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28 février 2018 3 28 /02 /février /2018 09:32

   Membre de l'École de Francfort, Walter BENJAMIN (1892-1940), dont la rencontre avec ADORNO en 1923 infléchi sa pensée dans un sens plus matérialiste, maintien une recherche d'une extrême diversité, recherche fragmentée et plurielle qui aborde des objets aussi différents que le langage, la littérature, la poésie, la traduction, GOETHE, BAUDELAIRIEN, PROUST, Berlin-Paris, la peinture, l'architecture, la photographie, le cinéma... Dans une perspective tour à tour théologique, philosophique, sociologique et critique, sans que l'on sache lequel de ces points de vue domine l'acuité de son regard. Tout analyse doit donc éviter d'en trahir la singularité. 

Il faut constater que l'art occupe dans ses investigations, comme le fait Rudy STEINMETZ, "C'est essentiellement, écrit-il, à travers lui, dans la prise en compte des métamorphoses engendrées par la "modernité" (Marc JIMENEZ, Walter Benjamin et l'expérience esthétique, Qu'est-ce que l'esthétique?, Paris, Gallimard, 1997), qu'il tentera de comprendre le mouvement plus général de transformation qui bouleverse la société toute entière à l'heure du capitalisme. Sous cet angle, il est légitime, à la suite de Rainer Rochlitz (Présentation de Walter Benjamin, dans Oeuvres I, Gallimard, 2000), de distinguer deux grandes périodes scandant l'esthétique benjaminienne : une période spiritualiste ou théologie-métaphysique, qui s'achève aux alentours du milieu des années vingt, durant laquelle la question de l'origine du langage, du rôle de l'oeuvre littéraire et le problème de la traduction monopolisent toute l'attention du philosophe, et une période sociologie-matérialiste, frappé au sceau du marxisme, où il s'efforcera de saisir l'impact des nouvelles technologies (la photographie, le phonographe, le cinéma) et des innovations culturelles (la presse, l'urbanisme...) sur le statut traditionnel de l'art à la charnière des XIXe et XXe siècles."

  Dans une réflexion sur le langage adamique (en référence à l'Ancien Testament) et le langage littéraire, Welter BENJAMIN se livre à une interrogation sur la finalité de l'oeuvre d'art. Instrument de transmission? Instrument de communication? L'oeuvre littéraire, auparavant conçue comme transmission de la parole de Dieu, et elle l'est dans sa première période de chercheur, dépasse le clivage sujet-objet auquel KANT a réduit - à tort selon lui - notre expérience afin de fonder sa théorie de la connaissance sur le modèle de la physique mathématique qui prévalait au siècle des Lumières. Dans son étude d'A la recherche du temps perdu, de PROUST, dont il met en chantier avec Franz HESSEL la traduction en allemand, il considère qu'une telle oeuvre constitue une tentative de ressaisir le sens véritable de l'expérience appauvrie par le développement de l'industrie capitaliste qui modifie considérablement le regard et les attentes de l'homme devant le monde. A la recherche du temps perdu est d'ailleurs l'une des dernières tentatives de le faire. Le déclin de l'aura de l'oeuvre d'art est significatif de la modernité. Ce déclin est le thème le plus récurrent de ses textes d'après 1930. Tout dans la technique, de la retouche à la reproduction, conduit à un détachement de l'oeuvre d'une aura dont il décrit les trois traits remarquables : l'adéquation du moyen artistique à son modèle, l'adhérence de la présence de celui-ci dans la trame iconique de celle-là, la sacralisation du modèle due aux contraintes technique inhérentes à la photographie des premières années. Toutes les "améliorations techniques" constituent des altérations, croissantes d'ailleurs avec le temps dans la modernité, de cette aura. Walter BEJAMIN ne va pas beaucoup plus loin. On a une certaine difficulté, à la lecture de ses dernières oeuvres notamment, à voir quelles conséquences BENJAMIN tire d'un tel constat. 

"D'un côté, explique encore Rudy STEINMETZ, la mise à mal de la valeur d'authenticité de l'art ébranle l'assise théologique de la théorie esthétique de Benjamin, choc dont on perçoit les secousses jusque dans la période marxiste. La disparition de l'aura signe, dans une perspective hégélienne à laquelle il n'est pas loin de souscrire, la disparition du grand art, c'est-à-dire de l'art sacré dont le processus de sécularisation dans le "culte de la beauté" est entamé depuis la Renaissance. (...) D'un autre côté, la substitution de la "valeur d'exposition" de l'art à sa "valeur cultuelle" prend l'allure d'une régénération. Elle le transmue en une valeur culturelle à même d'être offerte à l'appréciation d'un public toujours plus vaste. S'il y a un risque de voir part rabaissé à n'être rien d'autre qu'un bien de consommation (...) ce risque est aussi une chance. Chance de mutation de sa fonction théologique en une fonction sociale." Existe également une fonction de distraction et une fonction de propagande, thème qu'il développe surtout pour le cinéma. Il reste pour l'art une tâche émancipatrice qui peut être résumée par cette formule qu'il écrit en 1938 : à "l'esthétisation de la politique que pratique le fascisme", "le communisme (...) répond par la politisation de l'art" (Oeuvres III, L'oeuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique).

     

       Chryssoula KAMBAS, dans un texte Esthétique et interprétation chez Walter BENJAMIN, estime que "dans les premiers travaux de "germaniste" de Walter Benjamin, la question de l'interprétation n'est abordée que de façon implicite, et, plus précisément, dans les concepts très personnels de sa "philosophie de l'art". Celle-ci se réfère à un modèle scientifique qui, en 1915, est relativement nouveau : la Geistesgeschichte, tout d'abord pour s'en réclamer, puis pour très vite se démarquer de l'acception qu'a ce terme chez Friedrich Gundolf.

La terminologie de la philosophie de l'art de Benjamin permet de réfléchir sur la structure temporelle des oeuvres littéraires, l'historicité des textes, les problèmes de la lecture historique, ainsi que sur la philologie comme base de l'histoire littéraire. Peter Szondi, lorsqu'il s'en prend dans les années 1960 à la persistance de l'interprétation immanente, tout en ayant recours à l'herméneutique contre des topiques purement formelles, se réfère à la philosophie de l'art de Benjamin. Ce n'est pas sa théorie de l'interprétation relue par Szondi, qui a éveillé l'intérêt pour Benjamin, mais, y compris dans l'Université, l'aspect essayiste de son oeuvre, sous une forme vulgarisée."

 

Rudy STEINNMETZ, Benjamin : les mutations de l'art, L'esthétique dans la mouvance de l'école de Francfort, dans Esthétique et philosophie de l'art, L'Atelier d'esthétique, de boeck, 2014. Chryssoula KAMBAS, Esthétique et interprétation chez Walter Benjamin, Revue germaniste internationale, n°8, 1997 (numéro sur la Théorie de la littérature). 

 

ARTUS

 

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