Dominicain français, connu comme historien de l'art et homme de lettre, théologien, auteur de nombreux ouvrages d'art religieux et de théologie spirituelle, Pie-Raymond RÉGAMEY se préoccupe beaucoup de non-violence.
A ce dernier titre, il fait figure d'incitation aux autorités religieuses à une réflexion sur l'apport spirituel et pratique de la non-violence, non seulement à travers ses ouvrages ou des revues, mais aussi par l'intermédiaire du réseau des Frères Dominicains auquel il appartient, l'Ordre des Prêcheurs.
Né dans une famille protestante, il se convertit au catholicisme en 1926. Élève au collège Chaptal, il prépare une licence d'histoire en 1921, après son engagement volontaire et se démobilisation en 1919. Il commence à suivre les cours de l'École du Louvre, mais doirtabandonner avant la thèse car il devient soutien de famille.
Il entre dans les ordres fin 1928, au noviciat d'Amiens où il choisit Pie comme nom de religion et de 1929 à 1934 entreprend des études théologiques au Saulchoir à Kain en Belgique. C'est là qu'il se lie avec le père Marie-Alain COUTURIER. Assigné en 1936 au convent de Saint-Jacques à Paris, il entre en 1937 dans l'aventure de la revue L'Art sacré fondée par Joseph PICHARD en 1935, passée aux éditions du Cerf en 1937 et qu'il dirige, (avec une interruption de 1939 à 1945) jusqu'en 1954 avec le Père COUTURIER.
Mobilisé en 1939, prisonnier de juin à décembre 1940 dans le mouvement de débâcle de l'armée française, il écrit sous l'Occupation de nombreux ouvrages de spiritualité. Dans le monde intellectuel de l'art sacré catholique, il occupe de plus en plus une place centrale et a un rôle important dans l'organisation d'expositions, qu'elles soient officielles (France-Vatican) ou non. Pris entre ses activités autour de l'art sacré et ses études de théologie chrétienne, Raymond RÉGAMEY vit cela comme un dilemme.
Il rédige de nombreux ouvrages sur la spiritualité : Se garder libre (1962), L'Évangile est à l'extrême (1970) et surtout le grand ouvrage projeté pendant longtemps Redécouvrir la vie religieuse, dont le premier tome lui vaut d'être appelé à Rome pour rédiger le texte préparatoire à une Lettre du pape Paul VI (Evangelica testificatio du 29 juin 1971).
Au sein de l'Ordre dominicain, il a surtout une position conservatrice, qui le met en conflit à la fin des années 1960 avec les partisans d'une évolution à laquelle il est résolument hostile (abandon de rites, modification de la règle monastique). D'un caractère difficile, il se retire progressivement de son activité.
Une partie de ses activités est consacrée au développement et à la diffusion des idées de non-violence.
En 1955, le cours Saint-Jacques "Non-violence et amour des ennemis" séduit les militants de la non-violence qui le contactent. Il s'implique dans le mouvement durant près de dix ans, avec des journées de réflexion, des colloques, des conférences à Paris, en province, à Lourdes et en Suisse. Il rejoint le comité des Amis de Gandhi et se lie avec Lanza del VASTO, Danilo DOLCI, Jean GOSS. Il s'intéresse à des thèmes parents, tels le jeûne, l'objection de conscience, l'arme atomique. Il publie en 1958 Non-violence et conscience chrétienne et collabore à divers ouvrages. Il n'hésite pas à donner de sa personne : la télévision retransmet l'épisode d'une manifestation où il est ramassé sur le trottoir par les agents de police - sans doute en 1960. Outre cet engagement, on retrouve Pie RÉGAMEY pour des actions plus ponctuelles dans divers groupes : Comité Vatican (1958) ; Cercle Saint-Jeanne (1960), Centre Interdisciplinaire de recherches et études chrétiennes (CIREC), en 1961 et 1963, Cercle Saint-Jean-Baptiste (1969 et 1970). Il s'implique durant quelques années avec la Paroisse universitaire qu'il connait depuis longtemps ; on le retrouve dans des sessions des Équipes enseignantes des instituteurs publics. Il s'intéresse au mouvement "Vie nouvelle", dans le sillage d'Emmanuel MOUNIER qu'il a rencontré après la guerre et donc l'oeuvre semble l'avoir marqué ; il participe dans les années 1960 à des journées de rencontre, et conserve des liens avec la veuve et la fille de MOUNIER. Le Centre catholique des intellectuels français (CCIF) le sollicite pour ses "Semaines". Il s'engage enfin dans le mouvement "Fidélité et Ouverture" ; de 1974 jusqu'aux années 1980, il en suit les réunions annuelles et participe aux sessions d'été.
Pie-Raymond RÉGAMAY, même au-delà de la période où il quitte progressivement ses activités au sein des Dominicains, suscite l'intérêt et même des vocations pour la non-violence au sein de l'Église catholique.
Pie-Raymond RÉGAMAY, la pauvreté, introduction nécessaire à la vie chrétienne, Anbier, 1941 ; Non-violence et conscience chrétienne, Cerf, 1958 ; L'exigence de Dieu, Cerf, 1969 ; Redécouverte du jeûne (collectif), Cerf, 1959 ; Face à la non-violence : pour un statut des objecteurs de conscience, avec Jean-Yves JOLIF, Cerf, 1962 ; Non-violence et objection de conscience (avec Marilène CLÉMENT et Henri FRONSAC), Casterman, 1962. Il préface aussi de nombreux ouvrages, dont celui de Camille DREVET : Gandhi interpelle les chrétien, Cerf, 1965.
Françoise CAUSSÉ, Pie Régamay, dans Encyclopedia Universalis, 2014 ; Régamay Pie-Raymond, dans Dictionnaire biographique des frêres prêcheurs, rubrique Dominicains des provinces françaises (XIXe-XXe siècles), http://journals.openedition.org, 2015.