Tous les forces de police, qu'elles soient militaires et civiles, possèdent dans leur arsenal de maintien de l'ordre, notamment en milieu urbain, des armes chimiques, même si elles ne sont pas toujours qualifiées comme telles. Ce sont principalement des gaz lacrymogènes (provoquant une incapacité temporaire, par irritation des yeux et/ou du système respiratoire, plus ou moins importante), le plus couramment des irritants oculaires (CS, CN, CR) ou des irritants respiratoires (piment OC).
C'est surtout au début du XXe siècle que ces armes chimiques furent utilisées, même si leur élaboration date du siècle d'avant, au départ pour neutraliser des forcenés et des individus barricadés, dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme.
Dans le monde, leur usage se généralise à partir des années 1920 et elles furent utilisées pour disperser les manifestations à partir des années 1930. Considérés comme des armes d'anti-guérilla urbaine, notamment en Amérique du Sud, elles servent maintenant régulièrement en cas de "débordement" des grandes manifestations, celles organisées notamment par les syndicats ouvriers. Notons que pour la France, le génie militaire utilise fin Août 1914 des grenades suffocantes contre l'armée allemande en Alsace, sans succès d'ailleurs, mais déclenchant une controverse avec l'Allemagne au sujet du déclenchement de la guerre chimique (selon une thèse présentée sur le site www.guerredesgaz.fr, Prélude à la guerre chimique).
Le gaz, utilisé sous forme de grenades par les forces de police, connaît un grand succès pour la dispersion des manifestations de tout genre, et constitue souvent le seul moyen chimique utilisé. Avec le canon à eau, il est considéré comme un moyen d'ultime recours, lorsque les négociations pour le faire ont échoué (mais parfois, il n'y a pas de négociations, juste des sommations...), dans la plupart des pays occidentaux. Mais il peut être considéré dans d'autres pays en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, comme faisant partie de la panoplie ordinaire, utilisée avant des tirs meurtriers.
En France notamment, les conditions sont très strictes sur l'utilisation des grenades lacrymogènes et requièrent l'autorisation du commandement. Mais de toute façon, utilisé dans des espaces clos, elle peut être mortelle.
Il existe des guides du manifestant qui donnent des conseils pour se protéger contre celui-ci lors des manifestation (Jacky DURAND et Gilles WALLON, Face aux lacrymos, sortez couvert, 2006 ou Guide du militant, 1970).
La Convention sur les armes chimiques de 1993 évoque la question de l'emploi des agents de lutte anti-émeutes. L'article I/5 interdit expressément l'emploi en tant que moyens de guerre d'une variété de produits chimiques toxiques destinés principalement à un éventuel emploi national et dont l'effet sur les êtres humains ne dure en général pas longtemps. Or, le principe que de tels agents de lutte anti-émeute ne doivent pas être employés dans les conflits internationaux n'est pas maintenu de manière catégorique tout au long de la Convention. En effet, l'Article II/9d permet leur emploi à "des fins de maintien de l'ordre public, y compris de lutte anti-émeute sur le plan intérieur". A ce stade, rappellent Winfred LANG et Walter GEHR, il faut savoir que lors des négociations sur la Convention, "la délégation des États-Unis avait empêché l'insertion du mot "interne" après les mots "ordre public". Ainsi, elle s'était opposée à ce que l'emploi d'agents de lutte anti-émeute puisse être justifié uniquement par des raisons de "domestic law enforcement" et obtint le retrait du qualificatif "domestic" ("interne"). De là, un tel emploi se trouve permis par la convention pour toute mesure de "law enforcement", terme dont l'interprétation demeure donc ambiguë. De ce fait, il est envisageable que l'emploi d'agents de lutte anti-émeute dans des conflits militaires internationaux se trouve justifié par la Convention, à condition qu'une telle pratique puisse trouver son fondement dans une norme internationale, voire même nationale. Or, force est de constater que la Convention garantit à tous les États parties le droit de demander une assistance et une protection contre l'emploi ou la menace d'emploi d'agents anti-émeute en tant que moyen de guerre (article X/8). Quoiqu'il en soit, l'on peut s'attendre à ce que certains États formulent une déclaration d'interprétations pour se défendre contre une possible justification d'un emploi extraterritorial d'agents de lutte anti-émeute."
Winfred LANG et Walter GEHR, Convention sur les armes chimiques et droit international, Annuaire français de droit international, n°38, 1992 (disponible sur www.persee.fr).
ARMUS
Relu le 20 mars 2020