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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 10:46

      Dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie, contre l'alcoolisme ou même contre des dépendances médicamenteuses, de multiples études se centrent sur les mécanismes physiologiques - neurobiologiques en particulier - de l'addiction.

 

Les mécanismes de libération de la dopamine

   La question est de savoir, afin d'élaborer des techniques thérapeutiques, quels sont les mécanismes par lesquels les drogues stimulent la libération de dopamine, responsable de la sensation de plaisir dans le cerveau, elle-même contrôlée par différents peptides. En l'état actuel d'une recherche qui est loin d'être aboutie, ils seraient de deux sortes et dépendent du site où agissent les drogues.

"Les psychostimulants (cocaïne, amphétamines, ectasy et médicaments contenant ce types de substances), expliquent Bernard ROQUES, docteur en pharmacie et professeur à l'Université Paris V René Descartes et Eduardo VERA OCAMPO, docteur en psychopathologie à Paris X et psychanalyste, bloquent un système régulateur de la concentration synaptique en dopamine principalement au niveau du noyau accumbens. 

Or, il existe des connexions entre le noyau accumbens et le système limbique, spécialement l'amygdale, où naissent les perceptions du danger (stress, peur, émotions violentes...) et aussi avec le cortex préfontal (cortex cingulaire) très important chez l'homme. L'activation simultanée des neurones du cortex frontal et des structures du système hédonique (en particulier l'amygdale) a pu être démontrée par neuro-imagerie à l'occasion d'un état de "manque". En effet, chaque émotion prise en compte par le système hédonique est susceptible de conduire à une réponse motrice immédiate. Toutefois, ce "passage à l'acte" va être contrôlé par des projections du cortex cingulaire antérieur sur le noyau accumbens et l'amygdale où sont mémorisés les antécédents affectifs et socioculturels de l'individu. Ce contrôle permanent est exercé sur les pulsions qui peuvent naître de la suractivation du système limbique génère un certain nombre de conflits et peut expliquer des comportements anormaux. la drogue jouerait le rôle d'une telle "béquille hédonique", dans l'impossibilité où se trouve le patient de retrouver le contrôle de ses pulsions affectives.

 

Le support génétique facilitateur de l'addiction

      La propension au passage de l'abus à l'addiction dépend aussi, dans un certain nombre de cas, d'un support génétique sans doute polygénique. Ainsi, le polymorphisme du récepteur dopaminergique D2 avec prédominance de l'allèle A1 est retrouvé de manière statistiquement significative dans les familles d'alcooliques. De même, les gènes dopant pour les transporteurs des neurotransmetteurs tels que la dopamine ou la sérotonine sont retrouvés altérés plus fréquemment chez les alcooliques. On constate que 54% des vrais jumeaux, même lorsqu'ils se trouvent dans des environnements socioculturels différents consomment de la cocaïne, alors que ce pourcentage est beaucoup plus faible chez les faux jumeaux. (...)".

"Un des phénomènes les plus curieux et les plus difficiles à expliquer dans la toxicomanie, c'est le fait que, si un individu a pris une substance, il ne peut s'en défaire lorsqu'il en est devenu dépendant. Pourquoi? Il y a le fait que l'abandon de la substance crée un effet de stress, le sevrage, qui peut être très douloureux en particulier chez l'alcoolique et l'héroïnomane. Cependant, le sevrage d'autres substances (tabac, psychostimulants, cannabis) n'est pas aussi dramatique et pourtant l'arrêt du tabagisme, par exemple, est très difficile. La théorie de la dépendance liée aux difficultés du sevrage, dite "renforcement négatif", se voit donc mise en défaut et on s'oriente plutôt vers la théorie du "renforcement positif", qu'on lie à l'extrême difficulté de se détacher d'une drogue qui donne la sensation de plaisir intense. Cela sous-entend qu'il y aurait un accroissement de cette sensation par consommations successives. (...)" Une expérience réalisée sur les singes montre une recherche par tous les moyens de la drogue (craving).

"Par ailleurs, l'hypersensibilité des systèmes neuronaux, dopaminergique en particulier, a pu être démontrée" (Expériences sur des rats) (...). Nénamoins, les mécanismes neurobiologiques sous-tendant les processus addictifs sont loin d'être compris. C'est pourtant de cette incompréhension que pourraient venir des traitements évitant le craving et les rechutes. cependant, plusieurs résultats doivent être mis en exergue (...) qui conforteraient l'hypothèse (...) d'un débordement des processus de déphosphorysation par les phosphatases. Celles-ci mettraient alors un temps très long pour remettre le système cellulaire à l'équilibre."

 

Les recherches continuent

     En tout cas, notamment à l'intérieur de l'industrie pharmaceutique, les recherches se poursuivent pour préciser les dynamismes à l'oeuvre. "Le véritable enjeu serait de découvrir le moyen de faire cesser la recherche compulsive des drogues et plus encore la rémanence de leurs effets. Quelques progrès ont été enregistrés sur des modèles animaux avec des substances qui maintiennent un taux moyen de dopamine dans le noyau accumbens ou avec des molécules protégeant les enképhalines endogènes de leur inactivation enzymatique. Il reste à démontrer que cela peut être transposé chez l'homme. Une autre approche intéressante, mais dont les applications semblent être plus limitées, consiste à utiliser des anticorps dirigés contre la substance addictive (héroïne, cocaïne...) qui, en fixant des drogues sur des grosses molécules d'anticoprs, les empêcheraient de pénétrer dans le cerveau. Dans tous les cas, seule l'association de la médication chimique et de divers traitements psychothérapeutiques donne des résultats réellement positifs. (...)."

 

Compulsion et addiction

 Quelques soient les vecteurs, substances ou comportements, rappelle Xavier POMMEREAU, psychiatre des hôpitaux, chef de service au CHU de Bordeaux, "toutes les addictions partagent le fait d'être récurrentes et agies sous la contrainte d'une besoin incoercible appelée compulsion. Celle-ci est ressentie comme une force intérieure brisant la volonté, faisant dire au sujet concerné "c'est plus fort que moi".

Pour A. Goodman (Addiction : Definition and Implications, dans British Journal of addictions, 1990), spécialiste de l'approche comportementaliste, l'addiction est une processus par lequel un comportement, procurant normalement plaisir et soulagement, s'organise selon un mode particulier, caractérisé à la fois par l'incapacité à le contrôler et la poursuite de ce comportement en dépit de ses conséquences négatives. A cette définition générale, il est également classique d'ajouter que l'addiction constitue un trouble comprenant l'exposition à une intoxication répétée puis l'installation progressive d'une dépendance et d'un besoin compulsif de consommer, accompagner d'une tolérance - c'est-à-dire d'une diminution des effets produits par une même dose de drogue, se traduisant par des signes de sevrage (N D Volkow et collaborateurs, Role of Dopamine, the frontal cortex and memory circuits in Drug Addiction : Insight from Imagining studies, dans Neurobiol Learn men, 2002).

 

Secrétions dans le cerveau et addiction

Les spécialistes s'accordent à dire que l'addiction ne saurait se concevoir sans interactions chimiques au niveau du cerveau. Mais s'il est facile d'admettre que celles-ci sont provoquées par l'usage de substances toxiques, ou qu'elles sont liées à l'auto-secrétion de substances naturelles induites par l'excès d'un comportement donné, la question de la causalité première - biologique, psychique ou sociale - reste posée. Dans l'état actuel de nos connaissances, on considère que les pathologies de la dépendance sont d'origine pluri-factorielle, intégrant de manière plus ou moins imbriquée des composantes neurobiologiques, comportementales, psychologiques et sociales, susceptibles d'exercer les unes sur les autres des effets de renforcement réciproque. Et si l'on admet le principe d'une vulnérabilité génétique exposant davantage certains sujets, dès leur conception, aux risques de l'addiction, on doit tout autant reconnaitre l'importance des interactions affectives précoces dans la genèse des dépendances."

Après avoir évoqué certaines recherches neurobiologiques (Reynaud,Plaisirs, passions et addictions : comment la connaissance des circuits du plaisir et des voies de la passion éclaire la compréhension des addictions, Synapse, 2005 ; Bartels et Zeki, The neural correlates of Maternal and Romantic Loves, Neuroimage 2004, et aussi Jean-Didier Vincent, 1986), le psychiatre écrit que "même si la diversité et la complexité des différentes formes d'addiction rendent périlleuse toute approche qui se voudrait par trop synthétique, force est de reconnaitre que le corps est, dans tous les cas, attaché à l'objet addictif. D'un point de vue psychodynamique, cet "attachement à l'objet" gageant le corps et signant la dépendance, renvoie - par sa répétition et le besoin qu'il suscite - à l'impossible détachement d'un autre objet, celui-là primaire et constitutif de la satisfaction des besoins et des désirs en jeu dans la relation précoce mère-enfant."

 

Xavier POMMEREAU, Addictions, dans Dictionnaire du corps, sous la direction de Michela MARZANO, PUF, 2007. Bernard Pierre ROQUES et Eduardo VERA OCAMPO, Addiction, dans Encyclopedia Universalis, 2014.

 

PSYCHUS

 

Relu et corrigé le 10 mars 2022

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