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9 décembre 2015 3 09 /12 /décembre /2015 12:41

     Comme de nombreux autres ouvrages du journaliste Pierre PÉAN, celui-ci provoque plus de réactions et de polémiques bienvenues qu'il ne constitue une approche réellement globale du conflit qui agite les Balkans, ici au Kosovo, notamment depuis la chute de l'URSS.

Même si le pavé qu'est ce livre (mais pas en petits caractères...) apporte des éléments d'interrogations légitimes quant au soutien apporté par l'Occident à certains régimes sur place, il est surtout intéressant par la problématique, qui n'est pas propre au Kosovo, qu'il soulève. Trop souvent en effet, pour mettre fin à des exactions, les organisations internationales et des États ne sont pas trop regardants sur la nature des forces politiques dont ils s'aident et qu'ils laissent trop souvent ensuite accaparer tout le pouvoir politique. Il y a là toute une expérience que l'ONU notamment capitalise, interventions après interventions, afin, cahin caha, car ce n'est pas un processus continu et toujours progressif, d'élaborer de véritables stratégies de paix, qui tienne en compte de nombreux paramètres économiques, sociaux, ethniques et politiques. 

   La période étudiée couvre de la première guerre de l'OTAN en 1999 au détachement de la Serbie et du Kosovo en 2008. Où en est aujourd'hui le Kosovo "démocratique" et "pluriethnique" soutenu par la Coalition? C'est un véritable droit de suite que veut faire revendiquer l'auteur, car en dépit des proclamations d'autosatisfaction, il estime que la communauté internationale a failli. Il entend démontrer la duplicité de la communauté internationale, États-Unis en tête face aux trafics qui s'y développent. Au centre de ces trafics se trouve les leaders issus des rangs de l'UCK, l'ancien mouvement indépendantiste armé, "hier encore présentés comme les "combattants de la liberté" et aujourd'hui connus pour leurs liens avec le crime organisé. 

  L'auteur ne craint pas le sensationnalisme en débutant par la mise en scène d'un trafic d'organe, à commencer par les opérations chirurgicales d'un médecin, témoin aujourd'hui devant les organisations internationales. Ce qui se présente comme une enquête se centre sur les coulisses de l'entrée en guerre des puissances occidentales, dont la France, sur la guerre elle-même, entachée d'irrégularités juridiques, sur les campagnes d'information (de désinformations) dans les médias, sur l'organisation de la "paix" et les agissements des mafieux et des criminels. C'est sans doute sur le plan de l'analyse de l'information (souvent à sens unique) et sur la description du fonctionnement de ces mafias que l'auteur est le plus convainquant. Convainquant dans l'apport d'informations mais il n'est pas sûr que se le soit dans le tableau global de la situation du Kosovo. Nombreuses de ces informations sont disponibles déjà avant la parution du livre : l'auteur s'est beaucoup inspiré du rapport de Dirk MARTY, adopté par le Conseil de l'Europe en décembre 2010, des mémoires de l'ancien procureur général du Tribunal Permanent Internationale pour le Kosovo (TPIY) Carla del PONTE (La traque. Les criminels de guerre et moi, Héloïse d'Ormesson, 2009) et du rapport de 2003 de la MINUK à Patrick Lopez TERREZ, chef des investigations du TPIY. De larges extraits de ces rapports et mémoires figurent à la fin de son livre. Son enquête de "terrain", menée en 2012 ne semble couvrir pas beaucoup de régions du conflit (des enclaves serbes...) et des critiques (Lucien Pons, http://balkans.courriers.info et Laurent Duhesmes, www.linternaute.com par exemple) mettent ce point en avant pour parler parfois "d'enquête bâclée". L'intérêt de ce livre reste, car hormis le reportage sur Canal+ (5 mars 2012) et quelques autres, très peu d'informations circulent, en Europe notamment, sur la criminalité dans les Balkans ou sur la situation au Kosovo. 

 

      La rédaction journalistique laisse aussi de côté une analyse systématique et sociologique, mais ce n'est pas le propos de Pierre PÉAN. Ce qui importe sans doute, c'est le manque de "suite" dans les interventions dans des zones touchées par des guerres civiles (traduction d'un manque de moyens étatiques et d'organisations inter-étatiques?). Après des campagnes militaires dans l'ensemble plutôt bien menées, mais qui laissent songeur sur le choix des alliés sur place (ici les tendances les plus militarisées de la résistance à l'oppression du peuple kosovar, au détriment d'organisations plus démocratiques et combattantes de longue date), les États semblent ne pas pouvoir mettre en place une reconstruction économiques et sociale qui se passerait du soutien de pouvoirs criminels, ceci nonobstant dans ce cas les efforts de l'envoyé spécial des Nations Unies. 

 

Pierre PÉAN, Kosovo, Une guerre "juste" pour un État mafieux, Fayard, 2013, 500 pages. http:// balkans.courriers, un site Internet que nous recommandons.

 

Relu le 23 février 2022

 

 

 

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