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29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 08:26

      Très loin des analyses un peu simplistes sur la Chine, comme terre à la fois de l'économie capitalisme et de la dictature communiste, l'ouvrage du citoyen de la République populaire de Chine, résidant à Hong Kong, procure une vision assez complexe de sa situation.

Il montre entre autres qu'il n'y a pas vraiment lutte entre une bourgeoisie d'affaires et un régime oppressif au plan politique et vigilant sur le plan économique. Pour le dire crûment, AU LOONG YU considère que le Parti Communiste Chinois (PCC), du moins ses instances dirigeantes du niveau national au  niveau local EST la bourgeoisie. C'est à travers une analyse marxiste de la bureaucratie, provenant en grande partie en ligne directe des réflexions de Léon TROTSKY, que cet auteur, Membre du comité de rédaction de la China Labor Net, militant de la "justice globale", nous expose la situation actuelle. 

    AU LOONG YU reprend l'histoire de l'émergence de la Chine, sur les transformations politiques et économiques des dernières années et attire notre attention, comme le note dans une préface Patrick LE TRÉHONDAT, sur les modifications de la force de travail chinoise qui pourrait constituer à terme de redoutables problèmes pour ses exploiteurs chinois ou étrangers. Urbanisation massive, baisse du pourcentage de la population active, modification de la composition de cette force du travail (part massive des migrants devant celle des campagnes), Changements idéologiques majeurs, Multiplication des luttes - parfois sanglantes - qui mêlent revendications salariales et d'organisation du travail et préoccupations grandissantes face à une dantesque dégradation de l'environnement, tout cela est pris en compte par cet auteur, qui, données butes et faits à l'appui, dessine les contours d'une Chine largement inconnue du public.

   Contre certaines analyses très biaisées courantes dans le monde anglo-saxon et malheureusement reprises en compte par des médias français mal informés ou tendancieux, l'auteur aborde successivement la montée de la Chine et de ses contradictions, les relations entre travailleurs et entreprises d'État dans ce pays, l'histoire de la résistance ouvrière de 1989 à 2009 et les nouveaux signes d'espoir selon lui, d'autant de résistances.

Rare parmi les intellectuels chinois, il aborde également la question du Tibet, sans tomber dans l'écueil anti-religieux ou pro-religieux que l'activité du Delaï Lama suscite souvent ni dans la tendance en Chine à considérer qu'il s'agit d'une province comme une autre. Pour l'émancipation du peuple tibétain, il estime que les problèmes - y compris le problème de la place du religieux et des hiérarchies ancestrales est d'abord le problème des tibétains, et que la manière dont il peut se résoudre, même si elle ne plait pas - et également aux intellectuels chinois eux-mêmes, reste d'abord leur affaire.

   L'apport de l'auteur à la connaissance de la Chine est doublement intéressant, même triplement : d'abord parce qu'il replace l'histoire politique et économique dans un contexte peu connu des Occidentaux de manière générale, ensuite parce qu'il approfondit l'analyse de système politique chinois comme bureaucratie bourgeoise dotée de nombreuses contradictions au sommet de l'État ; et aussi parce qu'il met à notre disposition des faits - notamment ceux ayant traits aux luttes ouvrières - occultés par les autorités chinoises. A ce dernier propos, il estime que "les expériences évoquées ici montrent qu'en Chine, la résistance peut aboutir à des changements limités. Les victoires immédiates, qui permettent d'empêcher une privatisation, d'obtenir de meilleures conditions de travail ou encore de limiter la destruction de l'environnement, sont importantes. Ce qui est également important, c'est que de telles victoires puissent inspirer d'autres mouvements et qu'elles aient une influence pour que ceux-ci trouvent eux aussi une issue victorieuse comme l'illustre l'influence qu'ont eu les sidérurgistes de Tonghua, les ouvriers de Honda et les habitants de Wukan sur d'autres combats.

Les formes prises par cette résistance montrent également que la nouvelle génération est de plus en plus audacieuse. Malgré son échelle modeste, la tentative des travailleurs de Pepsi Cola de coordonner leur action est un élément notable. Même si de telles coordinations avaient été envisagées dans le passé, la crainte des conséquences avait été dissuasive.

Enfin, que les jeunes travailleurs de Honda aient proclamé qu'ils agissaient au nom des intérêts de toute la classe travailleuse chinoise indique que cette nouvelle génération, libérée de la terrible défaite de 1989, a la capacité de voir au-delà de ses intérêts immédiats pour s'identifier à des préoccupations plus larges. Même si ces signes sont encore aujourd'hui limités, ils nous donnent une raison de ne pas abandonner tout espoir."

 

AU LOONG YU, La Chine, Un capitalisme bureaucratique, Forces et faiblesses, Avant-propos de Patrick Le TRÉHONDAT, Editions Syllepse, 2013.

 

Relu le 26 février 2022

 

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