19 juin 2009
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Les mythes sans les rites pour les vivifier et les rites réduits au cérémoniel, ne peuvent les uns et les autres rendre compte de leur insertion dans les conflits de tout ordre dans les sociétés industrialisées comme dans les sociétés dites primitives ou traditionnelles.
On peut même dire, que même hors des religions institutionnalisées, ils forment la trame de nombreuses modalités des relations entre hommes et groupes d'hommes. Ces mythes et ces rites, depuis des temps immémoriaux se sédimentent et se modifient, se déforment sans doute, mais restent bien présents jusque dans les sédiments des religions les plus organisées.
Au croisement du conscient et de l'inconscient (il n'est donc pas étonnant que la psychanalyse les évoque souvent), dans leurs sous-entendus comme dans leurs formes littéraires les plus élaborées, les mythes guident souvent les actions des hommes ; ils forment sans doute un succédané aux manques de connaissances sur la réalité du monde. Mais même dans les époques scientifiques, jusque dans des expressions passées de façon courante dans le langage, ils restent présents, à la fois actifs et ignorés dans leurs dimensions.
Les comportements, dans les grandes circonstances comme dans les gestes quotidiens, ne peuvent sans doute pas se passer de mises en routine dans les relations sociales, faisant appel à des habitudes de mises en relation, à de véritables rituels permettant de marquer les dispositions d'esprit des uns par rapport aux autres. Mais plus profondément, les divers rites, même s'ils ne semblent pas se rapporter à des convictions religieuses ou des croyances, gardent toujours en arrière fond des actions passées, aux précisions oubliées ou transfigurées, déformées là aussi, des mythes de plus ou moins grande importance.
Au croisement du conscient et de l'inconscient (il n'est donc pas étonnant que la psychanalyse les évoque souvent), dans leurs sous-entendus comme dans leurs formes littéraires les plus élaborées, les mythes guident souvent les actions des hommes ; ils forment sans doute un succédané aux manques de connaissances sur la réalité du monde. Mais même dans les époques scientifiques, jusque dans des expressions passées de façon courante dans le langage, ils restent présents, à la fois actifs et ignorés dans leurs dimensions.
Les comportements, dans les grandes circonstances comme dans les gestes quotidiens, ne peuvent sans doute pas se passer de mises en routine dans les relations sociales, faisant appel à des habitudes de mises en relation, à de véritables rituels permettant de marquer les dispositions d'esprit des uns par rapport aux autres. Mais plus profondément, les divers rites, même s'ils ne semblent pas se rapporter à des convictions religieuses ou des croyances, gardent toujours en arrière fond des actions passées, aux précisions oubliées ou transfigurées, déformées là aussi, des mythes de plus ou moins grande importance.
Les mythes
Les mythes sont des récits que les membres d'une société se transmettent de génération en génération depuis les temps les plus anciens. Ils se distinguent facilement d'autres textes avec lesquels ils sont liés, mais qui, à l'instar des incantations chamaniques ou des récitatifs rituels, sont scandés par des enchaînements de mots et de syntagmes qui divergent du mode narratif.
Les mythes sont des récits que les membres d'une société se transmettent de génération en génération depuis les temps les plus anciens. Ils se distinguent facilement d'autres textes avec lesquels ils sont liés, mais qui, à l'instar des incantations chamaniques ou des récitatifs rituels, sont scandés par des enchaînements de mots et de syntagmes qui divergent du mode narratif.
Comme l'écrit Patrice BIDOU, le temps occupe ensuite une position capitale dans la définition du mythe, "non seulement parce qu'il légitime de l'intérieur le discours mythique comme parole fondatrice, mais aussi parce qu'il joue un rôle déterminant dans le processus de fabrication du mythe en tant qu'objet". En effet, pour qu'un événement, une histoire, une narration, toujours singulière au départ, devienne un mythe, deux conditions doivent être remplies. Il faut d'une part que ses éléments entrent dans un rapport de compatibilité sémantique et formelle avec l'ensemble des mythes de la population concernée, d'autre part que soit oubliée, effacée son origine individuelle pour devenir une histoire générale, exemplaire : ces deux aspects fondamentaux se façonnant à travers une seule et même dimension qui est le temps". On pourrait ajouter une troisième condition : il faut que ces évènements racontés, qu'ils soient vrais ou faux, véridiques en soi ou mal compris, cela en fin de compte n'a pas d'importance immédiate, frappent les esprits, possèdent d'une certaine manière une violence quelconque, que ce soit celle de la nature ou celle de conflits entre groupes humains.
D'autre part, les mythes pour les populations qui les vivent intérieurement, n'en sont pas : ils font partie de la réalité passée, présente et à venir. Des populations dites primitives ou des populations du XXIème siècle fondent une grande partie de leur existence sur cette croyance. Mircea ÉLIADE, dans ses études sur le mythe, met bien l'accent sur cette permanence du mythique. Il l'écrit ainsi à propos du christianisme.
"Il faut ajouter aussitôt (après avoir bien fait comprendre que pour un chrétien, l'Incarnation, la Résurrection et l'Ascension ne se présentent pas comme un mythe) que, du fait même qu'il est une religion, le christianisme a dû conserver au moins un comportement mythique : le temps liturgique, c'est-à-dire le recouvrement périodique de l'illud tempus des "commencements". L'expérience religieuse du chrétien se fonde sur l'imitation du Christ comme modèle exemplaire, sur la répétition liturgique de la vie, de la mort et de la résurrection du Seigneur, et sur le contemporanéité du chrétien avec l'illud tempus qui s'ouvre à la Nativité de Béthléem et s'achève provisoirement avec l'Ascension. Or, nous l'avons vu, l'imitation d'un modèle transhumain, la répétition d'un scénario exemplaire et la rupture du temps profane par une ouverture qui débouche sur le Grand Temps, constituent les notes essentielles du comportement mythique, c'est-à-dire de l'homme des sociétés archaïques, qui trouve dans le mythe la source même de son existence".
D'autre part, les mythes pour les populations qui les vivent intérieurement, n'en sont pas : ils font partie de la réalité passée, présente et à venir. Des populations dites primitives ou des populations du XXIème siècle fondent une grande partie de leur existence sur cette croyance. Mircea ÉLIADE, dans ses études sur le mythe, met bien l'accent sur cette permanence du mythique. Il l'écrit ainsi à propos du christianisme.
"Il faut ajouter aussitôt (après avoir bien fait comprendre que pour un chrétien, l'Incarnation, la Résurrection et l'Ascension ne se présentent pas comme un mythe) que, du fait même qu'il est une religion, le christianisme a dû conserver au moins un comportement mythique : le temps liturgique, c'est-à-dire le recouvrement périodique de l'illud tempus des "commencements". L'expérience religieuse du chrétien se fonde sur l'imitation du Christ comme modèle exemplaire, sur la répétition liturgique de la vie, de la mort et de la résurrection du Seigneur, et sur le contemporanéité du chrétien avec l'illud tempus qui s'ouvre à la Nativité de Béthléem et s'achève provisoirement avec l'Ascension. Or, nous l'avons vu, l'imitation d'un modèle transhumain, la répétition d'un scénario exemplaire et la rupture du temps profane par une ouverture qui débouche sur le Grand Temps, constituent les notes essentielles du comportement mythique, c'est-à-dire de l'homme des sociétés archaïques, qui trouve dans le mythe la source même de son existence".
Jean-Pierre VERNANT pose quelquefois la question dans son oeuvre de savoir si les Grecs anciens croyaient vraiment à la mythologie des Dieux. De même, des mythes modernes peuvent poser le même questionnement aux hommes de notre temps. Pour aller plus loin, comme d'ailleurs Mircea ÉLIADE le fait, il signale que " des recherches récentes ont mis en lumière les structures mythiques des images et des comportements imposés sur les collectivités par la voie des mass-media". Il évoque les "comic strips", les bandes dessinées de tout genre et effectivement jusqu'aux images de la double trilogie cinématographique de La guerre de étoiles du réalisateur et producteur américain George LUCAS, tout cela a un lien avec les mythes (au-delà des mythes des super-héros d'ailleurs). Même si (presque) personne ne croit à la réalité de Luke Skywalker, ce que ces histoires racontent mettent en résonance d'autres histoires, bref une mythologie qui n'est pas seulement une façon de voir le monde, de le ressentir, mais aussi une perception de ce que sont au fond les relations sociales plus ou moins conflictuelles. Si nos ancêtres se laissaient bercer par la poésie (chantée ou parlée) de leurs mythes, nos contemporains se laissent bercer, même s'ils n'ont évidemment pas le même état d'esprit face à la réalité de ce qui est raconté, texto pour ainsi dire, par des images et des sons.
Les rites
Le rite s'inscrit dans la vie sociale par le retour imagé des circonstances appelant la répétition de son effectuation comme l'écrit Pierre SMITH. "Il se caractérise par des procédures dont il implique la mise en oeuvre afin d'imposer sa marque au contexte que son intervention même contribue à définir. Les procédures rituelles sont plus paradoxales que significatives, car le rite se propose d'accomplir une tâche et de produire un effet en jouant de certaines pratiques pour capturer la pensée, mené ainsi à "y croire", plutôt qu'à en analyser le sens. En cela, mais sans qu'il y ait totale exclusion mutuelle, le rite se distingue de ces manifestations à charge symbolique que sont les fêtes, les cérémonies, les célébrations, etc, tous usages qui se rapportent à l'étiquette privée ou publique. Si le rite s'insère dans de telles manifestations, il en constitue généralement le temps fort, autour duquel s'organise l'ensemble du déploiement cérémoniel, qui peut alors être qualifié de "rituel". Le rite ne se confine nullement à la sphère du religieux ; c'est plutôt celle-ci qui ne peut s'en passer, car elle se manifeste à travers lui et revendique l'exclusivité de sa mise en oeuvre".
On pourrait même dire que les religions reprennent à leur compte de nombreux rites pour leur donner parfois une nouvelle signification. Il existe un dynamisme rite-mythe-rite-mythe (quasiment rythmique à l'échelle de millénaires d'histoire!), dans laquelle les religions organisées puisent une grande partie de leur énergie captatrice des esprits et des corps.
Mythes et rites
René GIRARD, qui présente d'ailleurs son livre La violence et le sacré, comme une enquête sur les mythes et les rites, émet une hypothèse, une théorie de la religion primitive, hypothèse qu'il élargit ensuite en direction du judéo-christinanisme et de la culture toute entière, selon ses propres termes. Par la méthode comparative entre mythes de différentes régions du monde et rites constatés dans de nombreuses cultures, l'anthropologue et le critique littéraire veut montrer le caractère fondateur du mécanisme de la victime émissaire. A partir des mythes de création du monde, la plupart du temps violents, il veut démontrer que la crise sacrificielle forme la trame des rites les plus répandus.
"Dans les interprétations religieuses, la violence fondatrice est méconnue mais son existence est affirmée. Dans les interprétations modernes, son existence est niée. C'est la violence fondatrice, pourtant, qui continue à tout gouverner, lointain soleil invisible autour duquel gravitent non seulement les planètes mais leurs satellites et les satellites des satellites ; il importe peu que la nature de ce soleil soit méconnue, ou mieux encore, que sa réalité soit tenue pour nulle et non avenue".
René GIRARD, qui présente d'ailleurs son livre La violence et le sacré, comme une enquête sur les mythes et les rites, émet une hypothèse, une théorie de la religion primitive, hypothèse qu'il élargit ensuite en direction du judéo-christinanisme et de la culture toute entière, selon ses propres termes. Par la méthode comparative entre mythes de différentes régions du monde et rites constatés dans de nombreuses cultures, l'anthropologue et le critique littéraire veut montrer le caractère fondateur du mécanisme de la victime émissaire. A partir des mythes de création du monde, la plupart du temps violents, il veut démontrer que la crise sacrificielle forme la trame des rites les plus répandus.
"Dans les interprétations religieuses, la violence fondatrice est méconnue mais son existence est affirmée. Dans les interprétations modernes, son existence est niée. C'est la violence fondatrice, pourtant, qui continue à tout gouverner, lointain soleil invisible autour duquel gravitent non seulement les planètes mais leurs satellites et les satellites des satellites ; il importe peu que la nature de ce soleil soit méconnue, ou mieux encore, que sa réalité soit tenue pour nulle et non avenue".
L'efficacité de ce mécanisme, qui provient en partie de son occultation, permet par le spectacle du sacrifice d'une victime émissaire désignée comme coupable des malheurs provenant de la nature ou de relations entre les hommes, de réunir à nouveau les hommes réconciliés dans une société vivable, diminue au fur et à mesure que se développent les connaissances sur les véritables ressorts des relations humaines.
Aujourd'hui, les thèses "girardiennes" sur le dynanisme de la violence sociale continuent d'être discutées et polarisent même de nombreuses études et commentaires. Elles ont le mérite de rappeler que les mythes ne sont pas de gentils contes pour amuser les enfants et que les rites ne sont pas des mises en scène répétitives plus ou moins spectaculaires pour faire joli, mais qu'ils constituent une part cruciale de notre culture. Une part cruciale d'une culture plus ou moins conflictuelle.
René GIRARD, La violence et le sacré, Éditions Grasset, 1972. Mircea ÉLIADE, Aspects du mythe, Éditions Gallimard, collection nrf Idées, 1963.
Patrice BIDOU, article Mythe, Pierre SMITH, article rites dans Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, PUF, collection Quadrige, 2000.
RELIGIUS
René GIRARD, La violence et le sacré, Éditions Grasset, 1972. Mircea ÉLIADE, Aspects du mythe, Éditions Gallimard, collection nrf Idées, 1963.
Patrice BIDOU, article Mythe, Pierre SMITH, article rites dans Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, PUF, collection Quadrige, 2000.
RELIGIUS
Relu et corrigé le 5 Avril 2019