Le militant communiste et homme d'État vietnamien HÔ CHI MINH, pseudonyme de NGUYEN TAT THANH (grandes espérances), est le fondateur de l'actuel Parti Communiste vietnamien et de la République démocratique du Viet-Nam, dont il est le président de 1945 à 1969. Il est considéré comme l'un des stratèges (notamment en matière de diplomatie) de l'indépendance du VietNam, contre les Français, les Japonais puis les Américains.
Dans l'histoire des révolutions du XXe siècle, HÔ CHI MINH occupe une place exceptionnelle. Cela vient avant tout de ce qu'il a soutenu un combat plus long qu'aucun autre leader de ce temps contre l'hégémonie occidentale et l'impérialisme colonial. Alors que MAO ZEDONG n'était qu'un jeune bibliothécaire à peine effleuré par les idées révolutionnaires, que Josip BROZ ne pensait guère à prendre le nom de TITO pour soulever son peuple, que Fidel CASTRO, Gamal Abdel NASSER et Ernesto "CHE" GUEVARA étaient à peine nés, il tentait déjà, en 1919, de poser le problème de l'émancipation coloniale. Mais ce qui fait l'originalité de HÔ CHI MINH, c'est plus encore sa situation à un carrefour historique, celui des révolutions européenne et asiatique, au point de jonction du mouvement ouvrier à partir de la concentration industrielle en Europe et du soulèvement, d'abord informe et progressivement rationalisé par le marxisme, des masses paysannes d'Asie. Il s'est réveillé au socialisme en France. Il a choisi le léninisme contre la tradition jauressienne, au congrès de Tous en 1920. Il a passé sept années de sa vie à Moscou et sa première grande intervention publique, au Ve Congrès de la IIIe Internationale, en 1924, fut pour dénoncer, en tant que militant coresponsable, le dédain où le Parti communiste français tenait les questions coloniales, et pour y mettre l'accent sur l'urgence d'une stratégie révolutionnaire appropriée aux sociétés paysannes du mon sous-développé. Cette dualité d'appartenance historique et de sources idéologiques lui valut, de 1945 à 1969, une place à part dans le camp socialiste, du fait de ses liens étroits avec les partis communistes soviétique et français d'une part, chinois de l'autre, mais aussi de son appartenance profonde au mouvement de libération nationale vietnamien, dont il est apparu, même aux yeux d'innombrables patriotes refusant le marxisme, comme le symbole et l'animateur. Homme charnière, à la fois médiateur et inspirateur, il fit couler beaucoup de sang, fut le révolutionnaire de ce temps dont la disparition affecta le plus grand de non-révolutionnaires. (Jean LACOUTURE)
Une vie complètement orientée dans la lutte pour le communisme.
Très grand voyageur, luttant dès 1919 pour l'indépendance du VietNam, en envoyant aux dirigeants occidentaux une Pétition du peuple vietnamien pour plus de droits et de libertés en Indochine et pour l'autodétermination, se fiant alors à leurs intentions déclarées lors des Conférences qui aboutissent au Traité de Versailles, il est déçu par leur accueil. En 1920, il est l'un des fondateurs du Parti Communiste Français. Il publie Le Paria. En 1923, il se rend à Moscou. Envoyé comme agent du Komintern à Canton en 1925, il séjourne en Chine méridionale et cré la Ligue de la jeunesse révolutionnaire vietnamienne (1925), noyau de ce qui devient plus tard le Parti Communiste Indochinois (1930).
Emprisonné par les Britanniques (1930), il est relâché trois ans plus tard et voyage en Chine et en Thaïlande. En 1936, la montée au pouvoir du Front populaire en France adoucit considérablement les conditions dans lesquelles se trouvent les nationalistes vietnamiens. La plupart des emprisonnés sont relâchés et rejoignent la Chine.
A Moscou dès 1938, il prend position pour les Alliés contre le Japon lorsque la guerre survient. Il rentre au VietNam en 1941, sous le nom qui désormais est le sien, HÔ CHI MINH (celui qui éclaire), où il organise le VietMinh. En 1942, il se rend en Chine nationaliste pour y trouver de l'aide dans la lutte anti-japonaise, mais il est arrêté comme agent communiste et est emprisonné jusqu'en 1943, où il regagne le VietNam. Désormais, il coopère avec les Alliés, et tout particulièrement avec les agents américains de l'OSS (Services spéciaux)
En 1945, l'empereur BAO DAI, qui avait collaboré avec les Japonais, abdique en faveur d'HÔ CHI MINH. En septembre, il proclame unilatéralement l'indépendance du Viet-Nam à Hanoï. Mais l'année suivante, l'échec des pourparlers engagés avec la France pousse celle-ci à mener une reconquête coloniale.
Huit années de guerre commencent, qui trouvent une conclusion provisoire à Diên Bien Phû (1954). Une république démocratique du VietNam est créée au Nord du 17ème parallèle. Durant ces années-là, il est le symbole de la lutte pour l'indépendance. Cependant, il est aussi l'allié de l'URSS et reçoit, à partir de 1950, une aide chinoise. Aucun autre mouvement politique n'a pu ravie au Viet-Minh la place que celui-ci occupe comme champion du nationalisme vietnamien.
Il poursuit la lutte, lors de la guerre du Viet-Nam (1965-1973) à laquelle participent les troupes américaines. Avec son charisme, il cristallise les sentiments nationaux d'une importante partie des VietNamiens. (BLIN et CHALIAND)
Nationalisme de conviction, communisme par obligation stratégique
Comme beaucoup de nationalistes du XXe siècle, sur tous les continents, HÔ CHI MINH ne trouve d'alliés qu'après des puissances communistes. Non qu'il n'ait pas de conviction communiste, ancienne depuis son adhésion en France à la SFIO en 1919, mais il n'a de cesse de trouver une solution diplomatique au conflit vietnamien. Vu l'intransigeance de la France colonisatrice et des États-Unis agissant suivant le prisme de la guerre froide, il montre une inflexibilité quant à l'unité du VietNam. Par exemple, dès 1960, il soutien avec les siens la création du Front national de libération du Sud VietNam (FNL), dit Viet-Cong par les Américains et les Sud-Vietnamiens durant la seconde guerre du VietNam.
Longtemps le culte de la personnalité dont il jouit de son vivant puis après sa mort, empêche de faire la juste part historique de son action. Des historiens s'attellent (par exemple Pierre BROCHEUX et Daniel HÉMERY), malgré encore des zones d'ombres bien protégées des autorités vietnamiennes d'aujourd'hui, à comprendre les tenants et aboutissants de ses activités.
Un héritage particulier
Le testament que laisse HÔ CHI MINH à ses compagnons apparaît comme un auto-portrait. On y trouve d'abord l'un des traits permanents de ce révolutionnaire : la priorité absolue donnée à l'action sur la doctrine, aux exigences de l'immédiat sur les préoccupations d'une stratégie à long terme. Les premiers mots ne sont pas pour proclamer des principes, comme pour LÉNINE et MAO, mais pour affirmer que la lutte contre l'agression américaine était primordiales et se terminerait par la défaite des impérialistes. On y remarque aussi avec quelle insistance le leader disparu avant la fin de la guerre du VietNam parle de la "morale révolutionnaire", au dépens des idées et des théories qui n'occupaient déjà qu'une place infime dans son oeuvre. Apparaît ainsi l'homme d'action, le praticien, le pragmatique, l'homme du fait plutôt que l'homme du concept. C'est également la raison pour laquelle son nom figure peu dans les dictionnaires ou manuels de stratégie, qui s'occupe beaucoup de concepts et de théories.
On a pu non sans raison qualifier l'originalité de son nationalisme, son "national-communisme" mis en pratique plus tard par TITO, qui est de ne l'avoir jamais conduit à entrer en conflit avec les exigences fondamentales de la doctrine et de la discipline internationalistes. Au moins à deux reprises, en 1930, lors de la création du parti communiste vietnamien et en 1954, après la victoire de Diên Biên Phu, il fait prévaloir les exigences de la stratégie mondiale de la révolution sur celles du nationalisme vietnamien. Au lieu d'aller jusqu'au bout d'une logique nationale (en rendant le PCV autonome comme il en avait les moyens alors ou en poussant l'avantage militaire jusqu'à investir tout le VietNam), il préfère les exigences des alliances soviétique et chinoise. En acceptant de se mouvoir dans le cadre de la révolution internationale et respectant les règles de celles-ci, vis-à-vis de l'adversaire impérialiste, il s'efforce constamment de faire en sorte que l'émancipation du VietNam soit aussi légitime et "vraie" à l'égard tant des alliés que des adversaires. Il le fait en s'efforçant de garder uni le front anti-impérialiste, même si dans les années 1960, il ne peut empêcher la rupture entre Pékin et Moscou. En tout cas, il refuse de se positionner en faveur de l'un ou l'autre des deux camps, pour éviter une crise qui aurait été ruineuse pour le VietNam. Sa stratégie du "juste milieu actif" se voit sanctionnée de manière positive, dans la reprise des relations sino-soviétiques en septembre 1969, à l'occasion même de ses funérailles. (Jean LACOUTURE)
HÔ CHI MINH, Revendication du peuple annamite, 1919 ; Le procès de la colonisation française, 1925, réédité chez Le Temps des cerises, 2012 ; Journal de prison : poèmes écrits de 1942 à 1943 lors de sa détention ; Textes 1914-1969, L'Harmattan, 1990.
D. HALBERSTAN, Hô, New York, 1971. Jean LACOUTURE, Hô Chi Minh, Paris, Éditions du Seuil, 1965. Christiane PASQUE-RAGEAU, Paris, 1969. Pierre BROCHEUX, Ho Chi Ming : A biography, Cambridge University Press, 2007.
Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016. Jean LACOUTURE, Hô Chi Minh, article dans Encyclopedia Universalis, 2014.