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21 novembre 2015 6 21 /11 /novembre /2015 09:17

    La globalisation s'impose autant dans les domaines économiques que militaires. Les deux coordinateurs de cet ensemble d'études, produites à l'occasion d'un colloque tenu à Sciences Po Aix les 30-31 mai et 1 juin 2012, estiment que "historiquement, cette densification des réseaux de dépendances s'est caractérisée par l'affirmation des normes, des techniques et des représentations des sociétés dites occidentales. Les analyses de la globalisation se sont cependant surtout attachées à mettre en lumière les facteurs économiques comme éléments structurants de l'expansion occidentale.

Respectivement maitre de conférences HDR Cherpa-Sciences Po Aix et directeur des études à la section moderne et contemporaine à l'École française de Rome, les coordinateurs de ce colloque croisent plusieurs études dans une perspective transdisciplinaires aujourd'hui pour beaucoup la règle dans les études de défense ou plus largement des questions de sécurité.

         Le terme de globalisation a ainsi tendance à désigner, dans certains courants de pensée, non seulement le processus d'intensification des échanges commerciaux et culturels, mais aussi une supposée convergence des formes de gouvernance vers la généralisation des principes démocratiques et la pacification des relations internationales, dans la lignée des théories économiques de Montesquieu ou Adam Smith. Les effets "doux commerce" mondialisé marquerait-ils donc, après les violences des expansions impériales, puis les guerres mondiales et enfin les conflits de décolonisation, la fin ou la transformation des pratiques militaires, désormais réduites à des opérations de maintien de l'ordre. Inversement, le développement des appareils militaires des États au cours des deux siècles précédents a pu être vu comme la conséquence de concurrences économiques accrues, qui nécessitaient un contrôle toujours plus ample des matières premières et des marchés.

Dans les deux cas, ces deux méta-récits ont en commun de placer la focale de l'analyse moins sur les agents de ces transformations que sur l'économie, prise comme un tout doté de sa logique propre. Dès lors, les armées sont souvent étudiées comme de simples instruments au service de cette expansion, à partir de l'étude de la force de frappe et du potentiel technologique, mettant en avant la puissance des armées européennes et nord-américaines sur le long terme. A cela s'est ajouté jusqu'il y a peu en France une approche demeurée très centrée sur les études de défense, avec, par conséquence, un fort cloisonnement national. L'historiographie française n'a que tardivement pris en compte les approches culturelles ou anthropologiques." Pour les auteurs, l'enjeu est de "proposer une relecture de la place et du rôle des forces armées dans le processus de consolidation des États nations et d'expansion impériale, puis dans celui des nouvelles stratégies de projection militaire et de guerres périphériques qui naissent avec la Guerre froide, avant que la diffusion des conflits asymétriques ne conduisent à repenser leur usage à la fin du XXe siècle."

        Les auteurs des contributions s'interrogent sur les changements majeurs dans les pratique militaires et les rapports entre territoires et sociétés en Europe, depuis le modèle de guerre révolutionnaire issue de la Révolution française, à travers les guerres napoléoniennes, les deux guerres mondiales, les guerres coloniales et anti-coloniales, puis la Guerre froide, pour effectuer pour certains d'entre eux des projections sur l'avenir, notamment dans le nouveau contexte de globalisation. Chacun dans son domaine historique, c'est des perspectives sociologiques qui sont tracées et des questionnements posés sur, par exemple, une uniformisation des pratiques de combat, les manières d'administrer et de contrôler des territoires et des populations, les formes de circulations, transferts et formations au sein des armées considérées comme espaces de reformulation des normes culturelles... Au delà de la diversité des expériences, "se pose la question de l'existence d'une culture militaire commune", en tenant compte de l'apport de nombreux courants historiques et de sciences humaines. 

    Pour ce qui concerne les méthodes de combat dans la globalisation, on note entre autres les contributions de Bernard GAINOT (Historiographie de la "totalisation " de la guerre et de ses mutations dans le champ colonial au tournant XVIII-XIXe siècles), de Julie Le GAC (Guerres d'Afrique et guerres d'Europe : le recours aux goums lors de la campagne d'Italie) et de François COCHET (Les évolutions des armes du fantassin et les dangers perçus du champ de bataille de 1870 à nos jours). Sont analysés de plus les implications de la guerre des Boers (Fabrice SERODES), du modèle de contre-insurrection algérien et de sa transposition en Afghanistan (Jean-Charles JAUFFRET) et du génie au combat en Afghanistan (Christophe LAFAYE).

      Pour ce qui est de la globalisation et de l'élaboration de pratiques militaires normées, des éclairages sont opérés par les contributions de Nicolas CADET (Du corsetage à la libération des corps, l'évolution des uniformes militaires européens du Congrès de Vienne au Second Empire), de Claire MIOT (Rentrer dans le rang? L'intégration des combattants issus de la Résistance intérieure dans la Première Armée française (1944-1945)), de Hervé MAZUREL (Grecs et philhellènes, le choc des cultures combattantes,19821-1930), de Patrick PUIGMAL (l'internationale napoléonienne au service des indépendances de l'Amérique Latine - 1830-1935), de Hubert HEYRIÈS (les garibaldiens, vecteurs de la globalisation spatio-temporelle et d'acculturation politico-militaire, 1843-1945) et de Elic TENEBAUM (Marginalité militaire et circulation des savoirs stratégiques, le cas de la contre-insurrection pendant la guerre froide).

         Sur la globalisation, administration militaire et transferts culturels, on lit les contributions de Luc CHANTRE (Contrôle maritime des flux de pèlerinages à la Mecque), Patrick LOUVIER (Les puissances européennes et la crise crétoise de février-mars 1897), Hanh-Kieu Florence NGUYEN (Dominer et administrer : le cas des tirailleurs annamites durant les années 1830), Aurélien LIGNEREUX (Des artisans et des produits de la globalisation impériale : les gendarmes dans les départements annexés (1796-1814)), Camille EVRARD (De l'armée coloniale à l'armée nationale en Mauritanie - Transmission, nature du leg et pertinence) et de Arthur BANGA (Le rôle des conseillers militaires français dans l'élaboration de l'outil de défense ivoirienne de 1960 à 1980). 

      Même si les contributions paraissent éclatées (éclairage large dans le temps oblige), la constitution d'une manière de penser les pratiques militaires qui ne soient pas cloisonnées dans les différents ensembles nationaux ni même régionaux, et qui prend en compte le contenu d'une globalisation pas uniquement économique (et peut-être n'est-ce pas cette forme qui dominera dans le futur) ne peut qu'aider à comprendre les évolutions dans le monde militaire et au-delà. On parle suffisamment dans ce blog de militarisations, sous ses formes multiples, pour que ce livre mérite notre attention. 

 

Sous la direction de Walter BRUYÈRE-OSTELLS et François DUMASY, Pratiques militaires et globalisation, XIXe-XXIe siècles, Bernard Giovanangeli Editeur, 2014.

 

Relu le 10 février 2022

Note : une fois que les gesticulations militaires et diplomatiques de la crise russo-urkrannienne et des menaces de guerre (Poutine sera t-il le Hitler d'une troisième guerre mondiale? oserions-nous...) seront passées, on pourra évaluer cette convergence mondiale des pratiques militaires...

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