Ban KI-MOON (né en 1944), diplomate et homme politique sud-coréen, est le huitième secrétaire général de l'ONU, pour deux mandats, pendant 10 ans ou presque (9 ans, 11 mois et 30 jours...). Précédemment ministre des affaires étrangères et du commerce de son pays de 2004 à 2006, il débute sa carrière diplomatique avec un premier poste à New Delhi en Inde. En 1978, nommé premier secrétaire de la mission sud-coréenne auprès de l'ONU, il devient en 1980 directeur du bureau des Nations unies au ministère des affaires étrangères sur-coréen (jusqu'en 1983). En 1996, il devient conseiller à la sécurité nationale du président sud-coréen Kim YOUNG-SAN. En 2001-2002, il est président de l'Assemblée générale des Nations unies.
Elu par acclamation secrétaire général de l'ONU, il se caractérise par sa discrétion et son manque de charisme. Très diplomate, il brille surtout par sa capacité à éluder les questions sensibles. Après des décennies d'hostilité des Etats-Unis, avec un secrétaire général d'un pays allié, la super-puissance retrouve une certaine considération pour une organisation internationale qui devient discrète, à un point qu'on a pu qualifier Ban KI-MOON de promoteur d'une "diplomatie discrète".... Mais sa "diplomatie" se révèle dans l'ensemble aux yeux de beaucoup d'observateurs et de pays membres beaucoup trop favorable aux Etats-Unis (ménagement dans l'affaire de l'Irak, mansuétude sur la peine d mort en vigueur dans de nombreux Etats...). Cependant, d'autres aspects sont plus positifs, dès le premier mandat : beaucoup de femmes ont été nommées à des postes importants à l'ONU, il a joué un rôle majeur pour convaincre le Soudan de permettre aux Casques bleus de pénétrer au Darfour.
Mais le secrétaire général est pris dans la tendance au népotisme et au favoritisme (beaucoup de Sud-coréens sont nommés à l'ONU) qui caractérisent bien des pays du Sud. Par ailleurs, pris dans le mouvement de diminution des dépenses qui caractérise le libéralisme ambiant, le recrutement des Casques bleus se dégrade en qualité : la majorité des casques bleu déployés par l'ONU vient de pays du Sud, vu le peu d'attractivité des salaires et traitements. Ils ne sont pas toujours bien formés et encadrés, donnant aux forces armées déployées des défauts caractéristiques des armées sans réels codes moraux (corruptions, abus sexuels) prêtant le flan à des soupçons d'inefficacités sur le terrain.
Des efforts importants sont réalisés dans le domaine du climat, domaine probablement crucial pour le devenir de l'humanité. Le réchauffement climatique est identifié par Ban KI-MOON comme un enjeu majeur de son mandat. Les sommets de Rio en 2012 et de Paris en 2015 (COP 21) apparaissent comme des avancées importantes dans la mobilisation des Etats et des entreprises. Beaucoup ont pointé en revanche l'organisation peu regardante sur le plan social des conférences sur le climat, indication certaine du peu de tonalité sociale de ses mandats.
Dès le début de son mandat, le secrétaire général poursuit les réformes de l'ONU, par exemple la division du département des opérations de maintien de la paix (DOMP) en deux départements et fusion des affaires politiques et du désarmement.
Il stagne, comme son prédécesseur, sur la réforme du Conseil de sécurité, malgré les travaux d'un groupe de travail interne à l'ONU créé en 1993, qui propose en 1996 d'ajouter cinq sièges de membres permanents, dont l'Allemagne et le Japon, et quatre sièges de membres non-permanents, afin d'accroitre sa représentativité. La situation reste bloquée, mais certains observent qu'à son époque la SDN s'était heurtée au même problème. Sans doute conviendrait-il d'abord de renforcer les moyens de l'ONU, ses capacités en termes de maintien de la paix et d'avancée dans maints domaines, plutôt que de s'affairer sur des affaires de structures internes qui mobilisent par trop certains départements de certaines chancelleries. Se focaliser sur le conseil de sécurité fait oublier que dans l'équilibre des pouvoirs entre le secrétariat permanent, l'assemblée générale et le conseil de sécurité, c'est l'assemblée générale qui apparait la plus consistante et la plus productive.
Même s'il est trop tôt pour tirer un bilan de ses deux mandats et encore plus sur l'ensemble de l'activité des Nations Unies, certains constats sont sévères. Ainsi Chloé MAUREL parle d'une paralysie de l'ONU. "En outre, dans les faits, l'ONU a échoué à imposer son arbitrage dans la plupart des conflits qui ont éclaté sur la scène internationale depuis 1945.Paralysée pendant 45 ans par la guerre froide (dont la fin, pensons-nous, permet d'ailleurs une analyse sur plusieurs décennies), elle a, à partir du début des années 1990, été court-circuitée ou instrumentalisé par les Etats-Unis devenus la seule hyper-puissance planétaire, "gendarme du monde" (ou sans doute, préférons-nous, en suivant les analyses par exemple de Alain JOXE, de "semeur de chaos"). Elle s'est révélée impuissante à faire appliquer des sanctions, et ses textes, déclarations, recommandations, conventions, résolutions, restent souvent lettre morte". Ce qui fait résonner encore plus cette critique d'ensemble, c'est l'incapacité de l'ONU de saisir l'occasion historique de la fin de la guerre froide pour organiser l'état du monde,tant au niveau politique qu'au niveau économique, mais est-ce imputable uniquement aux secrétaires généraux?
Dans un entretien accordé à Romuald SCIORA en 2008, Ban KI-MOON déclare qu'il est entré en fonctions "déterminé à rendre cette organisation plus efficace et plus transparente, donnant davantage confiance à la communauté internationale. L'humanité est confrontée à de nombreux défis auxquels il nous faut répondre à l'échelle globale, tels le changement climatique ou la crise alimentaire mondiale, et nous devons poursuivre nos efforts en vue d'atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. Je me suis engagé à réaliser ces objectifs et à faire face à ces défis en étroite coordination avec les Etats membres. Les Nations unie ont besoin d'un puissant soutien des Etats". Pour répondre à ces défis, sur lesquels il s'étend le plus dans cet entretien, il est essentiel pour lui de changer le fonctionnement de l'Organisation : "Au cours des soixante-deux dernières années, les Nations unies ont mis en place un vaste ensemble de systèmes et de structures. Certains, pourtant,se sont révélés inefficaces et contre-productifs. Je fais donc une priorité de les réformer, de sorte que l'ONU puisse réellement répondre aux besoins et aux attentes. Elle doit travailler de manière plus efficace, productive, responsable, flexible et transparente. J'ai déjà effectué certains changements, mineurs mais nécessaires. J'ai par exemple signé individuellement avec tous les directeurs une sorte d'engagement écrit afin qu'ils identifient leurs propres priorités et en soient rendus responsables à la fin de leur affectation. Cela servira à fonder une décision de renouveler leur contrat, ou non. De plus, un Bureau de la déontologie a été établi et il inclut désormais tous les fonds et programmes des Nations unies. J'ai également commencé à promouvoir la mobilité du personnel afin de la rendre plus polyvalent, multifonctionnel et efficace." Sur la fonction du secrétaire général, Ban KI-MOON précise également son point de vue : "La charte des nations unies dit que le secrétaire général est le plus haut fonctionnaire de l'Organisation, celui qui dirige l'administration, mais quand vous y regardez de plus près, vous voyez qu'il y a beaucoup de programmes qui nécessitent en réalité l'intervention directe et les capacités de commandement du secrétaire général. C'est pourquoi je pense que tout secrétaire général doit allier les qualités de secrétaire et de général. Il faut donc agir comme un PDG, ce qui ne signifie pas seulement donner des ordres. Vous devez être constamment engagé dans des négociations et faire preuve de diplomatie avec les Etats membres. J'essaie donc constamment de combiner ces divers aspects du travail de secrétaire général."
Victor-Yves GHEBALI écrit que "la nomination de Ban Ki-Moon, dont la nationalité prêtait au soupçon de proaméricanisme inconditionnel ) - la Corée du Sud est en effet protège par quelques 40 000 soldats américains -, et dont le profil bas contrastait avec le charisme de Kofi Annan, fut généralement accueillie avec réserve, pour ne pas dire avec scepticisme, par la presse internationale. Le huitième en date des secrétaires généraux de l'ONU inaugura d'ailleurs son mandat par une bévue de taille : le jour de son entrée en fonction, il déclara (au sujet de la pendaison du dictateur irakien Saddam Hussein) que la peine capitale relevait de la volonté de chaque Etat souverain, oblitérant ainsi - par maladresse, conviction ou réflexe conformiste d'un haut fonctionnaire dont le pays appliquait la peine de mort - la position doctrinale de l'ONU en la matière. Depuis lors, Ban-Ki-moon s'est évertué à dissiper les doutes concernant sa personnalité par une activité diplomatique débordante, ainsi que par des prises de position tranchées au sujet, entre autres, de la fermeture de la prison américaine de Guantanamo, du déploiement au Kosovo d'une mission de l'Union Européenne, de la réélection frauduleuse du dictateur Robert Mugabe au Zimbabwe en juin 2008, ou de l'opération Aube de l'Odyssée en Libye en mars 2011.
Dans le cadre d'une feuille de route pour 2015 sans grande originalité (renforcement de la capacité de l'ONU à gérer les conflits affectant la sécurité internationale, concrétisation des "objectifs du millénaire pour le développement" et amélioration de la protection des droits de l'homme), Ban Ki-moon a assigné à son action en tant que secrétaire général trois priorités majeures respectivement liés à la réforme du secrétariat, au réchauffement climatique et au conflit du Darfour. Sur la base de normes déontologiques privilégiant "la transparence, l'efficacité et la responsabilité" (et, parallèlement, l'accroissement de la mobilité et de la polyvalence du personnel onusien), la première priorité vise à "restaurer la confiance des gouvernements" éprouvée par le scandale du programme irakien Pétrole contre nourriture - objectif louable, mais qui fait abstraction de l'élément essentiel du problème : la responsabilité des Etats, grands comme petits, dans la crise de crédibilité de l'ONU. S'agissant de la deuxième priorité, Ban Ki-moon n'hésite pas à qualifier le réchauffement de la planète de "plus grand défi du XXIème siècle" et de considérer qu'un tel défi place le monde "au bord de la catastrophe". En conséquence, il plaide en faveur de l'ouverture de négociations, comportant un calendrier ainsi qu'une date butoir, destinées à réactualiser et renforcer les engagements du Protocole de Kyoto de 1997 sur les changements climatiques - instrument devant expirer en 2012. Malheureusement, au stade actuel, peu de pays paraissent disposés à accepter des réductions significatives de leurs émissions de gaz à effet de serre, ce qu'a bien montré la XVème conférence sur les changements climatiques tenue à Copenhague en décembre 2009. Quant au règlement du conflit du Darfour qui a causé près de 300 000 morts et déplacé 2,7 millions de personnes, cette priorité est non moins problématique que les précédentes en raison de la multitude des factions en présence, des difficultés rencontrées par les 20 000 casques bleus de la Minuad pour faire respecter un ces-le-feu, enfin de la mauvaise volonté du gouvernement soudanais qui bénéficie du soutien diplomatique de certains pays comme la Chine.
Il convient de rappeler que le secrétaire général de l'ONU est bien davantage que le chef d'une administration internationale. L'article 99 de la Charte des Nations Unies l'autorise à attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire susceptible de compromettre la paix et la sécurité internationales. Autrement dit, il est habilité à se manifester comme un "général" (aussi bien que comme simple "secrétaire") censé pouvoir exprimer une vision oecuménique de l'ONU et même résister aux pressions des Etats. Pour espérer voir renouveler son mandat en 2012, Bean Ki-moon doit ainsi démontrer qu'il est à la hauteur de ce que le premier détenteur de la fonction, Trygve Lie (1946-1952), avait crument estimé être le métier le plus difficile du monde, "the world's most impossible job"."
Entretien de Romuald SCIORA avec Ban KI-MOON, dans l'ONU dans le nouveau désordre mondial, Les éditions de l'atelier/Les éditions ouvrières, 2015. Chloé MAUREL, Une brève histoire de l'ONU au fil de ses dirigeants, éditions du croquant, 2017. Victor-Yves GHEBALI, Ban Ki-moon, dans Encyclopedia Universalis.
PAXUS
Complété le 5 Août 2017.