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23 septembre 2016 5 23 /09 /septembre /2016 08:48

    Rappelons simplement que les missiles tactiques interviennent dans tous les compartiments du champ de bataille : sur terre, sur mer et sous la mer. Ils sont utilisés pour endommager ou détruire différents types d'objectifs : chars, centres de commandement ou de télécommunications, radars, dépôts de munitions, avions, navires, sous-marins. 

Globalement, on distingue trois générations de missiles tactiques. La première est constituée de missiles télécommandés sur toute la trajectoire. La deuxième génération est composée de missiles autoguidés, se dirigeant seuls sur leur cible après un accrochage préalable assuré par le lanceur (avion, navire, véhicule terrestre). La troisième est formée de missiles "intelligents" capables d'attaquer seuls des objectifs préalablement désignés, permettant l'adoption de la technique dite 'tire et oublie" (fire and forget) qui libère l'opérateur humain pour de nouvelles actions.

       Les missiles tactiques balistiques (ils le sont tous, faisant appel à la pesanteur à un moment ou à un autre... jusqu'à maintenant) sont conçus pour une utilisation de courte portée sur le champ de bataille, typiquement à moins de 300 kilomètres. Ils constituent des armements intermédiaires entre l'artillerie conventionnelle à base de fusées et les missiles balistiques de grande distance, souvent considérés comme des missiles stratégiques. Il peut y avoir quantité de catégories suivant la distance à parcourir, comme pour la nature des charges emportées.

    Pour Joseph HENROTIN et Philippe LANGLOIT, chargés de recherche au CAPRI (Centre d'analyse et de prévision des risques internationaux de la DGA et DAS), les évolutions qu'ont connues les missiles tactiques ces dernières années sont considérables. Un véritable changement de paradigme selon divers spécialistes est en traint de se produire, montrant une recherche, chez les concepteurs comme chez les militaires, d'une plus grande polyvalence, montrant des évolutions radicales des enveloppes d'emploi des engins.

"Il existe, dans le domaine de la missilerie, une tendance émergente au brouillage des rôles et des fonctions, dont la première des rationalités est d'élargir l'enveloppe d'emploi des engins et, donc, la liberté de manoeuvre des commandants. Cette tendance se déploie tant dans le domaine naval que dans le domaine terrestre, avec le développement de missiles capables aussi bien de mener des missions antichars que d'appui d'infanterie, notamment en zone urbaine. Mais cette tendance lourde se double également d'évolutions plus radicales, cette fois dans le domaine de l'emploi tactique du facteur "temps" par l'intermédiaire de missiles qualifiés de "rôdeurs". Le principe est simple mais sa mise en oeuvre apparait plus complexe : après lancement d'un engin, il se met à la recherche de cibles potentielles qui, une fois détectées et validées, sont attaquées. Il s'agit bien ici "d'instruments de contrôle des "présents"". Au vrai, la tendance était latente, plusieurs tentatives ayant été menées dans les années 1990."

Après avoir détaillé les caractéristiques de plusieurs missiles tectiques, notamment américains, les deux auteurs indiquent que cette tendance reste à confirmer, étant donné que l'Europe n'est pas en reste avec ses propres programmes d'armements. Tous ces programmes, tant américains qu'européens, sont soumis aux contraintes budgétaires des États qui n'épargnent pas les armées.

"Face à la pression budgétaire (qui trouve des ramifications jusque dans la gestion des stocks de munitions), les armées demandent de plus en plus de capacités, quitte à ce que les nouveaux engins soient plus coûteux que les générations précédentes. Mais, au final, les états-majors, quels qu'ils soient, entendent réduire les coûts - bien que les réflexions en la matière soient très inégales d'un pays à l'autre. Deuxième grande tendance, la question de la maitrise du temps. Aujourd'hui, elle importe plus que la géographie - même si la géographie reste évidemment importante. Mais la géographie est à présent maîtrisée : du GPS à la fiabilité des capacités de projection, navale, terrestre ou aérienne, envoyer un engin à un endroit précis à 20 000 km de la base n'est plus un problème. Il ne faut plus "charbonner" et réparer comme lorsque la flotte russe, quittant la Baltique, mettait six mois pour atteindre, et s'y faire détruire, le détroit de Tsushima.

Le véritable problème réside, en revanche, dans la temporalité des frappes. "Aller vite", ou au contraire, "persister et attendre la bonne occasion", impose une maîtrise du temps qui sera indéniablement le prochain chantier stratégique du siècle (voir Joseph HENROTIN, Seapower. Enjeux et perspectives de la stratégie navale, collection Bibliothèque stratégique, Économica, 2009). Or, vues sous cette perspective, les contraintes pour la stratégie des moyens sont autrement plus importantes. Il faut des systèmes de guidage plus précis et pouvant être utilisés dans des cas de figure même pas envisagé au moment de la conception des engins. Il faut également des charges modulaires, adaptables, qui permettent de répondre au "temps politique" : pour parler crûment, en Afghanistan, en 2001, l'emploi de bombes de 907 kg était politiquement moins problématique qu'aujourd'hui. La légitimité de l'opération aux yeux du monde politique comme des opinions publiques était alors intacte. Il faut également une simplicité d'emploi devant répondre au "temps tactique" : s'engoncer dans de longues check-list avant un lancement n'est plus guère une option pour des pilotes ou des opérateurs engagés sur des terrains requérant déjà toute leur attention (pour tirer, il faut d'abord survivre) et qui sont soumis à des règles d'engagement contraignantes.

Il faut également répondre au "temps technique". Soit aménager des possibilités d'évolution des engins (afin de permettre des évolutions futures) tout en faisant en sorte qu'ils nécessitent le moins d'entretien possible. Les armées n'ont plus guère le temps de compter leurs boutons de guêtres... Les défis pour la génération à venir sont considérables, d'autant plus que les prospectives en matière budgétaire ne prêtent pas l'optimisme. Jamais, depuis 1945, les armées européennes n'ont été engagées dans autant d'opérations, mobilisant, pour une partie d'entre elles, presque totalement leurs unités de tête et ne laissant en réserve que des unités revenant d'OPEX (d'opérations extérieures), ou s'entrainant pour y être engagées. Et pourtant, en dépit de cet engagement, jamais les budgets n'ont été si faibles : l'unité comptable représentée par le nombre de poucents du PIB affecté à la défense est évidemment instable...".

Même si dans ce blog, on est loin de se joindre aux plaintes des militaires et des compagnies d'armements à ce sujet, il faut bien voir le décalage croissant entre des ambitions politiques affichées et des moyens accordés. En tout cas, l'évolution technologique, ici des missiles tactiques, s'inscrit dans une évolution globale des armements. De plus en plus de fiabilités techniques, de moins en moins d'unités opérationnelles...

On ne peut pas ne pas être frappé  (sans vouloir faire de l'humour noir) par le caractère imprécis des missiles tactiques employés dans la guerre en Ukraine. Loin des vantardises des uns et des autres, les effets des lancements de missiles va jusqu'à tromper sur le ciblage des adversaires : civil ou militaire, objectif de destruction des matériels militaires ou de terrorisme des populations.. Sans compter les effets fratricides qui se multiplient au gré des mauvaises coordinations entre éléments d'une même armée... S'emploient des missiles moins coûteux, moins précis et plus nombreux (plus anciens aussi) entrainant un usage qui se rapproche plus de celui de la première guerre mondiale que d'une guerre dite moderne...

 

Joseph HENROTIN et Philippe LANGLOIT, Missiles tactiques, Une nouvelle génération et deux tendances, dans Défense & Sécurité internationale, numéro 53, Novembre 2009.

 

ARMUS

 

Relu le 5 juillet 2022

 

 

 

 

 

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