Jean-Marie CHEVALIER, professeur d'économie à l'Université Paris-Dauphine au Centre géopolitique de l'énergie et des matières premières (CGEMP) explique que les batailles autour du pétrole sont permanentes : "batailles pour l'appropriation des ressources, pour l'acheminement du pétrole, pour les parts de marchés sur les produits finis. Batailles aussi pour le partage du surplus pétrolier et l'accaparement de l'argent du pétrole"
L'évolution de l'économie du pétrole
"Si le pétrole, poursuit-il, occupe une place prépondérante dans les grandes batailles de l'énergie, c'est pour trois raisons principales :
- la concentration de la production et des réserves dans la zone du Moyen-Orient,
- la très grande dépendance de l'économie mondiale vis-à-vis du pétrole ;
- et enfin le fait que les enjeux économiques et financiers de l'économie pétrolière sont d'une ampleur sans commune mesure avec l'économie politique des autres sources d'énergie.
En effet, le pétrole est à la fois caractérisé par un coût de production extrêmement bas, avec cependant des différences régionales, et un prix de vente, toutes taxes comprises, qui peut être très élevé du fait de ses usages captifs, notamment dans les transports.
Dans un tel contexte, l'accès aux ressources et la sécurité des approvisionnements pétroliers pour les grands pays industriels importateurs - les États-Unis notamment - sont une priorité absolue. Un siècle d'histoire a montré que nul ne pouvait se permettre de perturber les flux d'approvisionnement."
Après avoir fait état des réserves abondantes concentrées géographiquement mais élastiques, aux prévisions très fluctuantes (sans compter les mobilisations médiatiques pour influer sur les cours du pétrole..), de l'importance en volume du surplus pétrolier (à peu près le PIB de la France), de la dépendance structurelle vis-à-vis de l'or noir, l'auteur mentionne l'évolution de cette dépendance.
"La dépendance d'un pays vis-à-vis du pétrole est une notion complexe qui demande quelques explications. On peut d'abord identifier deux types de pays : les pays exportateurs qui dépendent des ressources financières que leur procure l'or noir ; les pays importateurs qui ont au contraire à régler leur facture pétrolière. Les recettes et les factures dépendent de trois variables : les volumes concernés et leur poids par rapport à la richesse nationale, le prix du pétrole et le taux de change avec le dollar. La dépendance recouvre aussi un aspect qualitatif lié aux activités économiques les plus dépendantes du pétrole.
Après le premier choc pétrolier, on peut dire que la grande majorité des pays exportateurs de pétrole ont accentué leur dépendance vis-à-vis du pétrole ou, plus largement vis-à-vis de leurs exportations d'hydrocarbures. Dans la plupart des cas, ces exportations constituent de loin la principale source de devises et la première contribution aux budgets des États. Après la conquête de leur "indépendance" pétrolière, les gouvernements des principaux pays exportateurs se sont confortablement installés dans leur position rentière. Leurs ressources en hydrocarbures leur permettent d'abord de s'affranchir, au moins en partie, d'une dépendance fiscale vis-à-vis de la population. Cette manne pétrolière peut être très facilement tenue à l'écart de tout contrôle démocratique et distribuée de la façon la plus profitable pour les détenteurs du pouvoir : distribution "massive" sous forme de bas prix des produits énergétiques (carburants, gaz naturel, électricité) et des services sociaux, distribution plus "sélective" pour servir les intérêts plus personnels." Cela veut dire en clair, dans une région réputée auparavant pour ses luttes intestines, l'achat de la paix sociale, des compensations matérielles larges au pouvoir politique confisqué par des dynasties assises auparavant par les anciens pays colonisateurs (notamment à la fin de l'Empire ottoman), la possibilité d'empêcher toute libéralisation politique (notamment envers les travailleurs immigrés souvent présents en masse, envers les femmes, et envers les tribus "minorisées"), dans un contexte religieux déjà défavorable à la démocratie (islam sunnite intégriste, wahhabisme notamment), et cela même si les moyens d'information y font pénétrer des valeurs "occidentales".
"En termes budgétaires, les dépenses improductives ont créé des besoins en partie irréversibles sur le plan social. toute modification des exportations, en prix ou en volume, peut être source de vives tensions sociales internes. (...) Cette situation est d'autant plus malsaine que, dans la plupart des cas, le développement des hydrocarbures a empêché toute diversification industrielle, selon le modèle du Duch disease." A savoir que la manne pétrolière permet d'acheter à l'extérieur des biens manufacturés sans que cela nuise sur le moment aux finances des États concernés... Jusqu'à tout récemment (voir l'exemple du Qatar par exemple, qui change maintenant de plus en plus l'orientation de ses investissements), les gouvernements de ces pays orientaient prioritairement leurs excédents pétroliers dans la construction de monuments grandioses (à la gloire de la religion), dans le déploiement d'une propagande qui fait de la religion musulmane arabe la seule représentée dans les médias, au détriment de la majorité des autres observances de l'Islam, dans l'acquisition d'un parc immobilier ou touristique mondial...
"Les grands pays industrialisés importateurs de pétrole, qui ont réalisé en 1973 à quel point ils en étaient dépendants, ont au contraire cherché à diminuer leur dépendance. La part du pétrole dans la production de valeur ajoutée a beaucoup diminué depuis le premier choc pétrolier. Ceci s'explique par une transformation structurelle de la valeur ajoutée, par une meilleure efficacité énergétique et par une politique de diversification des bilans énergétiques. De ce fait, la facture énergétique extérieure, qui était comprise entre 2 et 5% du PIB après le premier choc pétrolier, est tombée à moins de 1% (en 1999, année de prix pétroliers relativement élevés) chez les grands pays industrialisés. L'économie de ces pays est ainsi moins vulnérable aux chocs pétroliers. En revanche, le secteur des transports, dont le poids dans le PIB a augmenté, reste très dépendant des importations pétrolières. Cette dépendance varie toutefois d'un pays à l'autre si l'on prend en compte le niveau des prélèvements fiscaux et la structure mondiale du secteur des transports. Ainsi, en Europe, compte tenu des taux élevés des taxes sur les carburants, un automobiliste est moins sensible à une augmentation du prix du pétrole brut que ne l'est son homologue américain moins taxé. Par ailleurs, l'importance du transport ferroviaire réduit encore la sensibilités de la dépendance.
Cette évolution inverse des pays exportateurs et des pays importateurs de pétrole a modifié quelque peu le rapport de forces (par rapport à 1973) (...). "(...) face à leur dépendance pétrolière, les pays importateurs peuvent, dans le cadre de leurs politiques énergétiques, utiliser différents instruments pour réduire leur dépendance et maitriser leurs consommations. Le premier outil stratégique est la constitution de stocks de sécurité pour pouvoir répondre immédiatement à une crise relativement courte. Sur ce plan, un système multilatéral de coordination des stocks stratégiques a été mise en place sous l'égide de l'Agence Internationale de l'Énergie. Les autres outils sont : la diversification des bilans énergétiques et des sources d'approvisionnement, la fiscalité, l'accroissement de l'efficacité énergétique (équipements mixtes fuel-gaz-charbon). En matière de diversification, il faut citer le cas français où la construction d'un parc nucléaire important au lendemain du premier choc pétrolier a eu pour effet de porter de 25 à 50% la part de l'énergie produite par ce secteur sur le territoire national.
La situation est toutefois plus difficile chez les pays en développement importateurs de pétrole. La croissance de leur consommation d'énergie est le plus souvent supérieure à leur taux de croissance économique, leur système énergétique peu efficace et la facture énergétique pèsent très lourdement sur leur équilibre commercial et financier. Par ailleurs, ils disposent d'une moindre latitude pour utiliser les instruments qui sont à la disposition des pays industrialisés."
Jean-Marie CHEVALIER détaille la situation des États-Unis (dépendance croissante vis-à-vis des importations, qui explique l'actuelle flambée vers les énergies non conventionnelles comme le gaz de schiste), du Moyen Orient (poudrière où se concentre tous les éléments de conflits armés : contrebande massive, inégalité des conditions de vie, antagonisme israélo-arabe et israélo-palestinien, importance des transferts d'armement et des budgets militaires, antagonismes entre les différentes monarchies, volonté d'acquisition d'armes de destruction massive, vivier d'activités terroristes, intégrismes religieux, absence de démocratie, oppression des travailleurs immigrés et des femmes...) et de la Russie (potentiel immense de ressources énergétiques, accès difficile aux ressources de la mer Caspienne), avant de faire le point sur les marchés du pétrole.
"Jusqu'au deuxième choc pétrolier, en 1979-1980, on pouvait parler du "marché du pétrole" comme d'un marché international, avec un prix de référence, fixé par les compagnies, puis, à partir de 1973, par l'OPEP. Ces prix de référence était celui de l'Arabian light, un pétrole brut standard produit en Arabie Saoudite. Après le deuxième choc pétrolier (...) les marchés pétroliers se sont beaucoup complexifiés, avec notamment l'apparition de contrats à terme sur les bourses de New York (NYMEX) et de Londres (IPE). Depuis cette période, les marchés du pétrole sont à la fois des marchés physiques et financiers.
Sur les marchés physiques, l'achat de pétrole brut ou de produits pétroliers se fait par transaction spot ou par contrat de gré à gré. La transaction porte sur le volume, le prix, le lieu et la date d'enlèvement. Quant aux contrats, ils peuvent prendre les formes les plus diverses quant à la durée, aux volumes et aux formules d'indexation des prix.
Sur les marchés financiers, marchés organisés, le pétrole brut et les produits pétroliers ont donné naissance à des contrats à terme et à des produits dérivés de couverture de risques. des milliers d'opérateurs interviennent sur ces marchés du "pétrole papier" dont le montant des transactions représente environ quatre fois le volume des consommations physiques. Les compagnies pétrolières opèrent sur ces marchés pour couvrir leurs risques prix, mais on y trouve aussi des grands consommateurs (les compagnies aériennes par exemple), les banques d'affaires qui utilisent ces marchés pour proposer à leurs clients des contrats de couverture de risque et se présentent comme des "raffineurs de risques", mais aussi des spéculateurs, des fonds de placement, et bien sûr toute la communauté des traders.
Entre les marchés physiques et les marchés financiers s'établit chaque jour un équilibre instable fondé sur un grand nombre de facteurs. La demande instantanée de pétrole brut et de produits raffinés dépend de la vigueur de la croissance économique, des variations de température, des anticipations de la demande. L'offre, quant à elle, dépend des quotas, plus ou moins respectés, décidés par l'OPEP. Elle peut être durablement perturbée par des événements politiques ou sociaux. Entre l'offre et la demande, il y a enfin de multiples formes de stockage qui sont de nature à tendre ou à détendre les flux." Les formes de stockage qui influe les cours sont, tout à fait en dehors de stockages stratégiques ou des stockage de précautions décidés par les États, les stockages industriels qui correspondent aux besoins de régulation de la filière pour que les installation puissent normalement fonctionner, de l'amont à l'aval et les stockages spéculatifs qui répondent à des arbitrages en fonction des anticipations d'évolution des prix.
Nous voyons là à l'oeuvre pour une matière première clé de l'économie mondiale, le fonctionnement du capitalisme moderne, dont la financiarisation donne encore plus de poids au marchés du pétrole.
Marchés et pseudos-marchés : l'importance des conflits liés aux structures inégalitaires des sociétés
Notre auteur, vu la complexité et l'entrecroisement des "impératifs" énergétiques et financiers, directement branchés sur la spéculation financière, se demande "quel est le degré de concurrence réelle qui prévaut sur ces marchés et s'ils offrent ou non des opportunités de manipulation des prix". Une élément qu'il a certainement en tête mais qu'il n'énonce pas réside dans la vaste bataille de l'information autour non seulement de la production proprement dite, mais surtout sur l'estimation des réserves. Or les découvertes pétrolières constituent autant d'enjeux autour desquels gravitent "dans des propositions inquiétantes", pour reprendre une des formules de notre auteur, "le népotisme, la corruption, les affrontements ethniques, les achats d'armes et les dépenses improductives". Il parle de "véritable malédiction pétrolière" qui "s'abat sur de très nombreux pays pétroliers, en Afrique, au Moyen Orient, dans les républiques d'Asie Centrale, en Amérique latine, en Asie et peut-être aussi en Russie."
Loin de réduire le tableau des marchés pétroliers à un ensemble, même relativement instables, d'équilibres ou de recherches d'équilibres entre offres et demandes physiques et financières, Jean-Marie CHEVALIER inclut dans la problématique économique les réalités politiques et géopolitiques. Les jolis tableaux avec leurs courbes colorées d'évolution des prix camouflent tout un ensemble de conflits où l'argent du pétrole sert des manoeuvres de puissance politique, et parfois militaire, à financer des guerres ou des entreprises de subversion ou de déstabilisation et où ces guerres et multiples entreprises agressives servent à s'assurer le contrôle des réserves et des productions de pétrole. L'argent du pétrole, encore plus lorsqu'il provient de manipulations financières qui souvent en camouflent l'origine (qui peut tracer les négociations financières aujourd'hui?), alimente des guerres civiles parfois très longues (Angola, Soudan, Tchad) (voir Philippe COPINSHI. Rente pétrolière, géopolitique ds conflits, dans Questions internationales, n°2, juillet-août 2003).
Ce qui caractérise globalement le commerce du pétrole, c'est l'absence de relation directe entre les différents coûts d'extraction, de raffinages, de transports et de distribution et les prix finaux demandés aux consommateurs, qu'ils soient publics ou privés. C'est la dépendance directe de ces prix par rapport aux fluctuations des périodes calmes et des crises dans les zones d'exploitation, notamment au Moyen-Orient. Nonobstant l'existence des stocks de différentes natures, nonobstant les coûts réels, les prix fluctuent, dans une ambiance de médiatisation qui s'apparente souvent à de la désinformation. Il suffit qu'une crise éclate - faible, moyenne ou forte, parfois peu importe, pour que les distributeurs demandent un prix plus élevé aux consommateurs, notamment individuels qui, constatant cela, orientent leurs critiques vers des distributeurs (finaux), les pompistes individuels, qu'ils soient indépendants ou appartenant à une grande société. Les États, devant une certaine colère de la population s'efforce alors d'exercer un contrôle sur ces prix, les catégories les plus menacées dans leur niveau de vie étant alors, non les membres des compagnies pétrolières ou les gouvernements exportateurs, mais la myriade de ces distributeurs, souvent sans défense sociale réelle (absence de syndicalisme puissant, comportements économiques individualistes d'artisans...), sans compter qu'en fin de compte les consommateurs individuels paient une grande partie de la note. Si dans les pays développés, cette colère reste restreinte dans le cade de débats circonscrits à la politique économique du gouvernement, il n'en est pas de même dans les pays en voie de développement (anciennement appelés pays du Tiers-Monde). Cette colère peut, attisée par des conflits préexistants à caractère social ou plus souvent ethnique, voire religieux, dégénérer en révoltes violentes, voire en combats armés, souvent en massacres de populations, restreints ou étendus. La précarité des conditions de vie dans certains régions du Sud entraine d'ailleurs l'existence de véritables marchés clandestins de pétrole (souvent à l'échelle très localisée, rarement à l'échelle d'une région) où les trafiquants de tout genre s'approvisionnent aux pipe-lines ou aux tankers (avec tous les risques d'accident que cela suppose...).
Hormis la question du coût des transports (automobiles particulières) ou de chauffage dans les pays occidentaux, la question de l'énergie secondaire (électricité notamment) n'étant que peu reliée dans les esprits au pétrole, l'attention se focalise sur les causes les plus directes et les plus visibles des surcoûts de consommation - les médias ne faisant pas beaucoup d'efforts pour relier la macro-économie à la micro-économie... - reléguant à un horizon indéfinissable la problématique des véritables ressorts des crises pétrolières. Accuser les États du Golfe Persique est bien commode pour les société pétrolières qui profitent ainsi de ce détournement d'attention. En matière d'énergie, le sommet de l'escroquerie intellectuelle et de l'escroquerie tout court est atteint quand, un acte de terrorisme (qui en lui-même est suffisamment horrible...) sert de prétexte à une intervention militaire (les guerres du Golfe...) afin d'influencer sur les équilibres géopolitiques d'une région. L'élimination de l'Irak comme acteur majeur a effectivement changé la donne, en premier lieu pour les acteurs économiques majeurs du secteur pétrolier...
La limitation, sans cesse reculée, de l'offre pétrolière, l'évaluation toujours renouvelée des réserves, soit avec de nouvelles découvertes, soit avec des perfectionnement techniques qui permettent d'exploiter de manière plus performante les puits existants, jointe aux perspectives de plus en plus dramatiques des changements climatiques, changent les perspectives économiques et stratégiques. Si la relance de l'exploitation d'énergies fossiles (par exemple par l'exploitation de gaz de schiste, elle-même prétexte à des mouvements spéculatifs) prolonge l'ère de ces énergies fossiles, la prise de conscience de plus en plus importante de l'incidence de cette exploitation sur l'environnement, amène à développer des énergies alternatives de manière accrue. Énergies non fossiles ou assimilées comme telle (on y inclut souvent l'énergie nucléaire), énergies renouvelables (énergie hydro-électrique, solaire, éolien...) constituent de plus en plus les secteurs à investissement croissant, quoique le rythme de leurs développements restent freinés par des intérêts convergents puissants : États exportateurs de pétrole, sociétés pétrolières, industries de raffinage, financiers de tout genre opérant dans le secteur des énergies fossiles se liguent d'une certaine manière, après avoir nier les incidences de l'activité humaine sur le climat, pour que, dans cette course aux énergies, le secteur des énergies fossiles dure le plus longtemps possible.
Le développement des connaissances sur les problématiques de l'énergie
Dans cette évolution en profondeur du secteur de l'énergie, les sciences sociales prennent de plus en plus en compte ces problématiques. Dernières nées des sciences sociales ou des géopolitiques, les sociologies et géopolitiques des énergies sont appelées à prendre une place de plus en plus grande, reliant comme beaucoup savent maintenant le faire, des apports de l'ethnologie, de l'anthropologie, de l'histoire des religions, de la stratégie, de le géopolitique, de l'économie et d'autres branches des sciences sociales... C'est pourtant depuis longtemps qu'une partie de la classe politique et du monde associatif, en France, en Europe et aux États-Unis a relié les problématiques de l'énergie et les problématiques politiques.
Les réflexions actuelles ne reprennent pas toutes ces préoccupations, notamment le lien entre démocratie et énergie, et l'absence d'alternatives économiques au capitalisme actuel (en tant que forces politiques majeures sur le plan des idées et sur le plan du pouvoir) laisse craindre que l'on se dirige plutôt vers un nouveau capitalisme "vert", qui reprenne les mauvaises habitudes de spéculation financières, cette fois branchées sur les nouvelles énergies. Bien qu'il existe une certaine difficulté de compatibilité entre gestion raisonnée des énergies et spéculation capitaliste, de nombreuses voix s'expriment pour un tel nouveau capitalisme. A contrario, si nous voulons parvenir à une économie d'énergies renouvelables se substituant aux énergies fossiles, il est difficile de faire l'impasse sur une véritable refondation de l'économie qui réduise drastiquement les marges de manoeuvres du secteur financier. L'enjeu énergétique est aussi un enjeu politique : seules des entités politiques représentatives, à quelque niveau que ce soit, mais l'action des États et des organisations internationales inter-étatiques, et des organisations Non-Gouvernementales constitue le plus sûr moyen d'y parvenir encore aujourd'hui, sont à même de mener une transition écologique au sens plein du terme.
Le secteur de l'énergie, comme celui de la finance, constitue un des secteurs où les conflits entre États et sociétés privées risque d'être le plus déterminant dans l'avenir.
Seules des institutions représentatives peuvent contribuer à les résoudre dans un sens favorable... Pourquoi représentatives, car seuls des entités représentatives auront la confiance suffisante des populations pour mener cette transition, et seules des entités qui possèdent le sens collectif peuvent avoir une vision des choses globales, bien plus que les sociétés privées, par essence recherchant d'abord les profits immédiats ou futurs, pour eux-mêmes (directions, actionnaires et employés compris). Même si, comme aux États-Unis, certaines fondations privées, dont certaines dépassent en masse financière des États, vu l'absence d'initiatives de ces États, tentent de peser sur les choix techniques et politiques.
Géoéconomie n°38, Été 2006, Les guerres du pétrole ; Jean-Marie CHEVALIER, Les grandes batailles de l'énergie, Gallimard, 2012.
ECONOMIUS
Relu le 29 mai 2021