Les conflits d'intérêts menacent directement la démocratie, dans une mesure beaucoup plus importante que ce qu'on peut voir, entendre et lire des médias.
Conflits d'intérêts entre fonction publique et fonction privée, entre mandat exécutif et mandat législatif se répandent comme le feu à la poudre. Avocats d'affaires sur les transactions immobilières légiférant sur l'habitat ou les bureaux, financiers s'activant à faire et à défaire les lois sur le fonctionnement des marchés et du système monétaire... poursuivent toute une tradition, mais à plus large échelle que les propriétaires de vignobles proposant et votant des lois sur le commerce du vin et des alcools... Professionnels qui légifèrent directement sur leur profession deviennent légion dans les Assemblées.
Pas étonnant que les services publics se transforment tous en services privés! Passe encore que ce soient des activités "complémentaires" ou "temporaires" de ces élus, mais lorsque ces personnages cumulent dans l'esprit et le corps activités privées et activités publiques, lorsqu'ils érigent en principe les confusions, le devoir de servir et le pouvoir de se servir, cela s'appelle sobrement de la corruption.... Personnels politiques qui, maire un jour applique les lois, député un autre jour qui prépare, discute et vote ces mêmes lois... Personnes qui cumulent des mandats dans un exécutif local et dans un législatif national, hommes de lois qui appliquent plus ou moins consciencieusement les mêmes lois, cela s'appelle sobrement aussi de la corruption... Même si la deuxième corruption semble moins grave que la première, elles se nourrissent l'une de l'autre dans une joyeuse mesure pour certains, dans une plus triste mesure pour d'autres, beaucoup plus nombreux.
Corruption de l'esprit de la démocratie. Il est tout-à-fait légitime que tous les lobbies, que tous les intérêts divers des nations sollicitent, assiègent même, les instances législatives. Il est tout-à-fait possible d'organiser la confrontation des différents points de vue, y compris en termes industriels et commerciaux. Mais là où un pas est franchi dans la décadence, c'est lorsque les intérêts privés eux-mêmes légifèrent.... Les affaires qui de temps en temps émergent dans les médias ne sont que la partie émergée !précisément) d'icebergs de corruption. Constamment, lobbies pharmaceutiques, de l'armement, du textile, de la chimie, du pétrole... guident directement l'activité des commissions parlementaires. En France plus qu'aux États-Unis, le Parlement est sensible au déploiement d'énergie des intérêts privés : les moyens du député ou du sénateur de base sont rachitiques par rapport à ce qui existe outre-Atlantique. Tout citoyen qui a eu la pénible obligation de prendre rendez-vous avec son député est frappé de la petitesse de son bureau, condamné à payer de sa rémunération pitoyable - par rapport à celle des ministres - frais de bureau et frais de personnel, notamment son secrétaire qu'il est obligé d'aller chercher dans sa mairie, lequel doit partager son temps entre Paris et la circonscription!
De manière générale, l'appareil politique actuel des pays dits démocratiques fonctionne sur la "synergie" chaotique entre intérêts privés plutôt que sur la mise en marche d'un intérêt général.
Peu importe encore une fois que le député ou le sénateur soit agriculteur, avocat ou chef d'entreprise, pourvu qu'il ait en tête l'intérêt général. Or ce n'est plus le cas. Ce sont d'abord ses intérêts qu'il a en tête! Plus encore, la majeure partie des élites politiques, justifie, revendique cet individualisme possessif, au nom des principes de la concurrence à tous les niveaux, voire du libéralisme le plus épuré. Tant et si bien que les élus ne réclament même plus de statut d'élu - un statut qui en France leur ferait bénéficier de moyens conséquents propres à assurer leur indépendance et leur liberté d'action. Ceci est réduit à l'état de slogan électoral utile!
Cette corruption recouvre un mépris des lois, en définitive, qui se propage à toute la société.
L'exemple venu de très haut du mépris du droit lorsqu'il contrecarre les nouveaux (et les anciens) privilèges distille à l'ensemble de tous les corps sociaux. Comme une gangrène, cette corruption pourrit toute la société. Et le citoyen, conscient que ses intérêts sont continûment bafoués n'a... plus aucun intérêt à respecter à son tour la loi... Cela devient le règne d'abord gentillet de la débrouillardise, puis dominant de la combinazione, et enfin agressif du chacun pour soi ou de sa famille... C'est le retour aux principes claniques, c'est la dominance de préoccupations individuelles étendues aux proches. C'est aussi la vie au jour le jour, le mépris absolu de toute perspective d'ensemble et à long terme érigé du bas en haut des hiérarchies sociales...
Une sorte de guerre civile larvée s'instaure, où tous les coups ne sont d'abord pas permis, où la violence dans un premier temps est évitée. Avant qu'elle n'éclate par accident, avant qu'elle ne soit banalisée, revendiquée, admise et que la guerre civile devienne une guérilla violente de tous les jours... Une guerre civile d'abord dans les esprits, puis dans les faits....
C'est d'abord de circuler dans les transports collectifs sans payer, frauder à la petite semaine comme les financiers le font à la grande... avant de virer les huissiers à son domicile, séquestrer de façon habituelle les employeurs, pirater de manière monotone les serveurs des administrations publiques et privées... avant de voler de manière quotidienne supermarchés, contrôleurs de fisc... avant de transformer des quartiers entiers, et demain des villes entières, en camps retranchés de marchés parallèles, clandestins.. et ensuite fonctionnant de manière ouverte, armées de protection en appui. Avant, bref de transposer en petit ce qui se fait en grand, dans les hautes sphères sociales et ceci de manière généralisée et banalisée...
Pour ceux qui pensent que cela reste utopique ou peu probable, qu'ils songent un instant à un pays au million de personnes derrière les barreaux, à des quartiers entiers vivant en dehors des lois ou presque : les États-Unis d'Amérique!
Il n'est pas besoin de relire un Montesquieu ou un Tocqueville, pour voir dans cette corruption rampante, souterraine et ample, la fin de la démocratie.
La corruption fait vraiment monter la moutarde au nez dans certaines circonstances.
Parmi ces circonstances, le spectacle de la présidence française de Nicolas SARKOZY place la barre assez haut... et les odeurs de corruption vraiment d'un niveau très fort...
Nous recommandons un livre, une fois n'est pas coutume parce que nous n'aimons pas dans ce blog entrer, de quelque manière que ce soit, dans la politique politicienne française (outre l'aspect provincial, il y a le danger de se noyer dans des conflits particuliers) : celui de Michel PINÇON et Monique PINÇON-CHARLOT, Le président des riches, Enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy, La Découverte/Poche, 2011, nouvelle édition revue et augmentée, de 281pages. Il donne à voir un précipité de divers types de corruptions d'intérêts toutes ouvertement mises en oeuvre.
Un autre aspect de cette corruption, en France toujours, mais importée des États-Unis, réside dans la collusion/confusion de l'activité de la presse et de la finance, particulièrement vive dans la presse économique. Les journalistes économiques, de concert avec la grande majorité des économistes, font l'apologie des affaires de la finance... en s'enrichissant eux-même du système libéral, tout entier plongé dans une vie mondaine. La pénétration de la finance dans le monde universitaire, et notamment des sciences économiques, est l'objet d'un autre livre que nous recommandons, même s'il est publié en pleine campagne électorale : Les imposteurs de l'économie, de Laurent MAUDUIT, publié, non pas par une maison d'édition bien connue, tant elles sont gangrenées par cette corruption-là, mais à Jean-Claude Gawsewitch Éditeur, 2012, (295 pages).
Nous en profitons pour dire aux lecteurs, qu'ils peuvent tout-à-fait en proposer d'autres, dans la rubrique Commentaires.
REVOLTUS
Complété le 12 Avril 2012. Relu le 23 mars 2020 (avec angoisse, devant la crise du coronavirus, dont ils faudra que tous ces corrompus rendent compte un jour...)