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18 avril 2015 6 18 /04 /avril /2015 09:11

    La fiscalité, les impôts de toute nature, loin d'être simplement une technique de collecte de ressources et de redistribution des revenus, se situe au coeur des conflits économiques et sociaux.

Son histoire, que l'on peut faire remonter à l'Antiquité et aux tributs, est souvent confondue avec la constitution et le maintien de l'État. Mais, si cette constitution est nécessairement liée au développement de la fiscalité, les origines lointaines de l'impôt se situent dans la recherche lancinante de moyens moins violents que les rapines et les pillages (notamment des villes) d'accaparement des richesses. La fiscalité, comme la géographie sert d'abord à faire la guerre, tant l'argent est effectivement son nerf, et le processus qui mène à des organisations territoriales permanentes est relativement long et semé de retours en arrière. Il s'agit d'abord pour les vainqueurs de guerres de faire perdurer leurs conquêtes. Si les moyens symboliques pour ce faire sont déployés avec force (avec la manipulation de la foi populaire et des religions par exemple), les moyens matériels le sont tout autant. D'ailleurs, les techniques fiscales de collecte sont impuissantes sans une acceptation, un consentement, de l'impôt, même par les populations riches ou pauvres qui peuvent le trouver injustes.

C'est pourquoi l'histoire de la fiscalité est en même temps une histoire culturelle et une histoire de techniques. Il faudra attendre longtemps avant que l'impôt soit un moyen de redistribution des richesses et de justice économique. Ce n'est guère que depuis les Temps Modernes qu'en Occident cela existe, mais cela ne doit pas nous faire négliger que l'impôt, et cela en Chine par exemple bien plus longtemps qu'avant l'Occident, est, dépassant sa fonction première d'expropriation, le moyen de concentrer suffisamment de richesses pour construire les villes, entretenir les routes, payer des fonctionnaires de toutes fonctions, notamment des fonctions régaliennes (police, justice...) d'État. Les empires qui persistent dans la durée sont avant tout, et même devant la technique militaire, ceux qui savent collecter et utiliser l'impôt. La fiscalité est tellement liée au destin de l'État que lorsque la majorité ou les plus riches citoyens s'en défont, celui-ci dépérit tout simplement.

C'est pourquoi l'ampleur même des fraudes fiscales, notamment des entreprises, menace aujourd'hui l'existence même de l'entité étatique. A partir du moment où des entreprises deviennent, souvent par ce fait, plus riches que des États, on peut se demander si le monde ne se re-féodalise pas. Un élément qui penche en faveur de cette hypothèse de travail réside dans l'orientation du circuit des richesses. Indice : les sociétés d'assurances drainent vers les différents marchés financiers beaucoup plus de ressources que les rentrées fiscales, tous chiffres confondus, dans le monde entier. 

   C'est toutes ces problématiques qui rendent vitales l'étude des relations entre fiscalité et conflit. Pour établir ces relations, il convient de sérier un certain nombre de questions, parmi lesquelles jamais ou très peu posées :

- Quels objectifs visent ces impôts? Appropriation, exploitation à long terme, expropriation, affaiblissement durable de l'ennemi, collecte de fonds à titre de construction, reconstruction, maintient de villes ou d'infrastructures (de circulation ou d'approvisionnement en eau par exemple), financement des armées, règlement de dettes, maintien de statuts différentiels, construction ou entretien de lieux de cultes, paiements de fonctionnaires religieux ou civils, redistribution des richesses? Selon les époques et les contrées, ces objectifs varient beaucoup...

- Qui impose? C'est la question des collecteurs d'impôts : directement par l'État ou par affermage, et parfois par affermage en pyramide, des lieux reculés aux centres du pouvoirs? Qui décide de l'impôt ? Selon quelles modalité législatives ou coutumières, par exemple.

- Qui est imposé? Selon quels critères la fiscalité est-elle établie? Quelle est l'assiette fiscale, quels sont les types d'impôts, directs et indirects qui touchent les différentes parties de la population et quelles parties de la population contribue à l'impôt? Selon quels critères : de statuts, religieux, politiques, économiques... Quels sont les possibilités pour certaines catégories de la population d'y échapper, légalement, en droit, ou illégalement?

- Quels sont les ressorts de la collecte des impôts? Du consentement citoyen et même de l'existence du statut de citoyen à l'extorsion sous la menace d'interventions de milices ou d'armée (et menaces de massacres), avec prises d'otages à la clef, l'éventail est très large. Peut-on considérer en outre que la captation des richesses par l'institution de la fiscalité est une violence moindre, mais avec les mêmes buts, que la guerre de pillage?

- Quels sont les institutions ou les individus qui collectent l'impôt? Quel est l'organisation même de l'appareil fiscal? La construction d'une fiscalité semble aller de pair (avec un dynamisme rétroactif) avec la constitution d'État ou d'Empire...

- Quels sont les types d'impôts mis en oeuvre : taxes, péages, tributs, direct sur le revenu, avec déclarations (ce qui pose la question du taux de recouvrement de l'impôt...). Quels sont les plus indolores. Peut-on considérer la loterie comme un impôt volontaire par appât de gain (d'abord instituée en direction des possédants et des classes riches...)? Quel est le réel statut de l'assurance? Outre que les collecteurs ne sont plus du tout les mêmes et les présentations de captation de richesses très différente, l'assurance partage avec l'impôt un certain nombre de caractéristiques qui font réfléchir : achat de sécurité (l'impôt et l'assurance comme garantie de sécurité des biens...), reconduction tacite, obligations de souscription (notamment pour les véhicules et les habitations...), difficultés pour y échapper. Il est intéressant de comparer le droit des assurance et le droit fiscal... De plus, comme les sociétés d'assurance, au niveau mondial, rivalisent d'importance (sans compter leurs ramifications à tous les stades de l'économie) avec les États, comment analyser cette concomitance ?...

- Quelle est la nature de l'impôt? Nature (bétail, travail, esclave à fournir...) ou numéraire (dans une économie monétaire marchande). Sa périodicité de prélèvement? Impôt du sang, également, entre le ban seigneurial et le cens démocratique, l'éventail est très large. Peut-on considérer le service militaire également comme un impôt du sang?  L'impôt est-il un moyen d'extorsion ou un instrument de politique fiscale? La fiscalité est-elle un moyen de domination ou au contraire la marque qui sépare les citoyens des non-citoyens?  La réponse vaie bien entendu suivant les sociétés. Derrière la technique se dissimule sa nature même. A travers l'impôt se dessine une grande part des conflits sociaux, médiation et/ou entretien de ceux-ci...

  Ce qui amène à une définition de l'impôt aux multiples critères et modalités, à un typologie de l'impôt rattachée à une typologie des sociétés (politico-socio-économique). 

 

ECONOMIUS

 

Relu le 4 janvier 2021

 

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