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21 avril 2017 5 21 /04 /avril /2017 06:30

  Alors que la plupart des ouvrages sur l'histoire met en avant avant tout les rivalités des Etats , leurs jeux géopolitiques, dans le cours de événements, l'ouvrage du chercheur à l'institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) revient une nouvelle fois sur les guerres économiques. La guerre économique est une très vieille histoire et sans doute dans l'entrechevêtrements des conflits, les motifs économiques des guerres jouent un rôle central dans les diverses déflagrations meurtrières. Alors qu'on met surtout en évidence tous les motifs  religieux, stratégiques, politiques des guerres, il semble bien, malgré toute la difficulté d'enquêter finement sur ce phénomène (l'identification des acteurs prenant du temps et de l'énergie bien plus que pour le décorticage des organigrammes officiels des Etats), que les motifs économiques occupent une place majeure toujours minorée. Que ce soit en temps de guerre ou en temps de paix, les conflits tout au long de l'histoire trouvent très souvent leurs origines dans des différends économiques, qu'ils soient triviaux comme la recherche de nourriture ou de femmes, ou plus sophistiqués comme le contrôle des ressources minières et énergétiques. Derrière les chefs d'Etat, les rois, la soldatesque diverse et variée, les marchands, les financiers de toute sorte jouent souvent un rôle moteur pour précipiter les conflits ou à l'inverse, mais ce n'est pas l'objet de ce livre, pour les atténuer. Notre époque historique est propice, alors que s'affaiblissent les Etats et leurs motivations, à la révision de certains postulats concernant les causes des guerre, à savoir les intérêts territoriaux d'entités géographiques. Si les Etats prennent les rênes dès que l'ampleur des entreprises dépasse les capacités de cités ou de puissances marchandes, il n'est pas sûr que le fond des motivations change énormément. Lors des grandes découvertes, Portugais, Espagnols, Hollandais, Anglais et Français se livrent de terribles batailles pour s'emparer des épices des nouveaux mondes. Mais quels acteurs sont principalement à l'affût de ces richesses? Les compagnies maritimes jouent sans doute un rôle clef dans l'expansion de l'Occident et c'est ce rôle que ce livre éclaircit de manière bienvenue. 

Comme l'écrit l'auteur, "tout change et rien ne change". "Des guerres préhistoriques à la surveillance économique de masse de la NSA, écrit-il, dans le fond, peu de choses ont changé. Seule la forme évolue, à travers les méthodes et les armes utilisées dans ces éternelles guerres économiques. L'homme protège ses moyens de subsistance et cherche à s'emparer de ceux de ses congénères. Au Néolithique, les échanges n'existent pas, seule la violence permet aux uns de voler les surplus des autres et/ou de la chasser des territoires les plus fertiles. Durant l'Antiquité, les hommes règlent leurs querelles commerciales à coup de ruses, de secrets et de mensonges. Au Moyen-Age, les marchands prennent le pouvoir. Nul besoin d'un Etat pour se regrouper, il suffit de quelques grandes villes pour former une ligue commerciale capable d'imposer ses privilèges, d'organiser un blocus économique et même de faire la guerre à tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Avec les grandes découvertes, les cités ne font plus le poids ; elles ne sont pas taillées pour les marchés lointains des nouveaux mondes. Seuls des Etats, dans une compétition économique qui se mondialise, sont en mesure de relever ces nouveaux défis. Comment? En pratiquant le commerce au bout du canon. (...).  La guerre est totale, certes, mais son acmé n'est pas pour ce siècle. Il faut attendre le Blocus continental de Napoléon au début du XIXème siècle et, surtout, les fronts économiques ouverts pendant les deux guerres mondiales du XXème pour qu'elle atteigne son paroxysme. Et encore, l'intensité se mesure ici au nombre de morts et de blessés, à l'extrême souffrance des populations civiles privées des ressources les plus élémentaires à leur survie. Mais que dire de la sophistication des armes et les méthodes de guerre économique qu'engendre notre XXIème siècle? Manipulation à grande échelle, autointoxication, cyberespionnage, contrefaçon de masse, cambriolage, OPA hostile... Certes, en Occident le sang coule moins, mais les dégâts infligés aux populations du Nord comme du Sud brisent des milliards de vies, ce qui sera considéré au mieux comme un dommage collatéral, au pis comme l'élimination des déchets d'une compétition économique unique. (...)".

Ali LAÏDA s'interroge dans sa conclusion sur le peu d'études réalisées sur le concept de guerre économique. il y voit trois raisons, le soupçon de sympathiser avec des thèmes marxistes considérés comme relevant du passé et de l'échec, la fable du coup commerce et ma prétention que les échanges sont régis par les lois du marché, qui plus encore sont supportés dans des systèmes juridiques qui se veulent rigoureux et contraignants. C'est d'ailleurs au nom d'un "régulation" interne du jeu économique que l'on refuse encore le rôle d'arbitre aux Etats et aux organisations internationales non commerciales...

 

Ali LAÏDA, Histoire mondiale de la guerre économique, Perrin, 2016, 575 pages.

 

Cette première synthèse sur la guerre économique démontre l'enracinement des conflits économiques dans l'histoire. A l'évidence, l'auteur ne souscrit guère à la théorie du "doux commerce" et indique que les meneurs de ce commerce n'hésite pas à employer les moyens les plus guerriers pour parvenir à leur fin. Et jusque-là, ce n'est pas le principe de "libre concurrence" inscrit dans le gène de l'Europe libérale qui va nous convaincre du contraire...

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