Considéré par BLIN et CHALIAND comme l'équivalent de la conduite d'un siège sur terre, le blocus maritime est avant tout une arme économique de temps de paix ou de guerre. Instrument de guerre économique, le blocus peut être utilisé de manière non officielle, dès le temps de paix, en prévision d'opérations plus "musclées". Le blocus est déjà plus "musclé" qu'un boycott économique et est plutôt utilisé par des Etats, quoique des actions très ponctuelles à but près précis peuvent avoir lieu sous la direction d'associations ou de groupements de population...
Son champ d'action est beaucoup pulsante que celui d'un siège traditionnel. Il peut être effectué contre un port mais aussi conte un pays entier.
Il existe deux types de blocus : naval/utilitaire et économique/commercial. le blocus naval tactique 'ou fermé) a pour but d'isoler le port et d'empêcher l'ennemi de naviguer. le blocus naval stratégique (ou ouvert) permet une certaine liberté de mouvement à l'adversaire, soit par obligation, soit par choix.
Traditionnellement, le blocus fermé fut la tactique la plus courante, depuis l'Antiquité jusqu'en XIXe siècle et aussi la plus contraignante. L'apparition des mines, des sous-marins, des torpilles, puis des avions a contribué à rendre le blocus naval tactique de plus en plus difficile à organiser. Combiné avec un blocus commercial qui pousse l'adversaire à prendre la mer et à combattre, le blocus naval stratégique permet de garder le contrôle maritime et de vaincre l'adversaire beaucoup plus rapidement s'il décide de sortir du port. C'est pourquoi le blocus stratégique est parfois préféré au blocus tactique qui empêche l'ennemi de sortir et prolonge la décision indéfiniment. L'Angleterre, avec, entre autres, l'amiral NELSON, pratique cette stratégie avec succès. Mais c'est aussi la strige la plus risquée car l'ennemi peut, une fois en mer, gagner la bataille. En tout état de cause, le blocus naval réclame des forces supérieures à celle des assiégés et il n'est pas en soit suffisant pour gagner une guerre. Son objectif est limité, même s'il est essentiel. le blocus naval prépare le terrain pour que soit accomplie la décision finale ayant lieu généralement sur terre et éventuellement sur mer (mais au cours d'un affrontement). Son but est avant tout d'affaiblir l'ennemi et, si possible, de la paralyser, mais non pas de l'anéantir.
Le blocus économique ou commercial a pour but d'isoler économiquement un adversaire de manière à éliminer toutes ses relations commerciales avec l'extérieur. Une nation isolée de cette manière est capable d'importer les denrées dont elle a besoin ou d'exporter celles qu'elle produit ou qu'elle possède (l'exemple classique est le blocus continental imposé par NAPOLÉON BONAPARTE contre la Grande-Bretagne). L'industrialisation du monde moderne, la dépendance en ressources énergétiques et l'internationalisation de l'économie rendent pratiquement impossible l'autosuffisance au niveau national. Le blocus économique est donc un moyen efficace pour isoler et affaiblir une nation. Néanmoins, c'est une stratégie qui est difficile à exercer de manière absolue, et dont, surtout, les effets ne se font ressentir qu'au terme d'une longue période. Le blocus économique est utilisé par temps de paix comme un instrument indirect pour affaiblir l'adversaire économiquement, moyen qui fait partie d'une stratégie globale comprenant aussi les instruments politiques, diplomatiques et militaires (BLIN et CHALIAND).
Si des doctrines du blocus considèrent la vulnérabilité des nations via leur propre commerce international, cette même internationalisation de l'économie oblige pour l'efficacité du blocus de s'assurer la maitrise des mers proches et même de l'espace aérien proche. De plus, le phénomène déjà constaté lors des mises en place de blocus dans l'histoire d'une montée du commerce clandestin, s'amplifie considérablement à l'époque moderne et contemporaine. Ces activités de contrebandes (très variées d'ailleurs...) mettent en grand danger toute tentative de blocus et sont même difficiles à démanteler après la fin des hostilités. Déjà le blocus napoléonien avait échoué à cause de cela et le blocus de Berlin à la fin les années 1940 échoua également à cause de la non maitrise de l'espace aérien par les Soviétiques (qui par ailleurs ne désiraient pas transformer la guerre froide en guerre chaude...)
Claude LACHAUX rappelle que le mot "blocus" vient du néerlandais Blockhuis et qu'il désigne "investissement d'une ville, d'un port, d'une position fortifiée, pour couper toute communication entre le lieu bloqué et le dehors" (Dictionnaire Larousse). Pour les juristes, c'est une "opération de guerre maritime par laquelle les forces navales d'un belligérant interceptent les communications avec une portion de littoral occupé par l'ennemi" (J-P. COT, Encyclopedia Universalis, 1993).
Comme d'autres lois de la guerre, la notion de blocus a fait l'objet de nombreuses interprétations et difficultés juridiques..L'un des problèmes à résoudre est celui de l'"effectivité" du blocus. En l'absence de règles, le risque est qu'une puissance déclare bloquer les ports d'un territoire ennemi par un simple ordre donné à sa marine de guerre, mais sans disposer des moyens requis pour exercer un véritable blocus. De même, liée à cette notion d'effectivité, la publicité apparaît tout autant nécessaire.
Les exemples de blocus sont innombrables et sans doute aussi ancien que la marine. Au cours des deux guerres mondiales, le recours au blocus a joué un rôle non négligeable dans la conduite des hostilités. La France qui avait créé au début de la Première Guerre Mondiale un "ministère du Blocus et des régions libérées", institua de nouveau en 1939 un "ministère du Blocus ". Avec l'Angleterre qui avait elle-même institué un ministère du Blocus, on tenta de coordonner les actions par le truchement de la "Mission de guerre économique" placé auprès de l'Ambassade de France à Londres. "Avec l'aide de la flotte anglaise, nous faisons le blocus de l'Allemagne, qui, privée de matières premières, de pétrole, etc., va s'asphyxier lentement", espérait Paul REYNAUD. Les mesures de blocus comportaient deux aspects : un aspects "défensif" (arraisonnement de navires et visites de cargaisons) et un aspects "positif" (achats de produits pour que l'Allemagne ne les obtienne pas), mais ce second volet du blocus ne fut abordé qu'avec "hésitation" (J.-B. DUROSELLE, L'Abîme (1939-1945), Imprimerie Nationale, 1982). Plusieurs autres projets furent envisagés, notamment ceux consistant à couper la route du fer et la route du pétrole.
Les moyens utilisés pour tourner les blocus ou les rendre inopérants peuvent faire appel aux techniques les plus modernes. Au pire moment de la guerre froide, les Soviétiques bloquent tout accès à Berlin. En réponse à ce blocus, les Anglo-Américains instituèrent un "pont aérien" qui permit, du 24 juin 1948 au 12 mai 1949,soit pendant 322 jours, de livrer aux Berlinois près de 2 millions et demi de tonnes de marchandises au cours de quelque 275 000 vols.
Depuis 1945, en plus des blocus décidés par une seule grande puissance contre une plus petite (Etats-Unis contre Cuba) sont apparus des blocus "pacifiques" (J-P. COT) rendus possibles par les dispositions de la Charte (Chapitre VII) des Nations unies. En plusieurs circonstances, le Conseil de sécurité a autorisé le recours au blocus, mais avec des fortunes diverses. Si le long blocus (1966-1975) du port de Beira au Mozambique pour couper la Rhodésie de son approvisionnement en pétrole fut un succès, on ne peut en dire autant du blocus imposé à la Serbie pour la priver de son alimentation en produits de base (1992). L'appréciation de l'efficacité des blocus est plus que délicate, car ceux-ci sont souvent tournés, voire franchement violés. (Claude LACHAUX).
Une des conséquences du blocus est la tentative du pays privé de ressources importées est de mettre sur pied des alternatives internes. Ainsi, l'Allemagne pendant la Seconde Guerre Mondiale, privée de ses apports extérieurs en caoutchouc, mis sur pied un industrie chimique du caoutchouc synthétique qui lui permit de poursuivre malgré tout ses opérations militaires.
Dans son exposé sur la stratégie maritime classique, Hervé COUTEAU-BÉGARIE aborde le blocus commercial. La guerre des communications, explique t-il, n'est naturellement pas seulement défensive pour la puissance dominante, elle est agilement offensive avec la mise en oeuvre d'un blocus commercial qui complète le blocus de la force organisée. Les deux sont évidemment liée mais pas au point d'être indiscernables. Le blocus de la force organisée repose sur la concentration de la flotte pour faire face à une sortie de la flotte adverse basée dans quelques grands ports. le trafic commercial est, au contraire, disséminé dans de multiples portes dont la surveillance simultanée est difficile, sinon impossible, ce qui permet au plus faible de faire passer des foreurs de blocus. Jusqu'en 1810 au moins, les ports de commerce français ont connu un trafic résiduel.Durant la guerre de Sécession, les foreurs de blocus confédérés ont contribué, de manière non négligeable, à l'approvisionnement des Etats du Sud. Durant la Seconde Guerre Mondiale, des navires rapides ont assuré la liaison entre l'Allemagne et le Japon jusqu'en 1943. Ces foreurs de blocus ne transportent que des quantités infimes, mais il s'agit de matières stratégiques de valeur très élevée.
Hervé COUTEAU-BÉGARIE, encore, décrit le blocus comme forme militaire dans la stratégie maritime classique.
Lorsque le parti le plus faible refuse la bataille et s'enferme dans ses ports, la puissance navale dominante a le choix entre deux stratégies :
- ne pas l'empêcher de sortir, dans l'espoir de provoquer une bataille décisive (stratégie de NELSON) ;
- le bloquer plus ou moins étroitement de manière qu'il ne puisse s'échapper sans être immédiatement repéré et suivi (stratégie de JERVIS devant Brest).
C'est généralement cette deuxième stratégie qui est adoptée car le risque est grand qu'une force qui s'est échappée ne commette des dégâts considérables avant d'être retrouvée et rattrapée. Le blocus est dit ouvert lorsqu'il est pratiqué à grande distance des côtes adverses ; il est dit fermé lorsqu'il est maintenu à proximité immédiate des ports adverses. L'Angleterre a monté de grands blocus continus contre les ports français durant la guerre de Sept Ans et durant les guerres de la Révolution et de l'Empire, avec des résultats incontestables. Le parti bloqué, constamment surveillé, hésite à sortir car il sait n'avoir que de faibles chances de s'échapper. Son immobilisation entraine un amoindrissement inéluctable de sa capacité combattante : cela s'est vérifié tant pour la marine française après Trafalgar que pour la flotte allemande durant le Première Guerre Mondiale.
A l'époque moderne, avec le perfectionnement des moyens défensifs (champ de mines, torpilleurs, sous-marins), le blocus fermé a cédé la place au blocus ouvert, le progrès des moyens de détection et de surveillance (radar, avion) permettant de compenser le handicap résultant de l'éloignement. La Royal Navy abandonne officiellement le blocus rapproché dans les années 1895-1900. Cette remise en cause doctrinale entraîne la ruine du plan de Tirpitz entièrement fondé sur l'idée que la flotte britannique viendrait chercher la flotte allemande à proximité immédiate de ses côtes, là où elle pourrait livrer bataille dans les conditions les plus favorables.
Hervé COUTEAU-BÉGARIE, Traité de stratégie, Economica/ISC, 2002. Claude LACHAUX Blocus, dans Dictionnaire de stratégie, PUF, 2000. Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016.
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