A l'issue d'un examen de l'histoire de la pensée monétaire, Jérôme de BOYER conclut qu'il "existe (...) une grande diversité des approches de la monnaie, (mais que) l'on peut distinguer deux traditions dans (celle-ci).
L'une associe la monnaie à l'échange, à la détermination des quantités et des prix, à la formation et à la répartition du revenu, au crédit, au taux d'intérêt, aux risques bancaires, à la finance ; selon cette tradition, on ne pense pas à l'économie sans la monnaie.
L'autre tradition cantonne la monnaie à une fonction circulatoire qu'elle exerce dans les transactions ; on y postule la dichotomie entre les lois de la circulation monétaire et celles de l'économie "réelle". La théorie quantitative de la monnaie, et son corollaire, la neutralité de la monnaie, renvoie à cette seconde tradition".
Les deux traditions obscurcissent la pensée économiques...
"La théorie quantitative de la monnaie rétrécit le champ de l'analyse monétaire, mais elle est en phase avec la conception dichotomique qui imprègne la pensée économique depuis le dix-huitième siècle : les lois de l'échange, de la production et de la répartition sont réelles, indépendantes de la monnaie. Cette vision est apparue en réaction au mercantilisme et aux innovations monétaires dont on craignait qu'elles conduisent à la catastrophe, à l'image du système de John Law. Conduites par le politique, celles-ci sont perçues comme dangereuses ; de surcroit inutiles car, pour répondre aux besoins des agents, la valeur de la monnaie s'adapte à sa quantité. C'est sur cette base que s'est forgée la tradition quantitativiste qui a tant fasciné les économistes ; et qui les fascine encore malgré le fait que ni les ricardiens, ni les monétaristes n'aient réussi à démontrer valablement cette théorie, à intégrer cette vision de la monnaie à leur théorie du marché! Les conséquences ne sont pas négligeables. De façon arbitraire, on soutient que la politique monétaire doit suivre des règles strictes, rigides, à l'exclusion de toute action discrétionnaire avec pour seul objectif le niveau des prix ; on prétend que l'emploi, la répartition du revenu ou l'état des marchés financiers n'en sont pas des objectifs, on utilise des agrégats monétaires non pertinents pour mener cette politique ; on dissocie la monnaie du crédit, la politique monétaire de la politique bancaire, on soutient que la banque centrale doit être indépendante, qu'elle l'est, qu'il faut en confier la gestion à des individus conservateurs ; on ignore les dangers d'un "currency board", on prône la dollarisation, on soutien que les thérapies imposées par le FMI aux pays contraints d'avoir recours à ses crédits sont les seuls possibles, etc... Bien que mal fondée, la théorie quantitative n'hésite pas à être normative, ce qui n'est pas neutre. La neutralité de la monnaie et de la politique monétaire est une mystification véhiculée par la théorie quantitative de la monnaie. Pour penser la monnaie, il faut s'affranchir de cette vision quantitativiste. C'est une difficulté pour l'économiste car il est formée à penser les catégories "réelles" indépendamment de la monnaie."
Après ce jugement clair sur la théorie quantitativiste, le maître de Conférences à l'Université Paris Dauphine estime que l'autre forme de pensée économique exerce elle aussi une "influence considérable". "Aussi est-il fréquent de voir les banquiers et les politiques qui gèrent la monnaie s'écarter de l'orthodoxie quantitativiste et se référer à l'histoire et à ses enseignements. Cette pensée monétaire s'est efforcée de mettre au jour ceux-ci. Mentionnons les analyses de Smith ou de la Banking School sur le risque de crédit et la solvabilité des banques, celles de Thornton, Hawtrey, de Keynes sur la liquidité des banques et du marché financier, mais aussi sur le taux d'intérêt et le revenu ; celles de Marx ou de Keynes sur l'antagonisme entre industrie et finance,... On en fait difficilement abstraction lorsqu'on est interpellé sur la conjoncture et la politique monétaire." "Cependant, quel qu'en soit la fécondité, la tradition non-dichotomique est éclatée et n'offre pas de représentation globale de l'économie monétaire. Si on excepte Marx, les auteurs sus-mentionnés ne traitent que partiellement de la théorie de l'équilibre ; ainsi Keynes ne nous dit-il rien sur les prix relatifs dans sa Théorie Générale et les développements actuels de la théorie bancaire se cantonnent au niveau microéconomiques.
Les concepts monétaires qui sont développés ont trait à des questions spécifiques. De plus, ils s'avèrent réfractaires à une intégration à la théorie économique générale à laquelle ces auteurs ont par ailleurs recours. Une théorie qui postule la dichotomie. Cette tradition semble manquer de cohérence." Nous remarquons d'ailleurs en ce qui concerne une théorie unifiée qui discute à la fois des questions monétaires et des questions économiques globales, qu'elle se retrouve dès les premiers chapitres du Capital où Karl Marx décrit la circulation du capital, à la fois circulation d'argent et circulation de marchandise.
Économie de marché, économie monétaire
"L'économie de marché ne doit pas être pensée comme une économie a-monétaire. L'économie de marché est monétaire." Le chercheur au Pôle d'Histoire de l'Analyse et des Représentations Économiques (PARE) à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, effectue une étude de la pensée monétaire qui dégage deux enseignements :
- Le marché génère des innovations financières, parmi lesquelles figurent les banques et la monnaie ;
- produire pour le marché et échanger conduisent à prendre des risques.
"Ces risques se reportent sur la monnaie et se manifestent avec éclat lors des crises. Au niveau des banques, ils sont perçus comme risques de crédit, de liquidité, de taux d'intérêt, de change. Au niveau des agents, ils se traduisent par la difficulté d'emprunter, l'impossibilité de vendre, l'illiquidité, les moins-values financières, le chômage, la baisse des recettes fiscales, etc... La gestion de la monnaie est un enjeu politique car elle modifie l'exposition des agents économiques face aux risques et leur situation en période de crise. Si la Banque d'Angleterre a été créée pour augmenter la liquidité des titres de la dette publique et donc pour améliorer les conditions d'emprunt de l'État, c'est pour rétablir la liquidité des marchands, qu'elle intervient comme prêteur en dernier ressort en 1793. En Angleterre, au XIXe siècle, la liquidité des banquiers et le soutien du crédit commercial étaient des enjeux essentiels de la politique monétaire. Au XXe siècle, le niveau de l'emploi, la croissance et la liquidité du marché financier ont été mis en avant par le keynesianisme. Les crises récentes d'Asie du Sud-Est (l'auteur écrit en 2003) et d'Amérique Latine mettent en exergue les problèmes de financement et de liquidité internationale qui touchent ces pays et leurs populations. L'histoire et l'actualité enseignent que la politique monétaire n'est pas a-politique."
L'endettement généralisé et les crises financières
L'auteur en vient aux éléments essentiels des phénomènes financiers de l'économie en abordant la question de la dette.
"Si l'économie monétaire met en relation des créanciers et des débiteurs, elle ne se résume pas à des relations entre marchands. Dans le cadre du capitalisme, elle met aussi en relation des classes sociales. Or les salariés n'accèdent pas à la monnaie en s'endettant et les capitalistes ne sont pas des débiteurs. Le rapport salarial n'est pas un rapport marchand ordinaire. De même qu'elle doit intégrer les risques inhérents à l'économie de marché, la théorie monétaire doit intégrer cet aspect du capitalisme. On ne peut pas en faire l'abstraction pour analyser le crédit et la dynamique des marchés financiers. L'histoire et l'analyse de la pensée monétaire montrent que celle-ci doit traiter de l'ensemble des questions économiques ; non seulement de la liquidité des produits, des titres et des agents, mais aussi de la formation des prix et de la répartition des revenus et de la richesse.
En ce début du siècle, il apparaît que la globalisation financière s'accompagne d'une instabilité économique et de risques bancaires accrus, mais aussi d'une divergence dans l'ampleur et les rythmes des cycles selon les grandes zones économiques. L'élaboration et l'analyse de la politique monétaire et financière au niveau international devraient fournir un axe majeur de renouvellement de la pensée monétaire. Un second axe devrait résider dans l'intégration des travaux relatifs aux risques financiers et bancaires qui sont fondés sur les asymétries d'information, travaux qui, le plus souvent, se situent dans une problématique d'équilibre partiel. Le troisième axe devrait être le difficile mais nécessaire renouvellement de la théorie du marché en vue de permettre l'intégration de la monnaie."
Bien entendu, ces conclusions s'adressent surtout aux acteurs (et aux lecteurs) de la théorie financière dominante, dans une période où les analyses marxistes sont entachées de l'échec de pseudo-socialismes et reléguées par une idéologie qui confond l'effondrement des régimes qui se disaient marxistes à l'Est de l'Europe avec le triomphe encore à prouver du capitalisme en tant que système économique. Le renouveau de la pensée monétaire que cet auteur appelle de ses voeux devrait être facilité par précisément les crises récentes profondes de ce capitalisme. Mais par ailleurs, il faut noter que les objectifs des politiques monétaires mises en oeuvre dans les deux dernières décennies ne sont pas forcément globaux, mais s'attachent sans doute à favoriser des classes sociales contre d'autres classes sociales. Témoins de cette évolution, les abandons répétés de l'objectif du plein-emploi qui faisait tout de même partie du paysage des planificateurs occidentaux il y a peu. Aussi, ce renouveau ne peut aller sans grands conflits d'objectifs, nombre d'acteurs ne voulant sans doute surtout pas (ou n'ayant pas besoin après tout) d'une économie qui prenne en compte tous les aspects de la réalité économique.
Cette question de la théorie monétaire est loin d'être... théorique. La doctrine dominante en vigueur chez les économistes, à grand renfort de modélisations mathématiques, constitue un des éléments moteurs de l'activité financière, en ce sens qu'elle domine les esprits des acteurs du système. Si le capitalisme financier semble conduire l'ensemble de l'économie, la théorie économique financière a tendance à repousser bien loin des aspects qui ne touchent pas la circulation de l'argent. L'évolution économique vers un nouveau capitalisme est supportée par un ensemble d'idées, de représentations de la réalité, comme l'indique bien Dominique PLIHON.
Toutes ces idées de "libération" des marchés des activités jugées intempestives des États, où "les réglementations sont jugées néfastes ou inapplicables : seul un marché financier libéré et développé peut permettre la reprise de l'investissement et de la croissance. En donnant aux actionnaires une suprématie sur les managers dans les entreprises, le développement des marchés des capitaux doit accroître l'efficacité de l'appareil productif. L'ensemble de ces transformations doit conduire à une amélioration du bien être général dans l'économie mondiale." "Ces idées constituent la base de la doctrine "néolibérale", ainsi dénommée car elle se situe dans le prolongement du libéralisme classique défendu par François Quesnay (1694-1774) en France et Adam Smith (1723-1790) en Angleterre. La doctrine néolibérale tire son attrait et sa force du fait qu'elle se place sous la bannière de la liberté, elle-même menacée par un monstre, l'État-providence. En fait, le succès du néolibéralisme est avant tout la conséquence d'un double effondrement : d'une part, la crise du capitalisme de l'après-guerre, qui remet en question le rôle de l'État et des politiques publiques ; d'autre part, l'écroulement des oppositions organisées, qu'il s'agisse du syndicalisme (...) ou du marxisme (...). Une caractéristique essentielle de la vision du monde véhiculée par le libéralisme (ancien et nouveau) est sa prétention à l'universalité."
Pour refonder une théorie économique globale....
Très ancien, le système financier a pour fonction, entre autres, de transférer de la richesse dans le temps. Au lieu de procéder à des échanges de marchandises contre d'autres marchandises, les acteurs économiques qui possèdent le droit de décider de telle ou telle achat ou vente, utilisent l'intermédiaire de la monnaie.
En faisant cela, ils ne font pas seulement une opération technique. Ils agissent dans un sens ou dans un sens quant à le destination de la richesse. Dans un ouvrage dont nous recommandons la lecture, Pierre-Noël GIRAUD décrit bien ce fait essentiel de la réalité économique. Le jeu des créances et des dettes constitue un des éléments moteurs de la vie économique. Les prêteurs et emprunteurs, d'abord pour des raisons techniques (transport des marchandises, nécessité de concentrer des moyens pour produire...), puis dans des objectifs d'enrichissement à partir de cette circulation d'argent, parient constamment sur l'avenir en contractant entre aux obligations et rémunérations.
Le professeur d'économie à Nimes Paris-Tech et à l'université Paris-Dauphine montre que la finance est essentiellement un commerce de promesses. "L'une des fonctions principales de la finance (...) est de transférer de la richesse dans le temps. (...) Il faut reconnaître qu'il n'existe aucune moyen sûr de le faire. En réalité, la finance ne fait que vendre, contre de la monnaie (qui elle, donne droit à jouir immédiatement d'une part de la richesse produite aujourd'hui), un "droit" sur une part de la richesse qui sera produite dans le futur. Et elle organise, jusqu'à leur échéance, la revente de ces droits, leur circulation. Ces droits sur la richesse future ne sont en réalité que des promesses. Rien, absolument rien, ne permet en effet d'en faire des droits sûrs, qui seront honorés quoi qu'il arrive dans le futur. Comprenons bien que ce n'est pas uniquement parce que ces droits ont toujours été, à l'origine, émis par un acteur particulier qui peut disparaitre avant de les honorer. Il ne s'agit pas ici du risque individuel de tout actif financier. Le problème est global. Pendant une période donnée, on ne peut jamais jouir que de ce qui a été effectivement produit durant cette période. Sont candidats à la répartition de cette richesse, l'ensemble des droits antérieurement émis sous forme d'actifs financiers, ainsi que ceux acquis pendant cette période même, essentiellement ceux du travail directement utilisé pendant cette période. Or cette répartition est nécessairement conflictuelle : entre les droits financiers et les autres et au sein des droits financiers. Le conflit sera d'autant plus vif que la finance a antérieurement créé des droits "en excès", c'est-à-dire tels qu'ils ne pourraient être respectés qu'en réduisant la part relative des autres droits. (...) c'est le cas si sont vendus des actifs financiers dont les rendements annoncés sont supérieurs à ce que sera effectivement la croissance économique. Or ni la croissance économique future ni l'issue des conflits de répartition ne peuvent être connus avec certitude au moment où sont émis des titres financiers. C'est pour cela que, fondamentalement, la finance ne fait commerce que de promesses et qu'il n'existe aucun moyen sûr de transférer de la richesse dans le temps." L'évolution du prix de ces promesses, loin de reposer sur quelques fondamentaux jamais bien définis ou quantifiés, restent en fin de compte soumis à l'ensemble des attentes et des réalisations passées.
La faillite de la pensée économique libérale dominante se comprend bien lorsqu'elle fait preuve d'un optimisme inlassable dans l'efficacité du système économique. Le spectacle des différentes crises du capitalisme, de celle de 1929 à celle de 2007 (crise des "subprimes") montre bien l'incapacité de cette théorie à prévoir et à guider dans la conduite des affaires. "On comprend (...) désormais mieux les insuffisances des théories qui excluent la possibilité de bulles spéculatives sur les marchés financiers. Ces théories supposent d'abord que tous les acteurs disposent de la même information sur les fondamentaux observables. Une hypothèse certainement excessive, mais qui n'est cependant pas la plus critiquable. Plus important est qu'elles négligent le rôle du mimétisme et son caractère rationnel en cas de forte incertitude. Mais surtout elles ignorent une étape essentielle dans la formation de l'évaluation par les acteurs du prix fondamental : (...) le modèle d'interprétation. Plus exactement, elles ne l'ignorent pas, mais elles supposent que ces modèles sont stables dans le temps. Ces théories supposent donc une relation mécanique constante entre les paramètres objectifs qu'observe chaque acteur et l'évaluation du prix fondamental qu'il en déduit." Toute la problématique réside dans le fait qu'il n'existe pas réellement de paramètres objectifs (pour de multiples raisons) et que l'évaluation du prix fondamental est affaire de vision de l'avenir. Tout l'appareil "scientifique" mathématique étalé dans les publications économiques ou dans la presse ne doit pas faire illusion ; tout repose sur des appréciations subjectives et ces appréciations subjectives pèsent dans un sens ou dans un autre de l'évolution économique selon le partage ou non de ces appréciations par l'ensemble des acteurs financiers. Nous sommes d'accord avec pierre-Noël GIRAUD quand il écrit qu'"il fait opérer un renversement dans l'analyse de la rationalité des acteurs sur les marchés financiers." "L'analyse traditionnelle leur suppose un comportement fondé sur l'examen attentif de fondamentaux objectifs (proposé par un certain nombre d'institutions publiques ou privées plus ou moins indépendantes, précisons-nous, comme les agences de notations...), dont ils déduisent un jugement sur le caractère sur- ou sous-évalué des prix du marché, jugement qui gouverne leurs interventions. Lorsque les fondamentaux ne sont en réalité pas observables, d'autant plus incertains que l'avenir est ouvert et, de lus, susceptibles d'être influencés par les évolutions des prix de marché, mieux vaut attribuer aux acteurs une logique inversée, partant des prix de marché qui, eux, sont observables. Cette logique est à mon avis la suivante. Constatant les prix de marché, tout acteur est capable d'évaluer les fondamentaux qui justifieraient ces prix. Il vérifie ensuite que ces valeurs sont cohérentes avec sa propre vision de l'avenir et ce qu'il pense être la vision dominante chez les autres. Si c'est le cas, les prix ne sont pas surévalués à ses yeux et il agit en conséquence. Dans cette logique inversée, on voit bien que le modèle d'interprétation joue un rôle absolument central dans le comportement des acteurs. ces derniers analysent évidemment attentivement toute information nouvelle susceptible de modifier leur jugement. Mais ces informations agissent selon deux modalités très différentes.
Dans le premier cas, les informations nouvelles ne modifient pas le modèle d'interprétation dominant et sont donc interprétées dans son cadre. Elles provoquent alors des fluctuations des prix de marché autour de la tendance déterminée par ce modèle dominant. Le marché semble "efficient" au sens de la théorie traditionnelle : il intègre immédiatement toute l'information disponible et le lien entre cette information et les prix de marché semble bien être mécanique. C'est à mon avis ce qui s'est passé lors de la sévère "correction" du Nasdaq en avril 2000. A l'issue de ce qui fut généralement considéré comme une première phase de l'expansion de l'industrie "Internet", et sans que la vision d'ensemble n'ait pas été profondément modifiée, des informations ponctuelles ont provoqué un tri entre les valeurs Internet. Ces informations ont modifié les distributions de probabilité quant aux futures entreprises "gagnantes". Les investisseurs se sont concentrés sur celles dont les positions déjà acquises apparaissaient les plus fortes et les modèles d'affaires les plus crédibles.
Dans le second cas, les informations nouvelles provoquent une destruction de la vision dominante. Ce fut le cas lors de la crise asiatique de l'été 1997 et dans la crise de 2008. Elles entraînent alors une violente crise sur les marchés concernés, qui ne se stabilisent à nouveau que lorsqu'une nouvelle vision dominante a réussi à polariser autour d'elle, par mimétisme, les visions individuelles des acteurs.
Réalité économique, réalité politique...
En conclusion, les visions changeantes de l'avenir qu'ont les acteurs sont la seule "réalité" qui compte sur les marchés financiers. Le mimétisme se polarise autour d'une vision dominante. C'est elle qui détermine les prix. cependant, non seulement la plupart des économistes, mais la grande majorité des acteurs des marchés financiers refusent cette théorie et maintiennent qu'il existe des fondamentaux (de rang élevé) observables et indépendants du prix de marché qui permettent de calculer un prix fondamental, attracteur du prix de marché (et identique à lui quand le marché est efficient). Selon eux, les prix des actifs financiers sont donc, par ces fondamentaux observables de rang n, solidement arrimés à une sphère "réelle" qui leur est indépendante. Comment rendre compte de cet acharnement?"
L'auteur prend alors en compte le concept de fondamentaux comme anxiolytique puissant. Une étude comparative sur le long terme serait intéressante entre l'évolution de la circulation des marchandises et l'évolution de la circulation de l'argent. Avec la grande difficulté que nous sommes probablement dans une période de transition, vers un capitalisme sont les contours sont encore flous. L'évolution économique semble en tout cas se caractériser par une envolée des prix de marché, un volume monétaire extraordinaire, qui n'a que peu de rapports avec la valeur des marchandises produites. Le décalage entre l'évolution de ce que pourraient être ces fondamentaux, la production brute, le niveau de l'emploi des capacités industrielles et de la main d'oeuvre disponible... et l'évolution de la masse monétaire semble indiquer un décrochage entre une sphère financière et une sphère "réelle", ce qui expliquerait la multiplication des krachs depuis les années 2000. A période de transition, sans doute révision de la théorie monétaire.
Pierre-Noël GIRAUD, Le commerce des promesses, Petit traité sur la finance moderne, Editions du Seuil, 2009. Dominique PLIHON, Le nouveau capitalisme, La Découverte, 2009. Jérôme de BOYER, La pensée monétaire : histoire et analyse, Les Solos, 2003,
ECONOMIUS
Relu le 19 septembre 2020