Le philosophe, historien, économiste, journaliste, théoricien de de révolution, socialiste et communiste allemand Karl Heinrich MARX est le fondateur avec Friedrich ENGELS du marxisme. Connu pour sa conception matérialiste de l'histoire, son analyse des rouages du capitalisme et de la lutte des classes, comme pour son activité révolutionnaire au sein du monde ouvrier, il marque l'ensemble des acteurs des mouvements socialistes de l'empreinte de sa pensée. Membre dirigeant de l'Association Internationale des Travailleurs (Première Internationale), il a une grande influence à la fois sur la manière de mener l'action révolutionnaire et sur le développement ultérieur des sciences humaines et sociales. Ses travaux ont marqué de façon considérable le XXe siècle, au cours duquel de nombreux mouvements révolutionnaires et intellectuels se sont réclamés ou appuyés sur sa pensée.
Plus d'un siècle après sa mort, Karl MARX apparait bien comme le premier théoricien du "socialisme scientifique" (expression utilisée avant lui par PROUDHON) et, à ce titre, comme l'initiateur du mouvement ouvrier international contemporain. Toutefois, la présentation de sa théorie (comme de sa vie d'ailleurs) n'a cessé d'être l'enjeu de luttes idéologiques, donc, en dernières instance, politiques. Ces luttes apparaissent dès la période de sa propre activité ; elle continuent dans la deuxième période de l'histoire du mouvement ouvrier, celle de la formation des partis socialistes de masse et de la IIe Internationale ; dans la troisième période , celle du développement de l'impérialisme et de la révolution soviétique ; et dans la quatrième, la période actuelle, celle de la généralisation des luttes révolutionnaires à l'échelle mondiale, des scissions du mouvement communiste international et de la crise du "socialisme réalisé". Cette périodisation en vaut sans doute une autre ; une chose est sûre, c'est que les luttes portées par le marxisme de manière général ont encore une histoire devant elles...
Il importe, pour comprendre ces luttes, de remonter à leur signification pratique.
Ainsi en est-il des controverses qui portent sur la nature et le sens de la philosophies qi "fonderait" la théorie et la pratique du marxisme : hégélienne? anti-hégélienne? Matérialisme naturaliste, où l'histoire humaine apparait comme le prolongement de l'évolution biologique et même géologique, où les lois de l'histoire sont des cas particuliers d'une dialectique universelle de la nature? Ou bien philosophie humaniste, fondée sur la critique de toutes les aliénations de la société bourgeoise, sur l'idéal éthique d'une libération de l'homme, sur l'irréductibilité créatrice de la pratique historique? Mais la théorie de Marx est-elle au juste fondée sur une philosophie?
Ainsi est-il également des controverses qui porte sur le rôle de Marx dans l'histoire du mouvement ouvrier, et en particulier dans la Première Internationale, donc sur le sens des luttes de factions qui s'y sont déroulées et les circonstances de sa dissolution. Marx a-t-il été en quelque sorte l'invité du mouvement ouvrier? A-t-il introduit de l'extérieur dans le mouvement ouvrier une théorie forgées en tant qu'observateur (et non participant) des événements historiques? A-t-il su, par une tactique souple, faire triompher dans le mouvement ouvrier sa tendance contre d'autres, en attendant que leur conflit conduise à la scission? Ou bien a-t-il été le véritable créateur de l'Internationale, a-t-il exprimé les tendances profondes du mouvement, en facilitant le processus, en se faisant l'interprète de l'histoire pour instruire et guider les dirigeants de la classe ouvrière?
En fait, dans ces questions philosophiques comme dans ces questions historiques, il s'agit d'un même paradoxe : ce que Marx semble apporter du dehors du mouvement du prolétariat, c'est en réalité une idéologie prolétarienne de classe, autonome. Au contraire, les porte-paroles autochtones du prolétariat n'ont d'abord été, en fait que des représentants de l'idéologie petite-bourgeoise. C'est en ce sens très particulier que le marxisme a été importé dans la classes ouvrière par l'oeuvre d'un intellectuel : cette importation est le même processus que celui par lequel le prolétariat trouve les formes d'organisation qui commandent son rôle historique dans la lutte des classes. Et, par conséquent, ce sont, pour chaque époque, les conditions pratiques permettant ou empêchant la fusion de la théorie révolutionnaire et du mouvement ouvrier qui sont en jeu dans l'interprétation de l'oeuvre de Marx et de son rôle. (Étienne BALIBAR, Pierre MACHEREY)
Des études séculières au cercle des hégéliens de gauche
Issu d'une famille (hollandaise) respectueuse de sa tradition juive et observant après conversion la foi luthérienne, mais ne recevant pas une éducation religieuse ni n'entrant dans une école juive ou chrétienne, Karl MARX, baptisé en 1824 dans le luthérianisme, n'est pas élevé de façon religieuse et ne subit donc pas, sauf de manière indirecte, dans une société imprégnée du religieux. Il entre au Gymnasium Friedrich-Wilhelm de Trèves en 1830. Après avoir obtenu son Abitur, il entre à l'université, d'abord à Bonn en octobre 1835 pour étudier le droit et reçoit un certificat de fin d'année avec mention de "l'excellence de son assiduité et de son attention", puis à Berlin à l'université Friedrich-Wilhelm à partir de mars 1836 où il se consacre davantage à l'histoire et la philosophie. Il finit ses études en 1841 par la présentation d'une thèse de doctorat : Différence de la philosophie de la nature dans Démocrite et Épicure. Marx est reçu in absentia docteur de la faculté de philosophie de l'Université d'Iéna en avril 1841.
A Berlin, il s'engage auprès des "hégéliens de" gauche", ou "jeunes hégéliens" aux relations diverses quoique attentives avec la philosophie de HEGEL, qui cherchent à tirer des conclusions athées et révolutionnaires de celle-ci.
L'hégélien de gauche Ludwig FEUERBACH s'était lancé dans une critique de la théologie à partir de 1836 et avait commencé à se tourner vers le matérialisme (par opposition à l'idéalisme religieux). En 1841, cette orientation matérialiste prend le dessus dans sa philosophie (L'essence du christianisme) et se combine avec la dialectique dite idéaliste de HEGEL pour lui donner un caractère scientifique et historique saisissant le réel dans la logique de son évolution. Cette position se heurte à la politique du gouvernement prussien qui avait enlevé à FEUERBACH se chaire en 1832, puis lui avait interdit de revenir à l'université en 1836. Pour finir, les mêmes autorités interdisant à Bruno BAUER, autre grand e figure de l'hégélianisme de gauche, d'enseigner à Bonn en 1841. MARX, après avoir obtenu son diplôme universitaire, part pour Bonn avec l'espoir d'y devenir professeur. Mais face à cette politique du gouvernement, il abonne l'idée d'une carrière universitaire.
Au journal d'opposition Rheinische Zeitung
Au début de 1842, certains bourgeois libéraux de Rhénanie, au contact avec les hégéliens de gauche, créent à Cologne un journal d'opposition au clergé catholique, le Rheinische Zeitung (Gazette Rhénane). Il s'agissait au départ, dans l'intérêt de la Prusse protestante, de faire pièce à la Gazette de Cologne et à ses points de vue ultra-montains, mais les rédacteurs développent en fait une "tendance subversive", beaucoup plus indépendante et radicale. Ils proposent à MARX et Bruno BAUER d'en devenir les principaux collaborateurs. MARX s'installe dans un premier temps à Bonn, et écrit plusieurs articles pour défendre la liberté de la presse. Moses HESS participe également au journal. En octobre 1842, MARX en devient le rédacteur en chef et s'installe à Cologne.
La tendance démocratique révolutionnaire du journal s'accentue sous la direction de MARX. Le gouvernement réagit en lui imposant une double, voire une triple censure avant de l'interdire le 1er janvier 1834. MARX est contraint de démissionner avant, mais cela ne sauve pas le journal, obligé de suspendre sa publication en mars 1843.
L'un des principaux articles de MARX dans le Reinische Zeitung est celui consacré aux conditions de vie des vignerons de la vallée de la Moselle. Ce reportage, ainsi que l'ensemble de ses activités journalistiques, lui fait prendre conscience de ses insuffisances en matière d'économie politique et le pousse à se lancer dans une étude en profondeur de celle-ci.
Annales franco-allemandes
Après son mariage en 1843, MARX, fuyant la censure prussienne gagne Paris à l'automne. L'histoire étant aussi l'histoire de familles, on mentionnera que le frère de son épouse, amie d'enfance, Jenny von Wesphalen, appartient à la noblesse rhénane. Ce frère aîné devient ministre de l'intérieur du royaume de Presse au cours d'une des périodes les plus réactionnaires que connut ce pays, de 1850 à 1858. Paul LAFARGUE, socialiste français, montre dans son Souvenirs de Karl MARX, combien les relations entre certains leaders du socialisme européen sont liées à des rencontres non seulement professionelles ou politiques, mais aussi personnelles et intimes. Se croisent ainsi les parcours de Paul LAFARGUE (fondateur avec Jules GUESDE du parti socialiste de France, parti qui fusionne plus tard le parti du même nom de Jean JAURÈS, pour former avec d'autres petits partis, la SFIO). Une des filles de MARX, Jenny CAROLINE (1844-1883), épouse en 1872 Charles LONGUET, personnalité de la Commune de Paris, dont l'union donne naissance à Jean LONGUET, qui eut un rôle déterminant dans le Congrès de Tours de 1920, dans l'opposition à LÉNINE et au SFIC, futur PCF. MARX entretient des relations parfois conflictuelles avec ces deux gendres. On imagine l'ambiance, entre convictions politiques et obligations familiales... Les relations, plus tard, entre MARX et ENGELS sont marquées elles aussi par des croisements d'ordre autant intimes (d'amitié) que littéraires et politiques.
C'est en pleine amorce de ces relations familiales qu'en 1843, il s'installe avec sa femme en novembre, rue Vaneau à Paris, près d'autres réfugiés allemands. Son projet est de publier un journal radical à l'étranger avec Arnold RUGE (1802-1880). Un seul numéro des Annales franco-allemandes est édité. La publication s'interrompt du fait des grosses difficultés dans la distribution clandestine du journal en Allemagne et aussi par suite de désaccords entre MARX et RUGE. Les articles de MARX montrent que celui-ci se positionne déjà comme un révolutionnaire défendant une "critique impitoyable de tout l'existant" comptant sur les masses et le prolétariat pour changer l'ordre des choses, et non plus sur quelques dirigeants éclairés. La publication des Principes de la philosophie de Ludwig FEUERBACH lui fait une forte impression.
Rencontre avec ENGELS
En septembre 1844 à Paris il revoit Friedrich ENGELS qu'il n'avait fait que croiser auparavant. Début d'une grande amitié et d'un grand travail intellectuel commun. Étudiant par lui-même la philosophie, ENGELS était devenu partisan de HEGEL tout en rejetant le soutien que celui-ci avait apporté à l'État prussien. En 1842, il avait quitté Brême pour prendre un poste dans une firme commerciale de Manchester dont son père était l'un des propriétaires. Là, il avait rencontré la misère prolétarienne dans toute son ampleur et en avait étudié systématiquement les conditions (La conditions des classes laborieuses en Angleterre, 1845).
Peu après leur rencontre, MARX et ENGELS travaillent de concert à leur première oeuvre commune, La Sainte Famille, dans laquelle ils s'attaquent à la philosophie critique de Bruno BAUER dont ils avaient été proches. Vient ensuite L'idéologie allemande (essentiellement écrite par MARX), principalement axée autour d'une critique très virulente de Max STIRNER intitulée "Saint Max" et qui occupe près des deux tiers de l'ouvrage. Le livre défend une conception matérialiste de l'Histoire qui dépasse la conception du matérialisme de FEUERBACH. Par une critique sévère de STIRNER, les deux auteurs marquent une rupture non seulement avec FEUERBACH, mais également avec PROUDHON. Mais l'ouvrage ne trouve pas d'éditeur, et il ne sera publié que près d'un siècle plus tard, éclairant du coup le parcours intellectuel de MARX. Dans ses Thèses sur Feuerbach, court texte retrouvé dans le même manuscrit, MARX écrit (Thèse IX) : "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de diverses manières ; ce qui importe, c'est de le transformer".
Misère de la philosophie : critique de PROUDHON
MARX et ENGELS prennent une part active dans la vie alors bouillonnante des groupes révolutionnaires parisiens. Une majorité d'entre aux étaient particulièrement influencés par les doctrines de PIERRE-Joseph PROUDHON qui est alors une sorte de conseil juridique d'une entreprise de péniches que d'anciens amis de collège avaient créé à Lyon. MARX, comme beaucoup d'autres, étaient admiratif pour ce philosophe, comparant son ouvrage illustre Qu'est-ce que la propriété, (1840) à celui de SIEYÈS Qu'est-ce que le Tiers-État? Ils se rencontrent fin 1844 ou début 1845 lors d'un séjour de PROUDHON à Paris. Mais MARX doit quitter la France le 1er février 1845, suite à un décret d'expulsion. Dans une lettre du 5 mai 1846, il invite PROUDHON à se joindre à un projet d'association internationale d'intellectuels socialistes, mais ce dernier émet des réserves au son d'une fin de non-recevoir. Lorsqu'en octobre parait le Système des contradictions économie ou Philosophie de la misère, MARX en fait une critique très sévère dans son Misère de la philosophie. L'avant-propos montre le caractère polémique et ironique du style de MARX, qui sera dépassé d'ailleurs par toute une cohorte d'écrivains communistes au siècle suivant, mélangeant avec bonheur attaques personnelles et propos politiques. De retour, PROUDHON juge sévèrement Misère de la philosophie, comparant MARX à un parasite (Marx est le ténia du socialisme), sentiment tiré directement des tentatives de MARX et d'ENGELS (et de leurs amis) à donner à leurs réflexions une portée supérieure avec son soutien. Chassé de France, MARX arrive alors à Bruxelles. Dans sa maison, à Ixelles, qu'il occupe d'octobre 1846 à février 1848, il accueille presque tous les opposants politiques. Il participe à l'Association démocratique de Bruxelles, dont il est élu vice-président.
Au printemps 1847, MARX et ENGELS rejoignent un groupe politique clandestin, la Ligue des communistes. Ils y prennent une place prépondérante lors de son second Congrès à Londres en novembre 1847. A cette occasion, on leur demande de rédiger le Manifeste de la Ligue, connu sous le nom de Manifeste du Parti communiste, qui parait en février 1848.
Révolutions de 1848
A l'éclatement de la révolution française de février 1848, MARX quitte la Belgique pour revenir à Paris. Avec l'extension de la révolution à l'Allemagne, il part pour Cologne pour y devenir rédacteur en chef de la Neue Rheinische Zeitung (La Nouvelle Gazette rhénane) publiée du 1er juin 1848 au 19 mai 1949. Avec la victoire de la contre-révolution, MARX est poursuivi devants les tribunaux, notamment pour avoir publié dans la Gazette une proclamation du révolutionnaire en exil Friedrich HECKER. Il revendique devant les jurés "le premier devoir de la presse" (miner toutes les bases du système politique actuel). Acquitté en février 1849, il est expulsé de France le 16 mai, bien qu'il soit prussien.
Il retourne à Paris dont il est de nouveau chassé après la manifestation du 13 juin. Il part ensuite pour Londres où il réside le restant de ses jours. La vie de MARX en exil est extrêmement difficile comme en témoigne sa correspondance. Le soutien financier d'Engels, également installé en Angleterre, lui permet de survivre. Malgré ce soutien, MARX et sa famille doivent faire face à une extrême misère (maladie, sous-alimentation). Il reste toutefois acharné au travail et écrit encore une série de 7 articles, rassemblés sous le titre Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, décrivant les débuts de la Deuxième République française et son évolution vers le coup d'État du 2 décembre 1851 aboutissant au Second Empire. Jusqu'à la fin de l'année 1862, alors qu'il entame la rédaction du Capital, sa situation reste critique malgré l'aide d'ENGELS, lui-même en difficulté financière en raison de la crise américaine, et de son oncle Lion PHILIPS qui lui consente une avance sur héritage. En 1864, sa situation s'améliore grâce à l'héritage de sa mère, mais le train de vie de la famille MARX reste d'un niveau modeste.
New York Tribune
Il consacre une grande partie des années 1850 à rédiger des centaines d'articles "alimentaires" pour des journaux comme le New-York Tribune, tout en se livrant à des recherches approfondies en économie, histoire, politique, etc. Les articles du New-York Tribune étaient toute une "guerre secrète" contre Henry Charles CAREY. Dans le même temps, il reste en correspondance avec les révolutionnaires du continent et rédige des brochures politiques en lien avec l'actualité. Il passe aux yeux des gouvernants prussiens pour le chef d'une organisation de conspirateurs, alors que la Ligue des communistes n'existe plus depuis son auto-dissolution en 1852. En fait, il est isolé. Sa situation économique précaire ralenti son travail.
Retour aux écrits politiques
Ce n'est pour cela d'ailleurs qu'il achève et ne publie sa Contribution de l'économie politique qu'en 1859. Y sont présents tout les éléments essentiels, en particulier la loi de la valeur, du Capital. MARX écrit à cette époque : "Je ne pense pas qu'on ait jamais écrit sur l'argent tout en en manquant à ce point".
En 1859, il sort de son isolement politique pour participer au journal germanophone Das Volk, en lien avec les regroupements qui s'opèrent dans le mouvement ouvrier allemand et qui vont déboucher sur la constitution par Ferdinand LASSALLE du premier véritable parti ouvrier allemand (l'ancêtre du SPD). En 1867, il publie enfin, après plus de vingt ans d'un travail harassant, la première partie de son ouvrage Le Capital. Il part à Hambourg à cet effet. Mais le livre sort dans l'indifférence, les mille exemplaires publiés mettront 4 ans à être écoulés. Il continue son travail pour achever les deux tomes prévus suivants, mais malade et manquant de temps, il ne laisse que des brouillons inachevés, qui sont ensuite mis en forme, achevés et publiés par ENGELS.
L'Internationale des travailleurs
En 1864, il rédige l'Adresse inaugurale de l'Association Internationale des Travailleurs, qui se fonde alors. Cette adresse devient l'âme de cette Première Internationale. Tout l'effort de MARX dans la rédaction de cette inauguration tend à unifier le mouvement ouvrier qui connait toutes sortes de formes de regroupements se réclamant du socialisme sur des bases diverses et contradictoires (MAZZINI en Italie, PROUDHON en France, plus tard Michel BAKOUNINE en Suisse, syndicalisme britannique, lassaliens en Allemagne...). C'est pour interduire le cogrès de Genève de l'AIT que MARX rédige ce qui reviendra plus tard son livre Salaire, prix et profits.
La Commune de Paris est écrasée en 1871. MARX rédige un texte qui est adopté par l'Internationale : La Guerre civile en France. Karl MARX tire la conclusion que le prolétariat ne peut pas se contenter de s'emparer de la machine d'État pour la faire fonctionner à son profit : il devra la détruire de fond en comble. Marx salue la nouvelle démocratie apparue avec la Commune : le principe de l'éligibilité et la révocabilité des responsables à tous les niveaux de la société (exécutif, législatif, judiciaire). Ce texte fait grand bruit, et le nom de l'auteur est alors révélé : Karl MARX acquiert pour la première fois une certaine renommée, y compris au sein du mouvement ouvrier dans son ensemble.
Dès l'année suivante, d'importantes divergences apparaissent au sein de l'Internationale. La dégradation des relations entre MARX et BAKOUNINE se manifeste par des exclusions. Une scission se dessine. S'y ajoute la quasi-disparition du mouvement ouvrier en France du fait de la violente répression de la Commune. L'AIT cesse pratiquement d'exister en Europe (une partie importante des militants de l'Internationale préfère suivre les principes fédéralistes prônés notamment par BAKOUNINE). Le Conseil général de l'AIT passe de Londres à New York et une internationale ouvrière fédéraliste se constitue la même année.
Retour de nouveau au travail d'écriture
Sa santé déclinante oblige MARX à laisser ENGELS s'occuper à suivre les développements du SPD, et à se concentrer sur l'achèvement du Capital, même si en 1875, il écrit une critique très sévère du programme de Gotha du parti. Pour cela, il collecte une masse considérable de nouveaux matériaux, et, en plus des langues vivantes qu'il maitrisait déjà (français, anglais, italien et allemand) apprend le ruse. Toutefois, il ne peut l'achever.
Les idées de MARX gagnent en notoriété et en influence dans les milieux socialistes, grâce entre autres au travail de vulgarisation accompli par Paul LAGARGUE, gendre de MARX. Même si lui-même n'est pas très convaincu par le messianisme révolutionnaire et utopiste des disciples du marxisme, au point de considération que si ces textes sont du marxisme, alors il n'est pas marxiste. Il continue d'écrire et apporte son soutien à cette vulgarisation jusqu'à sa mort.
Une influence multiforme, tant dans le domaine politique que dans les disciplines scientifiques
Les notions et les développements accordés à autant de sujets comme la critique de l'économie politique, les origines du capitalisme, le travail et la propriété privée, la consommation et la production et leurs cycles, la consommation des différentes productions, la théorie de la valeur, l'argent, la monnaie et la richesse, l'idéologie et la domination, la religion (MARX se revendique athée), la démocratie bourgeoise, l'aliénation dans le travail, l'argent et la morale, la théorie du prolétariat... font partie d'un corpus que nombre d'auteurs s'approprient ou rejettent. Durant tout le long du XXe siècle notamment, toutes ces réflexions forment une grande partie des discussions dans les partis et mouvements politiques, dans le monde académique et dans l'opinion publique en général... avant de connaitre une éclipse due à l'examen des résultats produits par des régimes politiques qui se réclamaient ou qui se réclament encore du marxisme ou qui se disaient ou se disent communiste.
Pourtant, il n'existe pour le moment pas encore d'édition exhaustive des écrits de Karl MARX. Il semble que tous ne soient pas encore au jour. L'édition la plus complète en allemand est la "MEGA" (Marx-Engels-Gesamtausgabe), initiée par David RIAZANOV, toujours en cours (notamment sur Internet).
L'édition la plus complète en français, bien qu'inachevée et même faisant l'objet de critiques à divers niveaux, est constituée des quatre tomes publiés dans la Bibliothèque de la Pléiade par Maximilien RUBEL. Ces critiques portent sur un certain manque de rigueur philologique "manifeste" de cette édition (GRANJONC, BLOCH...), RUBEL coupant et choisissant des extraits suivant des préférences politiques, même si il a permis de connaître des textes oubliés ou censurés jusqu'alors. C'est ce genre de travers que s'efforcent d'éviter les artisans d'une vaste édition disponible sur Internet, la MEGA, toujours en cours. (Jean-Numa DUCANGE, préface de Vie de Karl Marx, de Franz MEHRING (1918), édition traduite, annotée et commentée par Gérard BLOCH, Page2/Syllepse, 2018). Les éditions sociales, sous le pilotage du Parti Communiste Français, n'ont pas réalisé le projet d'une édition complète des oeuvres de Karl MARX.
On partage habituellement son oeuvre entre les ouvrages écrits avec ENGELS et ceux qu'il a écrit seul.
Karl MARX, Oeuvres philosophiques, Paris, A. Costes, "Oeuvres complètes de Karl Marx", 1929-1931, en 9 volumes, réédition Paris, Champ libre, 1981, en 2 volumes ; Oeuvres politiques, (Riazanov éditeur), "Oeuvres complètes de Karl Marx", 1929-1931, en 8 volumes ; Oeuvres, (Rubel éditeur), Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1956-1994, en 4 volumes.
A propos de la question juive, édition bilingue, Paris, Aubier Montaigne, "Connaissance de Marx, 1971 ; Contribution à la critique de l'économie politique, Paris, Éditions sociales, 1957 ; Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, Paris, Aubier Montaigne, 1971 ; Critique de l'État hégélien/ Manuscrit de 1843, Paris, Union Générale d'Éditions, 10/18, 1976 ; Fondements de la critique de l'économie politique (Grundrisse), Ébauche de 1857-1858, Paris, Anthropos, 1967-1968, en 2 volumes ; La guerre civile en France, 1871 (la commune de Paris), édition nouvelle accompagnée des travaux préparatoires, Paris, éditions sociales, 1968 ; Le Capital, Critique de l'économie politique. Livre premier. le développement de la production capitaliste, Paris, Éditions sociales, 1948-1950, réédition 1971 ; La Capital, critique de l'économie politique. Livre deuxième. Le procès de circulation du capital, Paris, Éditions sociales, 1952-1953, en volumes (ENGELS éditeur) ; Le Capital, Critique de l'économie politique. livre troisième. Le procès d'ensemble de la production capitaliste, Paris, Editions sociales, 1957-1960 (ENGELS éditeur) ; Le Capital, Critique de l'économie politique, Paris, Éditions sociales, 1976, en 3 volumes ; Manuscrits de 1844, Économie politique et philosophie, Paris, Éditions sociales, 1962 ; Misère de la philosophie. Réponse à la Philosophie de la misère de M. Proudhon, Paris, Éditions sociales, 1968, réédition en 1977 ; Théories sur la plus-value. Livre IV du Capital, Paris, Editions sociales, 1974-1976.
Avec ENGELS, Écrits militaires, Violence et constitution des États européens modernes, Paris, L'Herne, "Théorie et stratégie", 1970 ; L'idéologie allemande. Critique de la philosophie allemande... Paris, Éditions sociales, 1967-1971, en 3 volumes ; Manifeste du Parti Communiste, édition bilingue, Paris, Aubier Montaigne, , 1971, une des nombreuses rééditions : éditions sociales, 1983 ; Anti-Dühring, 2e édition, Paris Éditions sociales, 1956, 3e édition en 1971.
Cette liste n'est évidemment pas exhaustive : outre les éditions en langues diverses, il existe en édition une abondante correspondance MARX-ENGELS, des anthologies de différents textes des deux fondateurs du marxisme (notamment sous la direction de RUBEL ou de DANGEVILLE) et une mutitude d'ouvrages reprenant ces textes...
On consultera avec profit le livre de Franz MEHRING, Vie de Karl Marx (re)publié aux éditions Syllepse et Pages2, en 2 volumes. Et indispensable, le site MEGA sur Internet...
Étienne BALIBAR et Pierre MARCHEREY, Karl Marx, Encyclopedia Universalis, 2014.
/image%2F1416924%2F20210524%2Fob_6a4c60_vie-de-k-m.jpg)