il passe ses dernières années à mettre en garde contre le stalinisme. Selon Pierre BROUÉ, il travaille alors pour les services secrets français (en échange de sa grâce sans doute), et a même des élans de sympathie pour MUSSOLINI, mise sur le compte sur son épuisement moral et intellectuel.

Henri GUILBEAUX, Mon crime. Contre-attaque et offensive, Genève, Éditions de la revue Demain, avril 1918 ; Le portrait authentique de Vladimir Illitch Lénine, Librairie de L'Humanité, 1924 ; Du Kremlin au Cherche-midi, Gallimard, 1933.

Yves SANTAMARIA, Le pacifisme, une passion française, Armand Colin, 2005.

 

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28 octobre 2018 7 28 /10 /octobre /2018 07:33

     Le philosophe et journaliste français Félicien Robert CHALLAYE est une figure pacifiste et anticolonialisme, notamment entre les deux guerres mondiales.

   Dreyfusard et rédacteur des Cahier de la Quinzaine de Charles PÉGUY au début du XXe siècle, il se rallie au régime de Vichy pendant la seconde guerre mondiale.

     Boursier d'études en Allemagne en 1898, à l'Université de Berlin après un service militaire mouvementé (rappelé à l'ordre pour avoir lu J'accuse de ZOLA...), il se consacre à des enquêtes outer-mer, en Inde, à Java, à A,,am, en Egypte, au Japon... A partir de 1901, il enseigne au lycée de Laval où il est un des fondateurs de l'université populaire dont il est président. Il termine sa carrière d'enseignants en 1937. En même temps, il participe comme journaliste aux Cahiers de la quinzaine, où il publie en 1906 un dossier explosif sur le Congo français (qu'il reprend en 1935 dans son volume Souvenirs de la colonisation), très proche de PÉGUY (qui lui fait découvrir le socialisme) jusqu'à ce que ce dernier rompe avec JAURÈS. C'est avec ce dossier qu'il se fait connaitre comme anticolonialiste, et après un silence pendant la première guerre mondiale, partisan de l'Union sacrée, il participe activement au sein de la Ligue de défense des indigènes en Indochine et du Parti Communiste Français. En 1931, lors du congrès de la Ligue des Droits de l'Homme, Félicien CHALLAYE dénonce l'hypocrysie du prétexte civilisateur de la colonisation défendu alors par une fraction de la Ligue. Il s'éloigne du PCF en 1935, tout en publiant la même année ses Souvenirs sur la colonisation.

     Avec Victor MARGUERITE, il tient pendant toute l'entre-deux guerre, le haut du pavé dans la mouvance pacifiste intégrale. Déjà en 1913, il exprime ses idées pacifistes lors de conférences, avant de se rallier à l'Union sacré. C'est après la victoire que l'ancien combattant devient un fervent pacifiste, s'engageant complètement dans cette cause. Il participe ainsi en 1925 à la campagne de l'Appel aux consciences pour la révision du Traité de Versailles.  

Au sein du Comité directeur de l'Association de la Paix par le Droit, il soutient une polémique avec RUYSSEN au long des années 1931-1932, le débat sur l'objection de conscience se prolongeant par celui engagé à propos du pacifisme intégral. En novembre 1931, il publie dans La Paix par le Droit un article intitulé "Paix sans réserve aucune", dans lequel il définit sa position. Au nom de ce qu'il appelle la "morale courante" qui proclame "Tu ne tueras point" et "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" - on note l'assimilation complète des principes chrétiens - il affirme que "la guerre, c'est le vol et l'assassinat généralisés" ; se rangeant parmi les vrais pacifistes, à la différence des belli-pacifistes qui, s'ils estiment la paix supérieure à la guerre, admettent cette dernière dans certaines circonstances pour se défendre. Le pacifisme intégral ne s'autorise qu'une seule guerre, la guerre civile : "c'est la guerre entre peuples seulement qu'interdit le pacifisme intégral". La guerre entre les peuples étant le mal absolu, comme l'a montré la dernière guerre, le remède absolu est "la paix sans aucune réserve". Et il affirme que mieux vaut l'occupation étrangère que la guerre. Certes, le joug de l'étranger est lourd, mais la guerre est encore pire. Félicien CHALLAYE imagine la résistance passive et la non-coopération avec l'occupant, à la manière pense-t-il de GANDHI. Et seul le désarmement unilatéral permet d'éviter la guerre. Au fur et à mesure que les périls s'accumulent, nombre de militants (et surtout d'intellectuels) se détournent de telles conceptions qui deviennent lentement de plus en plus minoritaires.

Membre du Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes (CVIA), il condamne l'antisémitisme et le nazisme mais refuse toute idée de conflit avec l'Allemagne. Il rejoint alors la minorité ultra-pacifiste de la Ligue des Droits de l'Homme et publie en 1933 Pour une paix désarmée même face à Hiltler. Il préside alors la Ligue internationale des combattants de la paix. Il se rend en Allemagne à l'automne 1938 et en revient persuadé de la volonté pacifiste des dirigeants allemands.

    En décembre 1939, il est un moment incarcéré pour avoir signé le tract pacifiste de Louis LECOIN, Paix immédiate. Après l'armistice et l'instauration du régime de Vichy, il se rapproche de Marcel DÉAT et de son parti collaborationniste RNP. Il écrit dans une revue de gauche vichyste (oui, ça existait...), L'Atelier, animée par d'anciens militants, venus à la collaboration par pacifisme intégral, de même que dans une autre revue collaborationniste, dirigée par Georges SUAREZ, Aujourd'hui. Cependant, il ne participe pas aux activités politiques ou policières du régime et n'est pas longtemps inquiété à la Libération.

   Dans l'immédiat après-guerre, il soutient les mouvements indépendantistes algériens et tunisiens et à partir de 1951, collabore avec Émile BAUCHET, Robert JOSPIN et Paul RASSINIER aux activités du Comité nationale de résistance à la guerre et à l'oppression (CNRGO, future Union Pacifiste de France) et notamment à son organe La Voie de la Paix.

 

Félicien CHALLAYE, Le Congo français. La question internationale du Congo, Alcan, 1909 ; Les principes généraux de la science et de la morale, Nathan, 1919, réédition 1928, 1934 ; L'Enfant et la morale, PUF, 1941 ; Histoire de la propriété, PUF, Que sais-je?, 1944 ; Petite histoire des grandes philosophies, PUF, 1946 ; Petite histoire des grandes religions, PUF, 1947 ; Péguy socialiste, Amiot-Dumont, 1954 ; Les philosophies de l'Inde, PUF, 1956.

Pascal ORY, Les collaborateurs 1940-1945, Seuil, 1976.

Nadine-Josette CHALINE, Empêcher la guerre, encrage, 2015.

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27 octobre 2018 6 27 /10 /octobre /2018 11:28

       Le romancier et auteur dramatique français Victor MARGUERITE est également une figure du pacifisme de l'entre deux guerres mondiales.

      De formation militaire (École militaire de Saumur-1891-lieutenant de dragons), il abandonne le milieu des armées pour se consacrer à la littérature. Précoccupé par les questions sociales, ardent défenseur de l'émancipation de la femme, partisan du rapprochement entre les peuples, il collabore notamment à La Revue contemporaine, d'Édouard ROD. Il y soutient des opinions sociales de plus en plus avancées et collabore à d'autres journaux dans la mouvance internationaliste et communiste.

    En 1922, il publie son roman virulent La Garçonne qui lui vaut le retrait de sa Légion d'honneur. Rapidement traduit en plusieurs langues, le personnage Monique de ce roman choque la "bonne société", mais des adaptations au théâtre et au cinéma prolongent son succès durant une dizaine d'années. Hormis ce succès qui le place sous les projecteurs, il collabore de 1896 à 1908 à toutes les oeuvres de son frère Paul qui parallèlement publie leurs ouvrages sous son seul nom. Il devient Président honoraire de la Société des gens de lettres.

     De cette fonction, il diffuse des idées pacifistes. Déjà avant cette nomination, il fréquente les mêmes cercles parisiens que de nombreux autres hommes de lettres, tels Maxime LEROY ou J.H. ROSNY (1856-1940), auteur de La Guerre du feu.

Même si ses convictions pacifistes sont réelles et profondes, Victor MARGUERITE varie tout de même dans son parcours intellectuel : après avoir fait publié en 1917 La Terre natale, hymme à la "guerre juste" menée par la France, il fait paraitre en 1919 un ouvrage d'un tout autre ton, Au bord du gouffre, dans lequel il revient sur les premiers mois du conflit, dénonçant les carnages inutiles, l'arrogance et l'incompétence de l'État-major responsable de la "boucherie des premières batailles et (de) la longue invasion du territoire". S'en prenant violemment à CLÉMENCEAU, ce "perd de la victoire", il affirme qu'il "n'y a pas de guerre inévitable" et appelle à la vigilance, car "le Grand Quartier Général, en se dissolvant, n'est pas mort. Il a simplement changé de nom en intégrant ses anciens bureaux. Il s'appelle à nouveau l'état-major de l'armée...". Pour empêcher cette "oligarchie" de nuire à nouveau au pays, les "élites" (c'est-à-dire pour lui les intellectuels) doivent désormais constituer les cadres naturels de la nation ; et le livre se termine par la formule "Si vis pacem, para pacem!"

Son roman La Garçonne, outre un ton féministe porté  à un degré inconnu à cette époque, frappe par la dénonciation du capitalisme sauvage responsable du surarmement et de la guerre. Le succès de ce livre attire l'attention des services de propagande allemands à l'affût d'honorables correspondants dans tous les pays européens, et en coulisse il est approché par un émissaire de la Wilhelmstrasse, qui désormais finance ses publications (en les achetant en masse). Indémpendamment de leur qualité et de l'estime du public, ses publications ont désormais la viabilité assurée. Dans les journaux comme dans les romans, il sert judicieusement et avec discrétion les intérêts allemands en s'attaquant aux ennemis de l'Allemagne, comme dans Les criminels, paru en 1925. Il ne cesse de s'en prendre aux Français tout en étant très discret quant à l'attitude des Allemands. Cette même années 1925, Victor MARGUERITE est à l'origine d'un "Appel aux consciences", dont il rédige la longue introduction, contre les articles 227 à 230 du Traité de Versailles. Figurent parmi les signataires (une centaine), des hommes de lettres (COURTELINE, Léo POLDÈS...), des universitaires (Charles GIDE, les historiens SEIGNOBOS et MAHIEZ), des hommes d'Église et des hommes politiques. Il ambitionne un nouveau "J'accuse" mais finalement l'impact de cet Appel est très modeste, connu surtout dans les milieux intellectuels. Grâce toujours à l'argent allemand, il peut lancer sa revue Évolution, militant en faveur du désarmement universel intégral, de l'objection de conscience, et surtout de la révision du Traité de Versailles. Cette revue ouvre largement ses colonnes aux partisans d'un pacifisme intégral, souvent anarchistes ou communistes chassés du parti, ce qui provoque des frictions avec la mouvance communiste. La montée du nazisme est analysée comme une simple réaction au calamiteux Traité de Versailles. Position défendue également par d'autres, par exemple Félicien CHALLAYE.

Avec ce dernier, Victor MARGUERITE tient le haut du pavé dans la mouvance pacifiste. En 1931, il fait publier La Patrie humaine, où il se présente comme "un volontaire au service d'un idéal fraternel", éloigné aussi bien du christianisme que de la SFIO ou de la IIIe Internationale, "révolution devenue dictature". Il soutient toujours l'objection de conscience et cite en exemple l'Union International des pasteurs antimilitaristes, la Ligue internationale des femmes pour la Paix et la Liberté, le Mouvement International de la Réconciliation, toutes associations qui plus tard purent regretter un tel patronage! Dans la même année, il publie également Non! roman d'une conscience, exposant ses idées sous forme romancée pour les rendre plus faciles d'accès.

Parmi les partisans de la Paix par le Droit, plus on avance dans la décennie, plus les divergences se font jour. Si, avec CHALLAYE, MARGUERITE défend (notamment dans un Appel de 1932, Debout les vivants!) l'idée d'un référendum populaire avant toute déclaration de guerre, en se reférant à la campagne menée en Allemagne sur ce thème par Heinrich MANN, de nombreuses autres voix s'élèvent contre les persécutions, et leur voix se font nettement entendre après 1934, dont son victimes les opposants au régime nazi, y compris les pacifistes allemands. Au sein même de la mouvance proche, comme dans la Ligue internationale des Combattants de la Paix, fondée en 1931 par un groupe de pacifistes inconditionnels autour de l'anarchiste Victor MÉRIC, dont le journal lancé en 1931 prend pour titre celui de l'ouvrage de MARGUERITE, La Patrie humaine, où se retrouvent des pacifistes déjà bien connus, des divergences apparaissent. Dans un ouvrage de 1932, Fraîche et gazeuse, MÉRIC, pour attirer l'attention lance l'idée d'utiliser la bombe comme les faisaient les anarchistes à la fin du XIXe siècle. Les discussions passionnées deviennent très orageuses, notamment à l'occasion du congrès d'Amsterdam contre la guerre de 1932, les difficultés financières du journal aggravant les tensions. Le mouvement continue néanmoins avec le journal créé fin 1933, Le barrage, vendu à la criée ou lors de meetings par René DUMONT et Robert JOSPIN. Des "fêtes", "meetings", "pièces de théâtre", "chansons" relayent cet état d'esprit.

Malgré la montée des menaces, Victor MARGUERITE s'en tient, avec beaucoup d'autres (Jean GIONO, Félicien CHALLAYE...) au pacifisme intégral. Il considère encore le nazisme, dans une méconnaissance profonde de sa nature, d'un oeil sympathisant, même après l'invasion de la France en 1940. Il collabore d'ailleurs avec l'occupant  au nom de la paix.

       En relisant ses livres, le lecteur peut trouver ses arguments non dénués de bon sens, s'il oublie le contexte et les coulisses. Comme beaucoup dans l'entre-deux-guerres, Victor MARGUERITE, pacifiste convaincu et de bonne foi, peut apparaitre comme une victime des activités des renseignements allemands. Il faut tout de même beaucoup d'aveuglement pour en arriver là...

Contre tous les fauteurs de guerre (enfin ceux qu'il voyait...), Victor MARGUERITE se pose en guide spirituel, comme tant d'autres dans sa mouvance, s'adressant  directement aux hommes (par-dessus les partis et les institutions), au nom de l'indépendance de l'esprit. Cette auto-valorisation trouve sa justification à ses yeux dans une compétence professionnelle particulière - parfois très problématique, concernant l'histoire de la première guerre mondiale par exemple, où il se joint à maints révisionnistes attribuant la responsabilité quasi-exclusive de la guerre à la France et à l'Angleterre. Elle se traduit par un certain aveuglement par rapport aux multiples avertissements de la part d'autres intellectuels qu'il juge trop orienté par une appartenance partisane.

Victor MARGUERITE, Bétail humain, 1920 ; La Garçonne, 1922, réédition Payot, collection Petite Bibliothèque Payot, 2013 ; Non! roman d'une conscience, 1931 ; La Patrie humaine, 1931 ; Avortement de la SDN, 1939.

Patrick de VILLEPIN, Victor Marguerite, La vie scandaleuse de l'auteur de "La Garçonne", François Bourin, 1991 ; Plutôt la servitude que la guerre, Relations internationales, n°53, 1988.

Nadine-Josette CHALINE, Empêcher la guerre, encrage, 2015

 

    

 

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20 octobre 2018 6 20 /10 /octobre /2018 08:20

      L'écrivain français Romain ROLLAND, Prix Noble de littérature de 1915, occupe une place importante dans la diffusion des idées de pacifisme et de non-violence. 

     Son exigence de justice le pousse à souhaiter la paix "au-dessus de la mêlée" pendant et après la Première Guerre mondiale. Animé d'un idéal humaniste et en quête d'un monde non-violent, il admire Léon TOLSTOÏ, est très intéressé par les philosophies de l'Inde (conversations avec Rabidranath TAGORE et GANDHI), par l'enseignement de Râmakrishna et Vevekananda, puis par le "monde nouveau" qu'il espère voir se construire en Union Soviétique.  

     Très versé dans les arts et dans la musique (il enseigne brièvement sur cette dernière matière à l'Institut Français de Florence), il doit sa notoriété d'écrivain à son roman-fleuve Jean-Christophe, publié de 1904 à 1912. Il veut consacrer alors toute sa vie à la littérature, quand la Grande Guerre est déclarée.

     D'abord en faveur de la guerre contre l'Allemagne, il comprend très vite qu'elle est un "suicide" de l'Europe. Du coup, il ne quitte pas la Suisse, n'étant de toute façon pas mobilisable (il a 48 ans) et tout en s'engager dans la Croix Rouge, il utilise la relative liberté qui règne dans ce pays pour diffuser ses oeuvres. Comme son appel pacifiste de 1914, Au-dessus de la mêlée, paru dans le Journal de Genève. Ses idées pourrait le faire apparaitre comme traître à son pays, cependant lorsque ses écrits sont publiés à Paris, ils rencontrent un large écho. Critiqué par les deux camps, il devient une figure du mouvement pacifiste international, mais aussi de la Troisième Internationale, aux côtés entre autres de Henri GUILBAUX.

Romain ROLLAND fait partie de ces rares intellectuels qui s'obstinent dans le refus de la guerre, de manière semblable à la mouvance anarchiste la plus radicale, mais mû par une fidélité à un humanisme à défendre. Alors qu'auparavant il n'avait jamais participé au moindre combat idéologique, se tenant même à l'écart de l'Affaire Dreyfus, dans laquelle les intellectuels s'étaient pourtant engagés massivement, il se trouve incarner le pacifisme, quasiment malgré lui, à la suite de ces huit articles parus dans Le Journal de Genève d'août à décembre 1914 et repris en novembre 1915 en un recueil intitulé Au-dessus de la mêlée. 

Pourtant les textes eux-mêmes ne contiennent aucune phrase antipatriotique ou antimilitariste et sont même marqués par une "modération qui étonne au regard de ce qu'ils allaient bientôt incarner" (Christophe PROCHASSON, Au nom de la Patrie. Les intellectuels et la Première guerre mondiale, 1910-1919, Paris, 1999). Il attire à lui des jeunes désemparés, tel André DANET, qui lui demandent conseil, et surtout les pacifistes d'extrême gauche, jusque-là dispersés, qui voient en Romain ROLLAND, le fédérateur qu'ils recherchaient et lui font jouer un rôle qu'il ne voulait pas au départ. Plusieurs d'entre eux font partie de l'entourage immédiat de l'écrivain (notamment Henri GUILBAUX, avec sa grande expérience de la presse, très antimilitariste, collaboration de l'Assiette au beurre, de La Guerre sociale, du Libertaire et de La Bataille syndicale avant la guerre). Même si Romain ROLLAND collabore avec le journal Demain (première parution en janvier 1916), il est fréquemment en désaccord avec le ton du mensuel. Mais il se tient un peu à l'écart de certains débats virulents, notamment ceux qui portent sur la révolution russe, et de toute façon l'influence de ces "feuilles de choux" est bien moindre que ses propres ouvrages...

       En 1919, il rédige un manifeste et invite tous les travailleurs de l'esprit à le signer, Déclaration de l'indépendance de l'esprit, dans laquelle il cherche à tirer les leçons de la guerre en définissant une voie libre au-delà des nations et des classes. 

      Il s'installe en France en 1922, et malgré une santé fragile, continue à travailler à son oeuvre littéraire. Il entretient un très vaste réseau de correspondance avec des intellectuels du monde entier, même avec ceux avec lesquels il reste en désaccord, comme Alphonse de CHATEAUBRIANT. Sa correspondance avec Louis ARAGON, Hermann HESSE, Richard STRAUSS, André SUARÈS, Stefan ZWEIG (qu'il voit très souvent de 1922 à 1927), ALAIN, René ARCOS et Jean GUÉHENNO donne un aperçu éclairant sur l'atmosphère intellectuelle de l'époque de l'après-guerre. Romain ROLLAND continue d'être une référence dans les milieux pacifistes et il écrit très vite en faveur du rapprochement franco-allemand, comme dans la revue Europe fondée en 1923.

Durant toutes ces années 1920, se multiplient pétitions, appels et proclamations d'intellectuels. Il signe par exemple avec Victor MARGUERITE et beaucoup d'autres, en 1925, un Appel aux consciences, où les signataires réclament la suppression des articles 227 à 230 du Traité de Versailles. En 1921, Romain ROLLAND, EINSTEIN, HUXLEY et Bertrand RUSSEL... fondent l'Internationale des Résistants à la Guerre (IRG).

     Il entretient une discussion avec Sigmund FREUD sur le concept de sentiment océanique qu'il puise dans la tradition indienne qu'il étudie alors avec ferveur, à compter de 1923, année où il préside à la fondation de la revue Europe, avec des membres du groupe de l'Abbaye, notamment René ARCOS.

    Son livre de 1924 sur GANDHI contribue beaucoup à faire connaitre ce dernier en Europe et pendant un temps se fait militant de la non-violence. Mais surtout à partir de 1930, il s'en détourne, car il estime qu'elle n'apporte pas de remède à la montée des fascismes en Europe. Dès cette année, il s'engage en faveur de l'URSS, cela d'autant plus qu'HITLER arrive au pouvoir en Allemagne en 1933. Au cours d'un périple en Union Soviétique, il rencontre STALINE et est l'un des fondateurs du mouvement pacifiste Amsterdam-Pleyel. Sa participation aux meetings et campagnes de presse devient alors très active, enthousiaste envers la cause communiste, compagnon de route du Front Populaire jusqu'à ce que les procès de Moscou (août 1936-mars 1938) refroidissent ses ardeurs. Il ne ménage pas sa peine jusqu'à ce moment-là, militant aux côtés de pacifistes inconditionnels (Victor MÉRIC) qui lance un journal en 1931, La Patrie humaine, dont il fait partie du comité d'honneur.

La signature du Pacte germano-soviétique, qui en déboussole plus d'un dans l'échiquier politique français, surtout à gauche, achève de le convaincre d'abandonner peu à peu toute activité politique. Cela ne l'empêche pas de participer au Comité mondial contre la guerre et le fascisme aux côtés de Paul LANGEVIN. Encore en 1935, il fait partie les signataires, comme beaucoup d'intellectuels de gauche, d'un texte paru dans L'Oeuvre qui renouvelle les appels à la paix en direction des gouvernements français et italiens. Mais en 1936, Romain ROLLAND se désolidarise de ces positions pacifistes et opte pour la fermeté face à Hitler., suggérant alliances et pactes militaires si nécessaire. 

Romain ROLLAND, Journal des années de guerre, 1914-1919, Albin Michel, 1952 ; Mémoires, Albin Michel, 1956 ; Gandhi, 1924.

Stefan ZWEIG, Romain Rolland : sa vie, son oeuvre, 1921, 1929. 

Nadine-Josette CHALINE, empêcher la guerre, encrage, 2015.

 

 

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16 octobre 2018 2 16 /10 /octobre /2018 11:37

         L'économiste et enseignant français Charles GIDE, théoricien de l'économie sociale, est aussi une figure du pacifisme français. Président du mouvement du christianisme social, fondateur de l'École de Nîmes et membre de la Ligue des droits de l'homme ainsi que de la Ligue pour le relèvement de la moralité publique, il est un héritier du socialisme français associationnisme, dreyfusard et animateur des Universités populaires, théoricien du solidarise, propagandiste de l'association et de la coopération.

 

      Il écrit à partir de 1880 des textes économiques où il se montre critique envers les innovations théoriques de William JEVONS et Léon WALRAS et expose les premiers éléments d'une position qui l'oppose ensuite aux économistes libéraux français, et aborde des thèmes d'économie sociale. 

Il publie les Principes d'économie politique, manuel à travers lequel des générations d'étudiants français prennent contact avec l'économie politique et qui est en son temps un véritable phénomène éditorial avec 26 éditions publiées en France de 1884 à 1931, traductions en 19 langues étrangères. S'il n'est pas réédité en France après sa mort, la carrière de son livre se poursuit, notamment dans le monde anglo-saxon.

    En 1885, auprès d'Auguste FABRE (1839-1922), il fonde l'École de Nîmes. Dans cette ville, il découvre FOURIER et fréquente l'"Abeille" d'Edouard de BOYE, puissante coopérative qui absorbe diverses autres comme la "Solidarité" et la "Renaissance". Ainsi que d'autres associations dont celle du pasteur Charles BABUt : "l'Association des Jeunes amis de la paix" devenue "la Paix par le Droit". Il est convaincu de l'importance de la coopération. Membre dès les débuts de l'Association protestante pour l'étude pratique des questions sociales, il en est le vice-président et intervient fréquemment dans les congrès annuels. Il s'efforce ensuite de mettre en pratique ses théories tout en théorisant sa pratique.

   L'année suivante, il rejoint le mouvement coopératif qui se réorganise alors en France. Il lui donne une doctrine, celle de l'École de Nîmes, rapidement condamnée par des libéraux qui y voient une dangereuse dérive socialiste, et est pourtant considérée par les socialistes comme trop "bourgeoise". Il fonde cette même année 1886 la Revue d'économie politique?

Charles GIDE, qui considère Edouard de BOYVE (1840-1923) comme le principal fondateur de l'École de Nîmes, publie dans le journal l'Émancipation, considéré comme l'organe de cette école, quelques 840 articles de 1886, Ni révoltés, ni satisfaits, à 1931, Une visite à Gandhi. Il y manifeste avec constance, l'effort de tout un courant de pensée pour dégager, entre libéralisme  débridé et toute-puissance de l'État, une voie qui permette à la société de se développer dans un sens à la fois efficace économiquement, moral et respectueux de la liberté individuelles : la solidarité en est la principe, la coopération et l'association les moyens...

    Son domaine d'intérêt s'étend au phénomène associatif en France et à l'étranger, notamment au moment de l'exposition de l'économie sociale de 1889 et pour le pavillon de l'économie sociale dans l'Exposition universelle de 1900. Dans son rapport de 1889, il présente son programme de coopération économique : associer capital et travail, faire du travailleur le propriétaire du fruit de son travail. En trois étapes :

- grouper entre elles les sociétés, fonder de grands magasins de gros et opérer des achats sur une grande échelle :

- utiliser les capitaux rassembler pour produire tout ce qui est nécessaire aux besoins des sociétés ;

- acquérir des domaines agricoles, produite le vin, le blé, le bétail, les fruits et les légumes.

La coopérative de production est pour lui le type même de l'association qui entre dans le cadre de la solidarité. la solution coopérative, dans son esprit, est opposée à la solution socialiste, qu'il juge coercitive. Ses prises de position éloignent nombre de sympathisants de ses idées mais socialistes, et les coopérateurs socialiste quittent l'Union coopérative en 1895. Elle est unifiée en 1912, à l'initiative de Charles GIDE lui-même qui rédige un "pacte d'unité", sur la base d'une indépendant par rapport à la SFIO, mais devient en fin de compte minoritaire dans cette Union/

    Charles GIDE est le théoricien de la solidarité, concept repris ensuite par Léon BOURGEOIS et Émile DURKHEIM. il publie en 1909, l'Histoire des doctrines économique depuis les physiocrates à nos jours, en collaboration avec Charles RIAT, qui est souvent republié, dernièrement chez Dalloz en 2000. 

      Facette moins connue de nos jours de ses activités est son engagement pour la paix en Europe. Président de l'association de la Paix par le Droit, il contribue au rapprochement avec Frédéric PASSY (Société pour l'arbitrage entre les nations). Il agit de concert avec de nombreuses personnalités de la mouvance pacifiste, en faveur de la création d'un Tribunal international pour régler les différends entre les pays et, dès 1893, souhaite une "société des nations". La revue La Paix par le Droit tire à 3 000 exemplaires en 1899, puis double son tirage à la veille de 1914 après sa fusion avec la Revue de la Paix éditée par PASSY. La Paix par le Droit tisse des relations également avec la Ligue des Droit de l'Homme, fondée à l'occasion de l'Affaire Dreyfus, ainsi qu'avec la Ligue de l'enseignement et les loges maçonniques.

En pleine guerre, il fait partie de la cinquantaine de personnalités qui sont à l'origine le 23 janvier 1916, de la Société d'études documentaires et critiques sur la guerre, destinée au début à en rechercher  les origines, mais dont l'activité va être de plus en plus propagandiste. Charles GIDE s'en détache car il ne se reconnait plus dans des débats politiques et passionnels de plus en plus "défaitistes". La Société est interdite le 21 juillet 1917, et pourtant des réunions persistent, l'interdiction étant levée à la suite de l'intervention de Frédéric BUISSON auprès du président du Conseil. Parce que les divergences se creusent, ses réunions sont de plus en plus espacées.

Seulement deux ans après la guerre, Charles GIDE salue l'accueil d'Allemands par la mouvance de SANGNIER, Les soutenir est la meilleur moyen de garantie la paix, tout comme l'entrée de l'Allemagne dans la SDN. Il renoue dans les années 1920 avec la Société d'études documentaires et critiques sur la guerre, en compagnie de nombreuses autres personnalités. En 1925, il figure parmi celles qui, estimant que le Traité de Versailles ne garantit pas la paix, demandent la suppression des articles 227 à 230 de celui-ci. Pour elles, il n'y a pas de désarmement matériel possible sans désarmement moral.

Charles GIDE, Cours d'économie politique, 2 volumes, 1929-1930 ; Le Bilan de la guerre pour la France, avec William QUALID, 1932 ; Charles Gide et l'École de Nîmes, Actes du colloque des 19 et 20 novembre 1993 à Nîmes, Éditions de la Société d'histoire du protestantisme de Nîmes et du Gard, 1995. Henri DESROCHE, Charles Gide. Trois étapes d'une créativité, CIEM, 1982. A. LAVONDÈS, Charles Gide, Un précurseur de l'Europe unie et de l'ONU. Un apôtre de la coopération entre les hommes, Uzès, Éditions La Capitelle. Voir aussi le site Internet qui lui est dédié, par l'Association Charles Gide fondée en 1983, www.charlesgide.fr

Nadine-Josette CHALINE, Empêcher la guerre, encrage, 2015.

 

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