24 avril 2008
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Au coeur même du conflit se situe sans doute l'altérité. La nécessité ou le sentiment de cette nécessité de sauvegarder son identité, de se situer autre que l'autre, déclenche des actes de différenciation de l'autre. La conscience de l'existence de l'autre passe par la conscience de l'existence de soi et l'existence de soi par la conscience de l'existence de l'autre. Faire reconnaître sa conscience à l'autre fait partie de sa propre existence et exister ne peut se faire sans l'autre, car si je suis isolé dans l'univers, si l'autre ne me reconnaît pas comme ayant une existence propre, cela s'avère... invivable!
Or, dans les relations avec l'autre, être et avoir conduit au conflit. Combattre pour être et avoir, c'est exister. Mais exister suppose l'existence de l'autre, car il est la base de ma définition de moi-même. Sans l'autre, je n'ai pas d'identité. Mais si je m'identifie totalement à l'autre, si ce que je suis et ce que j'ai sont totalement ce qu'est et ce qu'a l'autre, alors mon identité n'est tout simplement pas.
Penser l'altérité, c'est aussi penser l'identité. Si je combats impitoyablement, inversement, l'autre, et vise à le détruire, je ne suis pas non plus, car son existence même - passée, présente et future - constitue le préalable de ma propre existence. Si je détruis l'être et l'avoir de l'autre, je me détruis aussi, et pourtant dans l'entreprise de mon identification propre, je peux passer toute mon existence à tenter de détruire totalement l'autre. Et paradoxalement, si j'y parviens, je me détruis moi-même puisque une partie au moins de mon être et de mon avoir vient de son existence physique ou morale.
Cela parait abstrait, mais il suffit de remplacer "autre" par "père", "mère", "frère", "ami", "compagnon" ou "compagne" pour se rendre compte du concret de la chose. On peut penser aussi que les réflexions qui précèdent "poussent le bouchon un peu loin", mais c'est ce qui se passe effectivement, dès la première étincelle de conscience, si l'on en croit les acquis de la psychologie et de la psychanalyse.
Bien des philosophes, DESCARTES, KANT, HEGEL, RENOUVIER, SCHELER, HEIDEGGER, SARTRE, LEVINAS, RICOEUR, comme FENELON, MERLEAU-PONTY et bien d'autres ont écrit sur l'altérité. D'une manière ou d'une autre, ils ont tenté de cerner ce qui faisait l'altérité et l'identité.
Et même si tous n'ont pas relié cette notion au conflit, du moins directement, les implications d'une grande partie de leur philosophie y mènent. Le propos de ce qui précède n'est maladroitement qu'une énième tentative de le faire.
PHILUS