Issu d'une famille juive à très longue lignée de prêtres, JOSÈPHE, ou Ben MATTHIAS, est un historiographe romain, de confession juive, du Ier siècle de l'Empire Romain.
Dans le contexte de l'occupation romaine de la Palestine
Il est envoyé en 64 en ambassade à Rome pour obtenir la libération de prêtres juifs qui y sont détenus. Il mène à bien sa mission grâce à l'intercession de l'impératrice POPPÉE à laquelle il avait été présenté.
En 66, entraînés par les zélotes (secte radicale opposée à tout compromis avec Rome), les Juifs de Judée se révoltent. JOSÈPHE, après avoir conseillé la modération, finit par se joindre à la rébellion et se retrouve à la tête du commandement militaire de la Galilée.
Les Romains, sous la direction du futur empereur VESPASIEN, brisent la résistance juive en 67. Au terme d'un siège, les quarante survivants juifs décident de renoncer à la vie, mais JOSÈPHE, après la mort de ses compagnons, préfère se rendre. Capturé, il prédit que VESPASIEN deviendra empereur, et deux ans plus tard, il est affranchi lorsque VESPASIEN, à la mort de NÉRON, est proclamé empereur par ses troupes.
A partir de cette date, JOSÈPHE, qui adopte le nom de FLAVIUS, se range du côté de Rome. Il est l'interprète de TITUS lors du siège de Jérusalem en 70, mais sa médiation est rejetée par les Juifs qui le considèrent comme un renégat.
Un écrivain assidu et une source d'information précieuse sur l'histoire de Rome
Après la chute de Jérusalem, JOSÈPHE s'installe à Rome où il se consacre à une oeuvre d'historien. Il est l'auteur de trois ouvrages, Contre Apion, Les Antiquités des Juifs, Autobiographie, et surtout, La Guerre des Juifs, achevé vers 77-78. La Guerre des Juifs couvre la période de 175 av JC à 75 après JC. L'essentiel de l'ouvrage relate la révolte de 66-70. Source fondamentale sur l'insurrection juive mais aussi remarquable document sur l'armée romaine, sa stratégie, ses tactiques et, d'une façon globale, sur son organisation qu'il juge invincible, La Guerre des Juifs reste une des meilleures sources des historiens sur cette période de l'Empire, (car seule son oeuvre a survécu aux destructions) même si son oeuvre pose problème aux historiens actuels. Les acquisitions de l'archéologie (manuscrits de la mer Morte, 1947 ; forteresse de Massada, 1964 ; Hérodion, 1968-1969 ; fouilles de la cité de David et du Mur méridional du Temple de Jérusalem) corroborent les descriptions de JOSÈPHE et éclairent sa narration. Les travaux historiques contemporains, prenant en compte la partialité de l'auteur et le fait qu'il soit personnellement engagé dans les événements qu'il relate, s'accordent à souligner la valeur de l'oeuvre pour la compréhension de l'histoire politique et sociale d'Israël comme de l'Empire romain. (BLIN et CHALIAND, Mireille HADAS-LEBEL)
Histoire de la guerre des Juifs contre les Romains
Écrit (en 75?) sans doute à la demande de l'empereur VESPASIEN, comme c'est l'usage à cette époque d'ordonner aux serviteurs et esclaves des écrits que les dirigeants politiques seraient bien en peine d'écrire eux-mêmes (étant parfois moins lettrés que leurs esclaves), cette oeuvre est d'abord destinée à dissuader de toute révolte les Juifs des marches orientales de l'Empire. La seconde version, en grec, la seule qui ait survécu, veut également prouver aux Romains et aux Grecs, que les Juifs - certes guidés par des meneurs irresponsables - ont été de vaillants adversaires.
Bien que JOSÈPHE ne soit guère objectif, son récit apporte un témoignage précieux non seulement sur la guerre elle-même, mais sur la période qui l'a précédée (règne des Hasmonéens et d'HÉRODE) et sur celle qui l'a immédiatement suivie. Sans lui, on ne saurait rien sur la guerre que la brève évocation malveillante de TACITE (Histoires, V) et l'in ne connaitrait rien de l'épisode héroïque de Massada et a fortiori on n'aurait rien écrit sur le fameux complexe de Massada. Les sources juives en hébreu et en araméen (Talmud, midrash) n'ont en effet gardé que des échos semi-légendaires du siège de Jérusalem. Une histoire cohérente des faits n'est transmise en hébreu que par une adaptation tardive (IXe-Xe siècles) d'une traduction latine de La Guerre, Le Josippon.
Les Antiquités juives
Après La Guerre des Juifs, JOSÈPHE entreprend f'écrire toute l'histoire de son peuple des origines jusqu'à la veille du conflit avec Rome, dans un vaste ouvrage en vingt livres. Dans Les Antiquités juives, il s'agit de démontrer que ce peuple vaincu et donc décrié est d'une très haute antiquité (ce qui est signe à l'époque de noblesse) et possède de grands hommes. Dans la première partie (I à X), il suit de près les récits bibliques, mais les modifications qu'il y apporte laisse entrevoir l'apport de toute une tradition orale, que l'on retrouve plus tard dans le midrash. On y décèle aussi quelques explications rationalistes destinés à son public romain et grec (comme le passage de la Mer Rouge). Dans la seconde partie (XI à XX), qui correspond pour l'auteur à l'époque contemporaine, il suit d'abord le livre I des Macabres, puis il développe le règne des derniers Hasmonéens, celui d'HÉRODE, l'ère des procurateur dont il est question brièvement au débit de La Guerre des Juifs. Sur cette période, il est la seule source de nos jours, ce qui explique l'importance historique de son oeuvre?. Au chapitre XVIII des Antiquités apparaît un bref passage relatif à JÉSUS connu sous le nom de Testimonium Flavinium. C'est à lui sans doute que l'oeuvre de JOSÈPHE soit sa survie, puisque l'Eglise a pu la considérer de ce fait comme une sorte de "cinquième évangile". Cependant, il ne fait aucun doute aujourd'hui que ce passage (comme on le soupçonne dès le XVIe siècle) constitue, sinon dans sa totalité, du moins partiellement, une interpolation due à une main pieuse (probablement celle d'un copiste...).
Dans une autre oeuvre plus clairement apologétique, le Contre Apion (93), JOSÈPHE répond à une série d'écrits alexandrins qui répandaient des calomnies sur les origines et les moeurs des Juifs. Ce faisant, il transmet à la postérité les noms de ces calomniateurs (dont Apion) et quelques extraits de leurs récits.
Dans son Autobiographie, qui répond à un autre ouvrage d'un de ses adversaires (juifs), il ne couvre que les premiers mois de son action en Galilée. C'est un récit confus qui contredit sur certains détails La Guerre des Juifs écrit vingt ans plus tôt.
L'oeuvre de FLAVIUS JOSÈPHE, longtemps ignorée et rejetée par les Juifs, est essentiellement transmises par les Chrétiens, intéressés par des récits en rapport avec l'origine de leur religion. Apparaissent au cours de l'Histoire de nombreuses versions de chacun de ses ouvrages, comme ce pseudo-Hégésippe, produit par un chrétien au IVe siècle où des remarques hostiles ou revanchardes à l'égard des Juifs sont ajoutées. C'est durant tout le "Moyen Âge" que dans les langues vernaculaires européennes, sont traduites et diffusées, à la demande souvent de l'entourage de la Couronne (Charles V entre autres), mais pas seulement, de nombreuses parties de ses ouvrages. Les textes originaux grecs, conservés par les Byzantins (Bibliothèque de PHOTIUS par exemple), sont redécouverts au XVIe siècle, et depuis nombre d'éditions sont bilingues. En 1958, une édition du "Josèphe latin" est commencées par Franz BLATT aux presses de l'Université d'Aarhus, mais l'entreprise n'est pas menée jusqu'au bout.
FLAVIUS JOSÈPHE, Guerre des Juifs, en 5 tomes, 1975-1980-1984, Nouvelle traduction, Minuit, 1977, réédition 1981 ; Antiquités juives (I à XI), Cerf, Paris, 1992-2010 ; Contre Apion, bilingue, Les Belles Lettres, 1930 ; Autobiographie, Les Belles Lettres, 1959. On trouve de nos jours de nombreuses éditions partielles de ces ouvrages.
On peut lire dans l'Anthologie mondiale de la stratégie (Robert Laffont, collection Bouquins, 1990), un extrait de La Guerre des juifs, qui porte sur L'organisation de l'armée romaine, issu de la traduction du grec réalisée par David SAVINEL, précédée dans cette publication dans Les Éditions de Minuit de 1977, du texte "Du bon usage de la trahison", écrit par Pierre VIDAL-NAQUET.
Pierre VIDAL-NAQUET, Flavius Josèphe ou le bon usage de la trahisons, Préface à Flavius-Josèphe, La Guerre des Juifs, Paris, 1981.
Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016. Mireille HADAS-LEBEL, Flavius Josèphe, dans Encyclopedia Universalis, 2014.